Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 II 77



113 II 77

15. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 27 janvier
1987 dans la cause Zafira S.A. et Zafira Centrale S.A. contre
N.V. Philips'Gloeilampenfabrieken A.G. et consorts (recours en réforme)
Regeste

    Schutz eines gewerblichen Modells. Unlauterer Wettbewerb.

    1. Art. 2 und 3 MMG. Kann das Modell eines Abtastkopfes für
Plattenspieler gesetzlichen Schutz geniessen? (E. 3c).

    2. Art. 24 Ziff. 1 MMG. Widerrechtliche Nachahmung eines Modells im
vorliegenden Fall verneint (E. 3d).

    3. Art. 1 Abs. 2 lit. d UWG. Eine Nachahmung, die vor Modellrecht
standhält, weil sie nicht widerrechtlich ist oder weil sie einen Gegenstand
betrifft, dessen Formgebung nicht schutzfähig ist - vorliegend Ersatznadeln
für Plattenspieler -, verletzt grundsätzlich auch nicht das UWG (E. 4
und 5).

Sachverhalt

    A.- La société N.V. Philips'Gloeilampenfabrieken, à Eindhoven,
(ci-après: Philips), a déposé, le 28 mars 1973, le modèle international
qui a servi d'exemple pour le façonnement des têtes de lecture pour
tourne-disques GP 214 (aiguille en saphir) et GP 215 (aiguille en diamant),
lancées sur le marché suisse en 1976.

    En 1977, les cellules de la série Mark-II (GP 400 II, 401 II, 412 II
et 422 II), qui sont des aiguilles de remplacement emboîtables que l'on
peut fixer sur les têtes de lecture, furent également distribuées sur le
marché suisse.

    Zafira S.A. et Zafira Centrale S.A., à Fribourg, sont titulaires de
la marque Zafira et s'occupent de la distribution de têtes de lecture
et d'aiguilles de rechange, d'origine ou de remplacement. En 1977, elles
lancèrent sur le marché suisse les têtes de lecture Zafira 6383 et 6384,
ainsi que les aiguilles de rechange emboîtables Zafira 6385, 6386, 6387
et 6389.

    B.- Par demande en justice déposée le 5 janvier 1982 devant la Cour
civile du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, Philips et ses deux
consorts - la société distributrice Philips Zürich A.G. et la société
Philips Export BV à laquelle les droits à la marque "Philips" ont été
transférés - ont ouvert action contre Zafira S.A. et Zafira Centrale
S.A. Les demanderesses ont conclu à ce qu'interdiction soit faite aux
défenderesses de produire, d'offrir, de mettre en vente, d'introduire dans
le commerce ou d'utiliser d'une quelconque manière les têtes de lecture
de rechange GP 214 et GP 215, ainsi que les aiguilles de remplacement
emboîtables GP 400 II, 401 II, 412 II et 422 II. Elles ont aussi conclu
à ce qu'interdiction soit faite aux défenderesses de munir l'emballage
des têtes de lecture et des aiguilles litigieuses de 10 textes qu'elles
ont reproduits dans la conclusion topique. Elles ont encore pris une
conclusion III en paiement de 110'000 francs plus intérêts. Elles ont
conclu ensuite à ce que les défenderesses soient astreintes à indiquer
au tribunal la provenance des têtes de lecture 6383 et 6384 ainsi que des
aiguilles 6385, 6386, 6387 et 6389 actuellement en leur possession. Enfin,
elles ont conclu à ce que la publication du dispositif du jugement dans
8 journaux et revues expressément désignés par elles soit ordonnée aux
frais des défenderesses.

    Le Tribunal cantonal a admis une requête de Philips tendant à ce que
les débats fussent restreints à toutes les conclusions autres que celle
en paiement de 110'000 francs.

    Par arrêt du 27 décembre 1985, il a alloué aux demanderesses
l'intégralité de leurs conclusions.

    C.- Les défenderesses interjettent un recours en réforme au Tribunal
fédéral en concluant au rejet des conclusions des demanderesses.

    Les demanderesses et intimées proposent le rejet du recours, dans la
mesure où il est recevable.

