Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 114 IA 105



114 Ia 105

18. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 16 juin 1988
dans la cause société S. contre Tribunal administratif du canton de Genève
(recours de droit public) Regeste

    Art. 4 BV, Treu und Glauben; unrichtige Rechtsmittelbelehrung.

    Der Rechtsuchende kann eine bezüglich der Beschwerdefrist unrichtige
Rechtsmittelbelehrung geltendmachen, wenn er im konkreten Fall sich
gutgläubig auf sie verlassen durfte, insbesondere wenn die Unzuständigkeit
der Behörde für ihn nicht klar ersichtlich war.

    Verletzung dieses Grundsatzes im konkreten Fall dadurch, dass ein
Immobilienhändler nach einer fälschlicherweise von unzuständigen Beamten -
die sich den Anschein von Zuständigkeit gaben - erteilten Fristerstreckung
eine Beschwerde eingereicht hat, die alsdann als unzulässig erklärt wurde.

Sachverhalt

    A.- La société S., qui s'occupe notamment de promotion immobilière,
a reçu l'autorisation de construire un mur en béton d'une hauteur de 2
mètres sur la limite séparant quatre parcelles de la commune de Thônex. A
l'occasion d'un contrôle, il a été constaté que le mur dépassait la hauteur
autorisée et qu'un muret et cinq barrières-butoirs en béton avaient été
érigés sans autorisation.

    Par décision du 18 mars 1983, le Département des travaux publics,
Police des constructions, a ordonné à la société S. de procéder, dans
un délai de 30 jours, à l'abaissement du mur à la hauteur de 2 mètres
et à la démolition des autres ouvrages. Cette décision mentionnait la
possibilité de recourir dans les 30 jours à la Commission de recours
instituée par la loi sur les constructions et installations diverses
(ci-après: la Commission de recours).

    L'administrateur de S. a sollicité et obtenu, des deux fonctionnaires
de la police des constructions qui s'occupaient de cette affaire, une
prolongation au 30 mai 1983 du délai pour recourir.

    La Commission de recours a déclaré irrecevable le recours formé par la
société S. le 30 mai 1983, en raison de sa tardiveté et de l'impossibilité
de prolonger le délai de recours qui expirait le 21 avril 1983.

    Par arrêt du 4 novembre 1987, le Tribunal administratif du canton de
Genève a rejeté le recours interjeté par S. contre cette décision.

    Contre cet arrêt, la société S. a formé, avec succès, un recours de
droit public pour violation du principe de la bonne foi.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- La seule question litigieuse en l'espèce est celle de savoir si
le principe de la bonne foi autorise la société S. à prétendre qu'elle
pouvait valablement recourir auprès de la Commission de recours dans le
délai "prolongé" par les fonctionnaires du Département des travaux publics.

    a) Découlant directement de l'art. 4 Cst. et valant pour l'ensemble
de l'activité étatique (ATF 107 Ia 211 consid. 3a), le principe de la
bonne foi donne au citoyen le droit d'être protégé dans la confiance
légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités (ATF 108
Ib 385 consid. b, 105 Ib 159 consid. b, 103 Ia 508). Il le protège donc
lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou
un comportement déterminé de l'administration. Entre autres conditions -
cumulatives - auxquelles la jurisprudence subordonne le recours à cette
protection (cf. ATF 109 V 55 et les arrêts cités), il faut que l'administré
ait eu de sérieuses raisons de croire à la validité des assurances et
du comportement dont il se prévaut et qu'il ait pris sur cette base des
dispositions qu'il ne pourrait modifier sans subir un préjudice (ATF 104
Ib 237 consid. 4, 103 Ia 114, 508 et les arrêts cités).

    Lorsque ces conditions sont réunies, le principe de la bonne foi
l'emporte sur celui de la légalité (cf. ATF 112 Ia 355 consid. cc, 107 V
160 consid. 2) et permet au justiciable de se prévaloir, en particulier,
d'une indication erronée de l'autorité quant au délai de recours,
s'il pouvait, dans les circonstances concrètes de l'espèce, s'y fier
de bonne foi (ATF 113 Ia 229, 112 Ia 310 consid. 3, 111 Ia 357 et les
arrêts cités). Même tardif, son recours doit alors être déclaré recevable,
conformément à la règle des art. 38 PA et 107 al. 3 OJ, qui est de portée
générale (ATF 105 Ib 160 consid. 5, 100 Ib 457/458 consid. 3a, 96 II 72,
96 III 99) et selon laquelle la fausse indication des voies de recours
n'entraîne aucun préjudice pour les parties.

