Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 116 IA 295



116 Ia 295

46. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 12 juin 1990
dans la cause Ligue suisse des droits de l'homme (section vaudoise),
Association de défense des prisonniers de Suisse, G. et T. contre Grand
Conseil du canton de Vaud (recours de droit public) Regeste

    Rechtsschutz des Untersuchungshäftlings gemäss waadtländischem Recht.

    1. Waadtländer Vorschriften über die Verhaftung und die
Untersuchungshaft; Änderungen durch das Gesetz vom 22. Mai 1989. Die
Rechte des Untersuchungshäftlings sind durch die Aufhebung der periodischen
Kontrolle der Haftvoraussetzungen durch die Anklagekammer nicht geschmälert
worden; sie sind im Gegenteil insofern ausgebaut worden, als der Häftling
jederzeit seine Haftentlassung verlangen und gegen den abweisenden
Entscheid rekurrieren kann (E. 3).

    2. Recht des Häftlings, ausdrücklich darüber informiert zu werden,
dass jederzeit ein Haftentlassungsgesuch gestellt werden kann (E. 4c)?

    3. Eine Bestimmung, wonach der Untersuchungshäftling sich mit einem
Haftentlassungsgesuch zuerst an den Untersuchungsrichter wenden kann
und nicht unmittelbar an die Anklagekammer, entspricht den durch Art. 5
Ziff. 4 EMRK geschützten Interessen des Häftlings (E. 4a und b).

    4. Die Oberaufsicht der Anklagekammer stellt ein rein internes
Kontrollmittel im Justizbereich und als solches eine zusätzliche Garantie
dar, die das Gesetz dem Untersuchungshäftling gewährleistet (E. 5).

    5. Das vom kantonalen Gesetzgeber sehr weit gefasste Recht des
Untersuchungshäftlings auf einen Verteidiger erfüllt die Voraussetzungen
gemäss Art. 4 BV und 6 Ziff. 3 lit. c EMRK (E. 6).

Sachverhalt

    A.- Le 22 mai 1989, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté une
loi modifiant le code de procédure pénale du 12 septembre 1967, dont la
teneur est la suivante:

    "III Détention préventive

    1. Conditions

    Art. 59. - Le prévenu à l'égard duquel il existe des présomptions
   suffisantes de culpabilité peut être mis en détention préventive:

    1. s'il présente un danger pour la sécurité ou l'ordre publics;

    2. si sa fuite est à craindre;

    3. si sa liberté offre des inconvénients sérieux pour l'instruction.

    Dès que les motifs justifiant la détention préventive n'existent
plus, le
   juge ordonne la mise en liberté.

    Le prévenu peut en tout temps demander sa mise en liberté. Le juge lui
   rappelle ce droit par écrit, au plus tard après quatorze jours de
   détention.

    3. Contrôle

    Art. 61. - Afin de permettre au Tribunal d'accusation d'exercer
sa haute
   surveillance sur les conditions de la détention préventive et de
   contrôler l'existence de raisons la justifiant, le juge lui adresse
   un rapport circonstancié, la première fois au plus tard quatorze jours
   après l'arrestation, puis de mois en mois.

    I. Défenseur indispensable

    Art. 104. - Le prévenu doit être pourvu d'un défenseur lorsque la
   détention préventive dure depuis plus de trente jours et dans toutes
   les causes où le Ministère public intervient.

    Hormis ces cas, il peut être pourvu d'un défenseur, même contre
son gré,
   quand les besoins de la défense l'exigent, notamment pour des motifs
   tenant à sa personne ou en raison des difficultés particulières de
   la cause."