    Admettant partiellement le recours, le Tribunal fédéral réforme
l'arrêt attaqué et rejette toutes les conclusions des demanderesses,
excepté celle concernant les textes figurant sur l'emballage des aiguilles
de remplacement.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) A titre préliminaire, la cour cantonale relève pertinemment
qu'en vertu de l'art. 23bis de la loi fédérale sur les dessins et modèles
industriels (LDMI; RS 232.12), le dépôt international du modèle de tête
de lecture équivaut à un dépôt fait en Suisse; elle observe en outre
avec raison que la Convention d'Union de Paris pour la protection de
la propriété industrielle (RS 0.232.04) et l'Arrangement de La Haye
concernant le dépôt international des dessins ou modèles industriels
(RS 0.232.121.1) ne confèrent pas une protection plus étendue que celle
qui découle de la LDMI et qu'ils ne font pas dépendre cette protection
de conditions différentes (ATF 104 II 325/326 consid. 2). Les parties ne
critiquent d'ailleurs pas ce point de vue. Elles ne s'en prennent pas
non plus aux considérants de la cour cantonale qui ont conduit celle-ci
à comparer, sous l'angle de la LDMI, les têtes de lecture Zafira 6383 et
6384 au modèle déposé par Philips et non pas aux produits GP 214 et 215
effectivement fabriqués.

    b) La cour cantonale, statuant sur une exception de nullité du
dépôt soulevée par les défenderesses, a tout d'abord examiné si le
modèle déposé pouvait bénéficier de la protection accordée par la loi
(cf. art. 2, 3 et 12 ch. 4 LDMI). Analysant les caractéristiques de ce
modèle et les constatations détaillées faites par l'expert judiciaire,
elle a écarté l'exception de nullité en considérant, en substance,
que la forme de la tête de lecture n'était pas conditionnée par la
technique et que différents éléments conféraient au modèle déposé une
qualité esthétique incontestable. Puis, après avoir comparé les têtes
de lecture Zafira nos 6383 et 6384 avec le modèle déposé, elle a conclu
à l'existence d'une imitation illicite, au sens de l'art. 24 ch. 1 LDMI,
et prononcé, en conséquence, l'interdiction de la mise en vente des têtes
de lecture litigieuses par les défenderesses.

    A l'appui de leur recours, celles-ci maintiennent que le modèle déposé
est nul, faute de nouveauté matérielle. Elles reprochent, d'autre part,
aux premiers juges d'avoir violé l'art. 24 ch. 1 LDMI et soutiennent à ce
propos qu'elles n'ont pas imité servilement les seuls éléments du modèle
susceptibles d'être protégés par la LDMI, soit l'organe de préhension et
le dispositif de protection de l'aiguille.

    c) Constitue un modèle, au sens de la LDMI, toute forme plastique,
combinée ou non avec des couleurs, devant servir de type pour la protection
industrielle d'un objet (art. 2). Cependant, en vertu de l'art. 3 LDMI,
la protection accordée par la loi ne s'applique pas aux procédés de
fabrication, à l'utilisation ou à l'effet technique de l'objet fabriqué
sur le type du modèle protégé. Chacun peut donc fabriquer son produit de
la façon qui soit la plus simple et la plus économique, et lui donner
la forme la plus utile du point de vue technique, même s'il doit de la
sorte être semblable au produit d'autrui. Il faut donc éliminer les
formes qui sont conditionnées par la technique avant d'examiner si les
éléments restants justifient la protection accordée au modèle par la
loi. L'objet ne doit pas nécessairement être le résultat d'une activité
créatrice. Il suffit qu'il présente une certaine originalité et révèle
ainsi un minimum d'esprit inventif. Enfin, la forme, pour pouvoir être
protégée, doit avoir été donnée à l'objet pour des motifs esthétiques
(ATF 104 II 328/329, 95 II 472/473).

    Sur la base de ces critères et contrairement à l'opinion de la cour
cantonale, on doit d'emblée dénier toute protection fondée sur la LDMI à la
forme générale du boîtier du modèle de tête de lecture déposé par Philips,
ainsi qu'au support équipé de quatre contacts électriques en fils dorés
placés en arc de cercle. Il s'agit là d'éléments entièrement conditionnés
par la technique, c'est-à-dire, d'une part, par la nécessité d'insérer la
tête de lecture dans le bras du tourne-disque auquel elle est destinée et,
d'autre part, par la nécessité de permettre la connexion électrique. Il
importe peu que, comme l'a relevé l'expert, ces éléments fonctionnels
puissent être réalisés au moyen de formes différentes. Tout d'abord,
chacun est en droit de résoudre, quant à la forme adoptée, les problèmes
techniques de la même manière que le déposant du modèle. Nul ne peut
en effet monopoliser par un dépôt de modèle une forme conditionnée par
la technique (ATF 92 II 205). En outre - et c'est là un point capital -,
les formes des éléments précités apparaissent totalement étrangères à des
motifs ou considérations esthétiques. On a affaire ici à des éléments qui,
par leur destination technique, doivent rester entièrement cachés à la
vue, enfermés qu'ils sont dans le bras du tourne-disque, auquel la tête
de lecture s'adapte.

