Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 115 IA 114



115 Ia 114

23. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 17 avril 1989
dans la cause U., R. et G. contre X. et consorts, Municipalité de Blonay
et Commission cantonale de recours en matière de constructions du canton
de Vaud (recours de droit public) Regeste

    Art. 4 BV; Bauvorschriften, willkürliche Anwendung einer Vorschrift
über die Bauästhetik.

    Die Anwendung einer Vorschrift über die Bauästhetik darf nicht dazu
führen, dass die Zonenvorschriften praktisch ihre Bedeutung verlieren. Dies
ist der Fall, wenn die Behörde, lediglich die Überarbeitung des allgemeinen
Baukonzepts verlangt, ohne diesbezüglich konkrete Anweisungen zu erteilen,
und zu verstehen gibt, dass jedes neue Projekt, dessen Dimensionen
und Bauvolumen - obgleich reglementskonform - nicht reduziert seien,
aussichtslos sei.

Sachverhalt

    A.- U., R. et G. sont copropriétaires, sur le territoire de la commune
de Blonay, d'une parcelle de 3718 m2 sise au lieu dit "En Champ Magnin",
à proximité immédiate du hameau du Péage. Constitué par une série de
bâtiments édifiés à différentes époques, en partie en ordre contigu,
ce hameau se trouve au-dessous de la route cantonale conduisant à
Châtel-St-Denis, au pied d'une colline arborisée, et il est classé dans
la zone du village et des hameaux instituée par le plan d'extension
communal. Aux termes de l'art. 5 du règlement d'exécution de ce plan
(RPE), la zone précitée est réservée à l'habitation, aux commerces,
à l'artisanat, aux hôtels, aux installations sportives et de loisirs,
aux exploitations agricoles et viticoles de caractère artisanal et aux
constructions d'utilité publique. Sous réserve de l'adoption d'un plan
partiel d'extension, les nouveaux bâtiments - qui ne peuvent avoir plus de
trois niveaux - doivent être construits en ordre non contigu, la hauteur
des façades ne pouvant dépasser 9 m 50 (art. 7, 11 et 12). En vertu
d'une clause d'esthétique particulière (art. 14), les transformations
ou constructions nouvelles doivent s'harmoniser avec les constructions
existantes, notamment dans la forme, les dimensions, les matériaux et les
teintes, ainsi que dans les détails de la construction. La Municipalité
peut refuser des constructions nouvelles qui porteraient atteinte aux
bâtiments avoisinants ou au caractère des lieux.

    Dès 1984, les copropriétaires ont élaboré des projets en vue de
construire deux immeubles d'habitation collective sur leur parcelle. Le
premier de ces projets, mis à l'enquête publique du 16 février au 1er
mars 1985, a été retiré, notamment parce qu'il paraissait contrevenir
à l'interdiction de bâtir de nouveaux immeubles en ordre contigu. Le
second projet, mis à l'enquête publique du 3 au 13 juin 1986, a suscité
l'opposition de X. et consorts. Il prévoyait l'édification de deux
bâtiments de 14 x 26 m en plan comportant trois étages habitables
au-dessus d'un niveau inférieur partiellement enterré et un niveau de
combles non habitables; ces bâtiments, distants l'un de l'autre de 17 m,
auraient été reliés organiquement entre eux par un parking souterrain. Le
permis de construire, délivré par la Municipalité de Blonay le 23 juillet
1986, a été attaqué par les opposants auprès de la Commission cantonale
de recours en matière de constructions du canton de Vaud (ci-après: la
Commission cantonale). Par décision du 6 avril 1987, celle-ci l'a annulé
parce que diverses prescriptions réglementaires n'étaient pas respectées
et parce que les bâtiments prévus porteraient une atteinte manifeste au
charme du quartier.

    Le 26 juin 1987, les copropriétaires ont déposé auprès de la
Municipalité de Blonay un troisième projet différant essentiellement
des précédents par le traitement architectural des façades et des
toitures. La volumétrie et la densité d'occupation n'étaient en revanche,
dans l'ensemble, pas modifiées. Au cours de l'enquête publique, qui eut
lieu du 18 août au 7 septembre 1987, X. et consorts se sont opposés à
ce nouveau projet. Le 8 février 1988, la Municipalité de Blonay rejeta
toutefois leurs oppositions et délivra le permis de construire. Elle
a estimé, en substance, que le législateur communal avait voulu une
certaine densification de l'habitat dans la zone du village et des
hameaux et que les constructeurs s'étaient pliés aux réserves émises en
matière d'esthétique par la juridiction de recours dans son prononcé du 6
avril 1987. Les opposants ont entrepris la décision communale devant la
Commission cantonale qui, par prononcé du 28 septembre 1988, a admis leur
recours et annulé le permis de construire. Agissant par la voie du recours
de droit public, les copropriétaires U., R. et G. ont demandé au Tribunal
fédéral d'annuler ce prononcé, pour violation notamment de l'art. 4 Cst.

