Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 115 IA 66



115 Ia 66

11. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 24 mai 1989
dans la cause X. contre Conseil d'Etat du canton de Vaud et Syndicat
intercommunal d'amenée d'eau du cercle de Coppet (recours de droit public)
Regeste

    Kantonales Enteignungsverfahren; Garantie des unabhängigen und
unparteiischen Richters; Art. 6 Ziff. 1 EMRK.

    Eine Streitigkeit über die Ausübung des Enteignungsrechts gilt als
eine solche "über zivilrechtliche Ansprüche und Verpflichtungen" i.S. von
Art. 6 Ziff. 1 EMRK. Der durch eine derartige Massnahme Betroffene
hat Anspruch darauf, dass seine Einsprache von einem unabhängigen und
unparteiischen Gericht beurteilt wird. Diese Voraussetzung ist nicht
erfüllt, wenn eine kantonale Regierung als einzige Instanz im gleichen Zug
sowohl über die Zweckmässigkeit der Enteignung an und für sich als auch
über die Notwendigkeit der Inanspruchnahme der konkreten Liegenschaft
entscheidet. Im übrigen genügt die gestützt auf Art. 22ter BV gegebene
Anfechtungsmöglichkeit nicht, den Mangel des kantonalen Verfahrens zu
heilen, denn das Bundesgericht überprüft die Feststellung des Sachverhalts
im Rahmen einer staatsrechtlichen Beschwerde nur unter dem Gesichtspunkt
des Willkürverbots (E. 2).

    Der Kanton Waadt hat ausdrücklich darauf verzichtet, sich auf die neue
auslegende Erklärung zu berufen, die der Bundesrat im Anschluss an das
Urteil des Europäischen Gerichtshofes für Menschenrechte i.S. Belilos (vom
29. April 1988) abgegeben hat. Keine Bestimmung des waadtländischen Rechtes
wird somit vom Anwendungsbereich des Art. 6 Ziff. 1 EMRK ausgenommen
(E. 3).

Sachverhalt

    A.- Le Syndicat intercommunal d'adduction d'eau du cercle de Coppet a
établi un plan directeur prévoyant de construire deux nouveaux réservoirs
d'eau sur le territoire de la commune de Founex, afin de répondre aux
besoins croissants d'une région en forte expansion démographique.

    X. ayant refusé de vendre la parcelle sur laquelle ces nouvelles
installations devaient être aménagées, le Conseil d'Etat du canton de
Vaud a autorisé le Syndicat à l'exproprier. Il a levé l'opposition de
X. et l'a renvoyé devant le tribunal d'expropriation compétent pour la
fixation des indemnités.

    Agissant par la voie du recours de droit public, X. demande au
Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil d'Etat. Il invoque la
violation des art. 22ter Cst. et 6 par. 1 CEDH. Le Tribunal fédéral a
admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- Aux termes de l'art. 6 par. 1 CEDH, toute personne a droit à ce
que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai
raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi,
qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de
caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle. Le recourant estime que la procédure portant sur le
principe même d'une expropriation serait une contestation sur des droits
et obligations de caractère civil et que les règles du droit cantonal
ne répondraient pas aux exigences de la Convention, le Conseil d'Etat
n'étant manifestement pas un tribunal indépendant et impartial.

    a) La Cour européenne des droits de l'homme n'a pas défini d'une
manière générale et abstraite ce qu'il faut entendre par "des contestations
sur des droits et obligations de caractère civil" au sens de l'art. 6
par. 1 CEDH. Elle s'est refusée à prendre le terme de contestation dans
une acception trop technique et lui donne une définition matérielle plutôt
que formelle (arrêt Le Compte et consid. du 23 juin 1981, série A No
43 p. 20 § 45). La contestation peut porter aussi bien sur l'existence
d'un droit que sur son étendue ou sur les modalités de son exercice;
elle peut concerner tant des points de fait que des questions juridiques
(arrêt Albert et Le Compte du 10 février 1983, série A No 58 p. 16 §
29 in fine). Elle doit être dans tous les cas réelle et sérieuse et son
issue directement déterminante pour les droits et obligations des parties
(arrêts Bodén du 27 octobre 1987, série A No 125-B, p. 40 § 29; Sporrong
et Lönnroth du 23 septembre 1982, série A No 52 p. 30 § 81; Le Compte,
précité, p. 21 § 47; Ringeisen du 16 juillet 1971, série A No 13 p. 39 §
94). Il y a contestation alors même qu'une procédure n'a pas été entamée,
quand le requérant se plaint par exemple de n'avoir pas eu l'occasion
de soumettre son différend à un tribunal répondant aux exigences de
l'art. 6 par. 1 CEDH (arrêt Le Compte, précité, p. 20 § 44, avec renvoi
à l'arrêt Golder du 21 février 1975, série A No 18 p. 13 § 26, p. 17 §
34, p. 18 § 36).

