Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 114 IB 6



114 Ib 6

2. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 22 janvier 1988 dans la cause
société L. contre Vaud, Commission cantonale de recours en matière foncière
(recours de droit administratif) Regeste

    Grundstückerwerb durch Personen im Ausland.

    Art. 2 Abs. 2 BewV: Diese Bestimmung widerspricht Art. 5 Abs. 1
lit. a BewG, indem sie den ausländischen Ehegatten eines Schweizer
Bürgers von der Bewilligungspflicht ausnimmt und insofern von der auf
dem Niederlassungsrecht beruhenden Gesetzesordnung abweicht.

Sachverhalt

    A.- Le 14 mars 1986, la Commission foncière section II a admis la
requête de la société L. tendant à faire constater qu'elle n'est pas
soumise au régime de l'autorisation pour l'acquisition d'un appartement
de 7 pièces, sis à Lausanne, dont le prix de vente a été fixé à 750'000 fr.

    La Commission cantonale de recours en matière foncière du canton
de Vaud a été saisie d'un recours du Département de l'agriculture,
de l'industrie et du commerce. Par décision du 16 juillet 1986, elle a
admis ce recours et a prononcé que la société L. était soumise au régime
de l'autorisation, celle-ci devant lui être refusée pour l'achat de
l'appartement en cause.

    La société L. a formé un recours de droit administratif contre cette
décision et a demandé au Tribunal fédéral de prononcer qu'elle n'est pas
soumise au régime de l'autorisation. Elle fait essentiellement valoir
que, même si l'on considère que la société est dominée par L. J., père
de son actionnaire principal, domicilié à l'étranger, L. J. bénéficie,
en tant que conjoint d'une ressortissante suisse, de l'exception prévue
par l'art. 2 al. 2 de l'ordonnance sur l'acquisition d'immeubles par des
personnes à l'étranger du 1er octobre 1984 (OAIE; RS 211.412.411).

    Dans sa détermination du 14 novembre 1986, la Commission cantonale de
recours a reconnu que sa décision avait été motivée par l'aspect inhabituel
de l'opération effectuée par une société dont l'actionnaire principal,
ayant acquis ses actions par donation de son père, est âgé de six ans,
et dont les comptes bouclent par des pertes, mais qu'elle n'a pas examiné
la question sous l'angle de l'art. 2 al. 2 OAIE.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Parmi les personnes à l'étranger, l'art. 5 al. 1 lettre a de la
loi du 16 décembre 1983 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes
à l'étranger (LFAIE; RS 211.412.41) mentionne les personnes physiques
qui n'ont pas le droit de s'établir en Suisse. L'art. 2 OAIE précise ce
qui suit:

    "1.- Par personnes physiques qui n'ont pas le droit de s'établir en

    Suisse (art. 5, 1er al., lettre a LFAIE), on entend les étrangers
   dépourvus d'une autorisation valable d'établissement (permis C;
   art. 6 et

    9, 3e al., de la LF du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement
des
   étrangers [LSEE; RS 142.20]); les étrangers qui n'ont pas besoin d'une
   autorisation de la police des étrangers pour s'établir légalement en

    Suisse (art. 5, 3e al.), sont assujettis au régime de l'autorisation
pour
   l'acquisition d'immeubles de la même manière que les étrangers qui
   ont besoin d'une autorisation de la police des étrangers.

    2.- Le conjoint étranger d'un citoyen suisse n'est pas considéré comme
   personne à l'étranger, à moins qu'il n'entende acquérir un immeuble
   à proximité d'un ouvrage militaire important (art. 5, 2e al., LFAIE)."

    a) Le rattachement au droit d'établissement a été introduit lors de
l'adoption de l'arrêté fédéral prorogeant le régime de l'autorisation pour
l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger du
30 septembre 1965 (RO 1965 p. 1252 ss). L'art. 5 lettre a de cet arrêté
prévoyait que l'acquisition d'immeubles par des personnes physiques qui ont
le droit de s'établir en Suisse n'est pas subordonnée à l'assentiment de
l'autorité. Cette disposition a donné lieu à de longs débats aux Chambres
fédérales, car il s'agissait de savoir dans quelle mesure il était possible
de dispenser les Suisses de l'étranger de la procédure d'autorisation
sans porter atteinte aux traités d'établissement conclus par la Suisse
avec de nombreux pays (voir BOCN 1965 p. 386 à 400, 422 à 424; BOCE 1965
p. 125 à 130). Finalement, c'est la proposition Schuler-Zellweger, qui
permettait de traiter de la même manière les Suisses de l'étranger que
les étrangers en Suisse au bénéfice d'un permis d'établissement, qui fut
adoptée (BOCE 1965 p. 130; BOCN 1965 p. 424). Lors de la dernière séance
du Conseil national, il a cependant été précisé qu'il ne s'agissait pas
d'interpréter les traités internationaux de façon large, mais que le droit
d'établissement devait être compris selon les règles de la législation
suisse. A une question du député Grütter qui demandait si on n'allait
pas trop loin en soustrayant aussi de la procédure d'autorisation les
étrangers qui peuvent s'établir en Suisse, le Conseiller fédéral von Moos
avait alors répondu que pour les Suisses de l'étranger, il fallait se
référer à l'art. 45 Cst., alors que pour les étrangers en Suisse, c'était
l'art. 9 al. 3 LSEE qui était déterminant. Cette disposition permet à
l'étranger qui a obtenu une autorisation d'établissement de la conserver
s'il séjourne moins de six mois hors de Suisse, ce délai pouvant être,
sur demande, prolongé jusqu'à deux ans. Le Conseiller fédéral von Moos
relevait qu'il s'agissait d'étrangers qui avaient créé certains liens avec
la Suisse et que, dans la mesure où l'on conservait le critère du domicile,
il était justifié de leur offrir le même traitement qu'aux étrangers déjà
établis en Suisse et qui sont dispensés de la procédure d'autorisation
(BOCN 1965 p. 423).

