Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 115 IA 172



115 Ia 172

31. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 5 juin 1989 dans
la cause P. c. C. (recours de droit public) Regeste

    Art. 58 BV; Art. 6 Ziff. 1 EMRK; Ablehnung eines Richters.

    - Umstände, die objektiv geeignet sind, den Anschein von Befangenheit
und die Gefahr der Parteilichkeit zu begründen, reichen zur Ablehnung
eines Richters aus (E. 3).

    - Fall eines Ersatzrichters einer Kassationsinstanz, der einen
Zeitungsartikel über die erstinstanzliche Verhandlung schrieb, welcher er
als Journalist beigewohnt hatte, und dessen Verhalten an einem öffentlichen
Ort Zweifel an der Unparteilichkeit begründen konnte (E. 4).

Sachverhalt

    A.- Dans un magazine a paru un article signé de P. au sujet de
C. fonctionnaire du canton de Fribourg. En raison des allégations contenues
dans ce texte, C. a déposé une plainte pénale contre le journaliste pour
diffamation et calomnie.

    B.- Le Tribunal correctionnel de la Sarine a condamné P. notamment
à une amende de 1500 francs pour diffamation.

    C.- P. a saisi la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
fribourgeois d'un recours contre le jugement de la première instance. La
cour cantonale a rejeté le recours, dans la mesure où il était
recevable. Cette autorité était composée de cinq juges dont le juge
suppléant E.

    D.- P. a formé un recours de droit public au Tribunal fédéral. Il
demande l'annulation de l'arrêt de la cour cantonale ainsi que du jugement
de la première instance, avec suite de frais et dépens.

    A côté d'autres moyens, le recourant soutient que la présence de
E. au sein de la cour de cassation cantonale constituait une violation
de l'art. 58 Cst.

    Ses arguments sont en substance les suivants. Peu avant l'audience de
la Cour de cassation du Tribunal cantonal fribourgeois, le juge suppléant
E. aurait déclaré, dans un café et en présence de tiers, que le recours
de P. n'avait pas de chances d'aboutir. De plus, E. avait rédigé, en sa
qualité de correspondant d'un journal alémanique "Z" pour le canton de
Fribourg, un article paru le 7 janvier 1988 sous le titre "Prozesserfolg
für den Chef der Freiburger Fremdenpolizei" rendant compte de l'audience
de la première instance dans la même affaire. On pouvait notamment y
lire que la peine était sévère, que cela s'expliquait partiellement
par l'attitude de l'accusé, qui avait tenté d'ériger cette instance en
tribunal public contre le plaignant au moyen d'accusations parfois peu
pertinentes. L'attitude du plaignant est décrite comme semblant plus
convaincante. Ce passage en allemand a la teneur qui suit:

    "Das P. überbundene Strafmass ist hart ausgefallen. Zu einem Teil hat
   er sich dies selber zuzuschreiben, da er versucht hat, das Gericht in
   ein öffentliches Tribunal gegen C. umzugestalten. Obwohl er von einem

    Rechtsanwalt verbeiständet war, hat er seine Verteidigung quasi im

    Alleingang bestritten. Wortreich brachte er die verschiedensten
Anklagen
   gegen C. vor, die mit dem Prozessgegenstand teils wenig zu tun
   hatten. Es scheint, dass das Auftreten C.'s überzeugender war, obwohl
   nach dem

    Prozess der Eindruck herrschte, in der Freiburger Fremdenpolizei seien
   noch zahlreiche Fragen offen."

    Le recourant précise qu'il s'est rendu compte de ces faits, impliquant
la même personne, seulement après l'audience de la Cour de cassation
cantonale.

    E.- Invitée à présenter des observations, la cour cantonale a déclaré
n'avoir pas de remarques à formuler, Elle indique qu'elle a informé le
Ministère public cantonal, le président de la première instance, l'avocat
du plaignant et le juge cantonal suppléant mis en cause de la possibilité
de déposer des déterminations.

    Le Ministère public du canton de Fribourg a déclaré renoncer à
présenter des observations et le président de la première instance a
confirmé le jugement.

