Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 115 IA 183



115 Ia 183

33. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 7 juin 1989 en
la cause dame G. contre Conseil d'Etat du canton du Valais (recours de
droit public) Regeste

    Voraussetzungen eines unabhängigen und unparteiischen Gerichts i.S. von
Art. 6 Ziff. 1 EMRK.

    1. Die erst vor Bundesgericht im Rahmen einer staatsrechtlichen
Beschwerde erhobene Rüge der Verletzung von Art. 6 Ziff. 1 EMRK ist
zulässig, wenn die letzte kantonale Instanz Tat- und Rechtsfragen frei
und von Amtes wegen überprüfen durfte (E. 2).

    2. Eine von der Walliser Motorfahrzeugkontrolle auferlegte Busse wegen
Verstoss gegen das Strassenverkehrsgesetz kann beim Walliser Staatsrat
angefochten werden. Dieses Verfahren garantiert dem Betroffenen kein
unabhängiges und unparteiisches Gericht i.S. von Art. 6 Ziff. 1 EMRK
(E. 4).

    3. Die neue, am 16. Mai 1988 von der Schweiz zu Art. 6 Ziff. 1 EMRK
abgegebene auslegende Erklärung bezieht sich auf Streitigkeiten über
zivilrechtliche Rechte und Pflichten und nicht auf die Rechtmässigkeit von
strafrechtlichen Anklageerhebungen. Eine ausschliesslich dem Bundesgericht
im Rahmen einer staatsrechtlichen Beschwerde vorbehaltene Überprüfung
einer Bussenverfügung entspricht den Konventionsgarantien nicht. In dieser
Hinsicht ist die in BGE 111 Ia 267 ff publizierte Rechtsprechung zu ändern
(E. 5).

Sachverhalt

    A.- Le 22 janvier 1987, dame G. circulait au volant de son véhicule
automobile à l'intérieur du hameau d'Ollon en direction de Crans-Montana
lorsqu'elle entra en collision avec un autre véhicule circulant en sens
inverse. Le Chef du Service des automobiles du canton du Valais lui a
infligé, le 20 mars 1987, une amende de 150 francs pour violation des
art. 34 al. 1, 90 al. 1 LCR et 7 al. 1 OCR.

    Par décision du 11 janvier 1989, le Conseil d'Etat du canton du Valais,
statuant en dernière instance, a rejeté le recours qu'elle avait formé
contre cette décision:

    Agissant par la voie du recours de droit public, dame G. demande au
Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil d'Etat. Elle invoque
la violation des art. 4 Cst. et 6 par. 1 CEDH. Son droit d'être entendue
aurait été violé; la procédure suivie ne respecterait pas le droit à un
tribunal indépendant et impartial au sens de la Convention.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- La recourante soulève pour la première fois devant le Tribunal
fédéral le grief de violation de l'art. 6 par. 1 CEDH qui garantit
notamment le droit du prévenu à ce qu'un juge indépendant et impartial
décide du bien-fondé des charges qui pèsent contre lui. La jurisprudence
admet en principe la recevabilité de moyens de droit nouveaux dans
un recours de droit public, lorsque l'autorité de dernière instance
cantonale disposait d'un pouvoir d'examen libre et appliquait le droit
d'office. Seuls font exception à cette règle les recours pour arbitraire
et ceux où le grief de violation d'un autre droit constitutionnel n'a
pas de portée propre, se confondant ainsi avec le grief d'arbitraire
(ATF 113 Ia 339, 107 Ia 266 consid. 2a et les arrêts cités).

    En vertu des art. 47 et 61 de la loi valaisanne du 6 octobre 1976
sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA), l'autorité
administrative examine librement et d'office les questions de fait et de
droit que pose une décision déférée devant elle par la voie d'un recours
hiérarchique. Le recours est d'autre part formé essentiellement pour une
violation de l'art. 6 par. 1 CEDH. Ce grief, tel qu'il est invoqué dans
l'acte de recours, ne se confond pas avec celui tiré de l'arbitraire. Il
est donc recevable, bien qu'il n'ait pas été soulevé au cours de la
procédure cantonale (cf. arrêt non publié du 10 juin 1987, en la cause
Boillat).

Erwägung 3

    3.- L'autorité intimée estime en outre que le recours n'est pas
suffisamment motivé et serait irrecevable au regard de l'art. 90 al. 1
lettre b OJ. Cette disposition exige de celui qui agit par la voie d'un
recours de droit public qu'il expose les faits essentiels et les droits
constitutionnels ou les principes juridiques violés, précisant en quoi
consiste la violation. Le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit
public, ne doit ainsi examiner que les griefs exposés de manière assez
claire et détaillée pour qu'il puisse déterminer quel est le droit
constitutionnel dont l'application est en jeu (ATF 114 Ia 318/319
consid. 2a, 316 consid. 1b, 110 Ia 3/4 consid. 2a). En l'espèce, la
recourante invoque clairement la violation de l'art. 6 ch. 1 CEDH,
car l'application des règles de procédure cantonales l'aurait empêchée
de faire entendre sa cause par un tribunal indépendant et impartial.

