Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 IA 257



113 Ia 257

41. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 3 juin 1987
dans la cause P. contre Président de la Chambre d'accusation et Chef de
la police du canton de Genève (recours de droit public) Regeste

    Art. 4 BV, persönliche Freiheit; Recht, Einsicht in ein Polizeidossier
zu nehmen.

    Prinzipien der konkreten Normenkontrolle (hier von Art. 1 des Genfer
Gesetzes vom 29. September 1977 "sur les renseignements et les dossiers
de police..." (LDP), der jedermann die Einsicht in ein ihn betreffendes
Polizeidossier verwehrt) (E. 3).

    Umfang des unabhängig von einem pendenten oder abgeschlossenen
Verfahren bestehenden, durch Art. 4 BV garantierten Akteneinsichtsrechts
(E. 4a).

    Das Recht auf Kenntnisnahme der Daten über die eigene Person, deren
Aufbewahrung zu einem Eingriff in die persönliche Freiheit führen kann,
erscheint als notwendige Voraussetzung für den Anspruch auf allfällige
Berichtigung. Lässt sich daher aus der persönlichen Freiheit generell
ein Recht auf Einsicht in offizielle Akten mit Angaben zur Person
ableiten? Frage offengelassen (E. 4b und c).

    Unabhängig von den Regeln über die Akteneinsicht verleiht das
Verfassungsrecht dem Privaten ein Auskunftsrecht bezüglich der ihn
betreffenden von der Behörde registrierten Daten. Verhältnismässigkeit
und Interessenabwägung (E. 4d und e).

    Das in Art. 1 LDP enthaltene absolute Verbot verstösst gegen dieses
Auskunftsrecht (E. 4f).

Sachverhalt

    A.- Le 28 mars 1986, dlle P., ressortissante italienne, s'est présentée
au poste frontière de Chancy I pour entrer en Suisse. Elle a été refoulée
sur ordre de l'officier de police de service, soit, selon les déclarations
de ce dernier, parce qu'elle aurait refusé d'indiquer le but de son voyage
en Suisse, soit, selon ce qu'elle prétend, parce que sa présence sur le
territoire de la Confédération aurait été indésirable en raison de ses
opinions politiques.

    Le 17 août 1986, dlle P. se serait présentée au poste frontière de
Perly pour quitter la Suisse. Les fonctionnaires de service lui auraient
alors officiellement donné connaissance des raisons pour lesquelles sa
présence sur le territoire de la Confédération aurait été indésirable. Ils
lui auraient montré, sur l'écran d'un terminal de l'ordinateur de la Police
de sûreté, une fiche de renseignements disant qu'elle était proche du
mouvement terroriste italien, en particulier de Prima Linea, qu'elle était
"sous contrôle de P.A.F. et de la D.C.R.G.", qu'elle militait activement
dans le mouvement anarchiste parisien, toulousain et lyonnais, et enfin
qu'elle était susceptible de se rendre prochainement en Suisse.

    Le 16 décembre 1986, dlle P. a requis le Chef de la police du canton
de Genève d'ordonner, en application de l'art. 1er al. 2 de la loi
cantonale du 29 septembre 1977 sur les renseignements et les dossiers de
police et la délivrance des certificats de bonne vie et moeurs (LDP), la
destruction de la fiche de police la concernant. Elle soulignait que les
renseignements contenus dans celle-ci étaient inexacts et diffamatoires,
car elle n'aurait jamais eu de contacts avec un mouvement terroriste ou
criminel quelconque. Le 23 décembre 1986, le Chef de la police a répondu
que, étant donné leur teneur, les renseignements évoqués n'avaient pu être
lus sur un appareil appartenant à la police ou à la douane suisses, mais
seulement sur un appareil français et que, partant, il ne pouvait procéder
à leur destruction. La recourante, qui prétend être constamment l'objet de
tracasseries à son entrée en Suisse, a alors demandé au Chef de la police,
par lettre du 3 février 1987, de l'autoriser à consulter son fichier ou son
dossier, afin de pouvoir compléter sa requête tendant à la correction ou à
la destruction des informations contestées. Par décision du 5 février 1987,
le Chef de la police a rejeté cette requête en se référant à l'art. 1er
LDP, aux termes duquel les dossiers de police sont rigoureusement secrets.

