Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 115 IV 167



115 IV 167

38. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 29 novembre
1989 dans la cause M. c. Procureur général du canton de Genève (pourvoi
en nullité) Regeste

    Art. 33 Abs. 2 2. Satz StGB: Notwehrexzess, Zustand entschuldbarer
Aufregung oder Bestürzung über den Angriff.

    Wenn ein solcher Zustand in Betracht fällt, hat die kantonale Behörde
klar darzulegen, ob der Täter sich in einer Aufregung oder Bestürzung
befand oder nicht und ob diese gegebenenfalls entschuldbar war oder nicht;
beide Antworten müssen begründet werden.

    Rechtsmissbrauch.

    Namentlich in Anbetracht der Offizialmaxime liegt kein Rechtsmissbrauch
vor, wenn ein Angeklagter sich in einem Rekurs über den Wortlaut einer -
den Geschworenen unterbreiteten - Frage beschwert, den er selber redigiert
hatte (E. 4).

Sachverhalt

    A.- Le 23 avril 1986, M. a été condamné par la Cour d'assises du
canton de Genève à une peine de 4 ans de réclusion (sous déduction de 4
mois et 29 jours de détention préventive) pour meurtre commis à la suite
d'un excès de légitime défense.

    En résumé, le 22 novembre 1984 M. avait fini par tirer deux coups
de pistolet, dont l'un mortel, sur le client d'une prostituée, après
une violente bagarre et alors qu'elle paraissait sur le point d'être
étranglée par celui-ci. M. avait été engagé par la jeune femme pour
assurer sa protection. Il était détective privé.

    Statuant le 18 décembre 1986, la Cour de cassation du canton de Genève
a rejeté le recours cantonal du condamné.

    M. s'est pourvu en nullité au Tribunal fédéral. Par un arrêt du
14 avril 1987, en vertu de l'art. 277 PPF, la cour de céans a annulé la
décision cantonale du 18 décembre 1986, faute de pouvoir constater comment
la notion d'état excusable d'excitation (art. 33 al. 2 seconde phrase CP)
avait été appliquée par les instances genevoises.

    Le 4 février 1988, la Cour de cassation du canton de Genève a retourné
la procédure à la Cour d'assises pour nouvelle décision dans le sens
des considérants.

    Le 27 avril 1988, la Cour d'assises du canton de Genève a condamné M. à
une peine de 3 ans de réclusion pour meurtre commis en état de légitime
défense, dont il a toutefois outrepassé les bornes sans que cet excès
fût imputable à un état excusable d'excitation ou de saisissement.

    Le 28 juin 1989, la Cour de cassation du canton de Genève a rejeté
le recours du condamné.

    B.- M. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il demande
l'annulation de l'arrêt du 28 juin 1989, sous suite de frais et dépens.

    Il a requis et obtenu l'effet suspensif. Il a déposé une requête
d'assistance judiciaire.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Les circonstances du meurtre reproché au recourant sont telles
que l'hypothèse d'un état excusable d'excitation ou de saisissement causé
par l'attaque (art. 33 al. 2 seconde phrase CP) doit faire l'objet d'un
examen dont les conclusions ne peuvent souffrir d'aucune ambiguïté;
en effet, si l'auteur a agi dans cet état, il n'encourt aucune peine.

    Or, dans le premier verdict de la Cour d'assises du canton de Genève
(du 23 avril 1986), cette hypothèse avait été écartée sans indication
de motifs; les questions posées au jury ne permettaient pas non plus de
constater des faits et d'utiliser des critères d'appréciation propres à
fonder ou à exclure une faute ou la punissabilité considérée sous cet
angle. C'est essentiellement pour ces raisons que la cour de céans a
admis le pourvoi en application de l'art. 277 PPF (arrêt du 14 avril 1987).

    b) Ayant reçu la cause en retour, la Cour de cassation du canton de
Genève l'a renvoyée à la Cour d'assises (arrêt du 4 février 1988); elle a
spécifié que le jury devait répondre à la question de savoir si l'accusé
a agi dans un état excusable d'excitation ou de saisissement causé par
l'attaque, cette question devant préciser en fait et en droit les motifs
qui l'amèneraient à répondre par l'affirmative ou par la négative.

    Le Président de la Cour d'assises a estimé qu'il ne lui appartenait
pas de rechercher dans le dossier les faits venant à l'appui des thèses
des parties. Il leur a fixé un délai au 19 février 1988 pour présenter
le texte d'une question à poser au jury. Le Procureur général du canton
de Genève, agissant par un substitut, a répondu qu'il n'était pas tenu
de libeller ou même de compléter une question soumise au jury par la
défense, à titre subsidiaire, lors de la première audience de la Cour
d'assises. L'accusé n'a pas donné de réponse.