    Le Tribunal fédéral a admis leur recours et annulé le prononcé attaqué,
confirmant ainsi le permis de construire délivré le 8 février 1988.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) L'art. 14 RPE a la teneur suivante:

    "Esthétique générale

    Les transformations ou constructions nouvelles devront s'harmoniser
   avec les constructions existantes, notamment dans la forme, les
   dimensions, les matériaux et les teintes, ainsi que dans les détails de
   la construction. La Municipalité pourra refuser toutes transformations
   extérieures apportées à des bâtiments existants ou des constructions
   nouvelles qui porteraient atteinte aux bâtiments avoisinants ou au
   caractère des lieux."

    Ce texte, qui s'applique spécialement aux zones du village et des
hameaux instituées dans le plan des 6/13/20 mai 1975, ne se distingue
guère de la clause d'esthétique générale de l'art. 46 RPE qui, applicable
à toutes les zones, ordonne à la Municipalité de prendre toutes mesures
pour éviter l'enlaidissement du territoire communal et de veiller
particulièrement à ce que les transformations ou constructions nouvelles
s'harmonisent avec le site et les constructions existantes, notamment
dans la forme et les dimensions, les teintes, les matériaux et les détails
de la construction. Mais on peut raisonnablement inférer de l'insertion,
dans le chapitre du règlement qui se rapporte aux zones du village et des
hameaux, de deux dispositions sur l'esthétique des bâtiments (art. 9 et
14) que le législateur communal entendait insister sur le devoir de la
Municipalité de veiller de très près à la sauvegarde des anciens noyaux
d'habitation de la commune. Cette insistance paraît se justifier dès lors
que les art. 5 à 14 RPE laissent une liberté importante au propriétaire
qui entend construire à l'intérieur ou à proximité immédiate de l'ancien
village ou des hameaux, aucun indice d'occupation n'étant prévu pour ce
secteur du territoire communal.

    b) Dans la première décision qu'elle a rendue à l'encontre des
recourants le 6 avril 1987, et à laquelle ceux-ci disent s'être conformés
en présentant le projet litigieux, l'autorité intimée avait estimé que
l'architecture des deux bâtiments n'était pas admissible à cause de leur
identité, de leur monotonie et de leur régularité excessive, aggravées
par la présence de balcons allongés formant des masses importantes sur les
façades aval. L'impression d'une construction compacte et trop lourde lui
avait paru encore accentuée par la profondeur des bâtiments. La décision
relevait enfin qu'aucune recherche n'avait été faite pour tenter d'affiner
l'aspect du projet et de lui donner un certain rythme. Ce défaut dans
la conception générale du projet aurait été de nature à porter une
grave atteinte au charme du quartier du Péage, Les recourants, qui
n'ont pas attaqué cette première décision, en ont partiellement tenu
compte, en agrémentant les façades de fausses corniches au-dessus du
rez-de-chaussée et de chaînes d'angle, en modifiant les balcons et les
ouvertures de fenêtres et en accroissant la pente de la toiture. Dans
la décision attaquée, l'autorité intimée considère que ces mesures -
qui, pour une partie d'entre elles, reviendraient simplement à donner
quelques touches de "faux vieux" à la construction - ne suffisent pas
à atténuer de manière satisfaisante le sentiment de lourdeur écrasante
que donneraient les deux bâtiments, sentiment encore accentué par leur
architecture rigoureusement identique; en outre, la succession presque
ininterrompue de balcons en façade sud et les aménagements extérieurs
ne s'harmoniseraient pas avec le cadre particulier de l'environnement
immédiat du hameau du Péage. En définitive, on se trouverait en présence
d'un projet occupant trop intensivement le sol.

    c) Si le hameau du Péage n'est pas dépourvu d'un certain charme,
ainsi que l'inspection locale a permis de le constater - en dépit des
mauvaises conditions météorologiques dans lesquelles celle-ci s'est
déroulée -, sa valeur architecturale d'ensemble n'apparaît pas de tout
premier ordre. La Commission cantonale est arrivée à la même conclusion
en relevant que les bâtiments existants ne présentaient pas des qualités
architecturales ou esthétiques exceptionnelles. Certains de ceux-ci, tel
l'ancien péage, peuvent susciter, il est vrai, quelque curiosité du point
de vue historique; mais, à part cela, leur intérêt particulier n'est pour
le moins pas évident. Au reste, selon les représentants de la commune,
aucune mesure spécifique n'a été prise à ce jour et n'est envisagée pour
protéger le hameau du Péage.

