Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 114 IA 267



114 Ia 267

42. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 22 juin 1988
dans la cause Madeleine Rouiller et consorts contre Grand Conseil du
canton de Genève (recours de droit public) Regeste

    Art. 85 lit. a OG; Beschluss, mit welchem eine Initiative, deren
Rechtmässigkeit bestritten ist, dem Volk unterbreitet wird.

    Zulässigkeit der Beschwerde wegen Verletzung verfassungsmässiger
Rechte und der Stimmrechtsbeschwerde (E. 2a).

    Sofern das kantonale Recht keine obligatorische Kontrolle der
Rechtmässigkeit von Volksinitiativen vorsieht, kann ein Stimmberechtigter
nicht verlangen, dass eine angeblich rechtswidrige Initiative nicht der
Volksabstimmung unterbreitet wird (E. 3; Bestätigung der Rechtsprechung).

    Beschluss, mit welchem die gültigen Abschnitte einer teilweise
rechtswidrigen Initiative dem Stimmbürger vorgelegt werden.

    Der Stimmbürger kann sich dagegen wehren, dass der gültige Teil einer
Initiative dem Volk unterbreitet wird, wenn nicht hinreichend klar ist,
ob die Initianten auch mit diesem gültigen Teil alleine einverstanden
gewesen wären (E. 4).

Sachverhalt

    A.- Le 28 mars 1980, la Chancellerie d'Etat du canton de Genève a
reçu une initiative populaire cantonale rédigée proposant l'adoption
d'une "loi comportant aménagement de la zone Rôtisserie-Pélisserie".
L'initiative, munie d'environ 16000 signatures, avait la teneur suivante:

    "Article 1

    Les parcelles Nos (...) de la commune de Genève-Cité sont destinées à
   l'aménagement d'un ensemble locatif, commercial, de verdure et de
   détente, dans le périmètre délimité par la rue Calvin, la rue de la

    Pélisserie, la rue de la Rôtisserie et la place du Perron (...).

    Art. 2

    L'ensemble à réaliser comprend:

    a) la construction d'immeubles d'habitation à la rue Calvin
supérieure, à
   la rue de la Rôtisserie et à la rue de la Pélisserie;

    b)des arcades pour artisans à la rue de la Rôtisserie et à la rue de la

    Pélisserie;

    c) des bureaux dans l'immeuble rue de la Rôtisserie;

    d) un parking d'environ 600 places, dissimulé à la vue, dont le toit
   constitue une terrasse publique aménagée en jardins;

    e) une liaison par ascenseurs entre la basse ville et la haute ville.

    Art. 3

    Le financement et la réalisation de cet aménagement sont assurés
par des
   fonds privés. Un droit de superficie à durée limitée est consenti aux
   promoteurs à des conditions identiques à celles accordées au parking
   du pont du Mont-Blanc, et a pour effet de rendre la collectivité
   propriétaire de l'ensemble des installations réalisées."

    Le Grand Conseil du canton de Genève devait se prononcer sur
l'initiative en vertu de l'art. 65 al. 3 Cst. gen. Il a décidé d'examiner
si celle-ci est conforme aux règles juridiques de rang supérieur. Le 13
mars 1987, après de nombreux débats et examens par des commissions, le
parlement cantonal a admis la recevabilité partielle de l'initiative. Il a
décidé de supprimer son art. 3, jugé inconstitutionnel, et de la soumettre,
ainsi modifiée, au corps électoral.

    Le Tribunal fédéral a été saisi de trois recours de droit public
tendant à l'annulation de cette décision, formés par huit personnes
physiques, par l'Association des habitants du Centre et de la Vieille-Ville
et par le Comité de sauvegarde de l'Alhambra.

    Les recours se référaient essentiellement au droit de vote (art. 85
lettre a OJ). Ils faisaient valoir que l'initiative devait être déclarée
irrecevable, d'une part parce que le texte proposé était en tous
points contraire à divers principes juridiques, d'autre part parce que
l'irrecevabilité de son art. 3, admise par le Grand Conseil, entraînait
son irrecevabilité totale. En outre, certains recours dénonçaient une
violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 lettre
a OJ); ils soutenaient que l'initiative était contraire aux garanties
de la séparation des pouvoirs, de la force dérogatoire du droit fédéral
et de l'égalité de traitement. Le Tribunal fédéral a rejeté les recours,
dans la mesure où ils étaient recevables.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 2

