Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 IB 170



113 Ib 170

29. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 12 mai 1987 dans
la cause S.A. M. contre Office fédéral de la police (recours de droit
administratif) Regeste

    Art. 4 Ziff. 2 lit. a RVUS (beidseitige Strafbarkeit); Art.
148 StGB. Betrug; Manipulation des Aktienmarktes.

    1. Die Kombination von Immobilisierung eines Teils der Titel und
nicht ernstgemeinten Kaufsangeboten, die zu einer Kurssteigerung führt,
stellt eine arglistige Täuschung der Käufer dar (E. 3c aa).

    2. Diese erleiden eine Vermögensschädigung, wenn der Ankauf der Titel
ohne ihr Wissen ein Risiko darstellt, das die einer solchen Operation
üblicherweise anhaftenden spekulativen Risiken übersteigt (E. 3c bb).

Sachverhalt

    A.- Le 3 décembre 1984, le Département de la justice des Etats-Unis
d'Amérique a adressé à l'Office fédéral de la police une demande d'entraide
judiciaire fondée sur le Traité entre la Confédération suisse et les
Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale, du 25
mai 1973 (TEJUS).

    Il ressort de cette demande que la Securities and Exchange Commission
américaine (SEC) a soupçonné, après première enquête, certains organes
de la société de courtage X., à New York, d'avoir monté, avec la
participation d'un certain nombre de ses clients, une manoeuvre tendant
à provoquer d'emblée et artificiellement une forte montée des prix de
papiers-valeurs mis par elle sur le marché. X. a été chargée par deux
sociétés américaines nouvellement créées, A. et B., de procéder à leurs
premières émissions publiques d'actions. Elle a acquis 1'300'000 actions
A. ainsi que 1'150'000 actions B. qu'elle devait mettre en circulation à
des prix unitaires convenus avec les sociétés émettrices. Les émissions
ont eu lieu dès le 18 mai 1983 pour les actions A. et dès le 2 juin 1983
pour les actions B. X. aurait alors attribué à ses clients avec lesquels
elle entendait agir de connivence 15% des actions A. (195'000 actions)
et 25% des actions B. (253'000 actions), à charge pour les acquéreurs de
les lui revendre, à elle-même ou à d'autres de ses clients, à la date et
pour le prix - bien supérieur à celui de l'émission - fixés par elle. Au
moyen de cette immobilisation ("parking") d'une partie des titres, elle
aurait provoqué une raréfaction de l'offre sur le marché, entraînant une
hausse des cours. Elle aurait encore renforcé cet effet de hausse par une
entente avec des agents boursiers, tendant à une stimulation du marché
par des offres d'achat factices et exagérées. Le succès de la manoeuvre
aurait été obtenu par la concertation entre X. et ses clients et agents
boursiers de connivence, et en particulier grâce à la concordance dans
le temps de leurs opérations d'achat et de vente.

    L'enquête de la SEC a établi qu'une banque de Genève a acheté le 2
juin 1983 40'000 actions B. au prix d'émission, qu'elle a revendues à
raison de 30'000 titres le 3 juin et de 10'000 titres le 6 juin avec un
bénéfice proche de 100%. Ces opérations d'achat et de revente seraient
intervenues au même prix et en même temps que celles conduites par
X. auprès d'autres clients agissant de connivence avec elle, de telle
sorte que la SEC soupçonne les titulaires des comptes bancaires intéressés
d'avoir également participé à cette collusion.

    Le Département de la justice des Etats-Unis requiert l'audition de
témoins en présence de ses agents et la production des documents relatifs
aux comptes bancaires concernés, aux fins notamment de faire apparaître
l'identité de leurs titulaires et des personnes qui ont donné les ordres
nécessaires, ou qui en ont tiré profit.

    Le 19 juin 1985, l'Office fédéral de la police a décidé d'entrer en
matière sur la demande d'entraide et a transmis celle-ci pour exécution
au Président du Collège des juges d'instruction du canton de Genève,
conformément à l'art. 10 LTEJUS. L'Office fédéral considérait que les
mesures de contrainte sollicitées (levée du secret bancaire, assignation de
témoins) se justifiaient au regard de l'art. 4 ch. 2 lettre a TEJUS, dont
les conditions paraissaient remplies: les faits invoqués tombaient sous la
sanction des art. 148 CP (escroquerie au préjudice des investisseurs) et
159 CP (gestion déloyale au préjudice des sociétés émettrices), infractions
mentionnées au ch. 19 lettre a et 21 de la liste annexée au Traité.