    Lors des discussions sur la nouvelle loi, la Commission d'experts
avait décidé de considérer, par référence au projet de loi sur les
étrangers, comme personnes à l'étranger assujetties au régime de
l'autorisation "les personnes physiques qui n'ont pas le droit de
s'établir en Suisse" (voir R. Patry, Les fondements de la nouvelle loi
fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger,
in RNRF 1984 p. 338). L'art. 5 al. 1 lettre a LFAIE a été adopté sans
discussion par les Chambres fédérales (BOCN 1983 I p. 159 et BOCE 1983
p. 407), bien que le peuple suisse ait rejeté le projet de loi sur les
étrangers le 6 juin 1982. Le rattachement au droit d'établissement doit
donc s'apprécier uniquement selon les dispositions correspondantes de la
LSEE ou des traités internationaux. Cela a pour conséquence de modifier
le délai d'attente en fonction de la nationalité du requérant. Ainsi,
par exemple, les ressortissants de la République fédérale d'Allemagne
ou de l'Autriche doivent séjourner en Suisse durant dix ans pour obtenir
l'autorisation d'établissement, alors que le délai est de cinq ans pour
les ressortissants français, belges, danois ou hollandais, et pour les
travailleurs italiens en Suisse (voir U. MÜHLEBACH et H. GEISSMANN, Lex
F., Kommentar zum Bundesgesetz über den Erwerb von Grundstücken durch
Personen im Ausland; L. KRAUSKOPF et B. MAÎTRE, Acquisition d'immeubles
par des personnes à l'étranger, in Droit de la construction 1986/1, p. 4).

    b) La délégation contenue à l'art. 36 al. 1 LFAIE autorise le Conseil
fédéral à édicter les dispositions d'exécution précisant l'interprétation
des règles légales. Cette délégation ne lui donne toutefois pas
la compétence de déroger à la loi; la légalité des dispositions de
l'ordonnance ne sera donc admise que si ces normes reposent sur une
interprétation convaincante du texte légal (ATF 101 Ib 390 consid. 2).

    En l'espèce, la définition donnée par l'art. 2 al. 1 OAIE des personnes
physiques qui n'ont pas le droit de s'établir en Suisse correspond très
précisément à la volonté du législateur qui, comme on l'a vu, entendait
assimiler les étrangers au bénéfice d'un permis d'établissement, au sens
des art. 6 et 9 al. 3 LSEE, aux Suisses de l'étranger. Cette règle du
permis d'établissement est ainsi devenue le seul critère déterminant pour
savoir si un étranger est assujetti ou non au régime de l'autorisation. Le
Conseil fédéral a même pris soin de préciser que les étrangers qui n'ont
pas besoin d'un permis pour s'établir en Suisse étaient assujettis de la
même manière que les étrangers qui ont besoin d'une autorisation de la
police des étrangers (art. 2 al. 1 2e phrase OAIE).

    Dans ce contexte, l'exception introduite par l'art. 2 al. 2 OAIE pour
le conjoint étranger d'un citoyen suisse se situe tout à fait en dehors du
système légal. Le ressortissant étranger qui épouse une Suissesse n'a en
effet aucun droit de séjourner en Suisse aussi longtemps que sa femme vit
à l'étranger. Lorsque celle-ci habite la Suisse, il a certes un droit de
séjour, découlant de l'art. 8 CEDH, pour autant qu'il fasse ménage commun
avec son épouse. Ainsi, l'autorisation de séjour hors contingent qu'un
étranger obtient à la suite de son mariage avec une Suissesse, conformément
à l'art. 3 al. 1 lettre c de l'ordonnance du Conseil fédéral limitant
le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 (OLE; RO 1986 II p. 1791 ss)
ne sera en principe pas renouvelée lorsque le couple s'est séparé. Quant
à l'autorisation d'établissement, le conjoint étranger d'une épouse suisse
n'a pas davantage de droit de l'obtenir qu'un autre étranger, si ce n'est
que le temps pendant lequel il a séjourné en Suisse est compté à double et
qu'il peut donc la demander après un délai de cinq ans. En s'écartant du
droit d'établissement, tel qu'il est prévu par la législation fédérale,
l'art. 2 al. 2 OAIE est dès lors contraire au texte de l'art. 5 al. 1
lettre a LFAIE et au but poursuivi par cette disposition.

