Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 114 IB 334



114 Ib 334

50. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 25 novembre
1988 dans la cause L'Energie de l'Ouest-Suisse (EOS) S.A. c. Autorité
indépendante d'examen des plaintes en matière de radio-télévision (recours
de droit administratif) Regeste

    Art. 20 Abs. 2 des Bundesbeschlusses über die unabhängige
Beschwerdeinstanz für Radio und Fernsehen; Befugnisse der Beschwerdeinstanz
im Beanstandungsverfahren; Umfang der Überprüfung einer Sendung.

    1. Bei richtiger Auslegung gibt Art. 20 Abs. 2 des Bundesbeschlusses
der Beschwerdeinstanz die Befugnis, diejenigen Untersuchungen
durchzuführen, die zur Erfüllung der ihr vom Gesetzgeber übertragenen
Aufgaben notwendig sind (E. 2).

    2. Bedeutung der persönlichen Anhörung der Beteiligten (E. 3).

    3. Zur Prüfung der Objektivität einer Sendung ist nicht nur jede
einzelne Information für sich allein zu würdigen, sondern auch der
allgemeine Eindruck, den eine Sendung als Ganzes hinterlässt (E. 4).

Sachverhalt

    A.- La société L'Energie de l'Ouest-Suisse S.A. (ci-après: EOS) est
engagée dans la construction d'une ligne électrique aérienne à haute
tension de 380 kV reliant Galmiz à Verbois. Prévu dans la campagne en
arrière du vignoble de La Côte jusqu'à la hauteur de Vinzel, le tracé de
cette ligne traverse ensuite le haut du coteau pour rejoindre la région
de Begnins.

    En octobre 1986, Franz Weber a lancé une initiative cantonale intitulée
"Sauvez la Côte" exigeant que le canton de Vaud intervienne pour que toute
nouvelle ligne à haute tension (ou agrandissement de ligne) soit enterrée à
partir du 1er janvier 1987. Cette initiative a été très nettement rejetée
par le peuple vaudois lors des votations du 28 juin 1987.

    A l'occasion du lancement de l'initiative, la télévision suisse
romande a présenté, au cours de l'émission "Téléjournal" du 23 octobre
1986 à 19 h 30, un bref reportage de 4 minutes et demie consacré à
l'éventuelle mise sous terre de la ligne électrique. Parlant au nom d'EOS,
son directeur, Jean Remondeulaz, a mis l'accent sur les difficultés
techniques et le coût jugé prohibitif d'un tel projet; Franz Weber et
Chaïm Nissim ont eu l'occasion d'exposer leur avis en faveur d'une ligne
souterraine. L'élément central du reportage était constitué par un dossier
émanant de la société Pirelli qui démontrerait la faisabilité d'une mise
sous terre des câbles à haute tension. A l'issue de l'émission, il fut
annoncé aux téléspectateurs que la télévision consacrerait un "dossier"
au même sujet le samedi suivant.

    Le 25 octobre 1986, le "Téléjournal" a présenté le reportage
comme indiqué. D'une durée inférieure à 6 minutes et demie, il aborde
principalement la question des répercussions négatives de la ligne aérienne
sur le paysage, en exposant les sentiments ressentis par quelques personnes
choisies. Parmi les opposants, outre Franz Weber, un géographe et un
vigneron ont exprimé leur émotion. Paul de Weck, sous-directeur d'EOS,
a été, quant à lui, appelé à décrire très brièvement l'importance et la
nécessité de la ligne litigieuse.

    Le 21 novembre 1986, EOS a saisi l'Autorité indépendante d'examen des
plaintes en matière de radio-télévision (ci-après: l'Autorité de plainte)
en soutenant que les émissions des 23 et 25 octobre 1986 ont violé les
règles de l'art. 13 de la concession du 27 octobre 1964/22 décembre
1980 dont bénéficie la Société suisse de radiodiffusion et télévision,
notamment celles relatives à l'objectivité.

