Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 114 III 6



114 III 6

3. Extrait de l'arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du
11 mai 1988 dans la cause Swiss Oil Corporation (recours LP) Regeste

    Art. 50 Abs. 1 SchKG.

    Es ist nicht erforderlich, dass die Geschäftsniederlassung in
der Schweiz eines im Ausland wohnenden Schuldners im Handelsregister
eingetragen ist, um den schweizerischen Betreibungsort zu begründen.

Sachverhalt

    A.- Par une sentence du Tribunal arbitral de la Chambre de commerce
internationale (CCI), Swiss Oil Corporation (ci-après: SOC), ayant son
siège aux îles Cayman, a été condamnée à payer 38'137'849.01 US$ à la
République gabonaise. La SOC affirmait avoir été créée pour conclure des
affaires pétrolières "au nom du groupe Inter Maritime" à Genève, dont elle
"fait partie intégrante". Entendu par les arbitres, R. a précisé qu'il
présidait ce groupe, qui comprenait une banque, et représentait diverses
sociétés du commerce pétrolier, dont la SOC.

    Le 13 août 1987, la créancière a requis de l'Office des poursuites
de Genève la poursuite de SOC, pour le montant reconnu dans la sentence
arbitrale, converti en francs suisses. Elle précisait qu'il s'agissait
d'une dette de l'établissement de Genève, chez Inter Maritime Bank, et que
le commandement de payer devait être notifié au Président de SOC, domicilié
professionnellement auprès de ladite banque, 5, quai du Mont-Blanc.

    Après deux tentatives infructueuses, le commandement de payer fut
notifié le 23 septembre 1987 à dame I.R., fille du président de la société.

    B.- SOC forma opposition le 30 septembre 1987. Le 2 octobre 1987, elle
a également déposé une plainte. Elle reproche à l'Office des poursuites
l'application de l'art. 50 al. 1 LP et une notification défectueuse. Elle
se fonde sur la notion de succursale en droit des obligations et prétend
que si un établissement genevois a jamais existé - ce qui est contesté -,
il ne serait en tout cas plus en activité; les accords entre parties étant
devenus caducs à fin octobre 1982, la société "dort" désormais, sauf la
liquidation du conflit arbitral. Quant à R., il aurait démissionné de ses
fonctions dans la société poursuivie; mais c'est bien lui qui a négocié
et conclu, au Gabon, les contrats et avenants qui ont donné lieu à la
procédure arbitrale.

    Par décision du 16 mars 1988, l'autorité cantonale de surveillance a
rejeté la plainte. Elle a considéré que l'établissement genevois de la
plaignante était démontré. Elle a en outre relevé que la notification
avait peut-être été défectueuse, mais qu'une nouvelle notification ne
fournirait à la plaignante aucun renseignement supplémentaire et qu'elle
avait pu défendre ses droits.

    E.- SOC exerce en temps utile un recours à la Chambre des poursuites
et des faillites du Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de la
décision de l'autorité de surveillance, du commandement de payer et de
la poursuite.

    La Chambre des poursuites et des faillites a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- Aux termes de l'art. 50 al. 1 LP, le débiteur domicilié à
l'étranger qui possède un établissement en Suisse peut y être poursuivi
pour les dettes de celui-ci (de quelque nature qu'elles soient,
contractuelles ou non; ATF 47 III 17 consid. 1). Deux conditions
cumulatives sont donc exigées. Seule la première qui ressortit à la
compétence des autorités de surveillance (ATF 24 I 513 ss) - est encore
litigieuse en l'espèce; au demeurant, c'est une question de fond, à
poser dans la procédure de mainlevée, de savoir si une dette concerne
l'établissement en Suisse et non le siège à l'étranger (ATF 47 III 16). Le
texte allemand parle de "Geschäftsniederlassung". Les termes utilisés à
l'art. 935 CO sont respectivement "succursale" et "Zweigniederlassung",
de maisons, dont "le principal établissement" ou le "Hauptsitz" est
en Suisse ou à l'étranger. La loi donc n'assimile pas expressément les
situations visées dans les deux dispositions.

    a) La recourante soutient que l'établissement au sens de l'art. 50
al. 1 LP et la succursale de l'art. 935 CO sont une seule et même
réalité. Or les succursales suisses de maisons dont le siège principal est
à l'étranger sont tenues de se faire inscrire sur le registre du commerce
(art. 935 al. 2 CO). Aussi bien, la poursuivante a-t-elle tenté en vain
d'obtenir l'inscription.

