Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 II 5



113 II 5

2. Arrêt de la IIe Cour civile du 28 janvier 1987 dans la cause Y. contre
Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit administratif) Regeste

    Heirat eines Ausländers in der Schweiz; Art. 7e NAG und Art.  168 ZStV.

    1. Die Verweigerung der Heiratsbewilligung für einen Ausländer kann mit
Verwaltungsgerichtsbeschwerde beim Bundesgericht angefochten werden (E. 1).

    2. Ob ein Ausländer, der in der Schweiz heiraten will - im vorliegenden
Fall ein Asylbewerber -, Wohnsitz in der Schweiz habe, bestimmt sich nach
den Art. 23 ff. ZGB (E. 2).

    3. Der in der Schweiz wohnende Ausländer, der die Verkündung seiner Ehe
mit einer mit ihm zusammenlebenden Schweizerin verlangt, handelt auch dann
nicht rechtsmissbräuchlich, wenn sein Asylgesuch abgewiesen wurde (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Y., né le 1er février 1966, de nationalité turque, est entré
en Suisse vers la fin du mois de septembre 1984. Le 9 octobre 1984, il
a déposé une demande d'asile. Cette demande a été rejetée par l'Office
fédéral de la police le 12 septembre 1985. Un délai au 30 novembre 1985
a été fixé à l'intéressé pour quitter le territoire suisse.

    B.- Y. a d'abord résidé à Crissier dans un centre d'hébergement. Depuis
le 24 avril 1985, il habite à Lausanne avec dlle U., née le 7 avril 1960,
originaire du canton de Fribourg.

    Le 4 novembre 1985, Y. et dlle U. ont déposé une demande de publication
de mariage devant l'officier de l'état civil de l'arrondissement de
Lausanne.

    Le lendemain, l'officier de l'état civil a demandé à l'état civil
cantonal d'autoriser la publication du mariage.

    Selon une attestation du Consulat général de Turquie à Genève du 1er
novembre 1985, le mariage sera reconnu en Turquie avec tous ses effets.

    Le 23 décembre 1985, le Département de la justice, de la police et
des affaires militaires du canton de Vaud, par la signature du chef du
Service de justice, a refusé l'autorisation de contracter mariage.

    Le 16 mai 1986, le Conseil d'Etat du canton de Vaud a rejeté un
recours de Y. contre la décision du département.

    C.- Y. exerce un recours de droit administratif au Tribunal fédéral. Il
demande à être mis au bénéfice de l'autorisation de mariage.

    Le 5 août 1986, le Président de la IIe Cour civile a, par voie
d'ordonnance sur mesures provisionnelles, statué que le recourant ne
pouvait être renvoyé du territoire suisse jusqu'à décision sur le recours.

    Le 15 septembre 1986, le Délégué aux réfugiés a suspendu l'exécution
de la décision de refus d'asile du 12 septembre 1985 jusqu'à décision
sur la procédure de recours de droit administratif.

    Le Conseil d'Etat du canton de Vaud propose le rejet du recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'étranger qui habite la Suisse et qui veut s'y marier requiert
les publications nécessaires de l'officier de l'état civil de son
domicile. Mais il doit préalablement avoir reçu du gouvernement du canton
où il est domicilié l'autorisation de faire célébrer son mariage (art. 7e
al. 1 LRDC).

    Dans un arrêt du 23 octobre 1947 (ATF 73 I 330), le Tribunal fédéral
a jugé que le refus du gouvernement cantonal d'autoriser le mariage
d'étrangers ne pouvait être attaqué que par la voie du recours de droit
public, à l'exclusion du recours de droit administratif, puisque la
décision n'émanait pas de l'autorité cantonale de surveillance. A cette
époque, le recours de droit administratif était expressément limité aux
seules décisions des autorités cantonales de surveillance en matière
d'état civil (art. 99 ch. 1 lettre c aOJ).

    Selon la nouvelle teneur de l'OJ, le Tribunal fédéral connaît
désormais, sauf les cas d'exclusion prévus aux art. 99 à 101 OJ, des
recours de droit administratif contre les décisions au sens de l'art. 5
PA. Le Tribunal fédéral a admis que les décisions des autorités cantonales
de surveillance en matière d'état civil constituent des décisions fondées
sur le droit public fédéral au sens de l'art. 5 PA, contre lesquelles le
recours de droit administratif est ouvert (ATF 97 I 391 consid. 1). Or,
il ne fait aucun doute qu'un refus d'autorisation de mariage fondé
sur l'art. 7e LRDC et 168 OEC constitue également une décision selon
l'art. 5 PA, au même titre que les décisions des autorités cantonales
de surveillance.

    Le recours de droit administratif est ainsi recevable.

Erwägung 2

    2.- S'agissant d'un étranger domicilié en Suisse, l'autorisation
de mariage ne peut être refusée, lorsque l'Etat d'origine déclare qu'il
reconnaîtra le mariage de son ressortissant et tous les effets du mariage;
elle peut être accordée même à défaut d'une pareille déclaration (art.
7e al. 2 LRDC).

    Si l'étranger n'est pas domicilié en Suisse, la célébration du mariage
peut avoir lieu en vertu d'une autorisation du gouvernement du canton où il
doit y être procédé, s'il résulte d'une déclaration de l'Etat d'origine ou
s'il est établi d'une autre manière que le mariage, avec tous ses effets,
sera reconnu dans cet Etat (art. 7e al. 3 LRDC).