    Le 23 décembre 1986, EOS a déposé une plainte complémentaire visant
l'émission "Journal romand" du 25 novembre 1986; alors qu'il commentait
l'approbation d'un rapport favorable à la ligne aérienne par le Grand
Conseil vaudois, un journaliste avait lié la construction de la ligne
à l'énergie nucléaire en affirmant que l'abandon de ligne risquait de
mettre en échec tout le programme nucléaire. Selon EOS, cette affirmation
constituerait une tromperie inadmissible du public.

    Par décision du 16 avril 1987, l'Autorité de plainte a estimé que,
bien qu'elles aient été parfois maladroites, les émissions litigieuses
n'avaient pas transgressé l'art. 13 de la concession.

    Agissant en temps utile par la voie du recours de droit administratif,
EOS demande au Tribunal fédéral de réformer la décision du 16 avril 1986
"en constatant que les émissions Téléjournal de la TSR des 23 et 25
octobre 1986 et Journal romand du 25 novembre 1986 ont violé la règle
d'objectivité posée par l'art. 13 de la concession".

    Considérant que l'Autorité de plainte a restreint son pouvoir de
cognition d'une manière contraire au droit fédéral, la recourante reprend
pour l'essentiel les arguments formulés devant l'instance inférieure. Elle
se plaint tout d'abord du non-respect du principe d'équilibre, les
opposants à la ligne aérienne ayant disposé à ses yeux d'un temps de parole
trop important par rapport à son propre temps d'antenne. Elle soutient par
ailleurs que les interviews de ses représentants ont été recueillies et
présentées d'une façon contraire aux règles de la déontologie et que des
images ont été manipulées au profit d'une des thèses en présence. Enfin,
s'agissant particulièrement du "Journal romand", la recourante réitère
ses critiques relatives à une tromperie du public.

    Dans leurs observations respectives, l'autorité intimée et la Société
suisse de radiodiffusion et télévision ont conclu au rejet du recours.

    Le 9 mars 1988 a eu lieu une audience d'instruction au cours de
laquelle la délégation du Tribunal fédéral a procédé au visionnement des
émissions litigieuses ainsi qu'à l'interrogatoire des parties.

    A l'issue d'un second échange d'écritures, les parties ont maintenu
leurs conclusions.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Dans la mesure où la recourante est directement touchée par les
émissions contestées et remplit, par conséquent, les conditions posées
par l'art. 103 lettre a OJ, le recours de droit administratif qu'elle
forme est recevable en vertu de la disposition particulière de l'art. 25
de l'arrêté fédéral du 7 octobre 1983 sur l'Autorité indépendante d'examen
des plaintes en matière de radio-télévision (RS 784.45; ci-après: l'arrêté
fédéral; cf. 111 Ib 296 consid. 1b).

    b) Selon l'art. 104 OJ, le recours de droit administratif peut
être formé pour violation du droit public fédéral, pour excès ou abus du
pouvoir d'appréciation (lettre a) ainsi que pour constatation incomplète ou
inexacte des faits (lettre b). En revanche, sauf dans les cas exceptionnels
visés par l'art. 104 lettre c OJ - non réalisés en l'espèce -, un recourant
ne peut pas se plaindre de l'inopportunité de la décision attaquée,
c'est-à-dire d'une simple erreur d'appréciation de l'autorité intimée
(cf. Archives 48, p. 345 consid. 2).

    c) Bien que l'Autorité de plainte soit indépendante de
l'administration, ses décisions concernant les émissions de la Société
suisse de radiodiffusion et télévision ne sont pas prises sur recours,
mais en première instance: elle ne peut dès lors être mise au bénéfice de
l'art. 105 al. 2 OJ qui limite le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral sur
les questions de fait lorsque les constatations en la matière émanent d'une
commission de recours. Le Tribunal fédéral peut donc revoir d'office les
constatations de fait de l'autorité intimée (art. 105 al. 1 OJ; cf. dans
ce sens ATF 108 Ib 274 consid. 2a).

