Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 IA 187



113 Ia 187

30. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 11 mars 1987
dans la cause X. contre Chambre d'accusation du canton de Neuchâtel
(recours de droit public) Regeste

    Kantonales Strafverfahren; Zeugnisverweigerung aufgrund der
parlamentarischen Immunität und des Amtsgeheimnisses.

    Die Immunität nach Art. 28 der neuenburgischen Kantonsverfassung will
den Abgeordneten garantieren, ihre Überlegungen zu Entscheiden des Grossen
Rates, insbesondere im Rahmen der Aufsicht über die kantonale Verwaltung,
zum Ausdruck zu bringen. Sie erlaubt nicht, das Zeugnis zu verweigern
im Zusammenhang mit Vorfällen, die es einem Abgeordneten ermöglichten,
ohne Zustimmung der zuständigen Stelle von amtlichen Akten Kenntnis zu
erhalten (E. 3 und 4). Solche Vorfälle sind durch das Amtsgeheimnis im
Sinne von Art. 147 Ziff. 2 StPO/NE nicht gedeckt (E. 5).

Sachverhalt

    A.- Au cours d'une session du Grand Conseil du canton de Neuchâtel,
le député X. a écrit ce qui suit au Conseil d'Etat neuchâtelois:

    "Suite à l'affaire du ..., le Conseil d'Etat, tant par sa mansuétude
   que par ses déclarations, n'a pas retiré sa confiance à ...

    Pour ma part, je n'ai jamais approuvé cette attitude. Les
   renseignements que j'ai accumulés me permettent de croire que des
   irrégularités de procédure ont cours lorsqu'il s'agit de personnes
   qu'il connaît de près.

    Par la présente, je vous prie de bien vouloir vous renseigner sur la
   manière dont le dossier classé sous chiffre ... a été traité. Vous aurez
   ainsi la confirmation que le code de procédure est délibérément violé."

    Par la suite, X. a fourni au Conseil d'Etat des précisions telles
qu'on pouvait penser que quelqu'un (un fonctionnaire) lui avait donné
connaissance du dossier en question. Le Conseil d'Etat dénonça donc les
faits au Ministère public neuchâtelois, en sollicitant l'ouverture d'une
instruction pénale contre inconnu pour violation du secret de fonction
prévu à l'art. 30 de la loi concernant le Statut général du personnel
relevant du budget de l'Etat (ci-après: le Statut).

    Au cours de l'enquête pénale, X. a été cité comme témoin par le Juge
d'instruction de Neuchâtel. Invité à donner l'identité de la personne qui
lui avait communiqué le contenu du dossier, il a refusé de témoigner en
invoquant son immunité parlementaire. Le Juge d'instruction lui infligea
alors une amende de 100 fr. en se fondant sur les art. 72 (pouvoir
disciplinaire) et 153 (sanctions contre les témoins récalcitrants) du
code de procédure pénale neuchâtelois (ci-après: CPP).

    X. recourut à la Chambre d'accusation du canton de Neuchâtel
en invoquant notamment son immunité parlementaire et le secret de
fonction. Débouté par la juridiction cantonale, il a ensuite formé
un recours de droit public fondé, entre autres, sur la violation de
l'art. 28 Cst. cant. (immunité parlementaire) et l'application arbitraire
de l'art. 147 CPP (secret de fonction). Le Tribunal fédéral a rejeté
ce recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) Aux termes de l'art. 28 Cst. neuch., "aucun membre du Grand
Conseil ne peut être recherché pour une opinion émise dans l'assemblée;
il n'en est responsable que vis-à-vis de ce corps".

    Par nature, la haute surveillance exercée sur l'administration
par le parlement et par ses membres à l'occasion de la présentation
de rapports gouvernementaux, postulats, interpellations et questions
donne lieu à un examen critique de la gestion des organes exécutifs
(voir notamment AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, vol. 2,
Nos 1275, 1365 ss; GRISEL, Traité de droit administratif, vol. 1, p. 172
ss). La doctrine suisse dominante reconnaît qu'une immunité telle que
celle prévue par l'art. 28 Cst. neuch. vise à mieux garantir l'expression
par les députés des considérations à la base des décisions prises par
le parlement comme organe supérieur de l'Etat. Sont réputées "opinions
émises dans l'assemblée" non seulement les interventions verbales au
parlement ou dans ses commissions, mais encore celles qui sont établies
sous forme écrite, comme c'est le cas généralement d'interpellations
ou de questions, en tant que ces interventions correspondent toutes à
l'exécution du mandat parlementaire.