    Le juge cantonal suppléant E. s'est déterminé comme il suit...

    "A. Aussage gegenüber der Journalistin X.

    Am Tage, als der Freiburger Strafkassationshof den Fall P.
   verhandelte, ging ich kurz vor der Sitzung in ein Restaurant, um einen

    Kaffee zu trinken. In diesem Lokal befand sich die mir persönlich
   bekannte Journalistin X. An ihrem Tisch sassen noch zwei weitere,
   mir ebenfalls bekannte Personen. Ich setzte mich zu ihnen und ein
   belangloses Gespräch nahm seinen Verlauf. Plötzlich fragte mich X.,
   ob P. verurteilt oder freigesprochen werde. Obwohl mir diese Frage
   ungehörig erschien und meine Unparteilichkeit berührte, antwortete
   ich nach kurzem Überlegen auf französisch: "Nein darüber spreche ich
   nicht." Doch kaum hatte ich das nein ausgesprochen, unterbrach sie
   mich und erklärte, ich hätte gegen P. ein Vorurteil. Die anderen beiden
   Personen, die dies gehört hatten, lachten und erst dann konnte ich den
   zweiten Teil des Satzes anbringen "darüber spreche ich nicht". Damit
   hatte es sein Bewenden, bis ich am Radio per Zufall hörte, ein
   Kantonsersatzrichter hätte bereits vor der

    Verhandlung gesagt, P. würde ohnehin verurteilt.

    B. Artikel in der Zeitung

    Es trifft zu, wie der Rechtsvertreter P. schreibt, dass ich am
7. Januar

    1988 über das Verfahren gegen P. in der 1. Instanz einen Artikel
verfasst
   habe. Ich muss jedoch präzisieren, dass der Titel: "Prozesserfolg für
   den Chef der Freiburger Fremdenpolizei" nicht von mir stammt.

    Diesen hat die Redaktion gesetzt. Von mir stammt hingegen der

    Untertitel: "Journalist des (...) wegen Ehrverletzung
verurteilt." Weiter
   möchte ich darauf hinweisen, dass der Absatz: "Rekurs angekündigt"
   ebenfalls nicht von mir stammt. Er trägt übrigens nicht meine Paraphe

    "xyz", sondern "spk".

    Als ich ungefähr im Monat Mai 1988 von der Gerichtsschreiberei des

    Kantonsgerichtes angefragt wurde, ob ich im Fall P. mitwirken würde,
   habe ich gänzlich vergessen, war mir gar nicht mehr bewusst, dass ich
   seinerzeit diesen Artikel geschrieben hatte. Dass ich dies vergessen
   konnte, ist mir sehr unangenehm, kann aber vielleicht dadurch erklärt
   werden, dass ich normalerweise keine Gerichtsberichtserstattung
   verfasse und seit dem Januar bis zur zweitinstanzlichen Verhandlung
   gegen P. über 30 Z-Artikel geschrieben habe. Dazu kommen noch

    Texte, die ich als Journalist für andere Organe geschrieben habe. An
   den besagten Artikel wurde ich erst erinnert, als mich die Redaktion
   anfragte, warum der Rechtsvertreter von P. wissen wolle, von wem der

    Artikel "Prozesserfolg für den Chef der Freiburger Fremdenpolizei"
   stamme. Abschliessend gestatte ich mir, Sie darauf aufmerksam zu machen,
   dass es sich bei diesem Artikel lediglich um eine

    Berichterstattung und nicht um einen Kommentar handelt."

    L'intimé C. a conclu au rejet du recours dans la mesure où il est
recevable. Il précise le nom d'un témoin de la conversation au café,
dont il demande l'audition. Il soutient que la maladresse d'un juge ne
permet pas encore d'affirmer qu'il est partial et que l'article du journal
alémanique ne contient pas d'appréciations sur la culpabilité du condamné
ni sur les motifs ayant conduit les juges de première instance à retenir
la diffamation.

    F.- Le 25 avril 1989, une délégation du Tribunal fédéral a procédé
à l'audition des participants à la conversation concernant le procès qui
s'était déroulée au café.

