Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 115 II 283



115 II 283

50. Arrêt de la Ire Cour civile du 20 septembre 1989 dans la cause dame O.
contre compagnie d'assurances X. (recours en réforme) Regeste

    Haftpflicht des Motorfahrzeughalters. Selbstverschulden des
Geschädigten.

    - Anwendung des Vertrauensprinzips (Art. 26 Abs. 2 SVG) auf das
Fahrverhalten vor einem Fussgängerstreifen (Art. 33 Abs. 2 SVG). Die dem
Fahrzeugführer zustehende Reaktionszeit richtet sich nach den Umständen
(E. 1).

    - Den Fussgänger, der überraschend und ohne Kontrollblick nach
links die Fahrbahn betritt, obwohl er mit den Örtlichkeiten und den
Verkehrsverhältnissen vertraut ist, trifft ein grobes Verschulden im Sinne
von Art. 59 Abs. 1 SVG, auch wenn er einen Fussgängerstreifen benützt
(E. 2).

Sachverhalt

    A.- Le 12 mai 1982 vers 18 h 15, S. circulait au volant de sa voiture
sur la route cantonale de Collombey en direction de Monthey lorsqu'il
heurta dame O., qui traversait la chaussée sur un passage pour piétons
à hauteur d'un centre commercial. S. s'arrêta entre 20 et 23 m après
la collision. La route, rectiligne sur 1500 m, était sèche; la vitesse
y était limitée à 70 km/h. Il faisait beau. Le trafic était dense.

    Dame O., grièvement blessée, fut hospitalisée 5 mois. Son taux
d'invalidité globale fut évalué à 80%.

    Les enquêtes et expertises ont établi que, au moment du choc, dame
O. avait parcouru 2-2,5 m depuis le bord de la chaussée et qu'elle s'était
élancée en courant, sans regarder sur sa gauche, alors que la voiture
de S., qui circulait normalement à droite de la chaussée à une vitesse
comprise entre 50 et 55 km/h, se trouvait à une distance comprise entre
13,9 et 21,2 m du point de choc; S. n'avait pas freiné avant la collision,
qui intervint 1-1,38 s plus tard.

    B.- Dame O. ouvrit action contre la compagnie d'assurances X., assureur
de la responsabilité civile du détenteur S. Ses dernières conclusions
demandent 114'621 francs en raison du préjudice déjà subi comme ménagère,
80'000 francs pour tort moral et, principalement, 507'600 francs à titre
de rente capitalisée ou, subsidiairement, une rente mensuelle de 3'000
francs dès le 22 janvier 1988. La défenderesse conclut à libération. Par
jugement des 22 janvier et 30 août 1988, le Tribunal cantonal du Valais
rejeta la demande.

    C.- Dame O. recourt en réforme contre ce jugement, dont elle demande
l'annulation. Elle conclut au paiement par la défenderesse de 142'434
francs et d'une rente mensuelle de 2'000 francs dès le 22 janvier 1988 ou,
à défaut, de sa valeur capitalisée, soit 338'533 francs. La défenderesse
conclut au rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La demanderesse reproche à la cour cantonale d'avoir violé
l'art. 59 al. 1 LCR en retenant que le détenteur n'avait pas commis de
faute et que l'accident avait été causé par la faute grave du lésé. Pour
elle, dès lors que la faute du détenteur est présumée, il faut choisir,
parmi les variantes envisagées par la cour cantonale et que celle-ci n'a
pas écartées, celles qui sont le plus favorables au lésé. Cette présomption
en faveur du lésé amènerait à retenir qu'au moment où la demanderesse
s'élança sur la chaussée, l'automobile de S. se trouvait à 21,2 m et
qu'il s'écoula 1,38 s avant le choc sans que le conducteur eût la moindre
réaction. En estimant que, même dans cette hypothèse, S. n'avait aucune
possibilité d'arrêter son véhicule avant la collision, la cour cantonale
aurait violé le droit fédéral, car l'existence d'une faute ne dépendrait
pas de la possibilité d'arrêter complètement son véhicule en présence
du comportement irrégulier d'un piéton: la loi exigerait du conducteur,
si l'accident ne peut être évité, qu'il se comporte de façon à réduire
sa gravité et ses conséquences dommageables.