    2.- a) Selon la jurisprudence relative à l'art. 84 al. 1 lettre a
OJ, le recours pour violation des droits constitutionnels des citoyens
n'est recevable que si l'acte attaqué affecte d'une façon quelconque
la situation de l'individu, en lui imposant une obligation de faire,
de s'abstenir ou de tolérer, sous la forme soit d'un arrêté de portée
générale, soit d'une décision particulière (ATF 113 Ia 234 consid. 1,
107 Ia 80 consid. 1, 104 Ia 355 consid. 6). Cette condition n'est pas
satisfaite par la décision de soumettre au vote populaire une initiative
prétendument inconstitutionnelle. Les garanties invoquées par les
recourants ne pourraient être compromises que si cette initiative
était approuvée par le corps électoral et promulguée (ATF 102 Ia 551
consid. c). Le texte ainsi adopté pourrait alors être attaqué par la voie
du recours de droit public, dans le délai de trente jours compté dès sa
promulgation (ATF 112 Ia 182 consid. a, 110 Ia 12 consid. c). En l'état,
les griefs tirés du principe de la séparation des pouvoirs et des art. 4
Cst. et 2 Disp. trans. Cst. ne peuvent être examinés que dans la mesure
où ils peuvent influencer l'issue du recours en matière de droit de
vote fondé sur l'art. 85 lettre a OJ. Ce recours-ci est ouvert lorsque
l'autorité cantonale compétente se refuse ou tarde indûment à soumettre
une initiative populaire au corps électoral; il est aussi ouvert lorsque
l'autorité décide, au contraire, de présenter une initiative au vote
populaire (arrêt du 18 janvier 1985 en la cause Z., ZBl 86/1985 p. 493
consid. 1a, ATF 105 Ia 12 consid. 1, 102 Ia 55 consid. b, 99 Ia 729).

    b) Le recours en matière de droit de vote peut être exercé par tout
électeur de la collectivité concernée, par les partis politiques qui y
exercent leur activité (ATF 113 Ia 49 consid. 1a, 112 Ia 211 consid. a)
ainsi que par d'autres organisations politiques, telles qu'un comité
formé pour le lancement d'une initiative ou d'un référendum, à condition
que ces organisations soient constituées en personnes morales (ATF 111
Ia 116 consid. 1a). L'Association des habitants du Centre et de la
Vieille-Ville et le Comité de sauvegarde de l'Alhambra ont pour but
premier de maintenir la qualité de la vie et de l'habitat dans leur
aire topographique respective. Le Comité a certes pour mission, selon
ses statuts, de combattre l'initiative litigieuse, mais toute personne
ou organisation peut en devenir membre, sans que la qualité d'électeur
soit requise. Les associations recourantes ne sont donc manifestement
pas des organisations politiques (cf. ATF 111 Ia 116/117). En revanche,
toutes les personnes physiques qui agissent en l'espèce sont électrices
dans le canton de Genève et ont dès lors qualité pour recourir.

Erwägung 3

    3.- Au niveau cantonal, le droit de vote protégé par l'art.  85 lettre
a OJ comprend notamment le droit d'initiative populaire et les prétentions
concrètes qui découlent de ce droit (ATF 113 Ia 158 consid. 2a). Ainsi,
lorsque le droit cantonal charge l'autorité compétente de vérifier d'office
la conformité d'une initiative aux règles supérieures, le citoyen a une
prétention à ce que ce contrôle obligatoire soit effectué correctement
et à ce que le corps électoral ne soit pas appelé à se prononcer, le cas
échéant, sur des dispositions inapplicables. Cette prétention n'existe en
revanche pas si le droit cantonal concerné laisse à l'autorité la faculté
d'exercer ce contrôle dans les cas où elle le juge opportun, sans lui en
imposer l'obligation (arrêt du 18 janvier 1985 en la cause Z., ZBl 86/1985
p. 494 consid. b; ATF 105 Ia 13 consid. 2a et c, 102 Ia 550 consid. 2,
99 Ia 730; voir aussi ATF 111 Ia 305 consid. 3). Or, le droit genevois ne
prévoit pas de contrôle obligatoire des initiatives populaires au regard
des règles de rang supérieur (ATF 105 Ia 364 consid. 2). Il en résulte que
même si l'initiative critiquée était contraire à diverses règles de droit
fédéral et de droit constitutionnel cantonal, ainsi que les recourants le
prétendent, la décision attaquée ne porterait pas atteinte à leur droit
de vote.

