Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 115 IA 363



115 Ia 363

56. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 1er novembre 1989
dans la cause M. contre A. et consorts, Municipalité d'Ormont-Dessus et
Commission cantonale de recours en matière de constructions du canton de
Vaud (recours de droit public) Regeste

    Art. 4 und 22ter BV; öffentliche Bauvorschriften, Anwendung der
Ästhetikklausel und des Eingliederungsgebots (Art. 86 des waadtländischen
Raumplanungs- und Baugesetzes), die die Herabsetzung der Nutzungsdichte
einer Baute bezwecken.

    1. Da dem betroffenen Eigentümer noch eine Möglichkeit verbleibt,
auf seinem Grundstück zu bauen, wird die Frage nach der genügenden
gesetzlichen Grundlage im konkreten Fall nur unter dem beschränkten
Gesichtswinkel der Willkür geprüft (E. 2a) und bejaht (E. 2b und c).

    2. Das geplante Chalet, das in jeder Hinsicht den geltenden
gesetzlichen Vorschriften entspricht, verstösst durch seine im Verhältnis
der umliegenden Bauten erhöhte Nutzungsdichte nicht gegen den herkömmlichen
Baustil. Eine gestützt auf die Ästhetikklausel verfügte Herabsetzung der
Nutzungsdichte entspricht keinem überwiegenden öffentlichen Interesse
(E. 3 und 4).

Sachverhalt

    A.- M. est propriétaire de la parcelle No 2473 du cadastre communal
d'Ormont-Dessus, sise aux Diablerets, en aval de la route du col du Pillon,
au lieu-dit "Es Rochers". D'une surface de 1637 m2, cette parcelle aux
contours irréguliers est entourée de propriétés privées, bâties pour la
plupart, dont celles de A. à l'est (No 2460) et des époux F. au nord (No
2472). Dans le plan de zones communal, elle est classée au coeur d'une
vaste zone de chalets, destinée - aux termes de l'art. 16 du règlement
sur le plan d'extension et la police des constructions (ci-après: RPE)
- "à l'habitation, ainsi qu'à l'artisanat, au commerce, aux activités
touristiques et à l'exploitation agricole" (al. 1) et dans laquelle
"seules sont autorisées les constructions genre chalet" (al. 2).

    Le 23 mars 1988, M. a requis de la Municipalité d'Ormont- Dessus
l'autorisation de construire sur son terrain un chalet d'habitation
de deux étages sur rez, comprenant en tout huit appartements, avec onze
places de stationnement à ciel ouvert, dont sept le long de la parcelle No
2472. Les propriétaires de cette dernière, soit les époux F., et A. ont
fait opposition en invoquant une violation de la clause d'esthétique
figurant à l'art. 45 RPE. La municipalité ayant levé leurs oppositions
et accordé le permis de construire, ils ont alors recouru auprès de la
Commission cantonale de recours en matière de constructions qui, par
prononcé du 31 octobre 1988, a admis leur recours.

    Agissant par la voie du recours de droit public, pour violation
notamment des art. 4 et 22ter Cst., M. a requis le Tribunal fédéral
d'annuler le prononcé de la Commission cantonale de recours.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours dans la mesure où il était
recevable et a annulé le prononcé attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Le recourant soutient tout d'abord que la décision attaquée serait
dépourvue de base légale suffisante et, dans cette mesure, violerait
la garantie de la propriété. Se voyant interdire "l'utilisation qu'il
faisait de son immeuble ou qu'il aurait pu faire dans un proche avenir
selon les dispositions en vigueur", soit la construction d'un chalet en
tout point conforme, par ses dimensions, son volume et son affectation, aux
dispositions du règlement sur les constructions et du plan de zones de la
commune d'Ormont-Dessus, il subirait une restriction particulièrement grave
à son droit de propriété. Une restriction aussi grave, estime-t-il, ne
pourrait se fonder que sur une base légale claire et univoque, et l'art. 86
de la loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les constructions
du 4 décembre 1985 (LATC) ne satisferait pas à cette exigence.

