Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 114 IA 286



114 Ia 286

46. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 14 octobre 1988
dans la cause Alain Fracheboud et Jean Dunant contre Conseil d'Etat du
canton de Genève (recours de droit public) Regeste

    Prinzip der Gewaltentrennung. Persönliche Freiheit.

    1. Der Genfer Regierungsrat, dem Art. 125 der kantonalen Verfassung
eine weite selbständige Verordnungskompetenz im Polizeibereich einräumt,
ist zuständig zum Erlass von Ausführungsbestimmungen zum interkantonalen
Konkordat über den Handel mit Waffen und Munition (E. 5).

    2. Es verstösst nicht gegen die persönliche Freiheit, den Handel von
halbautomatischen Gewehren der Bewilligungspflicht zu unterstellen (E. 6).

Sachverhalt

    A.- Par loi du 3 mars 1945, le canton de Genève avait adhéré au
Concordat intercantonal sur le commerce des armes et des munitions du 20
juillet 1944. L'art. 2 de cette loi donnait au Conseil d'Etat genevois
le pouvoir d'édicter les "dispositions réglementaires qui seraient
nécessaires".

    Le 23 octobre 1945, l'Exécutif cantonal a arrêté un règlement
d'exécution du Concordat intercantonal, abrogé par un nouveau règlement
du 23 juin 1964.

    B.- Le nouveau Concordat intercantonal du 27 mars 1969 sur le commerce
des armes et des munitions (RS 514.542; ci-après: le Concordat) a été
approuvé par le Conseil fédéral le 13 janvier 1970.

    Le canton de Genève est partie à ce Concordat depuis le 26 février
1972 (RO 1972, p. 693). En application de l'art. 2 de la loi genevoise
du 14 janvier 1972 concernant le Concordat intercantonal sur le commerce
des armes et des munitions (RL gen. 1972, p. 49), le Conseil d'Etat a
édicté le 20 décembre 1972 le règlement d'exécution, entré en vigueur le
30 décembre 1972 (RS gen. I, 3, 10).

    C.- Par arrêté du 14 octobre 1987, le Conseil d'Etat genevois a
modifié une première fois son règlement. Outre un nouvel art. 30, il a
adopté un nouvel art. 4 al. 3 interdisant l'achat et la vente des armes
tirant par rafales et des armes à épauler semi-automatiques.

    Compte tenu des nombreux recours déposés, le Conseil d'Etat est revenu
sur cette nouvelle réglementation.

    D.- Au terme d'une procédure de consultation, l'Exécutif cantonal
genevois a modifié, par arrêté du 14 décembre 1987, le règlement
d'exécution du Concordat de la manière suivante:

    "Art. 4, al. 3 (nouvelle teneur)

    al. 4 (nouveau)

    Armes tirant par rafales ou à épauler semi-automatiques

    3 L'achat et la vente des armes tirant par rafales sont interdits. Le
   droit fédéral est réservé.

    4 L'achat et la vente des armes à épauler semi-automatiques sont
   assujettis à autorisation. Les autorisations ne peuvent être accordées
   qu'à des personnes justifiant d'un intérêt légitime à l'acquisition
   de ce type d'arme. Les autorisations peuvent être subordonnées à des
   conditions ou à des charges destinées à assurer la sécurité ou l'ordre
   public. Le droit fédéral est réservé.

    Art. 30 (nouvelle teneur)

    Interdiction

    1 Il est interdit de détenir les armes ou autres objets visés aux
   articles 8 du concordat et 4 du présent règlement. Le droit fédéral
   est réservé.

    Dérogations

    2 Des dérogations peuvent être accordées aux personnes justifiant d'un
   intérêt légitime à la détention de ce type d'arme; ces dérogations
   peuvent être subordonnées à assurer la sécurité ou l'ordre public."

    E.- En temps utile, Alain Fracheboud et Jean Dunant, tous deux à
Genève, forment un recours de droit public contre cet arrêté. Alors
que le premier recourant demande l'annulation du règlement d'exécution
du Concordat, le second précise que seule est requise l'annulation des
art. 4 al. 4 et 30. Alain Fracheboud se plaint de la violation des art. 4,
22ter et 31 Cst.; il se prévaut, en outre, de la garantie de la liberté
personnelle. Invoquant également l'art. 4 Cst., Jean Dunant reproche au
Conseil d'Etat d'avoir "outrepassé sa compétence", n'étant pas au bénéfice
d'une délégation législative; il soutient ainsi que le règlement attaqué
serait dépourvu de base légale.

    Le Conseil d'Etat genevois conclut au rejet des recours dans la mesure
où ils sont recevables.

    Le Tribunal fédéral a rejeté les recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 5

    5.- Selon les recourants, l'Exécutif cantonal n'était pas habilité
à adopter des normes réglementaires allant au-delà des dispositions
concordataires; par conséquent, dans la mesure où les art. 4 al. 4 et 30 du
règlement incriminé régissent des matières non traitées par le Concordat
(achat, vente et détention des armes à épauler semi-automatiques), ils
ne reposeraient sur aucune base légale.

    a) L'art. 130 de la constitution genevoise (ci-après:
Cst. gen.) consacre expressément le principe de la séparation des
pouvoirs. Si le pouvoir législatif est exercé par le Grand Conseil
(art. 70 Cst. gen.), le pouvoir exécutif et l'administration générale
du canton sont confiés au Conseil d'Etat (art. 101 Cst. gen.). Selon
l'art. 116 Cst. gen., le Conseil d'Etat a pour tâche de promulguer les
lois; il est chargé de leur exécution et prend à cet effet les règlements
et arrêtés nécessaires. Il ne peut ainsi disposer qu'intra legem et
non pas praeter legem, établir des règles complémentaires de procédure,
préciser et détailler certaines dispositions de la loi et, éventuellement,
combler de véritables lacunes. Mais, à moins d'une délégation expresse,
il ne peut pas poser de nouvelles règles qui restreindraient les droits
des administrés ou leur imposeraient des obligations, même si ces règles
sont encore conformes au but de la loi (ATF 98 Ia 287 consid. bb et
les références).

    b) Le Conseil d'Etat prétend toutefois tirer sa compétence directement
de l'art. 125 Cst. gen. pour étendre le champ d'application du Concordat.

