Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 115 II 102



115 II 102

19. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 7 avril 1989 dans la cause
société P. contre sociétés C. et D. et Cour de justice du canton de Genève
(recours de droit public) Regeste

    Art. 190 ff. IPRG. Übergangsrecht. Teilentscheide von Schiedsgerichten.

    1. Anwendung der Grundsätze aus Art. 87 OG auf einen solchen
Teilentscheid in der Sache (E. 2).

    2. Wenn der Teilentscheid vor dem 1. Januar 1989 gefällt und bereits
bei einer kantonalen Beschwerdeinstanz angefochten worden ist, aber nur
zusammen mit dem Endentscheid zum Gegenstand einer staatsrechtlichen
Beschwerde gemacht werden kann, so gilt das bisherige Recht auch für das
Beschwerdeverfahren über den Endentscheid (Präzisierung der Rechtsprechung)
(E. 3).

Sachverhalt

    A.- Le 24 janvier 1985, la société P., à Vaduz, en sa qualité
d'entrepreneur général chargé de construire une raffinerie en Arabie
Saoudite, a conclu deux contrats de sous-traitance avec les sociétés
C. et D. Ces contrats avaient notamment pour objet l'exécution, par les
deux entreprises françaises, de travaux de peinture et d'isolation sur le
site de la raffinerie. Ils pouvaient être résiliés par la société P. en
cas de carence des sous-traitants, conformément à une clause particulière
des conditions générales (ch. 4.6).

    Faisant usage de cette faculté, la société P. a résilié les deux
contrats, par lettres des 18 juin et 6 juillet 1985, en invoquant
principalement le retard pris par les sous-traitants dans l'exécution
des travaux.

    B.- En avril 1986, les sociétés C. et D., qui contestaient la
validité de la résiliation, ont introduit une procédure arbitrale en
vue de contraindre la société P. à leur payer la somme de 5'127'183 US$
à titre de dommages-intérêts pour rupture de contrat.

    La défenderesse a conclu, reconventionnellement, à ce que son droit
de résilier les contrats de sous-traitance fût constaté et à ce que les
demanderesses fussent condamnées à lui rembourser les dépenses qu'elle
avait dû engager pour les remplacer.

    Le 2 mars 1988, le Tribunal arbitral, dont le siège avait été fixé à
Genève, a rendu une sentence partielle; pour l'essentiel, il y a constaté
l'absence de validité de la résiliation litigieuse, rejeté en conséquence
la demande reconventionnelle de la défenderesse, et réservé finalement la
ou les décisions à prendre ultérieurement au sujet des dommages-intérêts
dus aux demanderesses.

    Contre cette sentence partielle, la société P. a formé un recours en
nullité, fondé sur l'art. 36 lettre f du Concordat sur l'arbitrage (CIA;
RS 279), que la Cour de justice du canton de Genève a rejeté par arrêt
du 19 décembre 1988.

    C.- La défenderesse exerce un recours de droit public pour violation
de l'art. 4 Cst. Elle conclut à l'annulation tant de l'arrêt cantonal
que de la sentence arbitrale, ainsi qu'au renvoi de la cause au Tribunal
arbitral afin qu'il rende une nouvelle sentence.

    Les intimées et la cour cantonale n'ont pas été invitées à se
déterminer sur le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Le présent recours est fondé sur la violation de l'art.  36 lettre
f CIA. Selon la jurisprudence, ce moyen se confond avec le grief
d'arbitraire au sens de l'art. 4 Cst. (ATF 105 Ib 436 consid. 4b). Il
est donc irrecevable, conformément à l'art. 87 OJ, s'il est dirigé contre
une décision incidente qui n'entraîne pas de dommage irréparable pour la
recourante (même arrêt, p. 437).

    a) La décision finale est celle qui met un terme à la procédure,
qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision qui clôt
l'action judiciaire en raison d'un motif tiré des règles de la procédure
(ATF 110 Ia 134). Est, en revanche, une décision incidente celle qui est
prise en cours de procès et qui ne constitue qu'une étape vers la décision
finale; elle peut avoir pour objet une question de procédure tout comme
une question de fond, jugée préalablement à la décision finale (ATF 106 Ia
228 consid. 2, 233 consid. 3a et les références). Le fait qu'un jugement
règle définitivement le sort d'une partie du litige ne modifie en rien
le caractère incident d'une telle décision (ATF 106 Ia 228).