    Certes la question du pouvoir d'examen du Tribunal fédéral sur les
faits apparaît plus délicate lorsque l'Autorité de plainte statue,
en application de l'art. 16 de l'arrêté fédéral, sur des émissions
de diffuseurs locaux dans la mesure où ces derniers disposent déjà de
leur propre autorité de contrôle. Toutefois, cette hypothèse n'étant
pas réalisée en l'espèce, rien ne justifie de trancher d'ores et déjà
la question.

    d) Sur le plan juridique, le Tribunal fédéral vérifie d'office
l'application du droit public fédéral. Il se prononce librement sur le
respect de la concession et en particulier sur l'objectivité des émissions.
Il n'a pas en revanche à contrôler si les directives des diffuseurs
en matière de programmes ou les règles de déontologie applicables à la
profession de journaliste ont été observées. Il n'en tiendra compte que
dans la mesure où ces règles permettent une interprétation plus précise
des notions contenues à l'art. 13 de la concession.

Erwägung 2

    2.- a) Bien que les plaintes radio-TV soient exclues du champ
d'application de la loi fédérale sur la procédure administrative (art. 3
lettre ebis PA), l'Autorité de plainte n'est pas démunie de moyens
procéduraux pour obtenir des informations. L'arrêté fédéral prévoit
à son art. 20 al. 2 que les diffuseurs doivent lui fournir "tous les
renseignements nécessaires à l'exercice de son activité". La question se
pose dès lors de déterminer l'ampleur de cette obligation et les facultés
qui en découlent pour l'autorité intimée.

    b) Selon l'art. 21 de l'arrêté fédéral, l'Autorité de plainte établit,
dans sa décision, si l'émission ou les émissions incriminées ont violé les
dispositions de la concession relatives aux programmes. Or, pour juger de
la conformité d'une émission au principe d'objectivité énoncé à l'art. 13
de la concession 1964/1980 - encore applicable à la présente affaire -,
il n'est pas possible de se contenter d'un simple examen subjectif de
l'émission, en se mettant à la place d'un téléspectateur. Dans la mesure
où l'objectivité d'une émission dépend de la véracité des éléments fournis
aux destinataires et de la diligence déployée par le journaliste dans
son travail de préparation (SJ 1982, p. 372), le respect de la concession
implique de contrôler si, d'un point de vue objectif, ce qui est dit ou
montré dans l'émission litigieuse est vrai, ou pouvait être tenu comme
tel, et si la diligence journalistique a été respectée. Cela suppose,
pour le moins, de disposer d'un état de fait complet sur les conditions
dans lesquelles l'émission a été produite. En excluant ce contrôle
sous prétexte qu'elle ne dispose pas des moyens procéduraux adéquats,
l'Autorité de plainte ne remplit pas la mission qui lui a été confiée
par le législateur. Or, de par sa formulation très large, l'art 20 al. 2
de l'arrêté fédéral n'implique pas forcément une restriction des moyens
d'enquête de l'Autorité de plainte; cette dernière doit donc interpréter
la disposition de manière à être en mesure de s'acquitter de sa tâche.

    c) En procédant à cette interprétation, l'autorité intimée ne peut
ignorer les compétences dont dispose le Tribunal fédéral dans le cadre
du recours de droit administratif. En principe, le pouvoir d'examen de
l'autorité inférieure sur les faits est au moins aussi étendu que celui
de l'autorité de recours (cf. GRISEL, Traité de droit administratif,
p. 929). Il s'avérerait illogique d'attendre que la cause soit soumise à
la juridiction suprême pour que soient ordonnées les mesures nécessaires à
une instruction sérieuse du dossier. Etant l'unique instance spécifique en
matière de surveillance des émissions de radio et de télévision, c'est à
l'Autorité de plainte, et non pas au Tribunal fédéral, qu'il appartient de
procéder aux enquêtes nécessaires pour élucider les questions de fait. Or,
si l'Autorité de plainte devait ne pas disposer des moyens suffisants à
cette tâche, la surveillance effective des émissions reviendrait - lorsque
le recourant satisfait aux conditions de l'art. 103 OJ - au seul Tribunal
fédéral qui devrait à chaque fois établir les faits comme s'il statuait
en instance unique. Une telle solution est contraire au système choisi
non seulement par le législateur, mais également par le constituant qui
a expressément voulu la création d'une autorité indépendante chargée de
l'examen des plaintes (art. 55bis al. 5 Cst.).

