Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 115 II 390



115 II 390

70. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 15 novembre 1989 dans
la cause K. S.A. contre T. S.A. et Tribunal arbitral (recours de droit
public) Regeste

    Art. 176 Abs. 2 IPRG; Ausschliessungsvereinbarung.

    Voraussetzungen für einen gültigen Ausschluss des 12. Kapitels des
Bundesgesetzes über das Internationale Privatrecht.

Sachverhalt

    A.- La société K. S.A., à Grenoble, et la société T. S.A., à Genève,
ont signé trois conventions, entre mars 1982 et mai 1983, par lesquelles
la première concédait à la seconde le droit exclusif de distribuer ses
produits dans quatre pays du Moyen-Orient. Chacune de ces conventions
contenait une clause compromissoire.

    Dès la fin de l'année 1983, des difficultés ont surgi en rapport avec
l'exécution desdites conventions. En décembre 1984, les parties ont décidé,
d'un commun accord, de mettre un terme à leurs relations contractuelles
avec effet au 1er avril 1985.

    B.- Le 19 avril 1988, T. S.A., se fondant sur la clause compromissoire,
a adressé à la Chambre de Commerce et d'Industrie de Genève une requête
en désignation d'un tribunal arbitral.

    K. S.A. a contesté d'emblée la possibilité de soumettre le différend
à l'arbitrage, motif pris de ce que la résiliation conventionnelle des
trois contrats avait rendu caduque la clause compromissoire figurant dans
chacun d'eux.

    Un acte de mission a été signé les 21 et 23 décembre 1988 à Paris. Il
fixe le siège de l'arbitrage à Genève, prévoit que la question de la
compétence des arbitres fera l'objet d'une décision préalable, invite
le Tribunal arbitral à statuer "dans le respect des dispositions du
Concordat suisse sur l'arbitrage de 1969" (RS 279; ci-après: le Concordat)
et précise que "les règles applicables à la procédure seront déterminées
conformément aux dispositions du Concordat".

    Par une "sentence intérimaire" rendue le 1er juin 1989, le Tribunal
arbitral s'est déclaré compétent pour connaître de la cause en litige.

    C.- K. S.A. a saisi la Cour de justice du canton de Genève d'un recours
en nullité, au sens de l'art. 36 let. b CIA. Elle attaque simultanément la
sentence intérimaire par la voie du recours de droit public au Tribunal
fédéral (art. 190 al. 3 LDIP et 85 let. c OJ), pour le cas où, contre
son avis, le recours cantonal serait déclaré irrecevable.

    Par décision du 24 août 1989, le Président de la Ire Cour civile a
limité la procédure fédérale à l'examen de la recevabilité du recours de
droit public

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- b) En vertu de l'art. 176 al. 2 LDIP, le chapitre 12 sur
l'arbitrage international ne s'applique pas "lorsque les parties
ont exclu par écrit son application et qu'elles sont convenues
d'appliquer exclusivement les règles de la procédure cantonale en matière
d'arbitrage". Se fondant sur cette disposition, la recourante affirme que
la loi fédérale cède le pas devant le Concordat lorsque les parties ont
choisi celui-ci (sans référence à ladite loi) par une convention valable
en la forme et conclue avant le 1er janvier 1989. Il n'est pas possible
de se ranger à cet avis.