    Outre que la requête d'inscription fait l'objet d'un recours et
n'est donc pas définitivement résolue, encore faudrait-il, pour clore
le débat sous l'angle de l'art. 50 al. 1 LP, que l'inscription soit
constitutive, c'est-à-dire nécessaire absolument. Cela n'est pas évident,
même sous l'empire de l'art. 935 CO. Certes, pour la société anonyme,
l'art. 642 al. 3 CO dispose que l'inscription crée, pour les affaires
de la succursale, un for à son siège, en sus du for de l'établissement
principal (cf. aussi les art. 782 al. 3 et 837 al. 3 CO). Mais d'abord,
ce for subsiste après la radiation pour les prétentions qui dérivent des
affaires nées auparavant; il n'y a donc pas à rétablir la personnalité
juridique. Même avant l'inscription, il est douteux que le for spécial ne
puisse exister, malgré la rédaction de la loi qui, sur ce point, paraît
avoir été insuffisamment pesée; la doctrine dominante, si ce n'est unanime,
admet l'existence d'un for pour les affaires de la succursale déjà avant
l'inscription, dont l'effet est ici déclaratif (ATF 108 II 130 consid. 5
et les références, 103 II 203 consid. 4, 98 Ib 104 consid. 2).

    b) Quelles que soient la nature et la portée de l'inscription sur le
registre du commerce, encore faudrait-il que la succursale de l'art. 935
CO soit identique à l'établissement de l'art. 50 al. 1 LP. Or le but et
les effets de ces deux dispositions ne sont pas les mêmes. C'est ainsi,
notamment, que la première crée un for judiciaire (Gerichtsstand: art. 642
al. 3, 782 al. 3 et 837 al. 3 CO), la seconde l'un des fors spéciaux
(Betreibungsstand) de la poursuite - fors qui ne sont pas nécessairement
ceux de la faillite (art. 52 LP, expressis verbis; art. 50 al. 2; ATF 107
III 56 consid. 4) -, le principe de l'exécution générale n'étant limité
précisément par la territorialité - et dans une certaine mesure seulement
- - que s'agissant de l'établissement commercial en Suisse d'un débiteur
établi à l'étranger (art. 50 al. 1; ATF 107 III 59/60, 93 I 720 consid. b,
79 III 15 consid. 2, 78 I 119 consid. 4). Le for judiciaire ressortit
souvent, si ce n'est en principe, à la compétence du droit cantonal;
le droit fédéral régit exclusivement celui de la poursuite.

    S'agissant du for de la poursuite selon l'art. 50 al. 1 LP, le
Tribunal fédéral a jugé que ce for ne dépend pas d'une inscription sur
le registre du commerce mais qu'il est subordonné seulement à l'existence
d'un établissement en Suisse du débiteur domicilié à l'étranger (ATF 98 Ib
104/105 consid. 3). C'est ce qu'il avait déjà considéré le 11 septembre
1935 dans une cause Pichler c. National City Co. (Die schweizerische
Aktiengesellschaft, 1935/1936, p. 63), en se référant à JAEGER. Quant à la
possibilité de demander des sûretés (art. 118 AIN = AIFD) au contribuable
qui n'a pas de domicile en Suisse, elle n'est en tout cas pas exclue par
l'art. 50 LP lorsque ce contribuable y exploite un établissement sans se
faire inscrire sur le registre du commerce en la forme d'une succursale;
le contribuable a ainsi créé une incertitude au sujet de l'existence
d'un for de poursuite et il en supporte les conséquences (ATF 108 Ib 40
consid. 2 b/bb).

