Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 116 IA 113



116 Ia 113

21. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 2 mars 1990
en la cause Claude et Anita Stoll c. Genève, Tribunal administratif et
Département de justice et police (recours de droit public) Regeste

    Art. 4 BV: Die vom Genfer Gesetzgeber vorgenommene Einteilung von
Betrieben zur Abgabe von Speisen und Getränken ist nicht willkürlich und
führt für sich allein zu keiner rechtsungleichen Behandlung (E. 2).

    Art. 31 Abs. 2 BV: Die vom Gesetz vorgesehene Verpflichtung, Betriebe
mit Alkoholausschankbewilligung zwischen 11 und 14 Uhr offenzuhalten,
entspricht keinem öffentlichen Interesse, soweit diese Verpflichtung
für eine Bar gilt, die über Mittag keine warmen Speisen anbietet. In
Anbetracht der persönlichen Situation der Beschwerdeführer ist diese
Verpflichtung auch unverhältnismässig (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Depuis le mois de décembre 1984, Claude et Anita Stoll exploitent
le "Bar Mexico", rue Sismondi 12, à Genève. Au bénéfice d'une autorisation
d'exploiter en qualité de gérant, Claude Stoll s'occupe de la gestion du
bar et assume tous les soirs la fonction de musicien-chanteur, tandis
que son épouse accueille la clientèle et supervise l'activité des deux
employées exerçant la fonction de barmaid.

    L'établissement est ouvert six jours par semaine, de 18 heures
jusqu'à la fermeture légale. Il n'y est pas servi de repas, mais une
petite restauration, dont s'occupe Madame Stoll.

    Le 22 décembre 1988, le Département de justice et police du canton de
Genève a informé Claude et Anita Stoll qu'à partir du 1er janvier 1989,
la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement du
17 décembre 1987 (LRDBH) et son règlement d'exécution du 31 août 1988
entreraient en vigueur en lieu et place de la loi sur les auberges,
débits de boissons et autres établissements analogues du 12 mars 1892 et
ses règlements d'application.

    Selon la nouvelle loi, le "Bar Mexico" entre dans la catégorie des
cafés-restaurants, qui constitue la catégorie principale et résiduelle des
établissements voués à la restauration et au débit de boissons. A ce titre,
il est soumis au temps d'exploitation minimal de l'art. 50 LRDBH, fixé à
10 heures par jour, et en tout cas de 11 à 14 heures et de 18 à 22 heures.

    Par lettre du 9 janvier 1989, Claude et Anita Stoll ont fait part
de leurs critiques à l'égard de l'art. 50 de la nouvelle loi, et ont
demandé à être dispensés de l'obligation qui leur était faite d'ouvrir
leur établissement entre 11 et 14 heures.

    A l'appui de leur demande les recourants invoquaient l'état de santé de
Madame Stoll qui, diabétique, dépend de l'insuline et a absolument besoin
de la présence de son mari en cas d'hypoglycémie, notamment en fin de
matinée où ses problèmes de santé sont les plus aigus. Une ouverture entre
11 et 14 heures les obligerait à engager du personnel supplémentaire et
bouleverserait complètement le fonctionnement de leur entreprise familiale.

    Le 24 janvier 1989, le Département de justice et police a refusé
la dérogation sollicitée et a imparti aux époux Stoll un délai au 1er
mars 1989 pour prendre les mesures nécessaires à l'ouverture de leur
établissement pendant les heures légales. Il relevait que la licence
d'alcool n'étant octroyée que si elle répondait à un besoin, le temps
d'exploitation minimum devait être respecté. Les requérants n'étaient
cependant pas tenus d'assurer un service de restauration chaude entre
11 et 14 heures, car celui-ci n'était exigé que pour les établissements
titulaires d'une demi-licence.

    Claude et Anita Stoll ont saisi ensuite le Tribunal administratif du
canton de Genève, en insistant sur le genre spécifique du "Bar Mexico"
et sur le fait qu'ils ne pouvaient supporter des heures d'ouverture
plus longues.

    Par arrêt du 21 juin 1989, le Tribunal administratif a rejeté le
recours, en retenant que le texte clair de l'art. 50 LRDBH ne souffrait
aucune dérogation pour des motifs non prévus par le législateur. Par
ailleurs, les intéressés ne pouvaient ni se prévaloir des raisons majeures
mentionnées à l'art. 50 al. 1 de la loi, qui ne concernaient pas les
heures d'ouverture journalières de l'alinéa 2, ni bénéficier d'éventuels
droits acquis, dont les conditions n'étaient pas remplies en l'espèce.