    G.- Le recourant s'est également pourvu en nullité au Tribunal fédéral
contre l'arrêt du 20 juin 1988.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- D'après les art. 58 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, toute personne
a notamment droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal
impartial. On tend ainsi à garantir que des circonstances extérieures au
procès ne puissent pas influer sur le jugement d'une manière qui ne serait
pas objective, en faveur ou au préjudice d'une partie; en d'autres termes,
ce droit de rang constitutionnel doit éviter que celui qui se trouve sous
de telles influences n'exerce la fonction de juge car il ne saurait être un
"juste médiateur" (ATF 112 Ia 292 consid. 3a). D'après la jurisprudence du
Tribunal fédéral, la prévention d'un juge doit être admise lorsqu'existent
des circonstances qui peuvent susciter le doute quant à son impartialité.
Constituent de telles circonstances soit le comportement personnel du
juge en cause, soit des considérations de caractère formel ou organique,
c'est-à-dire des critères objectifs (ATF 113 Ia 63). Cependant, dans
ces deux cas, il n'est pas nécessaire que le juge ait été effectivement
sous l'empire d'une prévention; la suspicion de prévention est légitime
déjà si elle se fonde sur des apparences, résultant d'un examen objectif,
d'après lesquelles la loyauté de la procédure nécessaire pour parvenir à
un jugement impartial n'est plus garantie. Compte tenu de l'importance
de l'impartialité pour la confiance que doivent inspirer les tribunaux
d'une société démocratique au justiciable, une interprétation et une
application restrictives de ce principe fondamental des art. 58 Cst. et 6
par. 1 CEDH ne doit pas prévaloir. Cependant, la récusation implique une
certaine contradiction entre le droit à un juge impartial et le droit au
juge originairement institué par la loi. Il s'ensuit que la récusation
doit demeurer l'exception afin que les règles d'organisation judiciaire
ne soient pas vidées de leur contenu (ATF 114 Ia 155 consid. 3, voir ATF
114 Ia 53 ss consid. 3b et les nombreuses citations).

    Un juge peut sembler sous l'empire d'une prévention en raison de son
comportement subjectif. Or, le manque d'objectivité est un état intérieur
qu'il est difficile de prouver. En conséquence, la preuve d'une prévention
effective n'est pas exigée pour l'admission d'une récusation. Au contraire,
il suffit de circonstances propres à susciter l'apparence d'une prévention
et à faire naître un risque de partialité. On ne saurait cependant se
fonder sur l'appréciation subjective d'une partie. La méfiance à l'égard
du juge doit résulter objectivement de circonstances certaines ou d'un
comportement propre à éveiller la suspicion de partialité (ATF 114 Ia 158
consid. 3b). Une appréhension quant à l'existence d'une prévention, et donc
une méfiance à l'égard du tribunal, peut toujours être ressentie par les
parties lorsque le juge a déjà eu affaire avec le litige antérieurement
de par ses fonctions publiques - judiciaires ou autres -, c'est-à-dire
lorsqu'il a déjà joué un rôle concret dans ce cadre (ATF 114 Ia 145
consid. c où il est renvoyé aux ATF 114 Ia 57 consid. 3d et 139).

Erwägung 4

    4.- En l'espèce, se pose la question de l'éventuelle prévention du
juge cantonal suppléant E., d'une part en raison de l'article de presse
qu'il a rédigé au sujet de l'audience de la première instance, d'autre
part à cause des propos qu'il aurait tenus au café, immédiatement avant
l'audience de la seconde instance cantonale.

    a) aa) Sur le plan de l'article de presse, l'audition du juge cantonal
suppléant E. par la délégation du Tribunal fédéral a permis de recueillir
les précisions suivantes.