    Dlle P. a recouru auprès du Président de la Chambre d'accusation du
canton de Genève contre cette décision. Elle relevait l'inexactitude
des renseignements sur lesquels les autorités de douane et de police
s'étaient fondées pour s'opposer à son entrée en Suisse et soutenait
que ces renseignements figuraient bel et bien dans les dossiers de la
police genevoise, le terminal d'ordinateur sur l'écran duquel ils étaient
apparus se trouvant au poste de douane suisse de Perly. Mettant également
en discussion la constitutionnalité de l'art. 1er LDP, elle sollicitait
l'autorisation de consulter les fiches de police la concernant.

    Par ordonnance du 10 mars 1987, le Président de la Chambre d'accusation
a déclaré le recours irrecevable en tant qu'il concernait l'accès de
l'administré au dossier de police et la constitutionnalité du droit
cantonal.

    Agissant par la voie du recours de droit public, dlle P. requiert
le Tribunal fédéral d'annuler tant l'ordonnance rendue le 10 mars 1987
par le Président de la Chambre d'accusation que la décision du Chef de
la police du 5 février 1987. Elle demande en plus d'être autorisée à
prendre connaissance du dossier ou de la fiche établis à son sujet par
les services de police. Elle allègue une violation de l'art. 4 Cst. et
du droit non écrit à la liberté personnelle.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Mettant en cause la constitutionnalité de l'art 1er LDP, la
recourante se plaint du refus qui lui a été opposé de pouvoir consulter
le dossier ou la fiche de renseignements établis à son sujet.
   a) L'art. 1er LDP a la teneur suivante:

    "Principe du secret

    Les dossiers de police sont rigoureusement secrets. Aucun renseignement
   contenu dans les dossiers ou fichiers de la police ne peut être
   communiqué à l'intéressé ou à des tiers, à l'exception des autorités
   désignées par les art. 2, 4 et 6 (art. 320 du code pénal).

    Celui qui apprend qu'une information inexacte a été fournie sur son
   compte et qui rend vraisemblable qu'elle est consignée dans un dossier
   ou fichier de police peut en demander la correction en s'adressant
   par écrit au chef de la police, pour autant que l'intérêt public ou
   l'intérêt prépondérant d'un tiers ne s'y oppose pas.

    La réponse de ce dernier peut être déférée dans les 30 jours dès sa
   notification au président de la Chambre d'accusation.

    Dans ce cas, seul le président de la Chambre d'accusation est
autorisé à
   consulter le dossier de police ou la fiche de renseignements de
   l'intéressé.

    La procédure est secrète même à l'égard de la personne concernée. Aucun
   recours n'est ouvert contre la décision du président de la Chambre
   d'accusation."

    Cette disposition dénie à tout particulier - et donc aussi à la
personne concernée - le droit de se renseigner auprès des organes de
police sur les données personnelles qu'ils ont recueillies. Les seuls
renseignements accessibles se rapportent aux fiches de contravention,
que l'intéressé peut consulter dans les locaux du service compétent, en
conformité de l'art. 7 LDP. Pour le surplus, les art. 2 et 6 de cette loi
précisent les conditions dans lesquelles les autorités qu'ils énumèrent
peuvent prendre connaissance des dossiers de police.