    La jurisprudence précitée est critiquée par plusieurs auteurs. A
leur avis, le système des droits politiques qui caractérise le régime
démocratique de la Suisse confère aux citoyens la garantie qu'un projet
manifestement inconstitutionnel ne soit pas soumis au vote du peuple, cela
indépendamment des règles cantonales sur le traitement des initiatives
populaires. L'autorité cantonale compétente pour vérifier la régularité
procédurale d'une initiative et prendre position à son sujet aurait
l'obligation, le cas échéant, de constater une violation virtuelle
des normes supérieures, même si elle n'y est pas explicitement tenue
selon le droit cantonal. Un tel vice serait une cause d'invalidité de
l'initiative elle-même; celle-ci devrait être déclarée irrecevable. Une
solution plus nuancée, consistant à soumettre l'initiative au vote du
peuple en l'accompagnant d'un message qui en présenterait le caractère
inconstitutionnel, aurait pour effet de fausser la formation de la volonté
populaire en mettant les électeurs dans un état de perplexité. Ceux-ci ne
sauraient par exemple pas s'ils se prononcent sur la constitutionnalité ou
sur l'opportunité du texte (GIACOMETTI, Das Staatsrecht der schweizerischen
Kantone, p. 426; SCHMID, Initiative und Referendum im baselstädtischen
Verfassungsrecht, BJM 1980 p. 237; GRISEL, Initiative et referendum
populaires: traité de la démocratie semi-directe en droit suisse,
p. 118 ch. 4; FAVRE, droit constitutionnel suisse, 1970, p. 119 ch. IV;
RHINOW, Volksrechte, in Handbuch des Staats- und Verwaltungsrechts
des Kantons Basel-Stadt, p. 151/152; AUER, Problèmes et perspectives
du droit d'initiative à Genève, p. 39 ch. 73). Par ailleurs, même si
la jurisprudence actuelle était justifiée, une pratique inconstante
de l'autorité cantonale serait contraire aux principes de la bonne
foi et de l'égalité de traitement; cette situation devrait conduire
à la généralisation d'un contrôle effectif de l'objet des initiatives
populaires (KÖLZ, Die kantonale Volksinitiative in der Rechtsprechung
des Bundesgerichts, ZBl 83/1982 p. 23).

    Ces critiques ne prennent pas suffisamment en considération les
particularités du recours prévu par l'art. 85 lettre a OJ. Les droits
politiques des citoyens permettent l'exercice d'une fonction organique
essentielle de l'Etat démocratique (arrêt du 18 janvier 1985 en la cause
Z., ZBl 86/1985 p. 493 consid. 1a; ATF 104 Ia 228 consid. a). C'est
pourquoi leur violation peut être dénoncée par des personnes qui ne
sont pas atteintes dans leurs intérêts personnels et qui agissent,
en définitive, pour défendre l'intérêt public. A elle seule, la qualité
d'électeur permet d'attaquer non seulement le résultat d'un vote populaire,
mais aussi les mesures préparatoires qui précédent le vote (ATF 110 Ia 177
consid. 2). Si le Tribunal fédéral reconnaissait au droit de vote visé
par l'art. 85 lettre a OJ l'étendue que les auteurs précités proposent
de lui donner, la protection de ce droit engloberait celle des droits
constitutionnels des citoyens au sens de l'art. 84 al. 1 lettre a OJ. Or,
ces droits ne sont pas destinés à régler la participation des citoyens aux
fonctions de l'Etat; ils ont pour rôle essentiel de protéger les individus
contre les abus de la puissance publique (cf. MÜLLER, Eléments pour une
théorie suisse des droits fondamentaux, p. 8, 62 ch. 2). En l'état de la
jurisprudence, ils peuvent être invoqués, devant le Tribunal fédéral,
seulement contre un acte propre à léser l'individu (cf. consid. 2a
ci-dessus) et par une personne atteinte par l'acte conformément aux
critères relatifs à l'art. 88 OJ (cf. ATF 114 Ia 94 consid. 1, 113
Ia 249 consid. 2, 112 Ia 177 consid. 3). Ces règles de procédure sont
étroitement liées à la fonction des droits constitutionnels des citoyens;
l'assimilation de ceux-ci au droit de vote équivaudrait à un abandon -
injustifié - des principes spécifiques de procédure.

    L'extension de l'objet du droit de vote aurait aussi pour effet
d'ouvrir plusieurs fois le recours au Tribunal fédéral sur les mêmes
questions juridiques. Le recours pourrait être formé contre la décision
de convoquer les électeurs, pour faire valoir que celle-ci viole le
droit de vote parce que l'acte mis aux voix est contraire aux droits
constitutionnels des citoyens; il pourrait ensuite être formé contre
l'acte adopté par le corps électoral lors de sa promulgation, à nouveau
pour violation des droits constitutionnels. Pour les arrêtés de portée
générale, les mêmes griefs pourraient en outre être invoqués dans le
cadre d'un recours dirigé contre une décision d'application (ATF 112 Ia
112 consid. a, 159 consid. e). Une protection juridique aussi étendue
ne répond pas à un besoin. En outre, le Tribunal fédéral serait amené à
donner son avis sur la constitutionnalité de textes en voie d'adoption,
alors qu'à la différence des cours suprêmes d'autres pays, il n'est pas
chargé d'exercer une juridiction préventive (cf. FERRARI, Die Zuständigkeit
und das Verfahren der Ungültigerklärung von Volksbegehren (...), thèse
Zurich, 1982, p. 67; AUER, La juridiction constitutionnelle en Suisse,
p. 14 ch. 26 ss).