    Par la voie d'un recours de droit public, la section vaudoise de
la Ligue suisse des droits de l'homme, l'Association de défense des
prisonniers de Suisse, G. et T. ont demandé au Tribunal fédéral de dire
que le nouveau texte des art. 59 al. 3, 2e phrase, 61 et 104 al. 1 CCP
vaud. violait les art. 5 par. 4 et 6 par. 3 CEDH, ainsi que leur liberté
personnelle et leur droit d'être entendus, garantis respectivement par
le droit constitutionnel non écrit et par l'art. 4 Cst. Ils ont conclu
en outre à l'annulation de ces dispositions, le Tribunal fédéral devant
ordonner au canton de Vaud de modifier la loi attaquée dans un sens
conforme au droit conventionnel et constitutionnel.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours, dans la mesure où il était
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) L'arrestation et la détention d'un prévenu sont réglementées,
en droit vaudois, par les art. 56 à 82 du code de procédure pénale du 12
septembre 1967 (CPP). Aux termes de ces dispositions, le prévenu peut
être arrêté lorsqu'il est pris en flagrant délit ou lorsqu'il existe
contre lui des présomptions suffisantes de culpabilité. Hormis le cas
de flagrant délit et les situations d'urgence, l'arrestation en vue
de détention préventive ne peut être exécutée qu'en vertu d'un mandat
d'arrêt décerné par le juge. La détention préventive n'est ordonnée que
si le prévenu constitue un danger pour la sécurité ou l'ordre publics,
si sa fuite est à craindre ou si sa liberté présente des inconvénients
sérieux pour l'instruction. Le juge doit libérer provisoirement le prévenu
dès que les motifs justifiant sa détention n'existent plus (art. 56 à
60). La décision ordonnant la détention préventive et celle refusant la
mise en liberté provisoire doivent être notifiées par écrit au prévenu
avec mention du recours qu'il peut exercer contre elles dans les dix
jours dès cette modification (art. 81, 295 let. b, 300 et 301 al. 1).
Au lieu d'incarcérer le prévenu dont il craint qu'il ne s'enfuie ou ne se
soustraie à son action, le juge peut se borner à exiger de lui des sûretés
suffisantes; celles-ci sont libérées lorsque la fuite du prévenu n'est plus
à craindre ou lorsqu'il a donné suite à toutes les réquisitions du juge
(art. 69 et 75). Indépendamment de sa compétence d'autorité de recours,
le Tribunal d'accusation exerce une haute surveillance sur les mesures
privatives de liberté prises par le juge d'instruction (art. 82).

    b) Avant la novelle du 22 mai 1989, ces dispositions ne prévoyaient
pas expressément le droit du prévenu - consacré par la pratique cantonale
- de demander en tout temps sa mise en liberté; elles n'exigeaient donc
pas du juge qu'il lui rappelle l'existence de ce droit. En outre, le
prévenu devait être pourvu d'un défenseur dans toutes les causes où le
Ministère public intervenait; en dehors de ces cas, il pouvait être pourvu
d'un défenseur, même contre son gré, quand les besoins de la défense
le commandaient, notamment pour des motifs tenant à sa personne ou en
raison de difficultés particulières de la cause (art. 104 anc.). L'art. 61
anc. limitait à 14 jours la durée de la détention préventive, sous réserve
de prolongations, d'un mois chacune au maximum, que le juge d'instruction
pouvait ordonner après y avoir été autorisé par le Tribunal d'accusation.

    Saisi d'un recours de droit public dirigé contre une mesure de
prolongation de la détention préventive adoptée sur la base de l'ancien
art. 61 CPP, le Tribunal fédéral a considéré qu'une telle mesure
constituait une décision susceptible d'être attaquée par la voie d'un
recours de droit public pour violation de la liberté personnelle ou de
l'art. 5 CEDH. Cette décision devait donc être motivée et communiquée au
prévenu, pour que celui-ci ait la possibilité de s'exprimer avant que sa
détention ne soit prolongée. Dans la mesure où le prévenu avait en tout
temps la possibilité de demander sa mise en liberté, il suffisait à la
régularité de la procédure de prolongation périodique de la détention que
le prévenu pût s'exprimer à ce sujet par écrit, soit dans le cadre d'une
procédure de recours auprès d'une autorité ayant une cognition illimitée,
soit devant l'autorité de décision elle-même, soit devant l'autorité
inférieure qui demandait l'autorisation de prolonger la détention (ATF
114 Ia 281 ss).

    c) En vertu des nouvelles dispositions cantonales de procédure pénale,
le prévenu a le droit de demander en tout temps sa mise en liberté,
droit que le juge lui rappelle par écrit au plus tard après 14 jours de
détention (art. 59 al. 3). Si le système de la prolongation périodique de
la détention préventive a été abandonné, la haute surveillance du Tribunal
d'accusation a été maintenue. Le juge doit d'office adresser à cette
autorité un rapport circonstancié, la première fois au plus tard 14 jours
après l'arrestation, puis de mois en mois (art. 61). Le nouvel art. 104
prescrit l'obligation de pourvoir le prévenu d'un défenseur non seulement
dans les causes où le Ministère public intervient, mais aussi lorsque
la détention préventive dure depuis plus de 30 jours. L'ancien al. 2 de
l'art. 104, qui donnait au juge la possibilité de pourvoir le prévenu
d'un défenseur, même contre son gré, dans tous les cas où les besoins
de la défense l'exigeaient, a été maintenu sans changement. Le droit de
recours du prévenu contre toute décision d'incarcération ou de maintien
en détention est demeuré inchangé conformément à l'art. 295 let. b CPP.