    La recourante met en discussion la constitutionnalité de ce
système à la fois sous l'angle de l'art. 4 Cst. et sous celui du droit
constitutionnel non écrit à la liberté personnelle. En revanche, elle ne
se réfère pas à l'art. 8 CEDH, qui prohibe les ingérences de l'autorité
publique dans l'exercice du droit de toute personne au respect de sa vie
privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, à moins
qu'une telle ingérence soit prévue par la loi et qu'elle soit au surplus
nécessaire, dans une société démocratique, à la sauvegarde de l'un des
biens énumérés dans cette disposition, dont le champ d'application s'étend
également au recueil et au traitement par l'Etat de données personnelles
(cf. ATF 113 Ia 7 consid. 4b/bb et les références; Cour européenne des
droits de l'homme, arrêt Leander du 26 mars 1987, série A, vol. 116).

    b) Celui qui conteste la constitutionnalité d'un arrêté de portée
générale peut l'attaquer directement par la voie d'un recours de droit
public déposé dans les trente jours dès sa promulgation (ATF 107 Ia
333). Le Tribunal fédéral exerce alors, à l'égard des dispositions
critiquées, ce qu'il est convenu d'appeler le contrôle abstrait des
normes. Il s'impose, en pareil cas, une certaine réserve lorsque les
textes discutés sont susceptibles d'une interprétation conforme à la
Constitution (ATF 111 Ia 25 et les arrêts cités, 295 consid. 2). La
constitutionnalité d'un arrêté de portée générale peut en effet être
ultérieurement soumise au Tribunal fédéral par voie incidente, à l'occasion
d'un acte d'application. Exerçant alors le contrôle concret des normes
critiquées, le Tribunal fédéral n'a plus à faire preuve de la retenue
qu'il s'impose dans le cadre d'un contrôle abstrait.

    Le fait que l'art. 1er LDP est entré en vigueur depuis longtemps -
soit depuis le 1er février 1983 dans sa teneur actuelle - n'empêche donc
nullement la recourante d'en critiquer la constitutionnalité, dès lors
qu'il constitue la base légale de la décision d'application contre laquelle
elle fait recours. Il convient simplement de rappeler que, si le Tribunal
fédéral arrive à la conclusion que ce grief d'inconstitutionnalité est
fondé, il ne le dira pas dans le dispositif de son arrêt, mais seulement
dans ses motifs, en constatant que la disposition contestée - qu'il n'a
plus le pouvoir d'annuler - ne peut être appliquée dans le cas concret,
tout au moins comme elle l'a été par l'autorité intimée (cf. ATF 108 Ia
43 consid. 1b, 107 Ia 54 consid. 2a, 129 consid. 1a, 333 consid. 1a).

Erwägung 4

    4.- a) Le droit de chacun de consulter son dossier est un élément
de son droit d'être entendu garanti par l'art. 4 Cst. Ce droit peut être
exercé non seulement au cours d'une procédure, mais également de manière
indépendante, en dehors de toute procédure, par exemple pour consulter un
dossier clôturé. Dans ce dernier cas, le requérant doit toutefois rendre
vraisemblable qu'il est titulaire d'un intérêt digne de protection (ATF 112
Ia 101, 110 Ia 85 consid. 4a, 95 I 108). Le droit de consulter un dossier
clôturé peut même, selon les circonstances, être reconnu à un tiers, à la
condition qu'il justifie lui-même un tel intérêt (ATF 95 I 108). L'art. 4
Cst. garantit enfin, indépendamment d'une procédure pendante ou clôturée,
le droit de toute personne à la consultation d'un dossier la concernant
directement. Ainsi étendu, ce droit est limité par l'intérêt public
ou l'intérêt digne de protection des tiers au maintien du secret (ATF
113 Ia 4 consid. 4a, 112 Ia 101, 110 Ia 85 consid. 4a). L'intérêt public
s'opposant à la consultation du dossier pourra résider dans la nécessité de
sauvegarder la sûreté de l'Etat, la défense nationale, voire le bien-être
économique du pays (cf. aussi l'énumération contenue à l'art. 8 par. 2
CEDH). Il conviendra de prendre en considération l'intérêt de tiers en
cas d'atteinte ou de menace à leur sphère privée ou à celle de leurs
proches, à leur sécurité - notamment pour les personnes ayant donné des
renseignements - ou à des secrets légalement protégés dont ils sont les
détenteurs, comme le secret médical ou le secret commercial. L'autorité
appelée à répondre à une requête tendant à l'exercice de ce droit procédera
donc toujours à une pesée concrète et sérieuse des intérêts en présence
(cf. ATF 112 Ia 102 consid. 6, 110 Ia 86 consid. 4b, 103 Ia 493, 100 Ia
102 consid. 5b, 95 I 109 consid. 2b, 445/446).