    d) Sous l'angle de l'interprétation de l'art. 20 al. 2 de l'arrêté
fédéral, il importe peu que la procédure administrative fédérale ne
soit pas directement applicable à la procédure de plainte en matière
de radio-télévision. En effet, il ne faut pas perdre de vue le but que
poursuivait le législateur en restreignant le champ d'application de la
PA. Prenant acte du fait que les émissions de télévision et de radio ne
sont pas des décisions au sens de l'art. 5 PA, et que, dans le système
de la procédure administrative, les plaintes qui les visent ne pourraient
être mieux que de simples dénonciations (art. 71 PA) ne garantissant pas au
plaignant une procédure complète, le législateur a constaté l'inadéquation
de cette loi fédérale pour réglementer la manière de traiter les plaintes
dirigées contre les programmes (BO CN 1983, p. 473; cf. aussi Message
du 8 juillet 1982, FF 1981 III p. 109 et 116). Son but premier n'était
pas de priver l'Autorité de plainte des moyens procéduraux nécessaires,
mais de prévoir une normalisation de la procédure de réclamation, en
améliorant la situation des plaignants. Dans ces conditions, il n'est
pas contraire à l'intention du législateur d'interpréter l'art. 20 al. 2
de l'arrêté fédéral de façon à reconnaître à l'Autorité de plainte le
pouvoir d'examen nécessaire pour remplir complètement la mission qui
lui est assignée. Au surplus, rien ne s'oppose, dans ce cadre, à une
application par analogie de certains instruments procéduraux organisés
par la loi de procédure administrative (cf. BO CN 1982, p. 468; CORBOZ,
Le contrôle populaire des émissions de la radio et de la télévision,
in Mélanges Robert Patry, Lausanne 1988, n. 31 p. 287).

    e) L'étendue concrète du devoir d'investigation qui incombe à
l'autorité intimée dépend des circonstances de fait de la cause; par
ailleurs, les enquêtes seront plus ou moins poussées selon la nature de
l'émission litigieuse et les reproches du plaignant. Cette situation
exclut, par conséquent, de fixer sur un plan purement théorique les
mesures d'instruction susceptibles d'être adoptées; celles-ci varieront
de cas en cas.

Erwägung 3

    3.- a) En l'occurrence, l'audience d'instruction à laquelle a
exceptionnellement procédé le Tribunal fédéral a montré à quel point
il importe de connaître les circonstances ayant présidé à l'élaboration
d'une émission. Cette connaissance a été acquise dans le cas particulier
en visionnant les séquences litigieuses, en interrogeant les divers
protagonistes et en obtenant la documentation utilisée pour préparer
l'émission. Le résultat de ces investigations modifie fondamentalement
l'appréciation des émissions litigieuses.