    b) Le Tribunal administratif a nié que le principe de la bonne foi
fût applicable en l'espèce, pour les motifs retenus par la Commission
de recours et qui étaient les suivants: faisant "profession de promotion
immobilière" et "familière des règles applicables en matière d'autorisation
de construire", la société S. "était parfaitement à même de comprendre
les indications claires figurant dans la décision entreprise et selon
lesquelles le recours devait être formé dans les 30 jours"; elle ne pouvait
"dès lors sérieusement prétendre avoir cru de bonne foi qu'un fonctionnaire
subalterne de la police des constructions était habilité à (prolonger)
- en dehors de toute disposition légale un délai de recours impératif".

    L'une et l'autre autorités ont ainsi admis, en fait, que les deux
fonctionnaires du Département avaient accepté de prolonger au 30 mai 1983
le délai de recours. En procédure cantonale, le Département s'est borné à
mettre en doute cette version des faits sans la combattre sérieusement,
estimant que, "même s'il y a eu erreur regrettable de la part d'un
fonctionnaire", le recours était mal fondé. Cela étant, il n'est plus
recevable aujourd'hui à revenir sur ce point de fait, en soutenant, dans
ses observations, que le "délai accordé" concernait en réalité uniquement
l'exécution des mesures ordonnées et non le recours.

    c) De la jurisprudence rappelée ci-dessus, il ressort que l'application
du principe de la bonne foi ne permet guère de dégager des solutions
absolues, valables dans tous les cas. C'est au contraire sur le vu des
circonstances concrètes de chaque espèce qu'il y a lieu d'apprécier si
le justiciable a reçu des indications ou des assurances et s'il a eu des
raisons sérieuses de mettre en doute leur validité.

    En l'occurrence, la réponse à la première de ces questions résulte
clairement des pièces du dossier.

    La société S. a reçu le 21 mars 1983 la décision de première instance
indiquant la faculté de recourir "dans les 30 jours à la commission de
recours instituée par la loi sur les constructions".

    Le 22 mars, son administrateur a eu un entretien au sujet de
cette affaire avec deux fonctionnaires de la police des constructions,
MM. X. et Y.

    Le 28 mars 1983, la recourante a adressé une lettre recommandée à
ce service; en se référant à cette entrevue, elle sollicitait "afin de
nous permettre de réunir les éléments demandés,..., une prolongation au
30 mai prochain du délai de recours devant la commission". L'original de
ce document, qui figure au dossier du Département, comporte la mention
manuscrite suivante: "Délai accordé pour permettre le relevé des niveaux
par un géomètre officiel. Y., 29.3.83."

    La société S. a toujours affirmé, sans être contredite, que son
administrateur a eu, ultérieurement, un entretien téléphonique avec le
fonctionnaire X., qui lui a confirmé que "tout est en ordre" et que "le
délai est accordé jusqu'au 30 mai 1983". Ces indications sont consignées
sur une note manuscrite d'entretien téléphonique datée du 7 avril 1983.

    Il appert ainsi de ces documents que les fonctionnaires du Département
des travaux publics qui s'occupaient de la mesure prise contre la société
S. lui ont dit, d'une façon ou d'une autre, que le délai de recours était
prolongé ou reporté. La recourante a donc bel et bien reçu des assurances
au sens de la jurisprudence.

    d) Il reste dès lors uniquement à examiner si la recourante - devait,
de bonne foi, se rendre compte que l'assurance donnée était fausse et
inopérante.

    aa) Selon la jurisprudence, la protection de la bonne foi ne peut
être exclue que lorsque l'incompétence de l'autorité est clairement
reconnaissable (ATF 108 Ib 385 consid. b). Cette question doit s'apprécier
en fonction d'éléments objectifs et subjectifs. Au titre des premiers,
entrent notamment en considération la nature de l'indication fournie et
le rôle apparent du fonctionnaire dont elle émane; mais il y a en outre
lieu de tenir compte de la position ou de la qualité, éventuellement
particulières, de l'administré ou du justiciable concerné.