    Certes, avant ce dernier arrêt, le Tribunal fédéral a jugé (ATF
107 III 60 consid. 5), se référant aux considérants de la décision
critiquée devant lui, qu'un établissement d'une société anonyme ne peut
exister sans inscription au registre du commerce. Mais d'une part, cette
décision concernait une faillite (sans poursuite préalable), qui suppose
l'inscription sur le registre du commerce (art. 39 et 40 LP), même si l'on
peut encore douter que l'inscription du débiteur soit nécessaire lorsqu'il
est sujet à ce type de faillite, pourvu qu'il y ait en Suisse un for de
poursuite, mais pas un for spécial (ATF 32 I 32/33 consid. 1). D'autre
part, la décision attaquée, à laquelle se réfère l'ATF 107 III 60,
tout en assimilant établissement de l'art. 50 al. 1 LP et succursale,
constatait seulement que la recourante "ne soutient ... pas que Finax
S.A. ait eu un établissement en Suisse ...", puis rappelait l'exigence
d'une inscription sur le registre du commerce pour la faillite d'une
société anonyme (art. 39 LP), ce qui lui permettait de ne pas décider si
la société a un domicile fictif à Panama ou un domicile réel à Lausanne.

    De son côté, l'autorité de surveillance du canton de Genève a jugé,
dans la ligne de l'ATF 98 Ib 105, que lorsqu'une personne habitant
l'étranger fait exploiter en Suisse son immeuble par un représentant,
l'art. 50 al. 1 LP est applicable (SJ 1929, p. 158); dans le même sens, le
cas de séquestre de l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP n'est pas réalisé lorsque
le débiteur possède un établissement en Suisse, sans qu'une inscription
sur notre registre du commerce soit nécessaire (SJ 1950, p. 304).

    c) La doctrine récente approuve l'ATF 98 Ib 105 (FRITZSCHE/WALDER,
Schuldbetreibung und Konkursrecht nach schweizerischem Recht, p. 112 n. 54;
GILLIERON, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, p. 81 lettre C) et
JAEGER (n. 2 ad art. 50 LP) considérait déjà que l'inscription n'était pas
nécessaire. Quant aux auteurs qui ont étudié spécialement la question, ils
sont du même avis. GAUCH (Der Zweigbetrieb im schweizerischem Zivilrecht,
1974, p. 455 ss) relève certes que l'inscription est nécessaire pour
que l'on puisse prononcer la faillite (nos 2025 ss, p. 451/452). Mais
la poursuite peut débuter au for de l'art. 50 al. 1 LP même lorsque le
créancier se trouve en présence d'un simple établissement secondaire
(Zweigbetreib), l'inscription de l'établissement sur le registre du
commerce et comme succursale n'étant pas nécessaire (no 2063). Ce for
spécial vaut pour tous les modes de poursuites (no 2085). Pour que la
poursuite conduise à la faillite, il faut encore que le débiteur soit
soumis en Suisse à ce mode de poursuite, mais pas nécessairement en raison
de l'établissement en cause (nos 2118 ss).

    Sur l'essentiel, DIEBOLD (Les succursales suisses d'entreprises
étrangères, thèse Fribourg 1958, p. 105 ss) est du même avis que GAUCH. Il
relève d'emblée que l'établissement au sens de l'art. 50 al. 1 LP n'est
pas uniquement la succursale définie en droit des obligations, mais une
notion plus large (par. 145 et 146, p. 105/106), et que l'inscription
n'est pas nécessaire (par. 150). LEONIE SCHUMACHER assimile la notion du
droit des poursuites à celles des procédures civiles et du droit privé,
mais pour elle aussi l'inscription n'est pas nécessaire (Gerichtsstand
und Betreibungsort der Geschäftsniederlassung, thèse Zurich 1956, p. 68/69
et 98).