    a) Contrairement à ce qu'affirme le recourant, l'atteinte qu'il subit
n'est pas particulièrement grave. La jurisprudence admet l'existence
d'une telle atteinte lorsque la propriété foncière est enlevée de force
ou lorsque des interdictions ou des prescriptions positives rendent
impossible ou beaucoup plus difficile une utilisation du sol - actuelle ou
future - conforme à sa destination (ATF 108 Ia 35 consid. 3a, 99 Ia 251
et les arrêts cités). Tel n'est pas le cas en l'espèce où l'on impose au
propriétaire non pas l'interdiction de toute construction sur son terrain,
mais uniquement la réduction de la densité d'occupation, c'est-à-dire la
diminution du nombre d'appartements susceptibles d'être aménagés dans
le chalet qu'il projette de construire. Le Tribunal fédéral ne peut
donc examiner la question de la base légale que sous l'angle restreint
de l'arbitraire (ATF 113 Ia 440 consid. 2 et les arrêts cités). Il
examine en revanche librement la question de l'intérêt public et de la
proportionnalité de l'atteinte, tout en faisant preuve de retenue si la
solution dépend d'une appréciation des circonstances locales, que les
autorités cantonales connaissent mieux, ou s'il s'agit de pures questions
d'appréciation (ATF 110 Ia 172 consid. aa, 109 Ia 259 consid. 4 et les
arrêts cités).

    b) Le recourant axe toute son argumentation sur l'art 86 LATC, alors
que la juridiction intimée a fondé sa décision uniquement sur l'art. 45
RPE. Cela importe peu, eu égard au contenu de chacune de ces dispositions,
qui sont ainsi libellées:

    Art. 86 LATC

    "La municipalité veille à ce que les constructions, quelle que
soit leur
   destination, ainsi que les aménagements qui leur sont liés, présentent
   un aspect architectural satisfaisant et s'intègrent à l'environnement.

    Elle refuse le permis pour les constructions ou les démolitions
   susceptibles de compromettre l'aspect et le caractère d'un site,
   d'une localité, d'un quartier ou d'une rue, ou de nuire à l'aspect
   d'un édifice de valeur historique, artistique ou culturelle.

    Les règlements communaux doivent contenir des dispositions en vue
   d'éviter l'enlaidissement des localités et de leurs abords."

    Art. 45 RPE

    "Les constructions et reconstructions devront s'harmoniser avec
le style
   général des bâtiments existants et avec le caractère des lieux, tant
   par la forme, les matériaux employés et leur mise en oeuvre, que par
   les teintes."

    La simple lecture de ces textes montre que la portée de l'art. 45
RPE n'est en tout cas pas plus étendue que celle de l'art. 86 LATC. Dès
lors, si l'on aboutit à la conclusion que cette dernière disposition ne
constitue pas une base légale suffisante, il devra forcément en aller de
même, pour les mêmes motifs, de l'art. 45 RPE. Si l'on conclut en revanche
que l'art. 86 LATC représente une base légale suffisante, cette conclusion
s'imposera également pour l'art. 45 RPE, faute pour le recourant d'avoir
démontré le contraire.

    c) Le Tribunal fédéral a jugé à diverses reprises que l'art. 57 LCAT
- ancienne disposition sur l'esthétique des constructions - constituait
une base légale suffisante (cf. notamment ATF 101 Ia 218 consid. 4,
219 consid. 5a, 97 I 642 consid. b et les arrêts cités). Il n'a pas de
raison d'en décider autrement à propos de l'art. 86 LATC, actuelle clause
d'esthétique et d'intégration des constructions, dont le texte est très
proche de celui de l'art. 57 LCAT (Droit vaudois de la construction,
Lausanne 1987, n. 2 ad LATC 86, p. 154). Il s'agit d'une réglementation
particulièrement large du double point de vue des objets protégés et de
l'atteinte justifiant l'intervention du pouvoir étatique. L'étendue de
la base légale et le large éventail des possibilités d'intervention
des pouvoirs publics ne peuvent toutefois justifier à priori n'importe
quelle mesure. Une base légale large exige en effet que l'on se montre
particulièrement rigoureux lors de la pesée des intérêts en présence et
dans l'examen de la proportionnalité de la limitation par rapport au but
poursuivi et à l'objet de la protection (ATF 97 I 642 consid. b; arrêt
non publié Crottaz du 23 décembre 1983, consid. 2a; Droit vaudois de la
construction, n. 2.1.1 ad LATC 86, p. 155).