    b) La liberté personnelle, droit constitutionnel non écrit,
imprescriptible et inaliénable, donne à l'individu le droit d'aller et de
venir et le droit au respect de son intégrité corporelle. Elle le protège
en outre dans l'exercice de sa faculté d'apprécier une situation de fait
déterminée et d'agir selon cette appréciation. Cette garantie n'englobe
certes pas la protection de toute possibilité de choix et de détermination
de l'homme, si peu importante soit-elle; elle recouvre cependant toutes les
libertés élémentaires dont l'exercice est indispensable à l'épanouissement
de la personne humaine (ATF 112 Ia 100 consid. 5b, 111 Ia 345 consid. 3b,
232/3 consid. 3a, 109 Ia consid. 4a). La liberté personnelle oblige le
détenteur de la puissance publique à un comportement envers le citoyen
qui soit compatible avec le respect de sa personnalité. Elle protège
intégralement la dignité de l'homme et sa valeur propre. Le droit de la
personnalité, spécialement les art. 28 à 28l CC entrés en vigueur le 1er
juillet 1985, constitue sous cet angle, et dans une mesure importante, une
mise en oeuvre de ce droit constitutionnel non écrit dans les relations
entre particuliers (cf. ATF 102 Ia 521 consid. 3b, 98 Ia 514; ad art. 28
ss CC, cf. notamment: J.-M. GROSSEN, Banques de données électroniques
et protection de la personnalité - un aspect de la relation entre le
progrès technique et la politique juridique, in: Computer und Privatsphäre,
Zurich 1978, p. 8; W. EGLOFF, Braucht die Schweiz ein Datenschutzgesetz?,
RDS 118/1977 I p. 352 ss).

    Le Tribunal fédéral a admis, dans ce sens, que le relevé de données
personnelles par les autorités de police, telle la prise de photographies
ou d'empreintes digitales, touchait à la sphère intime de l'individu
et constituait, partant, une atteinte à la liberté personnelle (ATF 109
Ia 155 consid. 6a et les arrêts cités). Il a également considéré que les
caractéristiques personnelles de l'individu évoluent et qu'elles ne doivent
dès lors pas être indéfiniment figées par la conservation d'anciennes
données (ATF 106 Ia 36 consid. 4b). A ce jour, cependant, il n'a pas encore
eu l'occasion de dire si la seule conservation, par une autorité publique,
de données personnelles pouvait porter atteinte à la liberté personnelle,
parce que, dans les causes qui lui ont été soumises, soit les données en
cause étaient promises à la destruction (ATF 109 Ia 157 consid. 6b, 107 Ia
145 consid. 5a), soit le recours ne comportait pas de grief suffisamment
spécifié quant à une violation de ce droit constitutionnel (cf. ATF
113 Ia 6 consid. 4b/bb). Ce dernier arrêt met toutefois en évidence le
rapport étroit qui existe entre l'enregistrement ou la conservation de
données et le droit fondamental de la liberté personnelle. Il relève
que des données recueillies lors d'un contrôle de police opéré dans un
contexte peu favorable pour la réputation de l'intéressé sont susceptibles
d'affecter son droit d'aller et venir librement, en sorte qu'il existe,
pour ce dernier, un intérêt important à pouvoir accéder à ces données
afin d'en contrôler l'exactitude (consid. 4b/bb).