    b) S'agissant tout d'abord de l'émission "Téléjournal" du 23
octobre 1986, il faut constater que l'affirmation selon laquelle une
tranchée d'un mètre suffirait pour enterrer la ligne à haute tension
Galmiz-Verbois constitue l'élément central du reportage; or, cette
information est fausse. Il ressort clairement de la documentation que
l'entreprise Pirelli a fournie au journaliste qu'une mise sous terre
de la ligne Galmiz-Verbois aurait nécessité une tranchée d'un mètre au
moins pour chacun des 6 à 10 câbles composant la ligne. Laisser entendre
qu'une seule tranchée aurait suffi pour enterrer la ligne s'avère donc
inexact et fausse gravement le processus de formation de l'opinion du
téléspectateur. De plus, le journaliste n'a pas pris la peine d'énoncer
les réserves qui découlaient du dossier Pirelli; l'entreprise italienne
insistait notamment sur le fait que le problème de la mise sous terre de
la ligne ne concerne pas seulement les câbliers, mais également au premier
chef, les électriciens (sélectivité de protection, stabilité du réseau)
dont l'avis sur la faisabilité de la ligne est au moins aussi important
que le sien. N'ayant pas apporté cette précision nécessaire à une bonne
compréhension de la position des partisans de la ligne aérienne, le
journaliste a tronqué l'information d'une de ses composantes importantes.

    En outre, à la différence des promoteurs de l'initiative "Sauvez
la Côte", les représentants d'EOS ne connaissaient pas le contenu du
dossier Pirelli; ils n'ont pu dès lors émettre que des généralités sur la
faisabilité de la mise sous terre de la ligne et leurs propos à ce sujet
apparaissent maladroits et peu précis; en face, les initiants ont pu,
eux, se prononcer concrètement sur le problème, en soulignant les seuls
éléments du dossier qui étaient en leur faveur.

    En raison de cette inégalité flagrante, leur intervention se révèle
nettement plus crédible que celle d'EOS qui semble nier l'évidence en
adoptant une attitude de refus obstiné. Malgré l'ignorance de la recourante
et, partant, son impossibilité à apporter les précisions nécessaires à
un débat équilibré, le journaliste n'a pas jugé utile d'intervenir pour
souligner les réserves qui découlaient du dossier Pirelli et dont les
initiants ont tu l'existence.

    L'impression négative laissée par la recourante est encore renforcée
par l'utilisation du discours alterné. En fonction de chaque affirmation
d'EOS, l'usage de cette méthode de reportage met en évidence les
conclusions diamétralement opposées des initiants que semble corroborer
à chaque fois le dossier Pirelli présenté comme critère de la vérité par
le commentateur lui-même. Ce procédé accentue gravement le déséquilibre
constaté dans la connaissance de la documentation Pirelli dès lors que
les très brèves interventions d'EOS sont immédiatement balayées par les
réponses conjuguées des initiants et du journaliste de manière à créer
une dynamique favorable à la thèse de la mise sous terre de la ligne.

    c) L'examen de l'émission du 25 octobre 1986 a révélé également
l'usage de certains procédés dont la compatibilité avec la diligence
journalistique s'avère plus que douteuse.

    Cette émission vise essentiellement à décrire les sentiments suscités
par la construction de la ligne auprès de quelques personnes; elle souligne
par les images et le son l'aspect émotionnel de l'événement. Dans ce
contexte, le diffuseur s'est efforcé de maintenir l'attention du spectateur
en multipliant la brusque alternance des séquences montrant des pylônes à
haute tension et celles plus bucoliques exposant des vues du vignoble de
Féchy ou de la région de Lavaux. Or, ces dernières images ne concernent
pas des régions menacées par le passage de la ligne Galmiz-Verbois. Leur
diffusion alors qu'elles ne présentent pas un rapport direct avec cette
ligne à haute tension est de nature à tromper le public. En effet, même
si les vues de Lavaux ne font qu'illustrer les propos de Franz Weber,
leur intégration dans le reportage peut facilement provoquer une confusion
sur les régions véritablement menacées par la ligne contestée. Il en va
de même d'ailleurs de la présentation de l'église et du village de Féchy
situés hors du tracé de la construction. Le fait d'associer implicitement
ces paysages à la ligne aérienne litigieuse peut renforcer dès lors la
position des initiants auprès d'un vaste auditoire, ému en l'espèce par
la sauvegarde d'un patrimoine nullement menacé.