    Selon ses dires, E. a suivi l'audience de la première instance pendant
20 minutes environ. Après la fin de cette audience, il a demandé le
dispositif au greffier; se fondant sur des explications complémentaires
de celui-ci et sur des indications obtenues d'un autre journaliste, il
a rédigé l'article en question. A son avis, ce texte ne constitue pas un
commentaire, faute de jugement de valeur défavorable ou favorable exprimé
sur l'accusé. Il a cependant admis qu'il s'agissait d'un cas limite entre
l'information et le commentaire; à son sens, et de l'avis général dit-il,
la peine était sévère. Son appréciation "Zum einen Teil hat er sich dies
selber zuzuschreiben, da er versucht hat das Gericht in ein öffentliches
Tribunal gegen C. umzugestalten" résultait de l'impression ressentie lors
de sa présence à l'audience durant 20 minutes. Il en irait de même pour
la phrase: "Obwohl er von einem Rechtsanwalt verbeiständet war, hat er
seine Verteidigung quasi im Alleingang bestritten." Selon lui, si l'accusé
avait écouté son avocat, l'issue du procès eût été, peut-être, différente.

    En outre, E. a déclaré que lorsqu'il devait siéger comme juge
suppléant, le Tribunal cantonal le convoquait par téléphone, pas par écrit;
il a cependant admis qu'il existait en l'espèce une confirmation écrite
avec la mention "Cassation pénale Pierre P." (en toutes lettres). Il a
maintenu que ni la lecture de cette confirmation ni celle du dossier,
pas plus que l'audience de la cour cantonale ne lui ont remis en mémoire
qu'il avait rédigé un article de presse concernant cette même affaire,
alors au stade de la première instance. Il a rapporté que la salle de la
cour cantonale, ordinairement moins fréquentée, était comble pour ce procès
et que l'affaire avait conduit à la démission d'un Conseiller d'Etat.

    bb) Quant à l'incident qui s'est déroulé au café, avant l'audience,
E. a confirmé qu'il avait voulu répondre en français "non, je ne parle pas
de cela" à X., qui lui demandait si P. serait condamné ou acquitté, mais
qu'elle l'avait interrompu immédiatement après le "non"; c'est seulement
un instant plus tard qu'il a pu, selon lui, terminer sa phrase. Il a
exprimé qu'il avait l'impression que son interlocutrice avait voulu mal
comprendre. Celle-ci, au contraire, a déclaré qu'il ne pouvait pas s'agir
d'un malentendu.

    Les deux autres témoins interrogés ont déclaré n'avoir pas entendu
la question de X., contrairement à E., ni une réponse de celui-ci.

    b) Une appréhension quant à l'existence d'une prévention et donc
une méfiance à l'égard du tribunal peut toujours être ressentie par les
parties, on l'a vu, lorsque le juge a déjà eu affaire antérieurement
avec ce même litige, dans le cadre de l'exercice de fonctions publiques
judiciaires ou autres.

    aa) Il n'est pas contesté que le juge cantonal suppléant E. n'avait pas
eu à connaître de l'affaire (objet du recours cantonal) dans l'exercice
de ses fonctions de juge mais dans son activité privée, en tant que
journaliste. En cette qualité, il a assisté à une partie de l'audience
de la première instance, il s'est renseigné auprès du greffier après
le jugement et auprès d'un confrère journaliste, recueillant peut-être
encore d'autres informations sur le déroulement de ce procès; ensuite,
il a rédigé un article sur cette audience de première instance; or, dans
son dernier alinéa en tout cas, celui-ci va au-delà d'un résumé des motifs
principaux du jugement. Il exprime un jugement de valeur sur la peine et
un avis sur la façon dont l'accusé avait assuré sa défense. Son auteur
se prononce encore sur l'attitude du plaignant C. qu'il a décrite comme
paraissant plus convaincante.