    Quant au concept de "droits et obligations de caractère civil" sur
lequel doit porter une contestation ainsi définie pour tomber sous le
coup de l'art. 6 par. 1 CEDH, il ne peut s'interpréter par une simple
référence au droit interne de l'Etat défendeur (arrêt König du 28 juin
1978, série A No 27, p. 29-30 § 88-89). Le caractère civil des droits
et obligations en jeu ne se détermine pas d'après la nature de la loi
suivant laquelle la contestation doit être tranchée ou d'après l'identité
de l'autorité compétente en la matière en vertu de l'organisation des
pouvoirs de l'Etat défendeur, et qui peut être soit une juridiction de
droit commun soit un organe administratif. L'art. 6 par. 1 CEDH ne vise
donc pas seulement les contestations qui surgissent entre des particuliers,
ou entre un particulier et l'Etat agissant comme personne privée soumise
au droit privé. Il peut s'agir aussi d'un acte administratif pris par
l'autorité compétente en vertu des prérogatives de l'Etat détenteur de
la puissance publique (arrêts König, précité, p. 30 § 90 et p. 32 § 94;
Ringeisen, précité, p. 39 § 94; arrêt Benthem du 23 octobre 1985, série
A No 91 p. 16 § 34).

    Cette définition large de la notion de "contestation sur des droits
et des obligations de caractère civil" a conduit la Cour européenne des
droits de l'homme à y faire entrer le permis d'exproprier des immeubles,
car une telle mesure touche le droit de propriété qui revêt manifestement
un caractère civil (arrêts Bodén, précité, p. 41 § 32 in fine; Sporrong
et Lönnroth, précité, p. 28 § 79 et p. 30 § 83; Zimmermann et Steiner,
du 13 juillet 1983, série A No 66, p. 10 § 22). La Commission va dans le
même sens pour ce qui concerne la décision d'émettre ou de prolonger une
interdiction de bâtir (cf. son rapport du 8 octobre 1987 dans la cause
Jacobson, p. 31 § 141/142).

    b) Le Tribunal fédéral s'est fondé sur cette interprétation de
l'art. 6 par. 1 CEDH pour admettre qu'une contestation portant sur
l'exercice d'un droit de préemption de l'Etat - assimilable en l'espèce à
une expropriation - tombait sous le coup de cette disposition (ATF 114 Ia
19 et les arrêts cités). Il a statué dans le même sens à propos d'un plan
d'affectation spécial désignant les surfaces nécessaires à l'aménagement
d'un stand de tir et dont l'approbation conférait à l'autorité compétente
le droit d'exproprier les parcelles visées par ce plan (ATF 114 Ia 127
consid. 4c). La personne concernée par de telles mesures étatiques a
donc droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal
indépendant et impartial, compétent pour connaître non seulement de
l'indemnisation à payer par l'expropriant mais aussi de la question
de savoir si l'expropriation est justifiée. Cette exigence n'est pas
satisfaite par la procédure du recours de droit public pour violation de
l'art. 4 Cst. Le Tribunal fédéral a d'abord laissé ouverte la question
de savoir s'il en va de même du recours pour violation de l'art. 22ter
Cst. (ATF 114 Ia 19 consid. 2 in fine). Il a ensuite estimé douteux que
la procédure du recours de droit public puisse, quel que soit le grief
invoqué, compenser les lacunes de la procédure cantonale au regard de
l'art. 6 par. 1 CEDH (ATF 114 Ia 128).

    c) Les exigences de la Convention n'ont pas été respectées en
l'espèce, car la décision attaquée émane non d'un tribunal mais d'un
gouvernement cantonal statuant en instance unique à la fois sur l'utilité
publique du projet et sur la nécessité de mettre l'immeuble du recourant
à contribution pour le réaliser. Saisi d'un recours de droit public pour
violation de l'art. 22ter Cst., le Tribunal fédéral examine en principe
librement si la mesure attaquée répond à un intérêt public et respecte
le principe de la proportionnalité; il s'impose toutefois une certaine
retenue lorsqu'il s'agit de tenir compte de circonstances locales ou de
trancher de pures questions d'appréciation (ATF 114 Ia 117 consid. 3, 18,
113 Ia 448 consid. b)ba), 33 consid. 2, 112 Ia 316/317). En l'occurrence,
la voie du recours de droit public ne suffit pas à remédier au défaut
constaté de la procédure cantonale, car certains aspects essentiels du
litige, comme le choix de l'emplacement des réservoirs ou la nécessité
d'utiliser à cette fin la totalité du terrain du recourant, soulèvent
des questions de fait que le Tribunal fédéral ne revoit que sous l'angle
restreint de l'arbitraire.

Erwägung 3

    3.- En déposant son instrument de ratification, le 28 novembre
1974, la Suisse a formulé une déclaration interprétative de l'art. 6
par. 1 CEDH, selon laquelle la garantie d'un procès équitable figurant
à l'art. 6 par. 1 de la Convention, en ce qui concerne soit les
contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil,
soit le bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre
la personne en cause, vise uniquement à assurer un contrôle judiciaire
final des actes ou décisions de l'autorité publique qui touchent à de tels
droits ou obligations ou à l'examen du bien-fondé d'une telle accusation.