    aa) Force est, tout d'abord, de constater que la plupart des auteurs
rejettent la thèse soutenue par la recourante. Pour LALIVE/POUDRET/REYMOND
(Le droit de l'arbitrage interne et international en Suisse, p. 300,
ch. 15), la convention d'exclusion, au sens de l'art. 176 al. 2 LDIP,
doit satisfaire à trois conditions cumulatives: elle doit écarter
spécifiquement l'application de la loi fédérale; elle doit déclarer
les règles cantonales sur l'arbitrage exclusivement applicables;
enfin, l'accord doit être écrit. S'agissant de la première condition,
ces auteurs insistent sur l'importance qu'elle revêt relativement aux
nombreuses clauses arbitrales prévoyant que l'arbitrage se déroulera
selon la loi du siège ou selon le Concordat. De fait, elle rend sans
objet la question de savoir si de telles clauses suffisent à exclure
l'application de la loi fédérale ou de son chapitre 12, vu l'absence
précisément de l'élément négatif. La situation n'est pas différente en ce
qui concerne les conventions passées avant l'entrée en vigueur de la loi
fédérale: quand bien même elles déclareraient applicable le Concordat,
elles ne vaudront pas convention d'exclusion, faute d'une mention à cet
effet ( op.cit., p. 301, ch. 17 et p. 350, ch. 1; voir déjà: P. LALIVE,
Le chapitre 12 de la Loi fédérale sur le droit international privé:
L'arbitrage international, in: Le nouveau droit international privé suisse,
Lausanne 1988, p. 212; POUDRET, Les voies de recours en matière d'arbitrage
international en Suisse selon le Concordat et la nouvelle loi fédérale,
in: Revue de l'arbitrage, 1988, p. 598). D'autres auteurs partagent
également l'avis selon lequel l'efficacité de la convention réservée par
l'art. 176 al. 2 LDIP suppose que les parties aient expressément exclu
par écrit l'application du chapitre 12 de la loi fédérale (BLESSING,
Das neue internationale Schiedsgerichtsrecht der Schweiz, in: Die
Internationale Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, vol. 1/II,
p. 28/29; BLESSING, The New International Arbitration Law in Switzerland,
in: Journal of International Arbitration, 1988, p. 20/21; A. BUCHER, Le
nouvel arbitrage international en Suisse, p. 29/30, ch. 60; KARRER/ARNOLD,
Switzerland's Private International Law Statute 1987, p. 155, n. 4 ad art.
176). En revanche, WENGER (Welchem Recht unterstehen die im Zeitpunkt des
Inkrafttretens des IPR-Gesetzes hängigen Schiedsverfahren?, in: Bulletin
de l'Association suisse de l'arbitrage [ASA], 1988, p. 316/317), dont
l'opinion sur ce point est résumée dans un arrêt de la Cour de justice
du canton de Genève du 12 mai 1989 (cf. Bulletin ASA, 1989, p. 190), se
demande s'il n'y aurait pas lieu de faire abstraction de cette dernière
condition dans l'hypothèse où la référence de la clause compromissoire
au Concordat serait suffisamment intense pour que l'on puisse en déduire
la volonté des parties d'exclure l'application de la loi fédérale. Quant
à E. SCHNEIDER (Übergangsrecht: Vereinbarungen betreffend die Anwendung
kantonalen Schiedsverfahrensrechts, in: Bulletin ASA, 1989, p. 142 ss),
une analyse approfondie de la question, basée principalement sur l'étude
des travaux préparatoires, l'amène à conclure que les conventions passées
avant le 1er janvier 1989 et prévoyant l'application du Concordat - ne
fût-ce qu'indirectement, par la seule fixation du siège de l'arbitrage
dans un canton concordataire - continuent de déployer leurs effets après
cette date et suffisent, par conséquent, à exclure l'application de la
loi fédérale, même si elles ne contiennent pas de stipulation expresse à
ce sujet (p. 157/158, ch. 19), cette dernière exigence n'étant pour lui
qu'une prescription de forme (p. 155, ch. 16).

    bb) La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (ATF 113 II
410 consid. 3a et les arrêts cités). Aussi l'autorité qui applique le droit
ne peut-elle s'écarter d'un texte clair que s'il existe des motifs sérieux
de penser que ce texte ne correspond pas en tous points au sens véritable
de la disposition visée. De tels motifs peuvent résulter des travaux
préparatoires, du fondement et du but de la prescription en question,
ainsi que de sa relation avec d'autres dispositions (ATF 108 Ia 196).

    En l'occurrence, le texte de l'art. 176 al. 2 LDIP est parfaitement
clair, tout au moins en rapport avec le point litigieux, de sorte qu'il
n'est pas permis d'en dénaturer le sens par une interprétation fondée sur
des éléments extrinsèques. La conjonction de coordination "et" révèle
nettement le caractère cumulatif des deux conditions - abstraction
étant faite ici du problème de la forme - dont dépend la validité de
la convention des parties réservée par cette disposition, soit, d'une
part, l'exclusion de l'application du chapitre 12 de la loi fédérale et,
d'autre part, un accord quant à l'application exclusive des règles de
la procédure cantonale en matière d'arbitrage. Aussi, admettre, comme le
propose SCHNEIDER (op. cit., p. 156, ch. 18), que la simple désignation,
par les parties, du siège de l'arbitrage dans un canton concordataire
suffit à rendre efficace la convention d'exclusion irait à l'encontre du
texte légal, alors qu'aucun motif ne justifie de s'en écarter. Quoi qu'en
dise cet auteur, les travaux préparatoires n'apparaissent nullement
déterminants à cet égard. Il est certes exact que, dans sa teneur
initiale ("Les dispositions de ce chapitre ne s'appliquent pas lorsque les
parties sont convenues par écrit que le droit cantonal s'appliquerait"),
l'art. 176 al. 2 LDIP - à l'époque, l'art. 169 al. 1bis (cf. BO 1985
CE 173, 1987 CE 193) - n'exigeait pas l'exclusion expresse du chapitre
de la loi fédérale relatif à l'arbitrage international. Toujours est-il
que l'introduction ultérieure, par le Conseil national (BO 1987 CN 1070),
de ce nouvel élément dans le texte dudit article a suscité l'intervention
d'un conseiller aux Etats (Hefti, BO 1987 CE 509), lequel souhaitait que la
disposition fût adoptée dans sa première version, estimant sans doute que
la seconde restreignait davantage la possibilité d'exclure l'application
de la loi fédérale. Que cette intervention ait été retirée par la suite,
après que le rapporteur de la commission eut indiqué qu'il ne voyait dans
la modification introduite par le Conseil national qu'une clarification
("Verdeutlichung") du texte de la disposition visée (Gadient, BO 1987 CE
509), ne change rien au fait que cette modification pouvait être perçue -
et l'a été - comme une aggravation des conditions mises à l'exclusion de la
loi fédérale. L'étude des travaux préparatoires n'autorise, partant, aucune
déduction dans un sens ou dans l'autre. Quant à la solution préconisée par
WENGER (op.cit., ibid.), elle se heurte également au texte de l'art. 176
al. 2 LDIP, qui exige plus qu'une simple référence au Concordat, fût-elle
intense, pour une exclusion valable de la loi fédérale. Au demeurant,
cette solution n'est pas propre à satisfaire l'exigence de la sécurité
du droit, car elle suppose que l'on recherche, dans tous les cas, si les
parties connaissaient déjà, au moment où elles avaient décidé d'appliquer
le Concordat, sinon le contenu du chapitre 12 de la loi fédérale, du moins
la possibilité, que le législateur entendait leur réserver, d'exclure
l'application de la future loi. Or, la connaissance ou l'ignorance
d'un fait sont des phénomènes internes qui se laissent difficilement
appréhender. Adopter ladite solution reviendrait dès lors à placer le
débat, in limine litis, sur le terrain de la preuve, ce qui aurait pour
conséquence fâcheuse d'augmenter la durée de la procédure arbitrale que
le nouveau droit vise précisément, entre autres objectifs, à réduire. On
ne saurait donc s'y résoudre. Au contraire, il faut admettre, avec la
doctrine dominante, qu'il n'y a pas de raison de s'écarter du texte clair
de la disposition en cause, car il importe que la volonté des parties de
renoncer à l'application du chapitre 12 de la loi fédérale au profit du
Concordat soit clairement manifestée.