    L'acheteur ne peut être qu'indifférent à la forme de tels éléments.

    Ne présentent pas davantage d'intérêt esthétique les trous
rectangulaires figurant sur la partie supérieure du boîtier et le vide
de la partie inférieure arrière de celui-ci. Ce sont là des détails
minuscules, absolument insignifiants, et également destinés à être
entièrement cachés à la vue en cas d'emploi de la tête de remplacement.

    Ne peut pas non plus être considérée comme digne de protection
la plaquette de 10x6 mm figurant sur la partie frontale de la tête de
lecture. Cette plaquette, qui a apparemment pour fonction de servir de
butoir d'arrêt lorsqu'on insère la tête de lecture dans le bras, est d'une
forme tout à fait banale et élémentaire, qui ne saurait être monopolisée
par un dépôt de modèle.

    Il faut encore exclure de la protection accordée par la LDMI ce que la
cour cantonale appelle "la conception raffinée" du système de protection de
l'aiguille de la tête de lecture litigieuse. La conception de ce système,
son éventuelle ingéniosité ou ses avantages pratiques supposés n'ont aucun
rapport avec les préoccupations esthétiques qui fondent la protection
légale. Seule peut ressortir à l'esthétique la forme du dispositif de
protection, telle qu'elle apparaît sur les photographies du modèle déposé,
soit une plaque rectangulaire dépassant de la tête de lecture. Cette
forme revêt cependant un caractère si simple et rudimentaire que l'on
peut hésiter à la juger digne de protection. La question peut cependant
rester ouverte, car elle n'a pas d'incidence sur le sort du litige,
comme on le verra plus loin.

    En revanche, les saillies de préhension latérales de la tête de lecture
peuvent jouir de la protection légale. Elles ont certes le rôle fonctionnel
et technique de permettre de saisir aisément la tête de lecture pour
l'insérer dans le bras du tourne-disque ou pour la retirer de celui-ci,
mais leur forme et leur disposition, ne serait-ce que parce que c'est un
élément qui reste visible après l'insertion et qui doit s'harmoniser avec
l'aspect général du bras, répondent manifestement à des motifs esthétiques.
L'existence de cet élément empêche donc que soit accueillie, en tout cas
en ce qui le concerne, l'exception de nullité du modèle déposé.

    d) Quant à savoir si - comme le soutiennent les défenderesses -
la petitesse des objets litigieux, qui n'ont pas en eux-mêmes une
fonction ornementale, ne constitue pas un facteur justifiant le refus
de la protection légale, c'est là une question qu'il n'y a pas lieu
d'examiner dans le cas particulier. En effet, à supposer que l'on accorde
la protection de la LDMI aux saillies de préhension de la tête de lecture,
voire à la partie apparente du dispositif de protection de l'aiguille,
il n'y a de toute façon pas matière à retenir en l'espèce une violation
des droits des demanderesses sur le modèle déposé.

    Une telle violation suppose une imitation illicite du modèle. Selon
l'art. 24 ch. 1 LDMI, il y a imitation illicite lorsque le produit
véritable ne peut être distingué du produit contrefait qu'après un examen
attentif. Or, si l'on compare les éléments des têtes de lecture Zafira nos
6383 et 6384 avec les éléments éventuellement protégés et protégeables
du modèle déposé, les différences apparaissent d'emblée. Les saillies
de préhension, telles qu'elles figurent sur le modèle déposé, sont au
nombre de six et présentent une certaine finesse grâce à leur minceur;
en revanche, il n'y a que trois saillies de préhension par côté sur les
têtes de lecture des défenderesses et leur forme est différente et plus
épaisse. La différence apparaît aussi bien si l'on examine la tête de
côté (examen portant sur la partie restant visible lorsque la tête est
insérée dans le bras de lecture), que si on l'observe - non insérée -
de dessus ou de dessous. Quant à la partie du dispositif de protection de
l'aiguille visible sur le modèle, elle se distingue sensiblement de celle
des têtes Zafira: vue de côté ou de face (soit lorsque la tête est insérée
dans le bras de lecture), la partie avant du dispositif de protection de
la tête de lecture Zafira apparaît nettement cylindrique, alors qu'elle
est plate et rectangulaire sur le modèle déposé; elle dépasse en outre
moins que sur le modèle. Vu de dessous, le dispositif de protection de
la tête Zafira est plus aéré et moins long que celui du modèle.