    Les droits de la personne détenue préventivement n'ont donc pas été
réduits par la suppression du contrôle périodique de la détention. Ils
ont au contraire été accrus dans la mesure où le prévenu, qui doit
obligatoirement être pourvu d'un défenseur d'office si la détention se
prolonge, peut demander en tout temps sa mise en liberté et recourir contre
une décision la lui refusant, cela indépendamment du contrôle d'office des
conditions et de la durée de la détention par l'autorité de surveillance
(Rapport de la commission, Bulletin des séances du Grand Conseil du canton
de Vaud 1989, p. 369).

Erwägung 4

    4.- Les recourants soutiennent en premier lieu que le nouvel art. 59
al. 3, 2e phrase, CPP viole l'art. 5 par. 4 CEDH. La demande de mise
en liberté devrait pouvoir être adressée par le prévenu directement
au Tribunal d'accusation, car le juge d'instruction, qui ne ferait que
réexaminer une mesure privative de liberté qu'il a ordonnée, n'aurait pas
l'indépendance requise. Il ne serait en outre pas admissible que le juge
puisse attendre 14 jours pour "rappeler" au prévenu son droit de demander
à un tribunal sa mise en liberté.

    a) Selon l'art. 5 par. 4 CEDH, toute personne privée de sa liberté
par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant
un tribunal, afin que celui-ci statue à bref délai sur la légalité de sa
détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. Cette
demande doit être examinée par une instance judiciaire disposant
d'un pouvoir d'examen effectif, à bref délai et selon une procédure
contradictoire qui garantisse le droit d'être entendu (ATF 114 Ia 85 ss,
185 consid. 3b et arrêts cités). La notion conventionnelle du "bref délai"
n'est pas un concept abstrait. Elle doit s'apprécier à la lumière des
circonstances particulières de chaque espèce. Il n'est en tout cas pas
admissible d'attendre plusieurs semaines (par exemple 31, 41, 46, 51 ou
53 jours) avant de se prononcer sur une demande de mise en liberté (arrêt
Sanchez de la Cour européenne des droits de l'homme du 21 octobre 1986,
série A, vol. 107 par. 55-61; ATF 114 Ia 92 consid. 5c; arrêt non publié
Wenger du 28 septembre 1989, consid. 4d). En outre, le détenu ne saurait
être empêché de demander à un tribunal sa mise en liberté pendant les 6,
7 ou 11 premiers jours de sa détention (arrêt du 22 mai 1984 de la Cour
européenne des droits de l'homme en la cause de Jong, Baljet et van den
Brink, série A, vol. 77, par. 58; ATF 115 Ia 62).

    Le droit du prévenu de demander sa mise en liberté implique par
ailleurs celui de répondre à la prise de position de l'autorité de
répression sur ce point, indépendamment de la question de savoir si
cette prise de position contient ou non de nouveaux arguments (ATF 115
Ia 301 consid. b et les arrêts cités). On ne saurait davantage priver
le défenseur du prévenu du droit de prendre connaissance d'éléments du
dossier pendant les 30 premiers jours de la détention préventive (arrêt
Lamy du 30 mars 1989, Cour EDH Publications série A, vol. 151).