    Claude et Anita Stoll ont formé contre cet arrêt un recours de droit
public pour violation des art. 4 et 31 Cst.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé l'arrêt attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Les recourants estiment tout d'abord que le rattachement des
bars à la catégorie, considérée comme résiduelle, des cafés-restaurants,
violerait le principe de l'égalité de traitement et constituerait un acte
arbitraire, dans la mesure où il s'agit de deux sortes d'établissements
nettement distincts, pour lesquels la loi aurait dû prévoir une
réglementation différente.

    b) L'art. 16 LRDBH classe les établissements voués à la restauration
et au débit de boissons en 9 catégories, soit les cafés-restaurants, les
cantines, les cercles, les clubs sportifs, les pensions, les dancings, les
cabarets-dancings, les buvettes permanentes et les buvettes temporaires.

    L'art. 17 al. 1 lettre A LRDBH définit les cafés-restaurants comme
"des établissements à caractère public où sont servis à toute personne
des mets et des boissons, et qui n'entrent pas dans la définition d'une
autre catégorie d'établissements voués à la restauration et au débit de
boissons". Les définitions des différentes catégories d'établissements ne
sont toutefois que générales et relativement schématiques et n'excluent
nullement que les exploitants confèrent un style particulier et original à
leur établissement, dans les limites de la loi (voir Mémorial des séances
du Grand conseil 1985, p. 4234 et 4246; voir également Mémorial des
séances du Grand Conseil 1987, p. 6424/6425).

    c) Selon la jurisprudence, le principe de l'égalité de traitement
ne permet pas de faire, entre divers cas, des distinctions qu'aucun fait
important ne justifie ou de soumettre à un régime identique des situations
de fait qui présentent entre elles des différences importantes et de nature
à rendre nécessaire un traitement différent (ATF 112 Ia 258 consid. 4a et
les arrêts cités). On admet également qu'une réglementation viole l'art. 4
Cst. lorsqu'elle ne repose pas sur des motifs sérieux, n'a ni sens ni but,
opère des distinctions qui ne trouvent pas de justification dans les faits
à réglementer ou n'opère pas celles qui s'imposent en raison de ces faits
(ATF 114 Ia 323 consid. 3a, 111 Ia 91 consid. 3a, 110 Ia 113 consid. 2b).

    La réglementation relative à l'exploitation des cafés, restaurants
et autres établissements du même genre est du domaine des cantons qui
disposent en la matière d'un pouvoir formateur étendu (art. 31ter et
32quater Cst.). Le Tribunal fédéral n'examine donc que sous l'angle
de l'arbitraire et avec retenue la question de la classification des
établissements voués à la restauration et au débit de boissons.

    d) En l'espèce, il est constant que le législateur genevois entendait
lutter contre la prolifération des "bars à champagne" et des abus relevés
dans cette catégorie d'établissements. Il a ainsi écarté volontairement
la possibilité de créer une catégorie spéciale pour les bars, tout en
reconnaissant un caractère général à la catégorie des cafés-restaurants,
qui permettait certains aménagements en fonction du style particulier
des différents établissements.

    Dans ces circonstances, même si la façon dont le législateur a réparti
les établissements voués à la restauration et au débit de boissons peut
paraître surprenante à certains égards, la réglementation des art. 16
et 17 LRDBH n'a pas été adoptée sans motifs et n'est, comme telle, pas
insoutenable. L'absence de distinction entre les cafés-restaurants et
les bars n'est donc pas, à elle seule, constitutive d'une inégalité de
traitement ou d'un acte arbitraire. Le recours doit dès lors être rejeté
en tant qu'il porte sur l'inconstitutionnalité des art. 16 et 17 LRDBH.

Erwägung 3

    3.- a) Les recourants invoquent ensuite une violation de l'art. 31
al. 2 Cst. et soutiennent que le temps d'exploitation minimal qui leur
est imposé par l'art. 50 al. 2 LRDBH n'est pas justifié par un intérêt
public suffisant et ne respecte pas le principe de la proportionnalité.

    b) Les cantons peuvent apporter des restrictions de police au
droit d'exercer librement une activité économique (art. 31 al. 2 Cst.);
ces restrictions doivent cependant reposer sur une base légale, être
justifiées par un intérêt public prépondérant et, selon le principe de
la proportionnalité, se limiter à ce qui est nécessaire à la réalisation
des buts d'intérêt public poursuivis (ATF 115 Ia 121, 114 Ia 36; 113 Ia
40 consid. 4a et les arrêts cités).