    c) La conservation de données strictement personnelles et non
accessibles à chacun est susceptible de provoquer une atteinte à la
liberté personnelle de l'individu concerné (sur les difficultés d'une
classification des données selon leur degré de "sensibilité", cf. SPIROS
SIMITIS, Les garanties générales quant à la qualité des données à caractère
personnel faisant l'objet d'un traitement informatisé, et HERBERT MAISL,
Les garanties particulières relatives au traitement automatisé de certaines
données personnelles, tous deux in: Informatique et droit en Europe,
Bruxelles 1985, respectivement p. 305 ss et p. 317 ss; cf. aussi RAINER
J. SCHWEIZER, Die Grundlagen der schweizerischen Datenschutzgesetzgebung,
in: WuR 34/1982, p. 38 s.). Ce risque doit pouvoir être prévenu notamment
par le contrôle de l'exactitude des renseignements enregistrés et,
le cas échéant, par leur rectification. Il y va d'ailleurs aussi de
l'intérêt de l'administration elle-même à détenir uniquement des données
utiles et correctes (cf. dans ce sens ATF 113 Ia 11 consid. 4d, 109 Ia
299). Or, les intérêts légitimes de l'individu concerné ne sont bien
souvent qu'insuffisamment protégés par une information indirecte, donnée
par le détenteur des renseignements en cause ou un organe de contrôle
(cf. par exemple ATF 101 Ia 312 consid. 2a). Aussi le droit de tout
intéressé à consulter lui-même un dossier ou un fichier comportant des
données qui le concernent directement apparaît-il comme un préalable
nécessaire à l'exercice effectif de son droit d'en obtenir, le cas
échéant, la rectification (cf. PAUL-HENRI STEINAUER/FABIENNE HOHL,
Le droit d'accès, in: Informatique et protection de la personnalité,
Fribourg 1981, p. 82 et 90 s.; cf. aussi ATF 113 Ia 8 consid. 4b/cc et
consid. 4d in fine). Ainsi, quiconque prétend, avec quelque vraisemblance,
que des renseignements personnels enregistrés à son sujet sont, non pas
inexacts ou superflus - car comment pourrait-il en faire la démonstration
(cf. ATF 113 Ia 8 consid. 4b/cc)? -, mais susceptibles de porter atteinte à
sa liberté personnelle doit pouvoir en requérir la consultation sans avoir
à justifier encore d'un autre intérêt digne de protection (à l'inverse de
ce qu'exige en général la jurisprudence rendue sur la base de l'art. 4 Cst.
pour la consultation des dossiers; cf. ci-dessus consid. 4a).

    On peut certes se demander si le droit de consulter les données tire
son fondement de l'art. 4 Cst. ou du droit de la liberté personnelle, en
tant qu'accessoire du droit d'en obtenir la rectification. En l'espèce,
la question peut demeurer indécise, car elle n'est pas décisive.