Erwägung 4

    4.- Aux termes de l'art. 6 par. 1 CEDH, toute personne a droit à ce
que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai
raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi,
qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de
caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle. La recourante soutient d'une part qu'une prévention
d'avoir enfreint les règles de la circulation routière est une accusation
en matière pénale au sens du droit conventionnel et d'autre part que
le Conseil d'Etat n'est pas le tribunal indépendant et impartial que ce
droit exige pour qu'il soit statué sur une telle accusation.

    a) Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme,
les amendes infligées pour infraction aux règles de la circulation routière
relèvent de la matière pénale au sens de l'art. 6 ch. 1 CEDH. Il est
certes admissible de confier à des autorités administratives la tâche
de poursuivre et de réprimer de telles infractions. Mais il faut alors
que la personne poursuivie ait la possibilité de déférer les décisions
prises par cette autorité à un tribunal, par quoi il faut entendre un
organe juridictionnel compétent pour résoudre le litige sur la base de
normes juridiques à l'issue d'une procédure organisée (arrêts de la Cour
européenne des droits de l'homme du 21 février 1984 en la cause Oeztürk,
Série A, vol. 73, par. 50-54, 56; du 25 août 1987 en la cause Lutz,
Série A, vol. 123, par. 57). Il doit s'agir en outre d'une autorité dont
l'indépendance, notamment à l'égard de l'exécutif, et l'impartialité
sont favorisées par des règles organiques, tels le statut personnel de
ses membres et les règles de procédure qu'elle doit suivre pour rendre
ses décisions (arrêt du 29 avril 1988 en la cause Belilos, Série A, vol.
132, par. 64).

    b) L'application de la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la
circulation routière (LCR) est assurée dans le canton du Valais par
un décret du Grand Conseil adopté le 1er février 1963 et modifié le
17 mai 1968. L'art. 13 de ce décret donne au Département de police
la compétence d'instruire les infractions aux art. 90 ch. 1 al. 2, 92
al. 1, 94 ch. 2 et 3, 95 ch. 1, 96 ch. 1, 98 et 99 LCR, ainsi que les
infractions aux dispositions d'exécution de la loi fédérale (ch. 1). Un
avis de contravention est notifié à l'intéressé qui dispose d'un délai
de 8 jours pour faire valoir ses observations oralement ou par écrit.
L'amende est prononcée par le chef du département ou par le chef du service
auquel il aura expressément délégué ses pouvoirs par une décision rendue
publique. Les arrêts doivent en revanche être prononcés par le chef du
département. Tout prononcé d'une amende ou des arrêts est susceptible de
recours au Conseil d'Etat dans les 20 jours dès sa notification (ch. 2).

    Le Conseil d'Etat exerce ainsi dans ce domaine la juridiction
supérieure sur le plan cantonal. Ce système, communément appelé le système
de l'administrateur juge, ne garantit manifestement pas au justiciable
l'indépendance et l'impartialité que lui offrirait un tribunal au sens de
l'art. 6 par. 1 CEDH. Le juge doit en effet être indépendant des autres
pouvoirs de l'Etat autant que des parties à la procédure (ATF 114 Ia 54,
EuGRZ 1986 p. 671 consid. a et les références citées). Le gouvernement
cantonal statue en effet sur des recours dirigés contre les décisions
d'autorités qui lui sont subordonnées, voire de l'un de ses membres
individuellement. Le chef du département dont la décision est attaquée
devant le Conseil d'Etat est ainsi juge et partie dans sa propre cause
aux yeux de l'administré. Ce dernier peut aussi éprouver des doutes
légitimes quant à l'impartialité d'un contrôle par une autorité dont
l'administration reçoit directement ses instructions (cf. ANDRE GRISEL,
Traité de droit administratif, Neuchâtel, 1984, p. 955, BLAISE KNAPP,
Précis de droit administratif, 3e éd., Bâle/Francfort, 1988, No 1829
s.). Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme,
il est contraire à la Convention de confier la compétence de revoir les
amendes infligées par la police à un fonctionnaire issu de la direction
de celle-ci (arrêt Belilos, précité). Il n'y a aucune raison pour qu'il
n'en aille pas de même lorsque l'autorité qui statue est le gouvernement
lui-même, organe suprême de l'administration. Le Tribunal fédéral a du
reste déjà jugé qu'une procédure semblable à celle instituée par le décret
cantonal des 1er février 1963/17 mai 1968 n'assure pas l'indépendance et
l'impartialité du Conseil d'Etat valaisan en tant que juge. Il s'était
toutefois dispensé en cette occasion d'annuler la décision attaquée en
raison de la déclaration interprétative faite par la Suisse à l'art. 6
par. 1 de la Convention (ATF 111 Ia 267/269).