    L'objectif de la déclaration interprétative était d'écarter du champ
d'application "civil" ou "pénal" de l'art. 6 par. 1 CEDH les procédures
qui se déroulent d'abord devant des autorités administratives, de sorte
que le ou les tribunaux appelés à intervenir sur recours ne revoient pas
ou pas complètement l'état de fait. Les autorités fédérales entendaient
ainsi respecter les particularismes cantonaux en matière de procédure et
d'administration de la justice (cf. Message du Conseil fédéral du 4 mars
1974, FF 1974 I p. 1030-1033).

    La Cour européenne des droits de l'homme a jugé que cette déclaration
constituait une réserve de caractère général prohibée par l'art. 64
par. 1 in fine CEDH, dès lors que les termes "contrôle judiciaire final"
ne permettaient pas de mesurer exactement la portée de l'engagement
de la Suisse, en particulier quant au litige visé et quant au point
de savoir si ce contrôle s'exerce ou non sur les faits d'une cause. La
Cour a jugé en outre que la déclaration était formellement viciée parce
qu'elle n'était pas complétée par un "bref exposé de la loi en cause"
exigé par l'art. 64 par. 2 CEDH comme un élément de preuve et un facteur
de sécurité juridique. En définitive, elle n'était pas valable (arrêt
Belilos du 29 avril 1988, série A No 132 p. 23 ss § 52 à 60).

    Considérant que cet arrêt ne concernait que le domaine pénal et que
la déclaration interprétative demeurait applicable en matière civile,
le Conseil fédéral a communiqué, le 16 mai 1988, au Secrétaire général
du Conseil de l'Europe, en sa qualité de dépositaire de la Convention,
une confirmation et une précision de la déclaration interprétative faite
par la Suisse à l'art. 6 par. 1 CEDH, dont la teneur est la suivante
(RO 1988 II p. 1264):

    "Modification d'une déclaration

    La déclaration interprétative de l'art. 6, par. 1 contenue dans
   l'instrument de ratification déposé le 28 novembre 1974 par la Suisse,
   est modifiée et se lit dès lors comme suit, avec effet le 29 avril 1988:

    Pour le Conseil fédéral suisse, la garantie d'un procès équitable
   figurant à l'art. 6, par. 1, de la Convention, en ce qui concerne les
   contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil,
   vise uniquement à assurer un contrôle judiciaire final des actes
   ou décisions de l'autorité publique qui touchent à de tels droits
   ou obligations. Par "contrôle judiciaire final", au sens de cette
   déclaration, il y a lieu d'entendre un contrôle judiciaire limité à
   l'application de la loi, tel qu'un contrôle de type cassatoire."

    Le 27 décembre 1988, le Conseil fédéral a communiqué au Secrétaire
général du Conseil de l'Europe la liste et un bref exposé des dispositions
législatives fédérales et cantonales "couvertes, avec effet au 28 avril
1988, par la déclaration interprétative relative à l'art. 6 par. 1 de la
Convention, faite par le Conseil fédéral suisse le 28 novembre 1974 et
précisée le 16 mai 1988 à la suite de l'arrêt Belilos rendu le 29 avril
1988 par la Cour européenne des droits de l'homme" (RO 1989 p. 276). Cette
liste comporte sept dispositions du droit fédéral, dont quatre se trouvent
dans la loi d'organisation judiciaire et trois dans la loi sur la procédure
administrative. L'énumération des dispositions annoncées par les différents
cantons s'étend sur quarante pages. Le canton de Vaud a pour sa part
renoncé à se prévaloir de la déclaration interprétative (Communication,
p. 35). Il s'ensuit qu'aucune disposition de sa législation n'est écartée
du champ d'application de l'art. 6 par. 1 CEDH. Cela a notamment pour
conséquence que les règles du droit vaudois de procédure administrative
doivent répondre en tous points aux exigences de cette disposition si leur
application a pour cadre une contestation sur des droits et obligations de
caractère civil au sens de la Convention. Il est déjà acquis que le litige
qui oppose le recourant à l'association entre dans cette catégorie, que la
procédure cantonale ne respecte pas les exigences de l'art. 6 par. 1 CEDH,
et que le recours de droit public ne comble pas sur ce point les lacunes
du droit cantonal (consid. 2c ci-dessus). La décision attaquée viole
par conséquent l'art. 6 par. 1 CEDH. Elle doit être annulée, sans qu'il
soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant,
et notamment celui tiré du caractère prématuré de la décision du Conseil
d'Etat, en raison du défaut de déclassement de la parcelle litigieuse. Il
appartiendra au législateur cantonal d'adapter la procédure en matière
d'expropriation aux exigences de l'art. 6 par. 1 CEDH et de désigner
une juridiction compétente pour se prononcer quant au bien-fondé du
prononcé du Conseil d'Etat sur l'utilité publique du projet donnant lieu
à l'expropriation.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours et annule la décision attaquée.