Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 II 209



113 II 209

38. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 4 mai 1987 dans la
cause Commune de Bavois contre Association intercommunale d'amenée d'eau
d'Echallens et environs (recours en réforme) Regeste

    Art. 2 ZGB. Zeitliche Beschränkung eines Dauerschuldverhältnisses.

    Ein rein obligatorischer Vertrag kann weder auf "ewige Zeiten"
abgeschlossen noch aufrechterhalten werden (Bestätigung der Lehre
und Rechtsprechung). Nach Treu und Glauben ist eine Gemeinde, die mit
einer andern Gemeinde einen privatrechtlichen Vertrag über dauernde
Wasserlieferung abgeschlossen hat, berechtigt, diesen Vertrag zu kündigen,
ohne eine Entschädigung bezahlen zu müssen, wenn sie ihn während mehr
als 63 Jahren eingehalten hat und die von der Gegenpartei getätigten
Investitionen seit mehr als 22 Jahren amortisiert sind.

Sachverhalt

    A.- Par acte du 14 octobre 1919, la commune de Goumoens-la-Ville a
concédé à titre perpétuel 70 litres/minute d'eau potable à la commune de
Bavois, moyennant versement de 56'000 francs. Les prestations réciproques
ont été faites depuis lors. Le 15 avril 1971 a été constituée une
association de communes, personne morale de droit public vaudois,
sous le nom d'Association intercommunale d'amenée d'eau d'Echallens et
environs (AIAE), qui a repris notamment les droits et les obligations
de la commune de Goumoens-la-Ville à l'égard de la commune de Bavois,
tels qu'ils découlent de l'acte du 14 octobre 1919.

    Le 26 janvier 1983, l'AIAE a dénoncé au 31 juillet 1983 ladite
convention. Les parties n'étant pas parvenues à un accord, la commune de
Bavois a obtenu la livraison d'eau continue comme par le passé, en vertu
d'une convention de mesures provisionnelles ratifiée par le juge. La
commune de Bavois a dès lors ouvert action contre l'AIAE, prenant des
conclusions dont la teneur finale est la suivante:

    "I. Principalement:

    a) dire que l'Association intercommunale d'amenée d'eau d'Echallens
   et environs n'était pas en droit de résilier unilatéralement la
   "convention de concession d'eau" la liant à la Commune de Bavois.

    b) dire, en conséquence, que dite Association a l'obligation de
   continuer à fournir, sans limitation dans le temps, à la demanderesse
   les quantités d'eau prévues par dite convention aux conditions précisées
   par cette dernière.

    II. Subsidiairement:

    Dire que la défenderesse doit indemniser la demanderesse du chef de
   cette résiliation par le versement d'un montant de 700'000 francs
   (sept cent mille francs) et lui doit immédiat paiement de cette somme
   avec intérêts à 5% dès le jour du jugement."

    La défenderesse a conclu au rejet de ces conclusions. Subsidiairement,
pour le cas où la dénonciation de la convention serait reconnue fondée,
elle a demandé qu'il fût statué sur le principe et le montant de
l'indemnité due à la demanderesse du chef de cette dénonciation.

    B.- Le 7 octobre 1986, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a
rejeté les conclusions de la demanderesse et admis celles, libératoires,
de la défenderesse.

    C.- La commune de Bavois a recouru en réforme au Tribunal fédéral,
reprenant les conclusions formulées dans l'instance cantonale. Le Tribunal
fédéral a confirmé le jugement attaqué.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 4

    4.- Pour dire que l'obligation de l'intimée de poursuivre ses
livraisons d'eau après le 31 juillet 1983 n'existe plus, la cour
cantonale s'est fondée sur le principe qu'une convention de nature purement
obligatoire ne saurait être conclue ni maintenue "pour l'éternité" (ATF 97
II 399 consid. 7, 93 II 300 consid. 7 et les références; cf. notamment
MERZ, n. 246 et 332 ad art. 2 CC; GAUCH, System der Beendigung von
Dauerverträgen, thèse Fribourg 1968, p. 24 et les références de la
note 1; ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, p. 94; GROSSEN,
Les personnes physiques, Traité de droit civil suisse, tome II, 2,
p. 14). L'argumentation de la recourante relative au sens et à la portée
de l'art. 2 CC est sans pertinence.

    a) Critiquant MERZ (loc.cit.), la recourante s'attache à démontrer que
le principe de la limitation dans le temps des obligations de longue durée
ne peut se fonder sur la clausula rebus sic stantibus. Cette critique est
sans pertinence: même si le principe de la limitation dans le temps des
engagements contractuels n'était que partiellement une conséquence de la
clausula rebus sic stantibus, il n'en demeurerait pas moins un principe
autonome du droit des obligations, découlant de la nature de l'obligation
contractuelle, qui doit nécessairement s'éteindre, compte tenu du fait que
toute action humaine s'insère dans le temps et qu'un engagement perpétuel
peut impliquer une aliénation de la liberté (cf. GAUCH, loc.cit.). C'est à
bon droit que ce principe a été déduit de l'art. 2 CC. Cette disposition se
présente comme une norme fondamentale, tirée de considérations éthiques,
qui s'ajoutent aux règles qui gouvernent les divers rapports juridiques,
pour les compléter et contribuer à leur interprétation (ATF 83 II 348/349
consid. 2): elle introduit dans l'application du droit la référence à des
valeurs très générales, comme les bonnes moeurs, l'équité, les droits
de la personnalité (DESCHENAUX, Le Titre préliminaire du code civil,
Traité de droit civil suisse, tome II, 1, p. 140). La mise en oeuvre
des règles de la bonne foi découlant de l'art. 2 al. 1 CC ne peut pas
toujours se distinguer nettement de la sanction de l'abus de droit au
sens de l'art. 2 al. 2 CC (cf. DESCHENAUX, op.cit., p. 152).