    La constatation nette et aisée des différences précitées permet
de dénier tout caractère illicite à l'imitation reprochée aux
défenderesses. Ne peuvent pas être considérées comme déterminantes à
cet égard les similitudes relevées et retenues par la cour cantonale,
car elles portent sur les éléments non protégeables du modèle.

Erwägung 4

    4.- a) Pour admettre les conclusions des demanderesses tendant à
interdire la commercialisation des têtes de lecture litigieuses par
les défenderesses, la cour cantonale ne s'est pas fondée uniquement sur
la LDMI. Elle a aussi appliqué, parallèlement, la loi fédérale sur la
concurrence déloyale (LCD; RS 241) et considéré, en substance, que les
défenderesses tombaient sous le coup de l'art. 1er al. 2 lettre d de cette
loi, qui assimile à une violation des règles de la bonne foi le fait de
prendre des mesures destinées ou de nature à faire naître une confusion
avec les marchandises, les oeuvres, l'activité ou l'entreprise d'autrui.

    Les défenderesses soutiennent, à l'encontre de cette argumentation,
qu'il n'est pas possible de considérer comme illicite au sens de la
LCD ce qui est permis par la loi spéciale qu'est la LDMI. Elles font en
outre valoir l'absence de tout risque de confusion en l'espèce, du fait,
notamment, de leur système de vente.

    b) Pour conclure à l'existence d'un risque de confusion au sens de
l'art. 1er al. 2 lettre d LCD, la cour cantonale a comparé les têtes de
lecture litigieuses entre elles, et non plus les têtes de lecture Zafira
avec le modèle déposé. Outre les couleurs blanche ou orange du dispositif
de protection de l'aiguille, qui sont étrangères au modèle déposé, la seule
différence existant entre les têtes de lecture Philips et ce modèle tient
à la forme de l'avant du dispositif de protection de l'aiguille, qui est
pentagonal sur la tête de lecture et rectangulaire sur le modèle. Mais cet
élément ne change rien aux différences constatées plus haut lors de la
comparaison des têtes de lecture litigieuses, s'agissant en particulier
de l'avant des dispositifs de protection de l'aiguille, puisque celui
des têtes de lecture Zafira, cylindrique, diffère aussi bien du rectangle
plat du modèle que du pentagone plat de la tête commercialisée.

    On a déjà observé qu'à côté des similitudes portant sur des éléments
non protégés par la LDMI, il existe entre les têtes de lecture Philips
et Zafira des différences nettes. Cette constatation permet d'exclure
en l'espèce un risque de confusion fondé sur la forme et l'aspect des
produits. S'il n'y a pas imitation au sens de la LDMI parce que les
éléments esthétiques des produits diffèrent, il ne peut y avoir de
confusion, au sens de la LCD, due à la forme et à l'aspect des produits.

    Certes, il est possible que des facteurs supplémentaires, comme
l'emballage, un camouflage des différences ou un système de vente trompeur,
soient une source de confusion tombant sous le coup de la LCD. Il n'y a
cependant pas lieu en l'espèce d'examiner si de tels facteurs devraient
être pris en considération, car les demanderesses n'ont pas pris de
conclusions en constatation d'actes de concurrence déloyale fondés sur
la confusion engendrée par des facteurs de ce genre, mais uniquement
des conclusions tendant à ce que soient interdites la production et
la commercialisation du produit lui-même, minutieusement décrit. Or,
comme les têtes de lecture des défenderesses ne créent pas à elles
seules un risque de confusion, une interdiction de les produire et de
les commercialiser ne peut pas davantage être prononcée sur la base de
la LCD qu'en application de la LDMI.

    Ces considérations conduisent donc au rejet des conclusions 1a et
b des demanderesses, que le dispositif de l'arrêt attaqué a reprises
également sous ch. 1a et b.

Erwägung 5

    5.- a) La cour cantonale a ensuite examiné les conclusions
des demanderesses, visant à interdire la commercialisation par les
défenderesses des aiguilles de rechange du type GP 400 II, 401 II, 412 II
et 422 II, au regard des seules dispositions de la LCD, car les aiguilles
de rechange Philips n'ont pas fait l'objet d'un dépôt de modèle. Elle a
jugé le risque de confusion encore plus net pour ces produits que pour
les têtes de lecture.

