Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 115 V 11



115 V 11

3. Arrêt du 3 avril 1989 dans la cause K. contre Caisse cantonale genevoise
de compensation et Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'AVS Regeste

    Art. 1 Abs. 2 lit. a AHVG und Art. 1 AHVV, Art. 9 Abs. 3 IVG.
Der Anspruch auf Eingliederungsmassnahmen darf bei einem minderjährigen
Ausländer nicht allein darum verneint werden, weil er zusammen mit einem
Elternteil im Genusse diplomatischer Vorrechte und Befreiungen steht.

Sachverhalt

    A.- W. K., née en 1980, est la fille de R. K., de nationalité
algérienne, qui séjourne en Suisse depuis le 22 août 1975, où il exerce
une activité lucrative soumise à cotisations AVS/AI. La mère de la
fillette, F. K., possède la nationalité algérienne et celle du Sultanat
d'Oman. Traductrice depuis le 24 septembre 1979 au service d'une mission
permanente auprès des Nations Unies, à Genève, elle bénéficie à ce titre
des privilèges et immunités réservés au personnel diplomatique. Les trois
enfants de l'intéressée, dont W., jouissent du même statut, contrairement
à leur père.

    W. K. souffre de difficultés d'élocution (dysphasie). Le 2
septembre 1987, son père a requis pour elle des prestations de
l'assurance-invalidité, notamment la prise en charge d'un traitement
logopédique. Par décision du 18 janvier 1988, la Caisse cantonale
genevoise de compensation a rejeté cette demande, motif pris que la
requérante n'avait pas qualité d'assurée, parce qu'elle bénéficiait de
la même exemption de l'assurance obligatoire que sa mère.

    B.- Par jugement du 13 mai 1988, la Commission cantonale genevoise
de recours en matière d'AVS a rejeté le recours formé par le père de
W. K. contre cette décision.

    C.- W. K. interjette un recours de droit administratif contre ce
jugement, en concluant principalement à la reconnaissance de son droit
aux prestations de l'assurance-invalidité, subsidiairement au renvoi de
la cause à la juridiction cantonale pour instruction complémentaire.

    La caisse intimée conclut au rejet du recours, ce que propose également
l'Office fédéral des assurances sociales.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Aux termes de l'art. 19 al. 1 LAI, des subsides sont alloués
pour la formation scolaire spéciale des mineurs éducables mais qui,
par suite d'invalidité, ne peuvent suivre l'école publique ou dont on ne
peut attendre qu'ils la suivent. Selon l'art. 19 al. 2 LAI, ces subsides
consistent notamment (let. c) en des indemnités particulières pour des
mesures de nature pédago-thérapeutique qui sont nécessaires en plus de
l'enseignement de l'école spéciale; font notamment partie de ces mesures
les cours d'orthophonie pour les mineurs qui ont de graves difficultés
d'élocution.

    Conformément à l'art. 19 al. 3 LAI, il incombe au Conseil fédéral
d'édicter certaines règles complémentaires. Ainsi, l'art. 8 al. 1 let. c
RAI met au rang des mesures de formation scolaire spéciale, notamment, les
mesures de nature pédago-thérapeutique que l'invalidité rend nécessaires
pour compléter la formation scolaire spéciale ou pour permettre aux
mineurs de fréquenter l'école publique, telles que l'orthophonie pour
les mineurs qui ont de graves difficultés d'élocution.

Erwägung 2

    2.- Selon l'art. 6 LAI, les ressortissants suisses, les étrangers
et les apatrides ont droit aux prestations de l'assurance-invalidité,
sous réserve de l'art. 39, s'ils sont assurés lors de la survenance de
l'invalidité (al. 1). Les étrangers et les apatrides n'ont droit aux
prestations, sous réserve de l'art. 9 al. 3, qu'aussi longtemps qu'ils
conservent leur domicile civil en Suisse et que si, lors de la survenance
de l'invalidité, ils comptent au moins dix années entières de cotisations
ou quinze années ininterrompues de domicile en Suisse (al. 2).

    En ce qui concerne le droit à des mesures de réadaptation - dont font
partie les mesures de formation scolaire spéciale - en faveur des mineurs
étrangers ou apatrides, l'art. 9 al. 3 LAI dispose ce qui suit:

    "Les étrangers et apatrides, mineurs, qui ont leur domicile civil en

    Suisse, ont droit aux mesures de réadaptation s'ils remplissent
eux-mêmes
   les conditions prévues à l'art. 6, 2e alinéa, ou si:

    a. Leur père ou mère est assuré et, lorsqu'il s'agit d'étrangers ou
   d'apatrides, compte au moins dix années entières de cotisations ou
   quinze années ininterrompues de domicile civil en Suisse lors de la
   survenance de l'invalidité, et si

    b. Eux-mêmes sont nés invalides en Suisse ou, lors de la survenance de
   l'invalidité, résident en Suisse sans interruption depuis une année
   au moins ou depuis leur naissance."