    Il est apparu, en outre, lors de l'interrogatoire des parties, que
l'interview de M. de Weck, représentant d'EOS, avait été réalisée le 19
septembre 1986, soit un mois avant sa diffusion, de manière fortuite lors
d'une inspection des lieux et dans une ambiance de rue, juste avant de
monter dans un car. Son intégration dans un contexte différent où tous les
intervenants soulignent avec gravité l'atteinte au paysage provoquée par
la ligne donne indûment à penser que la direction d'EOS prend ce problème
à la légère. Cette impression est d'ailleurs renforcée par le choix des
raccords liant les brèves interventions de M. de Weck; montrant d'énormes
pylônes métalliques filmés en contre-plongée, ces raccords accentuent le
peu de consistance du discours sorti de son contexte.

    d) Les résultats de l'instruction visant à déterminer la véracité des
faits diffusés lors des émissions attaquées et le respect de la diligence
journalistique influencent en l'occurrence de manière déterminante le
jugement sur le respect de la concession. L'autorité intimée ne pouvait par
conséquent se contenter du simple visionnement des émissions litigieuses et
des pièces figurant à ce moment au dossier, sans procéder à l'audition des
personnes concernées. Sa décision, entachée d'une constatation incomplète
des faits, doit dès lors être annulée.

Erwägung 4

    4.- Sur le plan juridique, la décision attaquée n'échappe pas non
plus à la critique.

    a) Dans la mesure où la finalité ultime du devoir d'objectivité est
d'apporter au destinataire de l'émission les éléments nécessaires à la
formation de sa propre opinion (BARRELET, Droit suisse des mass-média,
Berne 1987, p. 320 No 1035; PONCET, La surveillance de l'Etat sur
l'information télévisée en régime de monopole, Bâle 1985, p. 133; RIKLIN,
Rechtsfragen der (externen) Programmaufsicht über Radio und Fernsehen
in der Schweiz, in Aspect du droit des médias II, Fribourg 1984, p. 45;
ROSTAN, Le service public de radio et de télévision, p. 220), il n'est
pas possible de réduire le contrôle de l'émission contestée à un examen
successif des différents faits et opinions qui y sont contenus, considérés
d'une manière fractionnée. S'il est juste d'opérer une appréciation
de chaque information prise isolément (SJ 1982, p. 373), l'Autorité de
plainte ne saurait s'arrêter à ce stade. Elle doit, en plus, examiner
l'impression générale qui se dégage de l'émission dans son ensemble,
dès l'instant qu'un enchaînement de faits vrais ou vraisemblables selon
un ordre établi n'aboutit pas forcément à une information objective. Il
lui incombe également, lorsqu'une série d'émissions est contestée, de
regarder si l'ensemble formé par toutes les transmissions respecte les
exigences posées par la concession.

    b) En l'espèce, l'autorité intimée n'a pas procédé à cette appréciation
globale des émissions qui lui étaient soumises. Elle les a découpées en
séquences et s'est prononcée sur chacune d'entre elles individuellement;
sous cet angle restreint, elle a constaté un certain nombre de manquements
et de maladresses mineures sans prendre la peine d'examiner si ces
inadvertances et erreurs ne faussaient pas en définitive l'objectivité
de l'ensemble des émissions de manière non négligeable.

    En outre, dans la mesure où les transmissions litigieuses illustrent un
débat d'idées concrétisé par le lancement d'une initiative, elle ne devait
admettre qu'avec prudence qu'une violation marginale de l'objectivité
ne constitue pas en l'occurrence une atteinte à la concession. Il lui
fallait regarder en particulier si les erreurs en cause n'étaient pas
de nature à fausser le processus démocratique en facilitant indûment la
collecte des signatures auprès des citoyens vaudois.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    Admet le recours, annule la décision attaquée et renvoie la cause à
l'autorité intimée pour nouvelle décision au sens des considérants.