    b) La réglementation litigieuse est différente de la réglementation
zurichoise dont le Tribunal fédéral a constaté l'inconstitutionnalité
dans un arrêt sur lequel les recourants s'appuient fortement (ATF 115
Ia 56 ss). Elle est, d'une part, plus large puisqu'elle confère au
prévenu le droit de demander en tout temps sa mise en liberté et de
saisir immédiatement le Tribunal d'accusation en cas de refus (art. 295
let. b CPP), alors que dans le cas zurichois à juger, le prévenu devait
attendre au moins 14 jours avant de pouvoir obtenir un contrôle judiciaire
des conditions de sa détention. D'autre part, en droit vaudois, le juge
d'instruction auquel la demande de mise en liberté doit être adressée
est un magistrat de l'ordre judiciaire élu par le Tribunal cantonal
en vertu des art. 2 et 8 de la loi d'organisation judiciaire du 12
décembre 1979; il a donc les qualités exigées par l'art. 5 par. 4 CEDH.
La jurisprudence ne s'oppose pas, du reste, à ce que la demande soit
traitée d'abord par un organe administratif (arrêt non publié Wenger du 28
septembre 1989, consid. 4d/cc; arrêt Sanchez-Reisse du 21 octobre 1986,
Cour EDH Publications série A, vol. 107). Sans doute, puisque le juge
d'instruction veille d'office, en vertu de l'art. 59 al. 2 CPP, à ce que la
détention préventive cesse dès le moment où les motifs qui la justifient
n'existent plus, on eût pu concevoir que la demande de mise en liberté
soit adressée directement au Tribunal d'accusation comme le souhaitent les
recourants. Le système choisi n'est cependant pas critiquable; il paraît
même plus favorable au prévenu. Les recourants perdent en effet de vue
que la procédure qu'ils souhaitent serait nécessairement contradictoire,
comme l'est aujourd'hui la procédure de recours devant le Tribunal
d'accusation. Le juge d'instruction serait naturellement appelé à se
prononcer sur le bien-fondé de la demande de mise en liberté, ce qui
aurait pour effet de prolonger la procédure. Il est donc conforme aux
intérêts du prévenu, protégés par l'art. 5 par. 4 CEDH, de lui permettre
de s'adresser au juge d'instruction qui, si la demande est fondée, peut
ordonner immédiatement sa libération. En cas d'échec de sa requête, le
prévenu bénéficie en outre de deux instances judiciaires, ce qui est une
assurance complémentaire du respect des garanties qui lui sont offertes
soit par le droit conventionnel, soit par le droit constitutionnel
non écrit. Certes, la mise en oeuvre d'une décision de libération par
le juge d'instruction peut être retardée par un recours du Ministère
public sur la base de l'art. 295 let. b CPP. En vertu de l'art. 303, 2e
phrase de ce même code, le recours n'a cependant pas d'effet suspensif,
à moins que le juge d'instruction n'en décide autrement. Dans tous les
cas, la procédure de mise en liberté doit être menée promptement et rien
dans le texte critiqué n'empêche les autorités cantonales d'agir avec la
diligence voulue pour que la procédure respecte les conditions de rapidité
posées par l'art. 5 par. 4 CEDH.

    c) Dans l'état de son interprétation par les juridictions européennes,
l'art. 5 par. 4 CEDH n'exige pas que le prévenu soit informé expressément
de son droit de demander en tout temps sa mise en liberté.

    Ce droit à l'information est institué dans quelques législations
cantonales de procédure pénale (BE 118; UR 114; AI 58 al. 2, 2e phrase;
GE 41 al. 1 let. c; JU 119). Il n'est pas nécessaire, en l'espèce,
de dire si un tel droit peut être déduit de la liberté personnelle
garantie par le droit constitutionnel non écrit, et cela à partir de
cette considération que la possibilité de demander la mise en liberté peut
être dans certains cas illusoire si le prévenu n'en est pas informé, par
exemple quand il s'agit de détenus étrangers. L'art. 59 al. 3, 2e phrase,
CPP, oblige en effet le juge d'instruction à rappeler l'existence de ce
droit. Il est vrai que cette obligation n'existe qu'après 14 jours de
détention. La formulation adoptée n'est peut-être pas heureuse et paraît
être une réminiscence du système de la prolongation périodique qui a
été abandonné. A vrai dire, lors de la fixation du délai en question,
l'on a voulu tenir compte des garanties offertes au prévenu au moment de
son arrestation, à savoir en particulier la mention obligatoire, dans le
mandat d'arrêt à lui signifié, de son droit de recourir dans les 10 jours
au Tribunal d'accusation (art. 300 et 301 al. 1 CPP; cf. Rapport de la
commission, Bulletin des séances du Grand Conseil, p. 370). La rédaction
de la disposition litigieuse ne permet donc pas de nourrir des craintes
quant à l'institution d'une sorte de délai de garde à vue de 14 jours
qui serait manifestement contraire à la liberté personnelle garantie par
le droit constitutionnel non écrit. Dans une note du 17 juillet 1989,
le juge d'instruction cantonal a du reste invité les juges d'instruction
à faire apposer, sur les formulaires des mandats d'arrêt, l'indication -
par le moyen d'un timbre humide ou en caractères gras de machine à écrire
- que le prévenu peut demander en tout temps sa mise en liberté. La note
précise que les formulaires officiels seront modifiés en ce sens une fois
le stock actuel épuisé.