Erwägung 3

    3.- a) Il est constant que la recourante, de nationalité étrangère,
bénéficie des privilèges et immunités diplomatiques dont jouit sa
mère. Elle n'est donc pas soumise à l'assurance obligatoire, en vertu
des art. 1er al. 2 let. a LAVS et 1er RAVS (en relation avec l'art. 1er
LAI). On notera à ce propos que l'extension de cette exemption aux membres
de la famille ressort, non pas de la loi, mais de l'art. 1er let. b et
c RAVS. Sur ce point, le règlement use d'une terminologie semblable à
celle de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, du 18
avril 1961 (RS 0.191.01), qui étend effectivement aux "membres de la
famille" de l'agent diplomatique l'exemption dont il est ici question
(art. 33 en liaison avec l'art. 37 ch. 1), sans toutefois préciser ce
qu'il faut entendre par là. La pratique des autorités suisses en ce
domaine est codifiée au ch. 4 d'une "Classification des ayants droit";
celle-ci figure dans une publication du Département politique fédéral
(aujourd'hui Département fédéral des affaires étrangères), datant de
juillet 1964 et intitulée "Régime des privilèges et immunités diplomatiques
en vigueur en Suisse". Il en résulte, en particulier, que les membres
des familles des ayants droit ne peuvent bénéficier des privilèges et
immunités s'ils exercent une activité lucrative (voir également BOURGNON,
Fiche juridique suisse No 831a, p. 8). C'est la raison pour laquelle le
père de la recourante, qui exerce une activité professionnelle en Suisse,
ne partage pas les privilèges et immunités de son épouse.

    b) Comme en première instance, la recourante se prévaut de l'art. 9
al. 3 LAI, en insistant sur le fait que son père est assuré, qu'il cotise
à l'AVS depuis 1975, et qu'elle réside elle-même en Suisse depuis sa
naissance. Les premiers juges, qui n'ont pas attribué une importance
décisive à ces circonstances, se sont pour leur part fondés sur un arrêt
publié dans la RCC 1968 p. 424, qui contient le passage suivant: "Les
restrictions des articles 6 et 9 LAI ne sont naturellement applicables
qu'aux personnes qui sont en principe assurables en vertu des articles 1er
LAVS et LAI. Les autres personnes étant de plano exclues de l'assurance,
la question des conditions de cette assurance ne se pose pas pour elles."

    aa) En lui-même, le texte de l'art. 9 al. 3 LAI ne prête guère à
la discussion: lorsqu'un ressortissant étranger mineur ne remplit pas
personnellement la clause d'assurance (art. 6 al. 2 LAI), il a droit
à des mesures de réadaptation, entre autres conditions, si son père ou
sa mère est assuré lors de la survenance de l'invalidité. Mais il n'est
pas indispensable, selon les termes de la loi, que le requérant possède
la qualité d'assuré, bien que son assujettissement à l'AVS découle,
indirectement et en principe, de l'exigence d'un domicile en Suisse
(art. 9 al. 3, première phrase, LAI, en corrélation avec les art. 1er
LAI et 1er al. 1 let. a LAVS).

    La préoccupation principale du législateur n'était pas, certes,
d'accorder ici une protection particulière aux enfants bénéficiant de
privilèges et d'immunités diplomatiques, en raison de l'exemption
de l'un de leur parent de l'assurance obligatoire. Le but visé
consistait, sur un plan général, à supprimer, ou du moins à réduire
très sensiblement, la durée du délai de quinze ans prévu par l'art. 6
al. 2 LAI. Car l'application des conditions légales ordinaires aurait
eu pour conséquence, la plupart du temps, que les enfants invalides
de ressortissants étrangers ou apatrides assurés eussent bénéficié de
mesures de réadaptation plusieurs années seulement après la survenance
de l'atteinte à la santé, ce qui eût gravement compromis le succès de
ces mesures. Le législateur a d'autre part tenu compte du fait que le
père et la mère de l'enfant n'ont pas nécessairement tous les deux leur
domicile en Suisse ou qu'ils ne viennent pas toujours s'y établir à la
même époque, raison pour laquelle il a estimé suffisant que l'un des
deux parents soit assuré. Cependant, pour prévenir des abus éventuels,
c'est-à-dire pour éviter que des ressortissants étrangers ne fassent venir
en Suisse leur enfant invalide aux seules fins de le faire bénéficier
de mesures de réadaptation, le droit aux prestations a été subordonné à
la condition supplémentaire que l'enfant soit né invalide en Suisse ou
que, lors de la survenance de l'invalidité, il ait résidé en Suisse sans
interruption depuis une année au moins ou depuis sa naissance (sur ces
divers points, voir: message du Conseil fédéral relatif à un projet de
loi sur l'assurance-invalidité ainsi qu'un projet de loi modifiant celle
sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 24 octobre 1958, FF 1958 II
1195 et 1284; INEICHEN, Der Rechtsanspruch auf Eingliederungsmassnahmen
nach schweizerischem Invalidenversicherungsrecht, thèse Fribourg 1966,
p. 44, note 12; DE CAPITANI, Die Voraussetzungen für den Anspruch auf
Leistungen der Invalidenversicherung, thèse Zurich 1966, p. 95).