    Les défenderesses contestent que les aiguilles de rechange litigieuses
tombent sous le coup de la LCD. A cet égard, elles relèvent l'absence de
toute force distinctive de ces objets, du fait de leur simplicité banale,
de leur taille minuscule et de la multiplicité des produits analogues.

    b) Selon la jurisprudence, que la cour cantonale a d'ailleurs rappelée,
lorsque la forme d'une marchandise n'est pas protégée par une règle du
droit de la propriété industrielle, elle peut en principe être librement
utilisée. Rien n'interdit d'imiter même servilement la marchandise
d'autrui, si la forme n'est pas l'objet d'un droit exclusif. Il n'en va
autrement que si la forme d'une marchandise sert à la distinguer et que
la contrefaçon crée un risque de confusion, parce qu'elle est de nature
à tromper l'acheteur sur la qualité ou la provenance du produit (ATF 105
II 301 consid. 4a et les arrêts cités).

    La cour cantonale oublie cependant de mentionner la jurisprudence
selon laquelle la forme d'une marchandise peut aussi être imitée pour
des motifs esthétiques lorsqu'elle n'est pas ou plus au bénéfice de la
protection accordée par la LDMI. Dans ce cas, l'aspect esthétique n'est
en effet pas le monopole de son créateur spirituel; partant, chacun a le
droit de donner à son produit la forme qui lui convient le mieux et qui
le rend plus attractif. Il n'en va autrement que si l'aspect extérieur de
la marchandise imitée est destiné ou de nature à permettre de distinguer
cette marchandise de produits semblables ou de même nature, d'origine
différente (ATF 108 II 74; 104 II 332; cf. aussi DAVID, Die Gerichtspraxis
zur sklavischen Nachahmung von Warenformen, in Revue Suisse de la Propriété
industrielle et du Droit d'Auteur, 1983, fasc. 2, p. 9 ss).

    Aussi importe-t-il peu, en l'espèce, que l'aspect extérieur des
aiguilles Philips ait été dicté par des raisons esthétiques et par le souci
de distinguer ces objets du produit d'autrui. Ce qui est décisif, ce n'est
pas la motivation subjective du créateur du produit, mais l'impression
que donne le produit à l'acheteur quant à sa provenance. Il faut en effet
rechercher si l'imitation peut induire l'acheteur en erreur au sujet de
l'origine ou de la qualité de la marchandise. Tel est le cas si la forme
ou le conditionnement imités désignent la provenance ou la qualité, parce
que les acheteurs se sont habitués à lier l'aspect de la marchandise à
une origine ou à une qualité déterminées (ATF 92 II 207/208 consid. 7a).

    Le seul examen des aiguilles des demanderesses révèle l'absence de
toute force distinctive. L'impression que ces objets donnent au regard est
relativement simple: un boîtier, un dispositif transparent de protection
de l'aiguille et un tube métallique dans lequel est fixée l'aiguille. Vu
la petitesse du produit, les détails esthétiques minutieusement décrits
dans l'arrêt attaqué passent inaperçus. Il ne paraît pas possible, étant
donné la multitude de formes d'aiguilles existant dans le commerce,
que les aiguilles litigieuses apparaissent à ce point caractéristiques
qu'un acheteur, même averti, les identifie comme des produits Philips en
se fondant uniquement sur leur aspect. L'arrêt cantonal ne contient du
reste aucune constatation à ce sujet.

    L'expérience générale de la vie enseigne en outre que l'acheteur
d'une aiguille de rechange ne se préoccupe pas de la forme de la pièce,
généralement peu ou mal visible une fois posée; ce qui lui importe,
c'est que cette aiguille s'adapte au bras de lecture du tourne-disque et
fonctionne. Et si l'acheteur se soucie de la provenance d'une aiguille
dont il a apprécié la qualité ou qui lui inspire confiance, ce n'est pas
à sa forme qu'il se fiera ou se référera, mais à sa marque. Les aiguilles
litigieuses Zafira, qui ne portent pas de marque sur leur dispositif de
protection, ne sont donc pas, comme telles, de nature à tromper l'acheteur
sur leur qualité ou leur provenance. Il ne peut dès lors pas être donné
suite aux conclusions topiques des demanderesses, puisque le produit
lui-même, seul visé par lesdites conclusions, ne prête pas à confusion
au sens de la LCD.