    Le grief d'absence de base légale suffisante doit donc être rejeté.

Erwägung 3

    3.- a) Selon la jurisprudence, une clause d'esthétique ne doit
pas être appliquée de manière à vider pratiquement de sa substance la
réglementation sur les zones en vigueur (ATF 115 Ia 118 ss consid. 3d;
114 Ia 345 s. consid. 4b). En droit vaudois, un projet de construction peut
être interdit sur la base de l'art. 86 LATC quand bien même il satisferait
à toutes les autres dispositions cantonales et communales en matière
de police des constructions. Cependant, une intervention des autorités
dans le cas de la construction d'un immeuble réglementaire qui, par son
volume, ne serait pas en harmonie avec les constructions existantes,
ne peut s'inscrire que dans la ligne tracée par la loi elle-même et par
les règlements communaux. Ce sont en effet ces textes qui définissent
en premier lieu l'orientation que doit suivre le développement des
localités. Ainsi, lorsqu'un plan de zones prévoit que des constructions
d'un certain volume peuvent être édifiées dans tel secteur du territoire,
une interdiction de construire fondée sur l'art. 86 LATC, en raison du
contraste formé par le volume du bâtiment projeté avec les constructions
existantes, ne peut se justifier que par un intérêt public prépondérant. Il
faut alors que l'utilisation des possibilités de construire réglementaires
apparaisse déraisonnable et irrationnelle (ATF 101 Ia 213 ss; Droit
vaudois de la construction, n. 2.1.1 ad LATC 86, p. 155).

    b) Le soin de veiller à l'aspect architectural des constructions
leur appartenant en premier lieu, les autorités locales disposent,
à cet égard, d'un large pouvoir d'appréciation et la Commission
cantonale de recours ne saurait substituer sans autre son propre pouvoir
d'appréciation. Elle s'impose en effet une certaine retenue dans les
domaines où l'autorité municipale jouit, en fait et en droit, d'un large
pouvoir d'appréciation. C'est le cas notamment en matière d'esthétique
dans la mesure où il est question de remettre en cause les implantations,
les dimensions, les masses et les hauteurs d'ouvrages définis par un plan
de quartier ou un plan d'affectation partiel récent (cf. Droit vaudois de
la construction, n. 3.5 ad LATC 15, p. 64 et n. 2.1.1 in fine ad LATC 86,
p. 155; ATF 115 Ia 118/119 consid. 3d et les références).

Erwägung 4

    4.- a) ...

    A l'instar de l'autorité communale, la Commission cantonale de
recours a considéré que la construction projetée était en tous points
réglementaire. S'agissant de déterminer si celle-ci s'harmonisait avec
le style général des bâtiments existants et avec le caractère des lieux
(art. 45 RPE), elle a estimé que, sous l'angle de la seule volumétrie,
le projet litigieux ne pouvait être refusé vu l'absence de contraste
marqué entre ses dimensions et celles des constructions existantes;
en revanche, son taux d'occupation serait propre à compromettre le
caractère des lieux, le quartier des Rochers constituant un compartiment
de terrain bien délimité, ne frappant certes pas par des constructions
particulièrement modestes dans leur gabarit, mais se distinguant par une
densité extrêmement faible (un à deux foyers, exceptionnellement trois, par
chalet). Il y aurait donc hiatus, selon la commission cantonale, du fait
d'une occupation sans commune mesure avec celle des bâtiments existants;
au demeurant, cette volonté de tirer un parti excessif du volume prévu
- en lui-même admissible - se traduirait extérieurement par une façade
principale criblée de fenêtres si rapprochées qu'il faudrait renoncer
à les flanquer des volets caractéristiques des chalets. En définitive,
a conclu la juridiction cantonale, l'édification d'un ouvrage conçu pour
une telle densité d'occupation serait de nature à compromettre le calme
et la tranquillité propres au quartier ...

    b) Lors de l'inspection des lieux du 3 juillet 1989, le président
de la Commission cantonale de recours a délimité ... le secteur pris en
considération dans le prononcé attaqué ... Ainsi que l'inspection locale
a permis de le constater, la zone de chalets s'étend encore à l'est sur
un vaste secteur actuellement en nature de pré et accessible depuis la
route cantonale du col du Pillon. Un peu plus bas, à l'ouest, se trouvent
trois chalets de six appartements chacun, appartements relativement plus
grands que ceux prévus par le recourant.

