Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 115 IV 31



115 IV 31

6. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 3 avril 1989 dans
la cause A. c. Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité)
Regeste

    Art. 148 StGB. Betrug.

    Wer seine Forderung durch eine andere Person einziehen lässt, weil
er befürchtet, dass er selbst vom Schuldner nicht befriedigt würde,
begeht schon mangels Vermögensschädigung keinen Betrug.

Sachverhalt

    A.- En date du 20 mars 1984, le Fonds vaudois du théâtre dramatique
a alloué au théâtre X., lequel était exploité par A.,une subvention de
100'000 francs pour la saison 1984-1985.

    Après avoir obtenu le versement d'un acompte de 60'000 francs dans
les derniers mois de 1984, A. a fait parvenir le 10 juillet 1985 au
président du Fonds vaudois du théâtre dramatique un décompte de 56'793
francs représentant les dépenses assumées et les dettes contractées en
vue de la réalisation d'un spectacle.

    Le Fonds vaudois du théâtre dramatique s'est alors adressé à
la fiduciaire s'occupant du théâtre X. et a reçu une confirmation
approximative des engagements assumés par A., duquel il n'avait jamais
pu obtenir des comptes détaillés. Sur la base de cette indication, le
fonds a accepté de payer en faveur de A. 39'895 francs correspondant aux
salaires dus au personnel du théâtre et devant être versés directement
aux employés concernés.

    Ainsi, B. a reçu à ce titre la somme de 5'325 francs dont il a
rétrocédé 4'200 francs à C., collaboratrice et maîtresse de A., en été
1985. En effet, B. avait déjà perçu à concurrence de 4'200 francs le
salaire lui revenant.

    Interrogé le 9 septembre 1985 par la police, A. a déclaré ne pas
s'être fait adresser directement la somme déjà versée à B. parce qu'il
était convaincu que le directeur du Fonds ne lui aurait jamais payé le
salaire revenant à ce collaborateur.

    B.- A raison de ces faits, il a été reproché à A. d'avoir commis une
escroquerie au détriment du Fonds vaudois du théâtre dramatique, lequel
a renoncé à déposer plainte.

    En outre, A. a été inculpé pour d'autres infractions.

    C.- Le Tribunal correctionnel du district de Lausanne a en définitive
reconnu A. coupable d'escroquerie et d'induction de la justice en erreur.

    L'accusé a été condamné à la peine de 6 mois d'emprisonnement (sous
déduction de 36 jours de détention préventive) avec sursis pendant
trois ans.

    La Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a
partiellement admis, sur un point étranger à l'escroquerie, le recours
formé par l'intéressé contre le jugement de la première instance.

    D.- A. a saisi le Tribunal fédéral d'un pourvoi en nullité.

    Le recourant a conclu à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi
de la cause à l'autorité cantonale afin qu'elle l'acquitte de la prévention
notamment d'escroquerie.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) L'escroquerie réprimée par l'art. 148 al. 1 CP suppose
nécessairement un dommage causé au patrimoine d'autrui par le fait d'une
tromperie (cf. LOGOZ, Commentaire du code pénal suisse, partie spéciale
vol. I, p. 150).

    Dès lors, les éléments constitutifs de cette infraction sont, sur le
plan objectif, la tromperie astucieuse (par affirmations mensongères,
par dissimulation de faits vrais, ou par exploitation d'une erreur),
l'erreur de la personne trompée, le fait que cette erreur détermine la
personne trompée à des actes de disposition de son patrimoine ou de celui
d'un tiers - Vermögensverfügung -, la lésion dommageable du patrimoine -
Vermögensschaden, acte préjudiciable au patrimoine -; un lien de causalité
entre tous ces éléments est nécessaire, ainsi que, sur le plan subjectif,
le dessein d'enrichissement illégitime et l'intention (ATF 101 IV 117
consid. 1c).

    Dans cette perspective, les actes d'appropriation de l'auteur
de l'infraction n'appartiennent pas aux éléments constitutifs de
l'escroquerie, l'infraction n'étant réalisée que par les seuls agissements
de la victime elle-même (ATF 101 IV 119).

    Du point de vue du préjudice, il faut que le lésé subisse une
diminution objective de son patrimoine (ATF 82 IV 90 consid. 2, 76 IV 96)
par le fait qu'il a accompli un acte de disposition en se dessaisissant
par exemple d'une somme d'argent (ATF 80 IV 157/158).

    b) Dans le cas particulier, il appert que le Fonds vaudois du théâtre
dramatique a alloué à A. une subvention de 100'000 francs pour la saison
1984-1985 et qu'à l'époque des faits il lui était dû un solde de 40'000
francs.

    En d'autres termes, A. bénéficiait de la qualité de créancier à
concurrence de ce dernier montant.

    Cela étant, sur la base des indications données par A., le Fonds
vaudois du théâtre dramatique a décidé d'affecter la somme de 39'895
francs au paiement des salaires dus au personnel du théâtre X. dont
faisait partie B. et il a été payé à ce dernier la somme de 5'325 francs.

    Comme il avait perçu des avances de salaire à concurrence de 4'200
francs, B. a rétrocédé cette somme au recourant, soit plus exactement
à la collaboratrice de ce dernier.

    En présence d'un salaire effectivement dû à cet employé, ce qui est
constant et non contesté, le Fonds vaudois du théâtre dramatique n'a
pas été amené à commettre par le fait de A. un acte préjudiciable à ses
intérêts pécuniaires.

    En effet, le versement effectué en faveur de B. est intervenu solvendi
causa en exécution de l'engagement assumé par ledit fonds d'allouer une
subvention au théâtre X.

    Le Fonds vaudois du théâtre dramatique ayant ainsi exécuté son
obligation avec l'accord du recourant, ce dernier ne pouvait dès lors
plus lui réclamer quoi que ce soit sur la base de la subvention considérée.

    Dans ce contexte, le fait que B. avait déjà reçu des avances de
salaire est sans aucune incidence par rapport à l'obligation incombant
au Fonds vaudois du théâtre dramatique qui a pris l'engagement de verser
les salaires dus au personnel du théâtre, s'agissant d'un arrangement
interne n'intéressant que A. et son employé et dépourvu de tout effet
en ce qui concerne l'étendue de l'obligation assumée par ledit fonds.

    De même, il est sans importance à cet égard que les 4'200 francs
déjà perçus par B. aient été remboursés au recourant par les soins de
cet employé, plutôt que d'avoir été "directement rétrocédés" par le Fonds
vaudois du théâtre dramatique à A., le résultat comptable étant le même
dans l'une ou l'autre de ces deux hypothèses.

    Certes, le recourant savait que le Fonds vaudois du théâtre dramatique
entendait se libérer de son obligation en versant au personnel du théâtre
lui-même les sommes allouées en vertu de la subvention et qu'un paiement
de celle-ci en mains de l'employeur n'aurait pas été agréé par le débiteur.

    Cependant, cet aspect des choses ne pouvait jouer aucun rôle, étant
donné que le Fonds vaudois du théâtre dramatique n'aurait en tout état
pas été exposé à payer un montant supérieur à celui qu'il devait sur la
base de la subvention déjà allouée.

    Enfin, comme cela a déjà été rappelé ci-dessus, l'appropriation
ultérieure par A. des fonds versés à B. à concurrence de 4'200 francs
ne peut constituer l'un des aspects de l'escroquerie que les autorités
cantonales ont imputée au recourant.

    En conséquence, l'un des éléments objectifs de l'infraction, soit
l'existence d'un préjudice, faisait défaut, de sorte que l'autorité
cantonale a retenu à tort que A. s'était rendu coupable d'escroquerie.