    En l'espèce, l'art. 50 LRDBH dispose ce qui suit:

    "1 Sauf raisons majeures, les cafés-restaurants au bénéfice d'une
licence
   d'alcool doivent être exploités au moins 44 semaines par année, sous
   réserve du caractère saisonnier de l'exploitation et 4 1/2 jours
   par semaine.

    2 Ils doivent être ouverts au moins 10 heures par jour d'exploitation,
et
   en tout cas de 11 h à 14 h et de 18 h à 22 h.

    3 Le Conseil d'Etat est habilité à fixer le temps d'exploitation
minimal
   pour les établissements au bénéfice d'une demi-licence."

    c) S'agissant de l'intérêt public, le Département de justice et
police relève que les heures d'ouverture prévues à l'art. 50 al. 2
LRDBH tiennent compte des moments où traditionnellement la demande en
boissons alcoolisées est la plus forte, soit aux heures des repas. La
non-ouverture d'un établissement bénéficiant d'une licence d'alcool aux
heures indiquées fausserait l'appréciation qu'il est appelé à faire de
la notion du besoin contenue à l'art. 39 al. 1 LRDBH, en ce sens qu'il
serait paradoxal qu'une licence accordée sur la base de la clause de
besoin ne soit pas effectivement utilisée, puisque le besoin qu'elle est
censée couvrir ne le serait ainsi pas dans les faits.

    Cette argumentation n'est pas pertinente, dans la mesure où elle ne
tient pas compte de la nature de l'établissement des recourants qui ne
servent aucun repas à midi. En réalité, l'obligation d'ouverture des bars
ne servant pas de repas entre 11 et 14 heures entraîne une consommation
accrue d'alcool qui va directement à l'encontre des autres mesures prises
par le législateur en vue de lutter contre l'alcoolisme (voir, au sujet
des buts poursuivis par la loi, l'art. 2 al. 1 lettre b LRDBH). On ne voit
donc pas en quoi cette obligation, faite aux recourants d'ouvrir leur
bar en dehors des heures de fréquentation ordinaire, peut correspondre
à un intérêt public quelconque. Si une réglementation linéaire paraît
justifiée, et même souhaitable, pour les cafés-restaurants, elle est
manifestement trop rigide pour des bars qui ne servent pas de repas à
midi. Du moment que la clientèle des bars est essentiellement nocturne,
une telle réglementation revient pratiquement à nier le caractère
spécifique des bars ou à imposer leur transformation en cafés-restaurants
susceptibles de servir des repas à midi. A ce titre, l'intérêt privé des
exploitants l'emporte manifestement sur l'intérêt public à l'ouverture
des bars entre 11 et 14 heures, et cela même en faisant abstraction des
raisons personnelles invoquées par les recourants.

    d) L'obligation imposée par l'art. 50 al. 2 de la loi genevoise
apparaît également disproportionnée, dès lors qu'elle ne prévoit
aucune dérogation pour tenir compte des cas particuliers qui peuvent se
présenter. En l'espèce, les autorités cantonales se sont donc contentées
d'appliquer le texte clair de la loi, sans examiner les raisons,
pourtant pertinentes, invoquées par les recourants pour bénéficier d'une
dérogation. Or, la rigidité des heures d'ouverture de l'art. 50 al. 2
LRDBH leur imposerait des heures de travail excessives par rapport à
leur situation personnelle ou les obligerait à engager des employés
supplémentaires, ce qui serait incompatible avec le caractère familial
de leur entreprise ou le chiffre d'affaires qu'ils sont susceptibles
de réaliser entre 11 et 14 heures. De telles exigences dépassent donc
largement le but de police visé; les recourants font d'ailleurs valoir
à juste titre que leur établissement n'a jamais troublé l'ordre public,
contrairement aux abus qui ont pu être constatés dans certains bars.

    e) Il en résulte que la réglementation prévue par l'art. 50 al. 2
LRDBH viole l'art. 31 Cst. dans la mesure où elle ne répond pas à un
intérêt public suffisant et institue une exigence disproportionnée.

    Le recours doit dès lors être admis sur ce point et la décision
attaquée annulée, en tant qu'elle impose aux recourants l'obligation
d'ouvrir leur établissement entre 11 et 14 heures.