    L'arrêt attaqué ne met pas un terme à la procédure arbitrale. En
effet, la sentence partielle, objet du recours en nullité, ne scelle pas
une fois pour toutes le sort des prétentions en cause: elle se borne à
admettre le principe de la responsabilité contractuelle de la recourante,
tout en réservant la fixation ultérieure des dommages-intérêts dus aux
intimées (cf. ATF 108 Ia 204). Peu importe, à cet égard, que la demande
reconventionnelle de la recourante ait été rejetée par le Tribunal
arbitral. Ce nonobstant, la question du montant des indemnités prétendues
par les intimées demeure en suspens, de sorte que l'arrêt entrepris, qui
participe du caractère incident de la sentence, ne saurait être qualifié
de décision finale, d'après la jurisprudence susmentionnée.

    b) Pour que la condition du "dommage irréparable", au sens de l'art. 87
OJ, soit réalisée, la décision incidente doit causer à l'intéressé un
préjudice juridique - un dommage de pur fait, tel que la prolongation
de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est pas
considéré comme irréparable de ce point de vue - qu'une décision favorable
ne ferait pas disparaître entièrement (ATF 108 Ia 204, 106 Ia 228/229,
234 et les références). Le but de l'art. 87 OJ n'est pas d'enlever au
recourant la possibilité d'attaquer une décision incidente parce qu'il
n'en découlerait pas de dommage irréparable, mais de l'obliger à faire
valoir ses griefs au moment où est prise la décision finale (ATF 96 I
465 consid. 3b). Encore faut-il qu'il puisse le faire, ce qui suppose
que la décision finale soit elle-même susceptible d'un recours de droit
public qui permette au Tribunal fédéral d'examiner, à cette occasion,
si la décision incidente viole ou non l'art. 4 Cst. Prima facie, tel
semble être le cas en l'espèce. Pourtant, à y regarder de plus près,
la situation se complique en raison du caractère international de la
procédure arbitrale divisant les parties et de l'entrée en vigueur, au
début de cette année, de nouvelles dispositions légales applicables en
la matière. Aussi un examen plus approfondi de la question s'impose-t-il
dans le cas particulier.

Erwägung 3

    3.- a) La loi fédérale sur le droit international privé (LDIP; RS 291)
du 18 décembre 1987 est entrée en vigueur le 1er janvier 1989 (RO 1988 II
1827). Son chapitre 12 contient des dispositions régissant l'arbitrage
international (art. 176 à 194), dont les parties peuvent toutefois
exclure l'application au profit des règles de la procédure cantonale
en matière d'arbitrage (art. 176 al. 2). La possibilité d'attaquer une
sentence arbitrale - partielle ou finale - y est doublement restreinte:
d'une part, le recours n'est ouvert que devant une seule instance, savoir
le Tribunal fédéral, qui statue selon la procédure relative au recours
de droit public (art. 191 al. 1; cf. art. 85 lettre c OJ nouveau), ou le
juge du siège du tribunal arbitral, que les parties peuvent saisir, d'un
commun accord, en lieu et place du Tribunal fédéral (art. 191 al. 2);
d'autre part, la sentence arbitrale ne peut être attaquée que pour les
motifs limitativement énumérés à l'art. 190 al. 2 - ils ont trait pour
l'essentiel à des questions de procédure -, lesquels ne visent ni les
constatations manifestement contraires aux faits résultant du dossier,
ni la violation évidente du droit ou de l'équité, soit les motifs de
nullité énoncés à l'art. 36 lettre f CIA (sur toutes ces questions,
cf. A. BUCHER, Le nouvel arbitrage international en Suisse, n. 335 ss).