    Le 27 avril 1988, devant la Cour d'assises, la défense a demandé
que le jury réponde à une seule question qui commence par la phrase:
"M. a-t-il excédé les bornes de la légitime défense en raison d'un état
excusable d'excitation ou de saisissement causé par l'attaque,". Après une
description détaillée des faits, la question se terminait en ces termes:

    "que frappé par la détermination de G. dont il avait pu mesurer la
   vigueur au cours de la bagarre qu'il avait eue avec lui, M. braqua
   son arme sur G. en disant: "Halte, ou je tire",

    que convaincu du danger de mort qui menaçait Gilberte X., M., privé
   du temps de la réflexion, fit usage de son pistolet en blessant
   mortellement G.,

    que ce faisant, M. était en proie à un état excusable d'excitation
ou de
   saisissement causé par l'attaque de G., cause d'exemption de peine
   prévue par l'art. 33 al. 2 in fine du Code pénal suisse."

    Le jury a répondu par la négative à cette question, dont le substitut
du Procureur général n'avait pas demandé la modification.

    Vu le verdict du jury, la cour et le jury ont ensuite délibéré sur
la peine. Ils ont considéré notamment: "(...) que l'accusé a commis un
meurtre, qu'il était dans un état de légitime défense, qu'il a excédé
les bornes de la légitime défense, cet excès ne provenant pas d'un état
excusable d'excitation ou de saisissement causé par l'attaque (...)",
avant de prononcer la condamnation à 3 ans de réclusion.

    c) Saisie d'un recours du condamné, la Cour de cassation genevoise
a relevé que d'après l'art. 299 du Code de procédure pénale genevois
(ci-après: PP gen.), le Président de la Cour d'assises, à la demande du
Procureur général ou de la défense, peut poser des questions subsidiaires
découlant des débats; la Cour de cassation genevoise se réfère à un
arrêt de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral reconnaissant
au Président de la Cour d'assises un rôle déterminant dans l'élaboration
des questions; lors même que la loi ne le charge pas expressément de les
rédiger, il peut poser d'office ou sur requête des questions subsidiaires
découlant des débats (arrêt S. c. Cour de justice du 7 juillet 1988). En
l'espèce, poursuit la Cour de cassation genevoise, la Cour d'assises n'a
cependant pas fait poser d'office une première question - relevant du
fait - relative à l'existence d'un état d'excitation et de saisissement
et une deuxième, relevant du droit, afférente au caractère excusable de
cet état; en référence à l'injonction de préciser en fait et en droit
les motifs qui conduiraient le jury a répondre par l'affirmative ou par
la négative, la formulation de la question effectivement posée a été
qualifiée d'inadéquate. Le recours cantonal a été cependant rejeté, car
l'accusé avait lui-même rédigé la question dont il critiquait maintenant
le libellé, ce qui ne serait pas compatible avec le principe de la bonne
foi et l'interdiction de l'abus de droit.

Erwägung 2

    2.- D'après le recourant, l'art. 33 CP aurait été violé sur le plan
formel d'une part (faute de motifs indiquant pourquoi l'état d'excitation
ou de saisissement n'avait pas été retenu) et sur le plan matériel
d'autre part, car l'excès du droit de défense reproché serait dû à un état
excusable d'excitation et de saisissement causé par l'attaque. Il précise
qu'il n'était pas tenu selon l'art. 299 PP gen. de rédiger une question
de nature subsidiaire avant la fin de l'instruction principale devant la
Cour d'assises et que, convaincu que la réponse du jury serait affirmative,
il avait choisi de grouper les deux éléments sur lesquels le jury devait
se prononcer. Il souligne que le Ministère public, la partie civile,
et le Président de la Cour d'assises ont accepté le libellé proposé sans
émettre d'observations.

    Quant à l'abus de droit, l'accusé soutient que la motivation d'un
jugement est du ressort de la Cour et qu'il serait choquant de reprocher
à un prévenu de n'avoir pas joué le rôle de l'accusation, partiellement
défaillante. Il estime qu'il s'est limité à proposer une question conforme
à ses intérêts, sans abuser de ce droit.

Erwägung 3

    3.- Sur le plan de la recevabilité, on peut admettre que les griefs
soulevés ont trait à l'application du droit fédéral au sens de l'art.
269 al. 1 PPF car, pour l'essentiel, le recourant soutient que ce sont
les art. 33 al. 2 CP et 2 CC qui ont été violés. Il n'invoque pas de
violations de l'art. 4 Cst. à l'appui de ses moyens tirés d'une motivation
déficiente et d'un abus de droit retenu à tort.