    Par l'intermédiaire de la banque, la S.A. M. avait acheté des actions
émises par X. La banque lui a fait savoir qu'elle était invitée à donner
des renseignements à son sujet et lui a transmis la demande d'entraide. La
S.A. M. a formé une opposition sur la base de l'art. 16 LTEJUS, que
l'Office fédéral de la police a rejetée par décision du 16 mai 1986.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, la S.A. M. a
requis le Tribunal fédéral d'annuler la décision précitée; elle a notamment
contesté que les faits allégués tombent sous le coup des art. 148 et
159 CP. L'Office fédéral de la police a proposé le rejet du recours;
le Tribunal fédéral l'a rejeté dans la mesure où il était recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- c) L'autorité intimée a admis que les faits indiqués dans la
demande réunissent les conditions objectives de l'escroquerie et de
la gestion déloyale. Commet une escroquerie au sens de l'art. 148 CP
"celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers
un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une
personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de
faits vrais, ou aura astucieusement exploité l'erreur où se trouvait
une personne et aura de la sorte déterminé la victime à des actes
préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers".

    aa) L'escroquerie ainsi définie suppose que l'auteur trompe sa victime
de manière astucieuse, c'est-à-dire qu'il l'induise en erreur en usant de
machinations ou d'artifices particuliers ou en échafaudant tout un édifice
de mensonges. Une tromperie astucieuse est aussi réalisée lorsque l'auteur
fait simplement de fausses affirmations, si celles-ci ne sont que très
difficilement vérifiables, si on ne peut attendre de la victime qu'elle
les vérifie, si l'auteur la dissuade de les vérifier ou s'il prévoit au
regard de circonstances particulières qu'elle s'abstiendra de les vérifier
(ATF 106 IV 360 consid. b). Une tromperie astucieuse peut également
résulter de l'exploitation d'une erreur préexistante de la victime, si
l'auteur, par un comportement actif, confirme ou amplifie cette erreur
(ATF 109 Ib 54 consid. aa), ou bien s'il se tait alors qu'il existe un
devoir de renseigner; tel est le cas, par exemple, lorsque l'auteur est
même involontairement à l'origine de l'erreur qui détermine la victime
aux actes préjudiciables à ses intérêts, qu'il prend conscience de cette
erreur et qu'il lui est encore possible de la dissiper avant que le
dommage ne survienne (ATF 110 IV 23 consid. 4).

    En l'espèce, les organes de X. visés par l'enquête de la SEC auraient
exploité l'erreur où se trouvaient ceux des clients de cette société qui
ont acheté à des prix très élevés, comparativement aux prix d'émission, les
titres initialement immobilisés auprès d'autres clients. L'erreur portait
sur la valeur des titres et sur l'ampleur de la demande dont ils étaient
l'objet sur le marché; elle était causée par le fait que les acheteurs
ne pouvaient apercevoir le caractère artificiel du cours atteint par les
actions, dès lors qu'ils ignoraient d'une part qu'une partie importante de
celles-ci avait été retranchée de l'émission publique par le système de
l'immobilisation, et d'autre part que les cours étaient soutenus par des
offres d'achat factices et exagérées. Les acheteurs étaient ainsi amenés
à croire, au regard du cours atteint, que les titres étaient l'objet
d'une demande plus forte qu'en réalité. L'immobilisation en marge du
marché public d'une partie des titres n'est pas, à elle seule, illicite
selon le droit suisse, car il pouvait s'agir d'une opération ordinaire de
soutien des cours; le prospectus de l'émission B. mentionnait d'ailleurs
l'éventualité de telles opérations. Cependant, la combinaison de cette
manoeuvre avec un soutien artificiel des cours est une machination propre à
amplifier dans le public et chez les acheteurs une représentation erronée
du marché des titres concernés. Ce comportement est constitutif d'une
tromperie astucieuse dès lors que les personnes qui envisagent d'acheter
ne sont pas en mesure de découvrir la cause réelle de la hausse du cours.