    Au surplus, ces conséquences ne toucheraient pas seulement les recours
de droit public relatifs aux initiatives populaires. En effet, le droit
de vote protégé par l'art. 85 lettre a OJ ne saurait avoir une étendue
différente selon que l'acte soumis au corps électoral est proposé par les
autorités ou, au contraire, émane de l'initiative populaire. Il faudrait
donc admettre que toute décision de convoquer les électeurs puisse
être déférée au Tribunal fédéral au motif que l'objet du vote serait
contraire au droit ou, s'il s'agit de dispositions de portée générale,
contraire à des règles juridiques supérieures. Le recours étant ouvert
à tout électeur de la collectivité publique concernée, l'abandon de la
jurisprudence critiquée impliquerait une modification fondamentale du rôle
du Tribunal fédéral. Les arguments évoqués ci-dessus ne justifient pas
une telle transformation, que les auteurs cités ne semblent d'ailleurs
pas envisager. La jurisprudence doit dès lors être maintenue.

    Il en résulte qu'en l'absence d'une règle de droit cantonal imposant au
Grand Conseil de contrôler la validité du texte proposé par l'initiative
populaire, les critiques que les recourants soulèvent contre ce texte
sont impropres à démontrer une violation de leur droit de vote.

Erwägung 4

    4.- Le droit de vote permet au citoyen de s'opposer à ce que le corps
électoral soit consulté, sauf circonstances particulières, en dehors
des cas prévus par la constitution ou la loi (ATF 104 Ia 226). Ce droit
serait dès lors violé si les autorités d'un canton décidaient de soumettre
une initiative au peuple alors que celle-ci n'a pas obtenu le nombre de
signatures prescrit.

    En l'espèce, les recourants soutiennent que l'initiative ne doit
pas être présentée au corps électoral parce que l'invalidité de son
art. 3, admise par le Grand Conseil, entraîne prétendument son invalidité
totale. Selon la jurisprudence, l'autorité qui prononce l'irrecevabilité
d'une partie d'une initiative doit, pour respecter le principe de la
proportionnalité, soumettre au peuple la partie tenue pour admissible; il
faut cependant qu'on puisse raisonnablement admettre que les signataires
auraient aussi approuvé cette partie si elle leur avait été présentée seule
(ATF 112 Ia 388 consid. 6a, 110 Ia 182, 105 Ia 365 consid. 3, 368). Les
recourants reprochent au Grand Conseil d'avoir méconnu cette condition;
leur argumentation équivaut à dénoncer une violation de l'art. 64 al. 2
Cst. gen., qui requiert le concours de dix mille électeurs pour l'exercice
du droit d'initiative, au motif que les signatures déposées n'exprimeraient
que des volontés viciées.

    Les art. 1er et 2 de l'initiative requièrent la réalisation d'un
complexe immobilier sur des terrains qui appartiennent à l'Etat, et
l'art. 3 précise que les capitaux nécessaires doivent être engagés par des
particuliers qui seraient mis au bénéfice d'un droit de superficie. Comme
la construction des bâtiments est possible aussi sous d'autres modalités
financières, le texte reste cohérent même si l'art. 3 est supprimé. En
cas d'adoption du texte modifié, il serait possible que l'Etat construise
avec ses propres deniers, ce qui, de l'avis des recourants, est contraire
à la volonté des signataires. Ceux-ci, ou du moins un grand nombre
d'entre eux, n'auraient adhéré à l'initiative que parce qu'ils avaient
la certitude que la construction proposée n'entraînerait aucune dépense
pour la collectivité publique. Il est certain que la réalisation proposée
exigerait un investissement important, mais celui-ci correspondrait à des
actifs réalisables et la construction de logements et de locaux commerciaux
au centre de Genève n'est pas d'emblée dépourvue de rentabilité. Par
sa nature, l'opération ne doit pas, à priori, grever les finances
publiques. Dans ces conditions, les recourants surestiment l'influence
que l'art. 3 a pu exercer sur la volonté des signataires. Le Grand Conseil
pouvait admettre que ces derniers auraient aussi, dans l'ensemble, signé
une initiative ne comprenant que les art. 1er et 2. Les critiques des
recourants s'avèrent ainsi infondées.