    a) Le conducteur, tenu de faciliter aux piétons la traversée de la
chaussée, circulera avec une prudence particulière avant les passages de
sécurité et, au besoin, s'arrêtera pour laisser la priorité aux piétons
qui s'y engagent (art. 33 al. 1 et 2 LCR). Mais, en vertu du principe
de la confiance, le conducteur n'a pas à escompter, de façon générale,
un comportement incorrect ou inattendu du piéton; conformément à l'art. 26
al. 2 LCR, il ne devra faire preuve de prudence particulière qu'en présence
d'indices concrets d'un tel comportement (ATF 112 IV 87 consid. 2, 97 IV
244 consid. 1). Même si le piéton bénéficie de la priorité, le conducteur
peut compter que celui-ci ne l'exercera pas si son véhicule se trouve à
une distance telle qu'il ne pourra pas s'arrêter (ATF 98 IV 223 consid. 3,
4). Il n'aura pas à diminuer sa vitesse si le piéton qui se tient au
bord de la route montre sans ambiguïté par son comportement qu'il ne
revendique pas la priorité (SCHAFFHAUSER, Grundriss des schweizerischen
Strassenverkehrsrechts, I, n. 497). Si le piéton commet une faute qui
pourrait créer un risque d'accident, le conducteur devra alors faire
tout son possible pour que le dommage ne se produise pas, que ce soit
grâce au freinage, à une manoeuvre d'évitement ou à un avertissement
(ATF 96 IV 135). Si la collision est inévitable, il doit faire en sorte
que le danger pour la vie et l'intégrité corporelle soit, sinon exclu,
à tout le moins diminué (SCHAFFHAUSER, op.cit., n. 407). Il doit réagir
immédiatement (ATF 106 IV 394 consid. 1a). La jurisprudence admet un
temps de réaction de 1 s mais elle l'abaisse à 0,6-0,7 s lorsque, en
fonction des circonstances, le conducteur devait déjà se tenir prêt à
freiner son véhicule (ATF 93 IV 62, 92 IV 23, 91 IV 84 consid. 2). Selon
la doctrine, un temps de 1 s serait plus conforme à la réalité dans la
presque totalité des cas (BUSSY/RUSCONI, n. 4.6 ad art. 31 LCR), s'il n'est
encore manifestement trop court (OFTINGER/STARK, Schweiz. Haftpflichtrecht,
II/2, p. 224 s. No 521; SCHAFFHAUSER, op.cit., n. 418). Comme l'indique
le texte de l'art. 59 al. 1 LCR, le fardeau de la preuve des circonstances
permettant d'exclure la responsabilité incombe au détenteur (ATF 111 II
90). En revanche, l'appréciation de la faute est une question de droit,
que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 113 II 328 consid. c).

    b) Il est établi que S. a aperçu la demanderesse avancer sur le
trottoir, regarder à droite en direction de ses enfants qui jouaient,
puis s'élancer en courant sur la chaussée sans porter son attention à
gauche, alors que rien dans son comportement ne permettait de déduire
qu'elle allait traverser. S. ne disposait donc d'aucun indice concret
lui permettant de supputer un comportement incorrect du piéton. La
demanderesse ne le conteste pas mais reproche à S. de n'avoir pas
immédiatement actionné les freins de l'automobile lorsqu'elle surgit. La
cour cantonale a considéré comme adéquat un temps de réaction de 0,7 s
auquel elle a ajouté 0,1 s pour le temps de réaction mécanique; elle
en déduit que S. disposait de 0,2 à 0,6 s pour actionner ses freins;
dès lors, la réaction de celui-ci, tardive d'une fraction de seconde,
ne pourrait être considérée comme une négligence.

    Le temps de réaction du conducteur comprend le temps pour agir
sur la commande et la réaction du mécanisme (BUSSY/RUSCONI, loc.cit.);
il commence avec la perception de l'événement dangereux et se termine
par le début de l'effet mécanique du freinage (SCHAFFHAUSER, op.cit.,
n. 411 ss). La cour cantonale a retenu qu'entre le moment où l'intention
de la demanderesse était reconnaissable pour S. et le choc, il s'écoula
entre 1 s et 1,38 s; elle a de même retenu que S. ne ralentit qu'"après"
la collision. Dès lors, le laps de temps qu'elle qualifie de réaction
tardive est celui pendant lequel un conducteur réagissant en 0,8 s eût
déjà freiné son automobile. S. a donc réagi non pas en 0,8 s mais entre
1 et 1,38 s au moins après l'irruption de la demanderesse sur la chaussée.