    Quant aux connaissances à attendre du citoyen ordinaire, la
jurisprudence du Tribunal fédéral est nuancée. Si nul n'est censé ignorer
que le fait de construire sans autorisation peut avoir pour conséquence
un ordre de démolition (ATF 111 Ib 224 consid. 6a), on ne saurait en
revanche présumer la connaissance de certaines règles de procédure, ni
de la compétence et du rôle précis des fonctionnaires qui interviennent
ès qualité (ATF 108 Ib 386 consid. c, 101 Ia 100 consid. 3b). S'agissant
des voies et formes de recours, une plus grande sévérité sera certes de
mise à l'endroit d'un homme de loi qu'à l'égard d'un simple particulier;
cependant, le Tribunal fédéral a donné tort à une autorité qui avait
déclaré irrecevable un recours non signé, parce qu'elle avait manqué à son
devoir d'attirer l'attention de l'avocat sur l'informalité (ATF 114 Ia 20
ss; cf. aussi ATF 111 Ia 169 ss); sous l'angle de l'excès de formalisme,
il a en outre protégé diverses inadvertances commises par des avocats
(ATF 113 Ia 96 consid. 2 et les arrêts cités).

    bb) En l'espèce, la recourante a reçu de deux fonctionnaires
l'assurance que le délai pour recourir contre la décision rendue par leur
propre service était prolongé.

    En principe, nul juriste n'est censé ignorer qu'aucune autorité,
même de recours, n'est habilitée à prolonger un délai légal de recours
(cf. art. 22 al. 1 PA et 33 al. 1 OJ). C'est en revanche un fait
d'expérience que, non seulement les profanes, mais aussi les fonctionnaires
se trompent souvent à ce sujet et, en l'occurrence, les deux agents de
la police des constructions chargés du dossier de la société S. ont à
l'évidence regardé eux-mêmes la prolongation ou le report du délai comme
possible. On ne saurait d'ailleurs s'étonner outre mesure d'une relative
méconnaissance de cette règle, qui est de nature technique et connaît
certaines exceptions et atténuations. En particulier, un délai fixé par
la loi peut, à certaines conditions, être restitué (cf. art. 24 al. 1 PA
et 35 al. 1 OJ); par ailleurs, il est loisible à l'autorité qui a pris une
décision de l'annuler puis de la remplacer par une décision équivalente qui
fait partir un nouveau délai de recours; en outre, le juge administratif
peut accorder un bref délai supplémentaire pour régulariser un recours
qui n'est pas manifestement irrecevable (cf. art. 52 al. 2 PA et 108
al. 3 OJ), voire pour en compléter les motifs (cf. art. 53 PA). Enfin,
la confusion n'est pas invraisemblable, de la part d'un non juriste,
avec la règle qui autorise l'autorité à prolonger un délai qu'elle a
elle-même imparti (cf. art. 22 al. 2 PA et 33 al. 2 OJ).

    Il est vrai que la recourante est une société qui s'occupe de
promotion immobilière et qu'en cette qualité, elle doit être au fait des
règles essentielles de la police des constructions et, notamment, des
procédures en matière d'autorisation de construire. En revanche, on ne
saurait exiger d'elle qu'elle maîtrise tous les problèmes de procédure de
recours, qui ne relèvent sans doute pas de sa pratique quotidienne. Or,
comme on l'a vu, la simplicité de la règle qui veut qu'un délai légal ne
puisse être prolongé n'est qu'apparente. Il serait dès lors excessivement
rigoureux de reprocher à la recourante de n'avoir pas su, mieux que les
deux fonctionnaires qui l'ont accordée, que la prolongation du délai de
recours était légalement inopérante.

    cc) Ces deux agents du Département des travaux publics étaient ceux-là
mêmes qui étaient chargés du dossier de la recourante et qui ont eu une
entrevue, puis un entretien téléphonique, avec son administrateur. A
la demande de prolongation du délai de recours, formulée par lettre
recommandée, ils ont réagi eux-mêmes, par une annotation sur cette lettre
puis par une réponse positive donnée oralement, ce qui suffit au regard de
la jurisprudence (ATF 105 Ib 159 consid. b, 99 Ib 102/103, 98 I 504). Ils
ont ainsi donné toutes les apparences de leur propre compétence; pour la
recourante, à tout le moins, leur incompétence ne pouvait être manifeste
(cf. ATF 108 Ib 385 consid. b).

    e) Il résulte de ce qui précède que la recourante ne saurait se voir
imputer à faute de s'être fiée aux indications de fonctionnaires qu'elle
avait de bonne raison de tenir pour compétents. En refusant de l'admettre,
le Tribunal administratif a méconnu le principe de la bonne foi, en sorte
que le présent recours doit être admis.