    d) Indépendamment des règles régissant le droit de consulter
un dossier formellement constitué, le droit constitutionnel confère
donc à la personne concernée le droit d'être renseignée, d'une part,
sur les données qui ont été enregistrées à son sujet par une autorité
publique et, d'autre part, sur l'usage qui en a été fait. Ce droit aux
renseignements est du reste reconnu, dans son principe, par la plupart
des législations des pays occidentaux (cf. STEINAUER/HOHL, op.cit.,
p. 91 ss; MARIE-CHRISTINE HENRY-MEININGER, Les garanties quant au droit
d'avoir connaissance des fichiers automatisés, in: Informatique et droit
en Europe, Bruxelles 1985, p. 341; CONSEIL DE L'EUROPE, Rapport explicatif
concernant la Convention pour la protection des personnes à l'égard du
traitement automatisé des données à caractère personnel, Publications
du Conseil de l'Europe, Strasbourg 1981, p. 6 par. 5). Il est appelé à
jouer un rôle de plus en plus important pour la protection de l'individu,
car le traitement informatique des données en permet la diffusion et le
traitement immédiats à tous les échelons de l'administration publique (voir
à ce sujet, parmi d'autres: YVES BURNAND, Banques de données électroniques
et droit de l'information, thèse Lausanne 1974, p. 54 ss et p. 87 ss;
CHARLES-ALBERT MORAND, Problèmes constitutionnels relatifs à la protection
de la personnalité à l'égard des banques de données électroniques, in:
Informatique et protection de la personnalité, Fribourg 1981, p. 15
ss; J.P. MÜLLER/S. MÜLLER, Grundrechte - Besonderer Teil, Berne 1985,
p. 24; THOMAS W. SCHREPFER, Datenschutz und Verfassung, thèse Berne
1985, p. 21 ss et p. 70; PIERRE TSCHANNEN, Verfassungsmässigkeit von
Aidsregistern, in: Recht gegen Aids, Berne 1987, p. 48; R.J. SCHWEIZER,
op.cit., p. 28). Ce droit aux renseignements doit être distingué du
droit des citoyens à l'information, qui n'est reconnu que dans une mesure
limitée, comme un corollaire de la liberté de la presse et de la liberté
d'expression (cf. ATF 111 II 50; 107 Ia 236, 305/6; 104 Ia 88; voir aussi
CHARLES-ALBERT MORAND, op.cit., p. 31 s.). Le droit de l'intéressé à être
renseigné sur les données recueillies à son sujet par une autorité s'étend
à la fois aux données de base, telles qu'elles sont enregistrées, et à
celles qui résultent de leur traitement, en d'autres termes aux analyses
et appréciations que les autorités ont faites en se fondant sur des données
recueillies par elles, et qu'elles ont consignées dans leurs dossiers.

    e) L'exercice du droit aux renseignements peut être limité, voire
supprimé, s'il se heurte à l'intérêt prépondérant de la collectivité
publique, de tiers, voire de la personne concernée elle-même (ATF 112 Ia
101, 110 Ia 85 consid. 4a; cf. STEINAUER/HOHL, op.cit., p. 93 ss). En
présence d'un tel intérêt prépondérant, il appartiendra à l'autorité
d'agir conformément au principe de la proportionnalité. Il se peut
en effet que les intérêts publics ou privés menacés par l'accès à un
dossier personnel soient préservés par des mesures moins restrictives
que le refus pur et simple de la consultation. Dans certains cas, il
suffira de dissimuler à la personne concernée l'origine ou l'identité du
destinataire des renseignements qui lui sont divulgués. Il peut suffire
aussi d'en occulter ou d'en caviarder certains éléments, voire de n'en
autoriser la consultation que par l'intermédiaire d'un tiers tenu au
secret. De même, lorsque l'autorité de recours est appelée à procéder à
un contrôle complet du dossier (cf. ATF 112 Ia 102, 95 I 109), elle ne
doit en révéler la teneur que dans la mesure où des intérêts publics ou
privés au maintien du secret ne s'y opposent pas.

    f) L'art. 1er LDP est une disposition légale claire qui ne laisse
aucune place à l'appréciation des autorités détentrices des dossiers ou
fichiers de police. Il leur fait l'interdiction absolue de communiquer
à l'intéressé qui le requiert tous renseignements sur le contenu de ces
documents, quelle qu'en soit la teneur et quelle que soit la situation du
requérant. Cette disposition est dès lors en contradiction avec le droit
aux renseignements tel qu'il vient d'être décrit. Elle ne se prête de
surcroît à aucune interprétation conforme à la Constitution. En se fondant
sur elle pour refuser sans autre à la recourante le droit de prendre
connaissance de la fiche de police établie à son sujet, les autorités
cantonales ont violé en tout cas l'art. 4 Cst. Les décisions attaquées
doivent dès lors être annulées et la cause renvoyée aux autorités intimées
pour qu'elles se prononcent sur l'opportunité de donner suite à la demande
de la recourante, compte tenu de l'ensemble des circonstances. Il leur
appartiendra d'examiner si la consultation par la recourante de la fiche
qui la concerne peut entraver la lutte de la police contre la criminalité
organisée et, par là, compromettre la sécurité collective.