    Au surplus, les acheteurs trompés n'ont pas acquis les titres sur le
marché boursier où il n'y a pas de contact individuel entre vendeur et
acheteur. Au contraire, les organes de X. ont vendu à des clients de cette
société. Ils avaient le devoir précontractuel d'attirer l'attention des
acheteurs sur les circonstances que ceux-ci n'étaient pas censés connaître
et qui pouvaient influencer leur décision de conclure le contrat et de le
conclure à certaines conditions (ATF 110 II 371 consid. a in fine, 108
II 313 consid. d, 105 II 79 consid. a, 92 II 333 consid. b), notamment
à un certain prix. En violation de ce devoir, les vendeurs ont omis de
signaler aux acheteurs les manoeuvres entreprises pour pousser les cours
à la hausse. Même si l'on déniait le caractère trompeur ou astucieux des
manoeuvres en question, le silence des vendeurs serait à lui seul, selon
la jurisprudence citée plus haut (ATF 110 IV 23 consid. 4), constitutif
d'une tromperie astucieuse.

    bb) L'escroquerie suppose, outre une tromperie astucieuse, une atteinte
au patrimoine de la victime. Il ressort de la demande d'entraide que
les investisseurs prétendument lésés ont acheté à un cours très élevé,
qui a fortement diminué après la fin des manipulations du marché
décrites ci-dessus. La recourante soutient qu'il n'en est résulté
pour les investisseurs aucune atteinte patrimoniale caractéristique de
l'escroquerie: ceux-ci auraient acheté aux conditions normales du marché
au jour de leur acquisition et la chute ultérieure du cours ne serait
qu'un risque ordinaire inhérent à ce genre d'investissement.

    D'après la jurisprudence, une atteinte patrimoniale est possible
même si la prestation reçue par la victime est équivalente à la
contre-prestation que celle-ci fournit. Il suffit que ces prestations et
contre-prestations se trouvent en réalité, pour la victime, dans un rapport
de valeur moins favorable que celui qu'elle s'est représenté de manière
erronée (ATF 109 IV 170 consid. 2, 100 IV 275 consid. 3). Cette situation
est réalisée lorsque la victime s'expose, sous l'emprise de l'erreur, à un
risque patrimonial excédant les risques normaux inhérents à la transaction
considérée (NOLL, Schweizerisches Strafrecht, Bes. Teil I, p. 203;
GRAVEN, Escroquerie, FJS No 821, p. 18; ATF 102 IV 88 consid. 4). En
l'espèce, des investisseurs ont acheté les titres B. à un cours qui
devait inévitablement diminuer dès que les manipulations destinées à
provoquer la hausse auraient pris fin. Cette diminution n'était pas un
risque spéculatif ordinaire; c'était au contraire la conséquence directe
du comportement des organes de X. et de leurs complices, c'est-à-dire
d'une manoeuvre étrangère au fonctionnement normal du marché, que les
investisseurs n'avaient pas à prévoir. Dès lors que le cours des actions
allait nécessairement diminuer, en raison d'un fait non ordinaire, leur
valeur effective ne correspondait pas au prix payé par les acheteurs, même
si ce prix était déterminé par la loi de l'offre et de la demande. C'est
précisément l'offre et la demande qui étaient artificiellement influencées
de telle sorte que le fonctionnement du marché engendrait un prix surfait,
que les acheteurs croyaient à tort justifié. Ceux-ci subissaient donc
un dommage dès l'acquisition des titres. Il importe peu que certains
d'entre eux aient pu ou auraient pu récupérer leur capital en revendant
rapidement les actions, car un dommage seulement provisoire est suffisant
(ATF 105 IV 104 consid. c, 102 IV 88 consid. 4).

    cc) En ce qui concerne le rapport de causalité qui doit exister
entre le comportement de l'auteur et celui de la victime (ATF 109 Ib
56 consid. dd), il ressort du consid. aa ci-dessus que les manoeuvres
des personnes visées par l'enquête de la SEC ont provoqué la hausse
du cours des actions B. Selon la demande d'entraide, cette hausse a
elle-même déterminé les investisseurs à acheter, dans l'espoir qu'elle
se prolongerait et qu'ils en profiteraient eux aussi. Tous les éléments
de l'escroquerie sont donc présents, y compris celui de la causalité,
dans l'état de fait exposé par l'autorité requérante. Il en résulte que la
double incrimination requise par l'art. 4 ch. 2 lettre a TEJUS est réalisée
en ce qui concerne l'escroquerie, infraction mentionnée au ch. 19 de la
liste annexée au Traité. Il est dès lors superflu d'examiner si la double
incrimination est aussi réalisée en ce qui concerne la gestion déloyale.