    Ainsi, la validité d'une convention d'exclusion, au sens de l'art. 176
al. 2 LDIP, suppose l'existence d'un accord écrit par lequel les parties
conviennent non seulement d'appliquer exclusivement les règles de la
procédure cantonale en matière d'arbitrage - c'est-à-dire le Concordat
pour les cantons qui y ont adhéré (au 1er janvier 1989, tous les cantons
suisses, à la seule exception de Lucerne; cf. RO 1989 172) -, mais
encore d'exclure l'application du chapitre 12 de la loi fédérale. Sans
doute ne peut-on leur imposer l'utilisation d'une formule type pour cette
exclusion. La volonté commune d'exclure la loi fédérale, qui peut certes
être dégagée par voie d'interprétation, doit néanmoins ressortir clairement
des termes utilisés par elles, afin que la sécurité du droit soit assurée.

    cc) En l'espèce, on cherche en vain, dans les pièces du dossier,
une quelconque référence à la loi fédérale et, à plus forte raison,
l'expression de la volonté des parties d'exclure, par anticipation,
l'application de ladite loi. S'agissant de la clause compromissoire, cela
se conçoit aisément, dès lors que les contrats dans lesquels elle figure
ont été signés bien avant que la question de l'exclusion de la loi fût
mise sur le tapis (cf. BO 1985 CE 173), voire, pour les deux premiers,
antérieurement à la publication du message du Conseil fédéral, du 10
novembre 1982, relatif à cette loi (FF 1983 I 255). Quant à l'acte
de mission des 21 et 23 décembre 1988, si l'on suit la thèse de la
recourante, selon laquelle les parties, leurs conseils et les arbitres ne
pouvaient ignorer le fait que la loi fédérale allait entrer en vigueur
une semaine plus tard, l'absence de toute référence à cette loi, dans
ce document, apparaît incompréhensible, comme l'intimée le relève avec
pertinence dans sa réponse. Quoi qu'il en soit, cette circonstance rend
inefficace la convention d'exclusion que la recourante prétend avoir
passée avec l'intimée dans cet acte de mission. Point n'est dès lors
besoin de décider si pareille convention peut intervenir en tout temps
(LALIVE/POUDRET/REYMOND, op.cit., p. 301, ch. 18) ou si elle ne peut être
conclue que jusqu'au moment où l'une des parties accomplit une démarche
en vue de la constitution du tribunal arbitral (BUCHER, op.cit., p. 30,
ch. 62).

    c) Il résulte de cet examen que la loi fédérale est applicable dans
le cas particulier. Par conséquent, conformément à l'art. 191 al. 1 LDIP
et à la jurisprudence en matière de droit transitoire, seule est ouverte
ici la voie du recours de droit public au sens de l'art. 85 let. c OJ. Par
ailleurs, s'agissant d'une décision incidente relative à la compétence
du tribunal arbitral, c'est à juste titre que la recourante a attaqué la
"sentence intérimaire" dans le délai de trente jours dès sa communication
(art. 190 al. 3 LDIP, art. 89 al. 1 OJ en relation avec l'art. 191
al. 1 LDIP).