    L'inspection locale a révélé par ailleurs que le type de bâtiments
projetés est l'un de ceux que l'on rencontre dans la région, en zone
du village et des hameaux, plus particulièrement à Blonay, dans le
secteur de Bahyse, et au hameau des Chevalleyres. Dans son prononcé de
1984 relatif à l'immeuble K. et C., la Commission cantonale de recours
constatait qu'un tel ouvrage - de mêmes dimensions que celui ici en cause
- "ne constituerait pas en soi un corps étranger, insolite ou choquant"
dans un cadre comme Les Chevalleyres qui, dans son ensemble, "présente
une image paisible et séduisante, tenant à la fois du bourg rural et de
la station préalpine de tourisme et de repos", tout en ne comportant pas
moins "maintes constructions assez volumineuses".

    d) Ainsi que l'autorité intimée l'a elle-même relevé, il
appartient en premier lieu aux autorités locales de veiller à l'aspect
architectural; celles-ci disposent dès lors, à cet égard, d'un large
pouvoir d'appréciation (cf. arrêt commune de Rossinière du 16 avril 1986,
consid. 3), et la Commission cantonale de recours ne saurait substituer
sans autre son propre pouvoir d'appréciation. Elle s'impose en effet une
certaine retenue dans les domaines où l'autorité municipale jouit, en fait
et en droit, d'un large pouvoir d'appréciation. C'est le cas notamment en
matière d'esthétique dans la mesure où il est question de remettre en cause
les implantations, les dimensions, les masses et les hauteurs d'ouvrages
définis par un plan de quartier ou un plan d'affectation partiel récent
(cf. Droit vaudois de la construction, Lausanne 1987, n. 3.5 ad LATC 15,
p. 64 et les références citées; arrêt non publié commune de Morrens du
8 juillet 1988, consid. 2a).

    La Municipalité de Blonay a estimé, dans le cas particulier,
que les constructeurs avaient tenu suffisamment compte des remarques
de la Commission cantonale de recours concernant l'esthétique des
constructions projetées. A comparer les plans des deux projets successifs,
on doit constater que leur conception architecturale n'est certes pas
fondamentalement différente. Des améliorations leur ont toutefois été
apportées, que la juridiction intimée reconnaît d'ailleurs elle-même:
"les ouvrages envisagés se verraient maintenant agrémentés de fausses
corniches au-dessus du rez-de-chaussée, ainsi que de chaînes d'angles;
le rythme et les dimensions des percements - désormais pourvus de
petits carreaux et dont certains deviendraient des portes-fenêtres "à la
française" - comme aussi le bois des balustrades des balcons seraient moins
rébarbatifs; en outre, le volume des toitures - plus amples parce que plus
pentues - conduirait à des proportions générales plus satisfaisantes".
Compte tenu de ces éléments et de la valeur intrinsèque des bâtiments
existant actuellement dans le quartier du Péage, on ne saurait dire que
la Municipalité ait usé de son pouvoir d'appréciation d'une façon qui
n'était pas conforme à son devoir.

    D'après la jurisprudence, l'application d'une clause d'esthétique ne
doit pas aboutir à ce que, de façon générale - par exemple pour tout un
quartier ou tout un secteur de constructions - la réglementation sur les
zones en vigueur soit vidée de sa substance. Si celle-ci tolère, comme dans
le cas particulier (art. 12 RPE), un nombre de niveaux déterminé (trois en
l'occurrence), il n'est pas admissible de n'autoriser systématiquement que
les projets prévoyant un étage de moins au motif que ce serait là le seul
moyen d'arriver à un bon effet d'ensemble (cf. ATF 114 Ia 346 consid. b).

    La Commission cantonale a considéré que, malgré les efforts entrepris
par les recourants pour se conformer à sa décision précédente, la
conception générale de leur projet devrait être redéfinie. Elle n'a
pas dit toutefois ce qu'ils devraient faire concrètement à cet égard,
se bornant à leur signaler qu'ils parviendraient plus facilement à de
sensibles améliorations "s'ils consentaient à tirer des volumes prévus -
en eux-mêmes admissibles - un parti plus modéré". La formule est vague;
elle indique néanmoins avec suffisamment de netteté que tout nouveau
projet des recourants - qui en sont à leur troisième version - sera voué à
l'échec tant que ses dimensions et son volume - pourtant réglementaires -
ne seront pas réduits. C'est là d'ailleurs l'objectif clairement avoué par
les opposants lors de l'inspection locale. En substituant simplement sa
propre appréciation à celle de la Municipalité et en conférant à la clause
d'esthétique en question une portée qui vide pratiquement le principe
de la légalité de sa substance, l'autorité cantonale est manifestement
tombée dans l'arbitraire.