Erwägung 5

    5.- Les recourants soutiennent en outre que le système de la "haute
surveillance" institué à l'art. 61 de la novelle a été prévu pour empêcher
que la prolongation de la détention préventive bénéficie des garanties
de la procédure contradictoire qu'offrent au prévenu les art. 5 par. 4,
6 par. 3 let. a CEDH et 4 Cst. Cette surveillance d'office par le Tribunal
d'accusation ne respecterait pas le droit d'être entendu du prévenu.

    a) L'art. 6 par. 3 let. a CEDH donne à tout accusé le droit d'être
informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une
manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée
contre lui. Du point de vue du droit à l'audition, ce texte conventionnel
ne confère pas à l'intéressé des garanties supérieures à celles dont il
peut se prévaloir sur la base de l'art. 4 Cst. (arrêt non publié Malé du
13 septembre 1988 consid. 2). Le grief tiré d'une violation de l'art. 6
par. 3 let. a CEDH n'a donc pas en l'espèce de portée propre.

    Le droit d'être entendu déduit directement de l'art. 4 Cst. comporte
le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit
prise à son détriment, de fournir des preuves quant aux faits de nature
à influer sur le sort de la décision, de participer à l'administration
des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos
(ATF 115 Ia 11 consid. 2b, 114 Ia 99 consid. 2a et arrêts cités).

    b) La haute surveillance instituée à l'art. 82 CPP, dont la disposition
critiquée règle l'exercice par le Tribunal d'accusation, est un contrôle
purement interne du fonctionnement de l'appareil judiciaire. Elle permet
au Tribunal d'accusation de s'assurer que la détention est justifiée et
que le juge d'instruction conduit l'enquête avec diligence. Elle s'exerce
d'office en tout temps, mais le nouveau droit exige du juge d'instruction
qu'il fasse rapport périodiquement sur la détention des prévenus placés
sous sa juridiction. Cette obligation de rapporter périodiquement est
calquée sur la procédure de prolongation de la détention préventive qui
a été abandonnée après que le Tribunal fédéral eut constaté qu'elle ne
respectait pas suffisamment le droit d'être entendu du prévenu. L'abandon
de ce système n'a, comme on l'a vu, pas restreint les droits du prévenu
en détention préventive. Dans le nouveau système, la haute surveillance
du Tribunal d'accusation est au contraire un complément aux garanties que
l'art. 59 CPP offre au prévenu en détention. Celui-ci a, on le rappelle,
le droit de recourir en toute connaissance de cause contre son arrestation
et sa mise en détention préventive, ainsi que celui de demander en tout
temps sa mise en liberté, une décision défavorable pouvant être déférée
au Tribunal d'accusation. La surveillance d'office de cette autorité
pourra jouer un rôle dans les cas où le prévenu ne se plaint pas d'un
maintien en détention injustifié à ses yeux. La solution retenue est de
toute évidence compatible avec l'art. 5 par. 4 CEDH. L'argumentation des
recourants se fonde d'ailleurs essentiellement sur l'arrêt du Tribunal
fédéral du 6 octobre 1988 (ATF 114 Ia 281) qui a conduit les autorités
cantonales à modifier leur législation. Or, les solutions nouvelles
ébauchées dans cet arrêt se situaient dans le cadre du système alors
en vigueur de la prolongation périodique de la détention. Ce système
ayant été abandonné au profit d'un autre qui se défend tout aussi bien,
le grief de violation de l'art. 4 Cst. s'avère dénué de toute pertinence.