    d) On doit dès lors considérer, sur la base du texte de l'art. 50 al. 1
LP et de l'effet différent des "conditiones legis" - "Gerichtsstand",
"Betreibungsstand" -, comme aussi de l'absence de toute référence au
registre du commerce dans la disposition, et avec la doctrine, que
d'une part l'inscription sur le registre du commerce n'est certainement
pas nécessaire et que, d'autre part, les notions auxquelles la loi se
réfère dans les deux hypothèses ne sont pas les mêmes. Cette seconde
conclusion n'a cependant pas de pertinence en l'espèce, car on verra que
l'établissement genevois de la recourante correspond tout aussi bien à
la définition de la succursale selon le droit des obligations.

    e) Encore faut-il évidemment que l'établissement ait subsisté
au moment de la poursuite (GAUCH, op.cit., nos 2076 ss). Le débiteur
domicilié à l'étranger peut être poursuivi en Suisse lors même qu'il a
cessé son activité, tant qu'il n'a pas liquidé son établissement (arrêt
de la Chambre de céans du 24 décembre 1921, SJ 1922, p. 147 consid. I).

Erwägung 2

    2.- En l'espèce, il ressort du dossier - et notamment des pièces
auxquelles l'autorité cantonale de surveillance se réfère pour étayer son
affirmation générale selon laquelle la recourante est dirigée de Genève
par R. dans les locaux d'Inter Maritime Services - que les autorités du
Gabon s'adressaient à R. à Genève, tant pour l'Etat que pour la société
Petrogab et que les représentants de SOC sur place en référaient à R. ou
à Inter Maritime, à Genève. SOC elle-même, dans divers documents, donne
l'adresse genevoise du groupe Inter Maritime, 5, quai du Mont-Blanc. En
réalité, R. présidait SOC de Genève et indiquait souvent ce lieu comme
siège commercial effectif. Le procès-verbal d'un "meeting" qui l'aurait
libéré de ses fonctions n'est pas daté ni localisé. Au demeurant, un
tribunal parisien a rendu le 22 octobre 1985 un jugement mentionnant
la SOC "représentée par son président ... R., demeurant à Genève ...,
5 Quai du Mont-Blanc"; et ce même R., le 14 mars 1987 encore, signait
en ladite qualité des lettres au secrétaire de la Cour d'arbitrage de
la CCI; le 9 juillet suivant, le mandataire de la société le désignait
comme Président de SOC. Enfin, ce sont des gens du groupe - R. en tête -
qui ont traité l'affaire devenue litigieuse et une lettre du siège de la
société aux îles Cayman atteste que la sommation de payer le montant fixé
par la sentence arbitrale a été signifié à "R. pour Swiss Oil à Genève".

    Ces faits démontrent clairement l'existence à tout le moins d'un
établissement de la recourante à Genève, la notion de l'établissement
recouvrant d'ailleurs en l'espèce celle de la succursale telle que la
définissent jurisprudence et doctrine (ATF 108 II 124/125 consid. 1 et
les références). On pourrait même se demander si le siège social aux
îles Cayman n'est pas fictif (ATF 108 II 125/126, 105 III 110 consid. 1,
93 I 719, 76 I 158 consid. 3, 53 I 133/134).

    La recourante prétend longuement que l'établissement genevois
n'existait plus en septembre 1987. Ce faisant elle se fonde sur des
faits qui n'ont pas été constatés dans la décision attaquée, ce qui est
irrecevable (art. 79 al. 1 OJ). Au demeurant, elle se borne à soutenir
que la SOC, à savoir elle-même, "dort" et que sa seule activité consiste
désormais à participer à la procédure arbitrale encore pendante: c'est
précisément de la présente affaire gabonaise qu'il s'agit; la société
n'aurait même été constituée que pour traiter de contrats pétroliers
concernant le Gabon. Ni le siège étranger, ni les activités genevoises
n'ont été liquidés, et la recourante ne le prétend pas.