    Avec raison, l'autorité cantonale a admis le domicile du recourant
en Suisse, dans le canton de Vaud, et a fait application des al. 1 et 2
de l'art. 7e LRDC.

    Y. réside en Suisse depuis fin septembre 1984/début octobre 1984. Il
habite actuellement à Lausanne avec dlle U. et travaille dans cette
ville. Son séjour en Suisse n'est pas éphémère ou de pur hasard; il est
caractérisé par une certaine durée. D'autre part, et objectivement, les
circonstances (l'abandon du pays d'origine et par conséquent du domicile
antérieur, le dépôt d'une demande d'asile) font apparaître la volonté,
reconnaissable par les tiers, de faire de la Suisse le centre de ses
relations personnelles. Les conditions de l'art. 23 al. 1 CC sont ainsi
réalisées (ATF 97 II 3 consid. 3). Le fait que Y. n'est que toléré en
Suisse n'y fait pas obstacle, sous l'angle du droit civil. Certes, la
demande d'asile a été rejetée et cette décision est définitive. Mais,
dans ce cas, le recourant peut se prévaloir de la fiction de l'art. 24
al. 2 CC, selon laquelle le lieu où une personne réside est considéré
comme son domicile, lorsque l'existence d'un domicile antérieur ne peut
être établie ou lorsqu'elle a quitté son domicile à l'étranger et n'en
a pas acquis un nouveau en Suisse.

Erwägung 3

    3.- Le recourant a produit une attestation du Consulat général de
Turquie à Genève selon laquelle le mariage envisagé sera reconnu en
Turquie avec tous ses effets.

    Cela étant, et en vertu de l'art. 7e al. 2 LRDC, l'autorisation de
mariage ne peut pas lui être refusée.

    a) Le Département cantonal de la justice a cependant opposé l'abus de
droit. Il estime que la demande de publication de mariage a été déposée
dans le but d'empêcher l'exécution de la décision de l'Office fédéral
de la police qui a rejeté la demande d'asile et ordonné au requérant de
quitter la Suisse jusqu'au 30 novembre 1985 au plus tard.

    Le Conseil d'Etat constate que l'idée à la base du mariage est celle
de la création de l'union conjugale. Il rappelle que le recourant et
dlle U. ont déposé une demande de publication de mariage, alors que le
délai pour recourir contre la décision de l'Office fédéral de la police
rejetant la demande d'asile était échu et qu'il ne restait au recourant
que moins d'un mois pour quitter la Suisse. Selon l'autorité intimée,
le recourant n'a pas rendu vraisemblable l'absence de relation de cause
à effet entre la décision de l'Office fédéral de la police et la demande
de publication de mariage. Le mariage n'aurait, en l'espèce, pas pour but
la création de l'union conjugale; il devrait uniquement éviter à Y. d'être
renvoyé de Suisse, car il est de notoriété publique qu'un étranger dont le
conjoint est suisse n'est pas renvoyé de Suisse. La demande de publication
de mariage constituerait, dès lors, un abus de droit.

    b) L'interdiction de l'abus de droit, prévue à l'art. 2 al. 2 CC,
limite l'exercice de tous les droits civils. L'abus de droit peut consister
en une utilisation contraire à son but d'une institution juridique en
vue de satisfaire à des intérêts que cette institution n'a pas pour objet
de protéger (ATF 107 II 170 consid. 2a). C'est toutefois à tort que les
autorités cantonales ont en l'espèce invoqué l'abus de droit.

    Il est certes possible, voire probable, que la décision de Y. et de
dlle U. de contracter mariage ait été dictée par le rejet de la demande
d'asile présentée par le fiancé et l'injonction qui lui a été faite de
quitter le territoire suisse. Mais cela relève des motifs du mariage et
ne dit rien quant à la volonté des fiancés de créer l'union conjugale. La
situation est différente de celle où une femme de nationalité suisse se
prêterait à un mariage avec un étranger, avec lequel elle n'entretient
aucun lien, dans le seul but de lui éviter le renvoi du territoire suisse.

    Y. et dlle U. font ménage commun en tout cas depuis le 24 avril 1985.

    Il est aussi possible que, sans le rejet de la demande d'asile, Y. et
dlle U. auraient persisté dans l'union libre, comme de nombreux autres
couples en Suisse. Mais cela ne signifie pas, et aucun élément de fait ne
le prouve, que, confrontés à l'idée de la séparation et ayant décidé de
se marier, ils n'aient pas voulu l'union conjugale avec tous les effets
que la loi y attache, même si l'espoir d'éviter au fiancé l'expulsion de
Suisse a représenté le mobile principal du mariage.

    Un couple qui a vécu pendant des années en union libre et qui décide
de se marier uniquement pour éviter aux enfants à venir le statut
d'enfants nés hors mariage ne rejette pas pour autant les effets de
l'union conjugale. L'arrêt 73 I 330 cité par le Conseil d'Etat dans sa
détermination concernait la célébration du mariage d'une ressortissante
allemande entrée en Suisse au mépris d'une décision d'expulsion. La
présente espèce est différente: Y. s'est valablement constitué un domicile
en Suisse; même si sa demande d'asile a été rejetée, il y réside toujours
au bénéfice d'une tolérance. L'exception de l'abus de droit devant ainsi
être écartée, il n'est pas nécessaire d'examiner dans quelle mesure
cette exception peut être invoquée par les autorités de l'état civil au
vu notamment du droit au mariage consacré par les art. 54 al. 1 Cst. et
12 CEDH.