Erwägung 6

    6.- Les recourants prétendent enfin que l'art. 104 al. 1 CPP viole
l'art. 6 par. 3 let. c CEDH dans la mesure où il ne prévoit l'obligation
de désigner un défenseur d'office au prévenu qu'après le 30e jour de la
détention préventive. Ils estiment que cette mesure devrait être prise
"au moment de la première prolongation de la détention préventive, soit
après 14 jours".

    a) L'art. 6 par. 3 let. c CEDH donne à tout accusé le droit de se
défendre lui-même ou d'avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et,
s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, de pouvoir être assisté
gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice
l'exigent. Ces garanties ont pour objet de rendre la défense concrète et
effective en raison du rôle éminent que le droit à un procès équitable joue
dans la société démocratique (arrêts de la Cour européenne des droits de
l'homme Pakelli du 25 avril 1983, série A, vol. 64 par. 31 et Artico du
13 mai 1980, série A, vol. 37 par. 33). La disposition conventionnelle
précitée ne dit pas si le droit d'être assisté d'un défenseur doit être
garanti dès la phase de l'instruction; la Commission européenne des droits
de l'homme a cependant considéré que le défenseur de l'accusé doit pouvoir
contrôler les actes du juge d'instruction, notamment en ce qui concerne
les conditions de la détention préventive (THÉO VOGLER, Internationaler
EMRK Kommentar, No 503 ad art. 6 CEDH n. 1).

    Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'inculpé a le droit de
se faire désigner un défenseur d'office lorsqu'il ne s'agit pas d'un cas
de peu d'importance et que l'affaire présente des difficultés de fait ou
de droit dont l'appréciation dépasse les capacités de l'inculpé. Cette
mesure est indispensable lorsque l'accusé est menacé d'une peine qui
ne peut être assortie du sursis (ATF 113 Ia 221/222 consid. 3b, 111 Ia
83 consid. 2c et arrêts cités). Le défenseur ainsi désigné a le droit
de conférer librement avec son client (ATF 111 Ia 347 ss consid. 3d);
en cas de défense obligatoire, la tenue de l'audience en l'absence
de l'avocat constitue dans tous les cas une violation des droits de
la défense (ATF 113 Ia 223). Le Tribunal fédéral a jugé aussi qu'une
disposition du droit cantonal qui place dans le pouvoir d'appréciation
du fonctionnaire ou du magistrat chargé de l'instruction l'admission du
défenseur à l'interrogatoire du prévenu est conforme à la Constitution
(ATF 104 Ia 17 ss). Il a affirmé que dans les cas graves ou difficiles,
l'art. 4 Cst. confère un droit à l'assistance judiciaire gratuite dès le
stade de l'instruction (ATF 111 Ia 81 ss), sans toutefois dire qu'il en
va ainsi dès l'instant où une personne est placée en détention préventive
(voir à ce propos les avis opposés de MARTIN SCHUBARTH, Die Rechte des
Beschuldigten im Untersuchungsverfahren, besonders bei Untersuchungshaft,
Berne 1973, p. 224, et d'ARTHUR HAEFLIGER, Alle Schweizer sind vor dem
Gesetze gleich, Berne 1985, p. 174).

    b) L'art. 104 CPP modifié par la novelle du 22 mai 1989 respecte
à tout le moins ces exigences du droit conventionnel et du droit
constitutionnel. Il fait en effet obligation à l'autorité compétente de
doter le prévenu d'un défenseur, non seulement comme dans l'ancien texte,
dans toutes les causes où le Ministère public intervient, mais encore
dans tous les cas où la détention préventive dure depuis plus de 30
jours. Hormis ces cas, le prévenu peut être pourvu d'un défenseur, même
contre son gré, quand les besoins de la défense l'exigent, notamment pour
des motifs tenant à sa personne ou en raison des difficultés particulières
de la cause. Les objections des recourants s'inscrivent une nouvelle fois
dans le contexte de l'ancien système de la prolongation périodique de la
détention. Ils prétendent en effet que la désignation obligatoire d'un
défenseur d'office après 30 jours créerait une "zone grise de deux semaines
entre la première décision de prolongation de la détention préventive et
la désignation du défenseur". Ce serait là "une période où un détenu a
particulièrement besoin de défense, notamment parce que court le délai de
recours contre la première décision de prolongation, souvent décisive". Ils
se contentent pour le surplus d'affirmer que "la désignation d'un défenseur
d'office, non obligatoire mais à la demande du détenu, doit être prévue dès
le premier jour de la détention préventive". Le législateur cantonal ayant
conçu de manière très large le droit du prévenu à un défenseur, qui doit
notamment être désigné chaque fois que les besoins de la défense l'exigent,
n'a manifestement pas violé l'art. 6 par. 3 let. c CEDH, ni l'art. 4 Cst.