    La décision attaquée n'a donc pas été prise au terme d'une procédure
conforme à l'art. 6 par. 1 CEDH. Cette irrégularité n'est pas réparable
devant le Tribunal fédéral saisi d'un recours de droit public, puisque
celui-ci ne revoit que sous l'angle restreint de l'arbitraire la
constatation des faits qui sont décisifs pour la solution de l'espèce
(ATF 105 Ia 19 consid. 3, 190 consid. 2a, 101 Ia 306, 98 Ia 142).

Erwägung 5

    5.- Il reste à examiner si le système ainsi critiqué est à l'abri
des exigences conventionnelles en vertu de la déclaration interprétative
formulée par la Suisse en déposant son instrument de ratification, le 28
novembre 1974, et dont la teneur était la suivante (RO 1974, p. 2173):

    "Pour le Conseil fédéral suisse, la garantie d'un procès équitable
   figurant à l'art. 6 par. 1 de la Convention, en ce qui concerne soit
   les contestations portant sur les droits et obligations de caractère
   civil, soit le bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée
   contre la personne en cause, vise uniquement à assurer un contrôle
   judiciaire final des actes ou décisions de l'autorité publique qui
   touchent à de tels droits ou obligations ou à l'examen du bien-fondé
   d'une telle accusation."

    L'objectif de la déclaration interprétative était d'écarter du champ
d'application civil ou pénal de l'art. 6 par. 1 CEDH les procédures qui
se déroulent d'abord devant des autorités administratives, de sorte
que le ou les tribunaux appelés à intervenir sur recours ne revoient
pas ou pas complètement l'état de fait. Cette déclaration a été faite
essentiellement par souci de respecter les particularismes cantonaux en
matière de procédure et d'administration de la justice (cf. le Message
du Conseil fédéral du 4 mars 1974, FF 1974 I p. 1031 s.).

    Dans son arrêt Belilos précité, la Cour européenne des droits de
l'homme a jugé que la déclaration interprétative faite par la Suisse
à l'art. 6 par. 1 CEDH constituait une réserve de caractère général
prohibée par l'art. 64 par. 1 in fine CEDH, dès lors que les termes
"contrôle judiciaire final" ne permettaient pas de mesurer exactement la
portée de l'engagement de la Suisse, en particulier quant au litige visé,
et quant au point de savoir si ce contrôle s'exerce ou non sur les faits
d'une cause. La Cour a jugé en outre que la déclaration interprétative
était viciée formellement parce qu'elle n'était pas complétée par un "bref
exposé de la loi en cause" que l'art. 64 par. 2 exige comme un élément de
preuve et un facteur de sécurité juridique. Elle a constaté en définitive
que la déclaration interprétative n'était pas "valide" (par. 50-60).

    La Suisse s'est dès lors trouvée devant le dilemme de retirer sa
déclaration interprétative ou - pour autant que cela soit possible une fois
déposé l'instrument de ratification - d'en préciser la portée pour répondre
aux exigences conventionnelles nouvellement définies. Le Conseil fédéral
a opté pour le second terme de l'alternative. Il a considéré que l'arrêt
Belilos concernait le domaine pénal et que la déclaration interprétative
demeurait applicable en matière de contestations civiles. Il a dès lors
communiqué, le 16 mai 1988, au Secrétaire général du Conseil de l'Europe,
en sa qualité de dépositaire de la Convention, une confirmation et une
précision de la déclaration interprétative faite par la Suisse à l'art. 6
par. 1 CEDH, dont la teneur est désormais la suivante (RO 1988 p. 1264):

    "Pour le Conseil fédéral suisse, la garantie d'un procès équitable
   figurant à l'art. 6 par. 1 de la Convention, en ce qui concerne les
   contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil,
   vise uniquement a assurer un contrôle judiciaire final des actes
   ou décisions de l'autorité publique qui touchent à de tels droits
   ou obligations. Par (contrôle judiciaire final) au sens de cette
   déclaration, il y a lieu d'entendre un contrôle judiciaire limité à
   l'application de la loi, tel qu'un contrôle de type cassatoire."

    Ainsi libellée, la déclaration interprétative faite par la Suisse à
l'art. 6 par. 1 CEDH concerne désormais les seules contestations portant
sur des droits et obligations de caractère civil. Elle ne concerne
plus celles qui ont pour objet selon les termes de la Convention "le
bien-fondé de toute accusation en matière pénale". Le contrôle qu'exerce
le Tribunal fédéral saisi d'un recours de droit public contre une décision
administrative ayant pour objet une contravention au droit fédéral n'est
pas la garantie suffisante d'un procès équitable au sens de l'art. 6
par. 1 CEDH (cf. consid. 4 ci-dessus); il ne peut donc pas combler les
lacunes de la procédure cantonale. Le recours doit par conséquent être
admis et la décision attaquée annulée.