    En l'espèce, la cour cantonale s'est bien référée aux règles de
la bonne foi, tout en évoquant la clausula rebus sic stantibus. Ce
qui a été déterminant pour elle, c'est que les parties à la convention
du 14 octobre 1919 étaient toutes deux des personnes morales de droit
public, et qu'il est ainsi permis de supposer que le marché conclu était
équitable à l'époque. La cour cantonale a expressément invoqué l'art. 2
al. 1 CC pour imposer à la demanderesse et recourante de se soumettre à
la dénonciation qui lui a été signifiée par sa partie adverse après plus
de 63 ans d'exécution, alors que ses investissements sont entièrement
amortis depuis plus de 22 ans.
   b) La recourante n'avance aucun argument de poids contre ces
   considérations.

    Elle fait d'abord valoir que, contrairement à l'opinion de la cour
cantonale, l'intimée n'est pas tenue de lui fournir de l'eau gratuitement,
puisque un montant unique en capital de 56'000 francs a été versé en
contre-partie du droit d'eau concédé. Il n'en demeure pas moins qu'au fur
et à mesure que le temps s'écoule la contre-prestation de la recourante,
qui a été faite une fois pour toutes, diminue en raison de la continuation
de la prestation de l'intimée. On a affaire, de toute façon, à une
prestation définie à la charge de la recourante et à une prestation qui ne
cesse de croître à la charge de l'intimée: la rémunération de celle-ci tend
ainsi à zéro avec l'écoulement du temps, de sorte que même la rétribution
des prestations anciennes est de plus en plus légère pour la recourante au
fur et à mesure que la convention se maintient. La circonstance qu'en 1919
la somme payée avait une valeur sensiblement plus élevée qu'actuellement
n'y change rien. Quant au fait que cette situation existait déjà lorsque
l'intimée a repris les obligations de la commune de Goumoens-la-Ville,
il est sans pertinence dès l'instant que l'intimée n'allègue pas que la
recourante exerçait déjà son droit contrairement aux règles de la bonne
foi en 1971, douze ans avant qu'elle ne dénonçât la convention.

    Peu importe qu'en 1919 les contractants aient estimé que le versement
de la somme de 56'000 francs était le "juste prix" d'une concession d'eau
perpétuelle. Ce qui est en cause, ce n'est pas le montant versé, mais le
fait qu'un engagement perpétuel a été assumé par l'auteur de l'intimée.
L'impossibilité de prendre un tel engagement s'impose à toute personne,
comme on l'a vu, qu'elle y ait songé ou non lorsqu'elle s'est engagée.

    La recourante soutient aussi que son obligation de droit public de
livrer de l'eau potable aux habitants de son territoire est de nature
perpétuelle et que c'est pour y faire face qu'elle a souscrit à la
convention de 1919. Ce moyen n'est pas pertinent. Ce n'est pas l'obligation
de droit public de la recourante qui est en cause, mais l'obligation, de
droit privé, de l'intimée de fournir de l'eau à la recourante. Dès lors,
l'intérêt que la recourante continue à avoir n'est pas déterminant. Ce
qui l'est, c'est de savoir si elle peut encore satisfaire à cet intérêt
en exigeant de l'intimée l'exécution perpétuelle de son engagement. Or,
une telle exigence est contraire au principe de la limitation dans les
temps des obligations, lequel, comme on l'a vu, découle de l'art. 2 CC
dans la mesure où il met en oeuvre le respect des bonnes moeurs.

Erwägung 5

    5.- La recourante cherche à justifier ses conclusions subsidiaires
tendant à l'allocation d'une indemnité, en proposant de raisonner
par analogie avec les règles applicables en matière de droits réels
restreints, soit, dans le cas particulier, avec les dispositions relatives
aux charges foncières. Ce moyen est dénué de pertinence. Comme l'a
jugé la cour cantonale, la convention du 14 octobre 1919 est de nature
purement obligatoire, dès lors que l'obligation de livrer de l'eau n'a
pas fait l'objet d'une inscription au registre foncier (ATF 108 II 45
consid. 4b). Ce point n'est d'ailleurs pas contesté. Le principe de la
limitation dans le temps des obligations découlant de la nature même des
droits relatifs et étant sanctionné par l'art. 2 al. 1 CC, il est inutile
de lui rechercher un autre fondement.

    Au surplus, il est établi que, de 1960 à 1983, la recourante a tiré
un bénéfice net de l'exécution de la convention, réalisant ainsi une
opération fructueuse (prix de revient de l'eau compris entre 0,28 franc
et 0,43 franc par mètre cube pour un prix de vente aux abonnés de 0,70
franc par mètre cube). L'intimée, qui s'est entièrement acquittée de
son obligation tant que celle-ci n'a pas pris fin par l'écoulement d'une
période adaptée aux circonstances, ne saurait être tenue de payer quelque
indemnité que ce soit pour inexécution.