    Encore faut-il que, compte tenu des circonstances, S. fît preuve d'une
inattention fautive. La jurisprudence, statuant sur le temps de réaction
d'un automobiliste avisant des piétons qui s'apprêtaient à emprunter un
passage de sécurité, a fixé un temps de réaction adéquat à 0,6-0,7 s (ATF
91 IV 84 consid. 2). S. s'est trouvé dans une situation différente; il
n'avait pas à compter avec la traversée, inopinée, de la demanderesse. La
configuration des lieux et la seule présence de la demanderesse au bord
de la chaussée n'exigeaient pas de lui une attention accrue. Dès lors,
sa réaction, tardive de 0,2 à 0,6 s si l'on admet le temps de réaction
exigé par la cour cantonale, se tient dans les limites posées par la
jurisprudence, qui a jugé qu'une demi-seconde d'inattention n'emportait pas
qualification de négligence (ATF 92 IV 23, 89 IV 105). Le retard devient
même insignifiant si l'on considère que les circonstances n'appelaient
pas nécessairement une réaction aussi prompte que celle qu'a posée,
abstraitement, la cour cantonale (mêmes arrêts).

Erwägung 2

    2.- La demanderesse, qui admet avoir commis une faute, estime que
celle-ci doit être relativisée compte tenu de l'attention qu'elle portait à
la surveillance, au point d'en oublier sa propre sécurité, de ses enfants
jouant au bord de la chaussée. Elle affirme que la jurisprudence est en
général "pleine de mansuétude" pour la faute des piétons. En conséquence,
sa responsabilité ne saurait exclure celle du détenteur mais tout au plus
entraîner une réduction des dommages-intérêts en application de l'art. 59
al. 2 LCR.

    a) Le piéton désirant traverser la chaussée ne doit pas s'élancer
à l'improviste (art. 49 al. 2 LCR); il ne jouit de la priorité que si
le véhicule peut s'arrêter à temps (art. 47 al. 3 OCR). Il doit donc
manifester à temps son intention (SCHAFFHAUSER, op.cit., n. 776). Les
devoirs du piéton et du conducteur sont en corrélation: si le piéton ne
doit pas se lancer à l'improviste ni user de son droit de priorité lorsque
le véhicule ne peut s'arrêter à temps, il faut inversement admettre qu'en
pareille circonstance le conducteur n'a pas à accorder la priorité au
piéton ni à compter qu'il s'engagera sur le passage en annonçant son
intention seulement lorsque le véhicule se trouve immédiatement avant
le passage (ATF 91 IV 81/82). Constitue une faute grave la violation de
règles élémentaires qui devraient s'imposer à toute personne prudente
dans la même situation; le juge prend en considération les circonstances
objectives de l'acte et les conditions subjectives propres à son auteur
(ATF 111 II 90). Commet une faute grave le piéton qui s'élance imprudemment
et de façon imprévisible sur la chaussée (ATF 91 II 115, 85 II 518). Commet
également une faute grave, atténuée cependant par l'âge, l'enfant de 9
ans qui traverse une route à grande circulation, située en dehors d'une
localité, sans s'assurer ou sans s'assurer suffisamment que la voie est
libre (ATF 111 II 91, 93).

    b) Il ressort des faits que la route de Collombey supportait ce jour-là
un grand trafic et que la demanderesse, qui habitait depuis près de deux
ans à proximité immédiate et connaissait parfaitement les lieux et les
conditions de circulation, s'est brusquement élancée sur la chaussée sans
un regard sur sa gauche. La demanderesse s'est élancée à l'improviste au
sens de la loi. Compte tenu des circonstances, ce comportement, qui est
le fait d'un adulte, constitue une violation de règles élémentaires de
prudence, c'est-à-dire une faute grave.

    Certes, la demanderesse allègue qu'elle était en train de surveiller
ses enfants, situés à sa droite; mais il ressort du jugement attaqué que
ceux-ci n'étaient pas au bord de la chaussée - ils jouaient sur une place
près d'un bâtiment "à quelques dizaines de mètres" du passage - et que la
demanderesse, qui venait d'envoyer sa fille aînée auprès d'eux, était en
réalité pressée de gagner le centre commercial tout proche pour y acheter
un journal avant l'heure de fermeture. Ces faits lient le Tribunal fédéral
(art. 63 al. 2 OJ) et ne sauraient être critiqués par la demanderesse
(art. 55 al. 1 let. c OJ).

Erwägung 3

    3.- Il résulte de ce qui précède que la défenderesse, qui répond pour
le détenteur du véhicule (art. 65 al. 1 LCR), a rapporté la double preuve
exigée par l'art. 59 al. 1 LCR. L'action a donc été rejetée à juste titre
par la cour cantonale.