    Aux termes de cette disposition constitutionnelle cantonale, le
Conseil d'Etat édicte les règlements de police dans les limites fixées
par la loi. L'art. 125 Cst. gen. confère à l'Exécutif cantonal genevois
un large pouvoir normatif indépendant dans les matières de police (AUER,
La notion de la loi dans la constitution genevoise, in SJ 1981, p. 297,
No 52), la notion de police au sens de cette norme constitutionnelle étant
plus large que celle comprise dans la "clause générale de police" (ATF 100
Ia 196 consid. 4b). L'art. 38 de la loi pénale genevoise (ci-après: LPG;
RS gen. E. 3, 1) confirme la compétence du Conseil d'Etat pour édicter des
règlements concernant les matières de police, celles-ci étant d'ailleurs
définies à l'art. 37 LPG. Or, cette dernière disposition - à ses ch. 9
et 18 - mentionne expressément l'emploi des armes à feu comme matière
de police. Le législateur cantonal reste cependant habilité à fixer les
limites de ce pouvoir (AUER, eod. loc.). L'exécutif bénéficie ainsi d'un
pouvoir réglementaire de substitution et peut donc exercer cette compétence
sous réserve d'une loi contraire (KNAPP, Précis de droit administratif,
2e éd., p. 47, No 190).

    Certes, le Grand Conseil genevois a légiféré le 14 janvier 1972 (RL
gen. 1972, p. 49) en autorisant, à l'art. 1er, le Conseil d'Etat à adhérer
au Concordat au nom de la République et canton de Genève. Toutefois, faute
de l'avoir clairement exprimé, le législateur cantonal n'a pas, à l'art. 2
de cette loi, apporté une limitation aux compétences ordinaires du Conseil
d'Etat en matière de police, notamment à celles qu'il détient de l'art. 125
Cst. gen.; en particulier, alors qu'il lui était loisible de le faire,
le Grand Conseil ne s'est pas réservé la faculté - laissée aux cantons
par l'art. 10 du Concordat - d'édicter des dispositions plus sévères en
matière de commerce des armes. A cet égard, il n'est pas décisif que, dans
le préambule du règlement attaqué, le Conseil d'Etat n'ait pas formellement
déclaré fonder sa compétence sur la disposition constitutionnelle cantonale
précitée (ATF 103 Ia 173 consid. 3 in fine). Par ailleurs, relevant
que le Concordat contient des normes minimales permettant l'adhésion du
maximum des cantons, les travaux préparatoires relatifs au projet de loi
autorisant le Conseil d'Etat à adhérer au Concordat (Mémorial du Grand
Conseil 1972, p. 62) soulignent déjà le fait que le précédent règlement
était plus rigoureux que les dispositions contenues tant dans l'ancien
que dans le nouveau Concordat; ils tendent ainsi encore à démontrer que
le législateur cantonal n'a pas entendu restreindre les compétences de
l'exécutif en matière de commerce des armes et des munitions.

    En conséquence, le Conseil d'Etat genevois n'a pas violé le principe
de la séparation des pouvoirs en édictant les dispositions réglementaires
attaquées, qui reposent ainsi sur une base légale spécifique de niveau
constitutionnel.

Erwägung 6

    6.- Selon l'un des recourants, la réglementation incriminée porterait
atteinte à la garantie constitutionnelle de la liberté personnelle.

    a) La liberté personnelle, droit constitutionnel non écrit,
imprescriptible et inaliénable, donne fondamentalement à l'individu
le droit d'aller et de venir et le droit au respect de son intégrité
psychique et corporelle. Cette garantie n'englobe toutefois pas la
protection de toute possibilité de choix et de détermination de l'homme,
si peu importante soit-elle; elle recouvre cependant toutes les libertés
élémentaires dont l'exercice est indispensable à l'épanouissement de la
personne humaine (ATF 112 Ia 162 consid. 3a, 111 Ia 233 consid. 3a et
les références).

    b) Le Tribunal fédéral a déjà tenu pour douteuse la prétendue atteinte
portée à ce principe constitutionnel par une limitation du port d'arme
sur la voie publique, une telle faculté ne paraissant pas pouvoir être
considérée comme l'une des manifestations élémentaires de la personnalité
(ATF 103 Ia 171 consid. 2). Et encore était-il question, dans cet arrêt,
de la protection de l'individu, à savoir de son intégrité personnelle et
de ses biens, contre la menace d'un tiers. Or, dans le cas particulier,
il n'est rien fait valoir de tel, de sorte que la seule possibilité
d'acquérir librement une arme à épauler semi-automatique sans autre but
que de s'en rendre propriétaire ne constitue pas une liberté élémentaire
dont l'exercice est indispensable à l'épanouissement de la personne
humaine. Aussi, les recourants ne peuvent-ils se prévaloir de la garantie
de la liberté personnelle.