    Dans un arrêt de principe rendu le 7 avril 1989 - soit le même jour
que le présent arrêt - et publié à la page 97 ss, le Tribunal fédéral
s'est penché sur la question du droit transitoire en matière d'arbitrage
international. Constatant l'existence d'une lacune en ce domaine,
il l'a comblée en retenant comme date décisive celle du prononcé de la
sentence: si la sentence a été rendue avant le 1er janvier 1989, ce sont
les dispositions de l'ancien droit qui déterminent la voie de recours
par laquelle celle-ci peut être contestée, quelle que soit la date de sa
notification aux parties; inversement, les dispositions topiques de la loi
fédérale sur le droit international privé sont applicables à toutes les
sentences de caractère international rendues après le 1er janvier 1989,
sans qu'il importe de savoir si la procédure arbitrale considérée a été
engagée avant ou après cette date.

    En l'occurrence, la stricte observation de ces principes
jurisprudentiels aurait pour conséquence de soustraire la décision
incidente présentement attaquée à la connaissance du Tribunal fédéral. En
effet, la ou les sentences que le Tribunal arbitral devra encore rendre
pour mettre fin à la procédure pendante ne seraient alors plus susceptibles
que d'un recours de droit public au sens des art. 190 al. 2 LDIP et
85 lettre c OJ. Il n'y aurait donc plus de décision cantonale finale
qui puisse faire l'objet d'un recours de droit public pour violation
de l'art. 4 Cst., respectivement du Concordat sur l'arbitrage (art. 84
al. 1 lettres a et b OJ), et qui permette à la recourante de revenir,
à ce moment-là (cf. ATF 105 Ib 438 in fine), sur la décision incidente
qu'elle critique aujourd'hui et qui conditionne d'ores et déjà l'issue
du litige, voire y met fin s'agissant de la demande reconventionnelle. Le
Tribunal arbitral serait du reste privé lui aussi de la faculté d'examiner,
en rendant sa ou ses sentences ultérieures, si la sentence partielle ici
en cause était fondée ou non (ATF 112 Ia 171/172 consid. 3d). Semblable
solution serait sans doute inconciliable avec le but de l'art. 87 OJ,
lequel - on l'a vu - ne consiste pas à exclure la recevabilité du
recours de droit public contre une décision incidente, mais uniquement
à éviter que le Tribunal fédéral ne doive s'occuper plus d'une fois
de la même affaire. Aussi, lorsqu'une sentence partielle a été rendue
avant le 1er janvier 1989 et a fait l'objet d'un arrêt de l'autorité
cantonale de recours encore susceptible d'un recours de droit public
au Tribunal fédéral en même temps que la décision finale, convient-il
d'apporter un tempérament à la jurisprudence voulant que toute sentence
rendue après le 1er janvier 1989 soit soumise au nouveau droit quant à la
procédure de recours. En pareille hypothèse, il se justifie d'appliquer,
jusqu'à la fin de la procédure arbitrale pendante, les dispositions de
l'ancien droit touchant les voies de recours. Cette solution, qui vaut
en tout cas pour la sentence partielle relative à une question de fond,
implique que la sentence finale, pourtant postérieure au 1er janvier
1989, puisse néanmoins être déférée à l'autorité cantonale de recours,
afin que le Tribunal fédéral, statuant sur un recours de droit public,
au sens de l'art. 84 al. 1 OJ, dirigé contre l'arrêt de cette autorité,
soit en mesure d'examiner, à cette occasion, les critiques visant la
décision incidente prise avant le 1er janvier 1989 par la même autorité.

    b) En application de ces principes, le présent recours doit être
déclaré irrecevable, en vertu de l'art. 87 OJ. La recourante pourra
cependant attaquer la décision incidente qui en fait l'objet en même
temps que la décision finale.