Erwägung 4

    4.- a) La Cour de cassation genevoise a admis que la formulation de
la question posée au jury était inadéquate mais a rejeté les conclusions
du recourant uniquement en application du principe de la bonne foi et de
l'abus de droit.

    b) D'après la jurisprudence, le principe de la bonne foi s'applique
aussi à la procédure pénale. Il est contraire à ce principe d'invoquer
après coup des moyens que l'on avait renoncé à faire valoir en temps utile,
en cours de procédure, parce que la décision intervenue a finalement
été défavorable (ATF 111 Ia 163 consid. 1a et jurisprudence citée,
voir ATF 111 II 94). Cependant, ce principe ne saurait avoir une étendue
toute générale, mais il doit au contraire se rapporter à une obligation
déterminée (ATF 107 Ia 211 consid. 3a). Il ne peut pas primer le principe
de la légalité et autoriser le juge à modifier la loi comme il l'entend ou
à en faire purement abstraction. Lorsque le but d'une disposition légale
est clairement défini ou qu'il revêt un caractère absolu, comme c'est
le cas des règles de procédure, il n'y a normalement pas place pour une
adaptation au cas particulier sous le signe de la bonne foi.

    Quant à la règle prohibant l'abus de droit, elle autorise certes le
juge à corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un
droit allégué créerait une injustice manifeste. Toutefois, son application
doit demeurer restrictive et se concilier avec la finalité, telle que l'a
voulue le législateur, de la norme matérielle applicable au cas concret
(ATF 107 Ia 211 consid. 3b et doctrine citée).

    c) Dans un procès pénal, l'obligation de motiver correctement la
décision judiciaire incombe à l'autorité saisie, non pas à l'accusé. Même
si ce dernier a le droit de proposer des questions à soumettre au
jury, éventualité prévue à l'art. 299 PP gen., cela ne signifie pas
que la responsabilité des motifs du jugement de sa propre cause lui
soit attribuée. Le Président de la Cour d'assises genevoise a un rôle
décisif - on l'a vu - dans l'élaboration des questions (arrêt de la
Ire Cour de droit public du 7 juillet 1988 précité et arrêt de la cour
de céans M. c. Procureur général du canton de Genève du 27 janvier
1988 consid. 4d). Cela est aussi conforme aux règles découlant de la
maxime d'office qui prévaut en procédure pénale (voir NIKLAUS SCHMID,
Strafprozessrecht, Zurich 1989, p. 24 à 29, PIQUEREZ, Précis de procédure
pénale suisse, Lausanne 1987 p. 151 ch. 678 ss).

    D'après l'arrêt de la cour de céans du 14 avril 1987 renvoyant
la cause à l'autorité cantonale, le contrôle de l'application du droit
fédéral n'est pas possible tant que le Tribunal fédéral ne peut pas savoir
si l'excès prévu à l'art. 33 ch. 2 CP provient ou ne provient pas d'un
état d'excitation ou de saisissement excusable causé par l'attaque. La
solution de ce problème exige que l'on sache si l'auteur était ou n'était
pas dans un état d'excitation ou de saisissement lorsqu'il a agi, avec
l'indication des motifs ayant conduit au résultat choisi par l'instance
cantonale compétente et, dans l'affirmative, si l'état de trouble constaté
était ou n'était pas excusable, cela également avec indication des motifs.

    Certes, dresser un questionnaire recouvrant ces interrogations n'est
pas chose aisée et nécessite plus d'une ou même plus de deux questions
(voir art. 192 ss PPF relatifs aux Assises fédérales). Cependant, l'arrêt
attaqué se fonde sur la réponse à une seule question posée par la défense,
ce que la Cour de cassation genevoise elle-même critique. Il est vrai
que cette question est l'oeuvre du recourant, qui remet aujourd'hui
en cause son propre libellé au motif qu'il attendait une réponse
affirmative. Compte tenu de la faculté laissée au Procureur général
de formuler des observations sur le texte soumis au jury (art. 302 PP
gen.), du rôle décisif du Président de la Cour d'assises et des principes
découlant de la maxime d'office, on ne saurait admettre que le recourant
ait outrepassé les limites de la bonne foi ou abusé de son droit; cette
conclusion se justifie d'autant plus qu'il s'agit d'un crime poursuivi
d'office dont l'auteur est passible d'une lourde peine.

Erwägung 5

    5.- Faute de constatations suffisantes, l'arrêt attaqué ne permet pas
de déterminer de quelle façon l'art. 33 al. 2 seconde phrase CP a été
appliqué. En conséquence, la cause sera derechef renvoyée à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision, en application de l'art. 277 PPF.

    Comme lors du précédent renvoi découlant de l'arrêt du 14 avril
1987, il incombe à l'autorité cantonale de faire en sorte qu'une nouvelle
décision soit prise, permettant le contrôle de l'application de l'art. 33
al. 2 seconde phrase CP.