    bb) Pour autant, si les conditions de l'art. 9 al. 3 LAI sont réunies,
on ne voit pas pour quelle raison le droit aux mesures de réadaptation
devrait être refusé à un mineur étranger au motif qu'il partage les
privilèges et immunités diplomatiques de l'un de ses parents. Comme on
l'a vu, le texte légal ne fait pas dépendre, formellement, le bénéfice
de ces mesures de l'assujettissement de l'ayant droit à l'AVS/AI.

    La systématique de la loi n'exige pas non plus un tel assujettissement.
L'art. 9 al. 3 LAI est une norme spéciale à un double titre. D'une part,
l'on s'accorde généralement pour considérer qu'elle représente, avec
l'art. 9 al. 2 LAI, une exception au principe fondamental selon lequel,
en matière d'assurance-invalidité, l'intéressé doit être assuré au
moment où l'événement dont on craint la survenance se produit (INEICHEN,
op.cit., p. 42 ss; message du Conseil fédéral, FF 1958 II 1195; à propos
de l'art. 9 al. 2 LAI, voir ATF 111 V 114 consid. 4). D'autre part, c'est
la seule règle dans le système légal - lequel ignore en principe la notion
d'assurance familiale (cf. ATF 97 V 34) - qui fait résulter le droit aux
prestations directement du lien de filiation, puisqu'il faut que le père
ou la mère soit assuré. Pour les mineurs d'origine suisse sans activité
lucrative, il suffit que l'enfant soit domicilié en Suisse; le lien de
filiation influence seulement d'une manière indirecte ce droit, car, en
règle ordinaire, le domicile des parents détermine celui de l'enfant,
conformément à l'art. 25 al. 1 CC (SPIRA, Les effets de la filiation
en droit suisse des assurances sociales, in Problèmes de droit de la
famille, Recueil de travaux publié par la Faculté de droit et des sciences
économiques de l'Université de Neuchâtel, 1987, p. 165 s.); demeure réservé
l'art. 9 al. 2 LAI, déjà mentionné, aux termes duquel les ressortissants
suisses, mineurs, qui ont leur domicile civil à l'étranger ont droit aux
mesures de réadaptation comme les assurés, à la condition qu'ils résident
en Suisse. Autrement dit, dans le contexte de l'art. 9 al. 3 LAI, c'est
le statut des parents dans l'AVS/AI qui constitue le critère décisif,
et non pas celui de l'enfant.

    c) Cela étant, l'on doit reconnaître à la recourante le droit de
se prévaloir de cette disposition légale. Dans la mesure où une telle
solution n'est pas en harmonie avec la jurisprudence de l'arrêt cité par
les premiers juges, celle-ci ne saurait être confirmée. Encore faut-il ne
pas perdre de vue qu'il s'agissait, dans cette affaire, d'un enfant dont
les deux parents étaient exemptés de l'assurance obligatoire, en raison
de privilèges et d'immunités diplomatiques, de sorte que la question de
l'application de l'art. 9 al. 3 LAI ne se posait de toute manière pas.

    La caisse intimée invoque pour sa part un arrêt non publié en la
cause V., du 7 novembre 1983. Mais cette référence n'est pas pertinente,
car le litige portait alors sur le droit à la rente d'invalidité d'un
étranger majeur, de nationalité belge, qui avait été exempté de l'assurance
obligatoire en raison du statut diplomatique de son père. Si le droit à
une rente ordinaire a été dénié au requérant, c'est parce qu'il n'était
pas assuré au moment de la survenance de l'invalidité. L'intéressé ne
pouvait pas non plus prétendre une rente extraordinaire, car les années
visées par son exemption n'entraient pas dans le calcul de la période de
résidence ininterrompue en Suisse (cinq ans), exigée par la convention
de sécurité sociale entre la Suisse et la Belgique.

    d) Vu ce qui précède, la recourante peut en principe prétendre des
mesures de réadaptation malgré son exemption de l'AVS/AI. Il s'impose
donc de renvoyer la cause à l'administration pour qu'elle vérifie si
toutes les conditions du droit à de telles mesures sont remplies.