    c) Invité à se déterminer sur la légalité de l'art. 2 al. 2 OAIE,
l'Office fédéral de la justice relève que cette règle a été reprise
de l'ancien droit qui comprenait, parmi les personnes physiques ayant
le droit de s'établir en Suisse, "les étrangers qui sont mariés avec
une femme suisse" (art. 8 al. 1 lettre c aOAIE du 21 décembre 1973; RO
1974 p. 97). Le fait que la légalité de l'art. 8 al. 1 lettre c aOAIE
n'ait pas été contestée est toutefois sans pertinence dans la mesure où
le Tribunal fédéral n'a jamais eu à en contrôler l'application. Il n'en
demeure pas moins que les considérations émises à propos de l'art. 2 al. 2
OAIE auraient sans autre été valables pour cette ancienne disposition.

    L'Office fédéral de la justice estime aussi que l'existence de l'art. 2
al. 2 OAIE se justifie pour des raisons pratiques. En effet, du moment que
le conjoint de l'aliénateur n'est pas assujetti au régime de l'autorisation
(art. 7 lettre b LFAIE), rien n'empêche une Suissesse d'acquérir un
immeuble, puis de le céder à son époux étranger. Cette possibilité existe
certes, mais il n'est pas aussi difficile que l'admet l'autorité fédérale
de prouver qu'il y a eu acte fiduciaire si l'épouse ne possédait aucun
fonds propre. Au vu des nombreux cas où l'époux étranger n'a pas le droit
de séjourner en Suisse ou perd ce droit, les raisons pratiques invoquées
par l'autorité fédérale ne sauraient cependant justifier l'exception à
la règle du droit d'établissement, telle que l'a voulue le législateur
en édictant l'art. 5 al. 1 lettre a LFAIE.

    L'Office fédéral de la justice observe enfin que l'art. 2 al. 2 OAIE a
le mérite de sauvegarder le principe de l'égalité entre hommes et femmes,
puisqu'il traite de la même manière le conjoint étranger d'une Suissesse
que l'épouse étrangère d'un citoyen suisse. Cette question dépend toutefois
de la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse
(LN; RS 141.0). Dans son Message relatif à la modification de cette
loi du 26 août 1987 (FF 1987 III p. 285 ss), le Conseil fédéral propose
d'ailleurs aux Chambres fédérales d'abroger l'art. 3 al. 1 LN qui permet
à l'étrangère d'acquérir automatiquement la nationalité suisse par son
mariage avec un Suisse. Pour concrétiser l'égalité des droits entre hommes
et femmes, il est prévu d'offrir au conjoint étranger d'un Suisse ou d'une
Suissesse la possibilité de bénéficier d'une naturalisation facilitée
(art. 27 du projet). Quant à son autorisation de séjour, il aura droit
à sa prolongation "aussi longtemps que les époux vivent ensemble"; une
autorisation d'établissement pourra ensuite lui être accordée après un
séjour régulier et ininterrompu de cinq ans (art. 5 a (nouveau) LSEE;
voir FF 1987 III p. 335). C'est dire que pour le conjoint étranger d'une
Suissesse, la pratique actuelle, qui consiste à ne lui accorder d'abord
qu'une autorisation de séjour, à la condition qu'il fasse ménage commun
avec son épouse, ne va pas être modifiée si les nouvelles dispositions
sont adoptées par le Parlement. Au contraire, cette pratique sera étendue
à l'épouse étrangère d'un citoyen suisse. Là encore, le but que l'Office
fédéral de la justice entend assigner à l'art. 2 al. 2 OAIE n'est donc pas
conforme à la législation fédérale, telle qu'il est prévu de l'harmoniser
par rapport à l'art. 4 al. 2 Cst.

    d) Il résulte de ces considérations que l'art. 2 al. 2 OAIE, prévoyant
que le conjoint d'un citoyen suisse n'est pas assujetti au régime de
l'autorisation, est contraire au but visé par la loi. Cette disposition
est dès lors inapplicable lorsque, comme en l'espèce, le conjoint étranger
n'est pas au bénéfice d'un permis d'établissement.