    Le critère de "visibilité" appliqué par la juridiction intimée,
qui s'en est tenue ... (à un) compartiment de terrain (assez) restreint
..., s'avère inapproprié en l'occurrence, car - l'inspection locale l'a
confirmé - c'est tout naturellement et presque sans transition que l'on
passe vers l'est dans l'aire en nature de pré classée en zone de chalets
et au sud-ouest, en contrebas, dans celle comprenant les trois chalets
de six appartements chacun. Que la plupart des chalets sis aux abords
immédiats du projet litigieux n'abritent effectivement qu'une ou deux
familles - ce qui a également été vérifié lors de l'inspection locale -,
n'apparaît pas décisif dans ces conditions. L'on ne se trouve donc pas
en présence d'un secteur topographiquement si clairement délimité qu'il
se justifierait de le soumettre à un régime particulier.

    Au dire des intimés et de la juridiction cantonale (par la voix de
son président), l'aménagement des huit logements et des onze places de
parc prévus - véritable "corps étranger" dans le secteur, à leurs yeux -
porterait atteinte au caractère du site à cause des diverses nuisances
qu'il entraînera immanquablement (manoeuvres de véhicules, claquement de
portes, rentrées tardives bruyantes), ce qui constituerait une différence
par rapport à la route cantonale où le bruit est pratiquement continu. A
cet égard, il y a lieu tout d'abord de prendre acte de la déclaration
faite par le recourant lors de l'inspection des lieux et aux termes de
laquelle le nombre de logements projetés sera finalement de sept au lieu
de huit, en raison du retrait d'une offre d'achat. S'agissant des places
de parc - prévues non pas devant mais à côté du chalet des intimés F.,
le chalet de A. n'étant, lui, pas gêné -, le recourant se contenterait
de n'en aménager que sept, mais c'est pour répondre au voeu des autorités
locales qu'il entend maintenir leur nombre à onze: la commune, qui exige en
principe une place de parc par logement, en recommande en fait une et demie
pour tenir compte des besoins de la station en matière de parking. Outre
la présence de la route du col du Pillon, dont le caractère bruyant
est indéniable, il faut mentionner l'existence de la route privée qui,
à l'endroit litigieux, s'en détache pour desservir en contrebas environ
30 habitants hors saison et 150 en saison. Cette circonstance interdit
déjà à elle seule d'attribuer au quartier des Rochers le qualificatif
de particulièrement tranquille au point que la réalisation du projet du
recourant aurait pour effet d'en changer totalement le caractère.

    Quant à l'aspect esthétique de la façade principale (sud) "criblée
de fenêtres", qui consacrerait la volonté de tirer un parti excessif du
volume prévu, pourtant réglementaire, c'est là une atteinte relativement
mineure, au dire du président de la Commission cantonale de recours, qui
n'a du reste été évoquée que par surabondance dans le prononcé attaqué. La
délégation du Tribunal fédéral a d'ailleurs pu se rendre compte d'elle-même
que la construction litigieuse ne sera pas la seule dans la localité à
avoir une façade dépourvue de volets en raison du nombre élevé de fenêtres.

    c) Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, on ne voit donc pas à
quel intérêt public prépondérant répondrait la réduction de la densité
d'occupation imposée au recourant sur la base de la clause d'esthétique de
l'art. 45 RPE. Au demeurant, l'utilisation qu'entend faire ce propriétaire
des possibilités de construire offertes par le règlement communal en
vigueur - réglementation que la commune, au dire de ses représentants à
l'inspection locale, n'envisage pas pour l'heure de modifier en vue par
exemple de limiter la densité de logements par chalet - n'apparaît pas
déraisonnable et irrationnelle au sens de la jurisprudence susmentionnée
(cf. ATF 101 Ia 223 consid. c).

    ...