    De la présence de E. à une partie des débats de la première instance,
de ses contacts semble-t-il assez étroits avec le greffier de celle-ci
ainsi qu'avec un journaliste, qui avait assisté à l'audience entière,
naît objectivement une apparence de prévention; celle-ci est difficilement
compatible avec le droit de comparaître devant un juge impartial.

    bb) A cela s'ajoutent les appréciations sur les deux parties
contenues dans l'article. De plus, il est difficile de suivre le juge
cantonal suppléant lorsqu'il affirme qu'il s'est rappelé avoir écrit cet
article après l'audience de la deuxième instance seulement; en effet,
il a lui-même admis que cette affaire avait eu un certain retentissement
dans les sphères de la justice du canton et que d'habitude ce n'est pas
lui qui rédige la chronique judiciaire. Ces faits viennent renforcer la
méfiance que le recourant pouvait nourrir quant à sa personne.

    cc) Il faut prendre encore en considération l'étendue du rôle que
la procédure cantonale fribourgeoise réserve aux juges de la Cour de
cassation de ce canton. Ils statuent au vu du dossier sur les griefs
soulevés. On peut se demander si un tel juge, qui a assisté dans le
public à l'audience de la première instance ou à une partie de celle-ci,
peut encore siéger au sein de la Cour de cassation cantonale saisie
de la même cause; cette question se pose en particulier lorsqu'il en a
retiré des impressions personnelles directes, ce qui n'est pas le cas
des autres juges. De plus, il se pourrait que des griefs soient fondés
sur une violation des règles de procédure intervenue pendant l'audience
de la première instance alors que le juge cantonal était présent. Il se
trouverait ainsi dans une situation analogue à celle d'un juge, témoin
d'une infraction, ce qui a pour conséquence en règle générale qu'il ne
pourra pas siéger dans le tribunal chargé de la juger (voir CLAUS ROXIN,
Strafverfahrensrecht, Munich 1987 p. 157). Peut demeurer indécise la
question de savoir si cela s'appliquerait aussi à un juge qui, en passant,
a assisté quelques minutes seulement à l'audience.

    dd) Pris dans leur ensemble, ces motifs suffisent déjà à faire
apparaître le recours comme fondé. Pourrait demeurer indécise la
question de savoir si l'incident intervenu au café, peu avant l'audience
de la seconde instance, est propre à faire naître l'apparence d'une
prévention. La procédure probatoire entreprise par le Tribunal fédéral
n'a pas permis de déterminer la teneur exacte de la question et de la
réponse. Les déclarations de X. et de E. divergent sur ce point. Elle
était en bons termes avec lui, ce qui laisserait entendre qu'elle n'avait
pas de raison de s'écarter de la vérité. A la rigueur, on pourrait penser
à un malentendu. Il n'est en tout cas pas exclu que E. ait utilisé des
termes qui pouvaient donner l'impression d'une prévention, mais qui ne
correspondaient pas à ce qu'il voulait dire.

    Peut demeurer indécise la question de savoir si l'existence d'une
prévention doit être admise dans tous les cas où un juge donne en public
son avis sur l'issue du procès, immédiatement avant l'audience et la
délibération. Cela dépendra essentiellement des expressions utilisées
et des circonstances dans lesquelles elles sont prononcées. Suivant
les cas, le fait de parler du dossier peut même constituer une façon
de montrer que le juge est resté neutre à tous égards. Toutefois, on
peut dire que des propos de cette nature, tenus dans un établissement
public, lorsqu'ils ont donné à l'une ou l'autre des personnes présentes
l'impression que le magistrat a préjugé, constituent en tout cas un motif
supplémentaire d'admettre l'existence d'une prévention. On peut analyser
de la même manière le comportement du juge qui, faute de discrétion, attire
l'attention des autres consommateurs sur l'importance de la cause à juger;
il en va ainsi de l'attitude du juge suppléant E. qui a expliqué, à haute
voix dans un établissement public, qu'il était pressé car il devait siéger
dans l'affaire C., ce qui a amené la conversation au cours de laquelle
des remarques sur le litige ont été exprimées. Cela ne suffirait sans
doute pas pour admettre une apparence objective de prévention. Mais, si
l'on considère l'ensemble des éléments décrits ci-dessus, on est conduit
à partager l'avis du recourant; en effet, celui-ci pouvait légitimement
déduire de ces faits que le juge cantonal suppléant E. donnait l'impression
d'avoir des préjugés dans cette cause et d'être ainsi sous l'empire d'une
prévention, au point de ne plus pouvoir apparaître comme un juge impartial
au sens de l'art. 58 al. 1 Cst.