    Le droit neuchâtelois consacre le pouvoir de haute surveillance
du Grand Conseil à l'art. 39 i.f. Cst. Aux termes des art. 46 et 47
du règlement du Grand Conseil, chaque député, agissant seul, peut en
tout temps poser par écrit une question ayant le même objet qu'une
interpellation. Celle-ci est une demande d'explication adressée au
Conseil d'Etat sur n'importe quel objet ressortissant à la politique ou
à l'administration cantonale (art. 37 du règlement). Le Conseil d'Etat a
l'obligation de répondre aux questions de vive voix en séance du Grand
Conseil, ou de déposer une réponse écrite; dans l'un et l'autre cas,
la réponse est publiée dans le bulletin officiel des délibérations du
Grand Conseil, même lorsqu'elle est donnée par écrit hors session.

    b) Dans sa lettre au Conseil d'Etat, X. a invité formellement le
Gouvernement à se déterminer sur la manière dont avait été traité le
dossier No ... et sur la violation du code de procédure qui y aurait été
faite. Le Conseil d'Etat s'est déterminé par écrit, sous forme de rapport
remis d'abord au député X. et plus tard au Grand Conseil. Cela étant,
il est pour le moins douteux qu'on puisse dénier à la lettre en cause la
qualité de question au sens des art. 46 et 47 du règlement du Grand Conseil
et d'acte accompli par le recourant en qualité de député. Certes, X.
n'a pas intitulé son écrit "question" et ne l'a pas fait parvenir au
Conseil d'Etat par l'intermédiaire de la présidence, du secrétariat ou
du bureau du Grand Conseil. Mais ces éléments ne devraient pas avoir
d'importance décisive, car les textes légaux applicables ne prescrivent
rien quant à la forme et au contenu d'une question, ni quant à la nécessité
de la faire transmettre par le truchement du Grand Conseil. De surcroît,
le Conseil d'Etat a réservé à la lettre du député X. le traitement prévu
pour une question selon les art. 46 et 47 du règlement du Grand Conseil. On
peut toutefois se dispenser d'examiner plus avant ce problème.

    c) En effet, la sanction disciplinaire dont le recourant requiert
l'annulation ne lui a nullement été infligée à cause des termes et du
contenu de sa lettre, mais uniquement en relation avec son refus de
témoigner en justice sur les circonstances dans lesquelles il avait eu
connaissance du dossier No ... de la police cantonale. Ce témoignage
était requis dans le cadre de l'instruction pénale ouverte en raison du
fort soupçon que la communication de renseignements issus de ce dossier,
sans l'autorisation de l'instance administrative compétente, pouvait être
intervenue en violation de dispositions du Statut, partant tomber sous
le coup de l'art. 320 al. 1 CP.

Erwägung 4

    4.- Le droit d'un parlementaire de refuser de témoigner sur des faits
afférents à une opinion émise devant le parlement ne saurait résulter
que d'une disposition expresse de la constitution (cf. GIACOMETTI, Das
Staatsrecht der schweizerischen Kantone, p. 318; FLEINER-GIACOMETTI,
Schweizerisches Bundesstaatsrecht, p. 512, n. 22; SCHWARZ, Die
parlamentarische Immunität der Schweizerischen Bundesversammlung, p. 74
ss). Quant au pouvoir des parlementaires de procéder à des investigations
dans les affaires de l'administration, soit en se faisant livrer tout ou
partie de l'un de ses dossiers, soit en interrogeant un fonctionnaire
après l'avoir libéré ou fait libérer du secret de fonction, il n'est
généralement jamais conféré à un député agissant isolément et selon sa
propre initiative (cf. art. 47bis et quater, 50 al. 6 et 7, 53 al. 1 et
2, 59 al. 1 et 2, 61 al. 4 de la loi fédérale sur les rapports entre les
conseils; RS 171.11). Il s'agit toujours de pouvoirs exercés exclusivement
par des commissions ou sous-commissions. Le règlement du Grand Conseil
neuchâtelois ne prévoit en tout cas rien de plus large au profit de ses
membres. Par ailleurs, les dispositions neuchâteloises sur le secret
de fonction (art. 30 à 32 du Statut) ne contiennent rien qui permette
d'admettre qu'aux motifs dispensant de l'obligation de témoigner prévus à
l'art. 147 CPP, on devrait en ajouter un autre tenant à l'irresponsabilité
absolue pour les opinions émises devant le Grand Conseil.

    Il résulte de ce qui précède que la règle d'immunité posée à l'art. 28
Cst. cant. ne s'étendait pas au refus de témoigner sanctionné par l'amende
disciplinaire querellée.

Erwägung 5

    5.- a) L'art. 147 ch. 2 CPP neuch. a la teneur suivante:

    "Peuvent refuser de témoigner:

    ...

    2.

    Sur les faits qui sont l'objet du secret professionnel ou du secret
   de fonction, les personnes auxquelles la loi impose un devoir de
   discrétion en raison de leur état, dans la mesure où elles ne sont
   pas déliées de leur obligation."

    Le recourant soutient que, du moment qu'il a eu connaissance des faits
secrets contenus dans le dossier No ... en tant que député participant à
la tâche de contrôle parlementaire exécuté notamment par voie de question,
il ne pouvait être contraint de témoigner sans que le juge d'instruction
ait requis et obtenu du Grand Conseil la levée du secret qui le
liait. L'art. 147 ch. 2 CPP aurait donc été appliqué de façon arbitraire.

    b) La décision disciplinaire approuvée par l'arrêt attaqué ne
pourrait être taxée d'arbitraire que si les faits en question étaient
effectivement couverts par le secret de fonction. Or, en l'espèce,
les faits sur lesquels X. a refusé de témoigner n'étaient précisément
pas ceux dont traitait le dossier No ..., mais ceux se rapportant à
la façon dont il avait eu connaissance du dossier en question, soit à
l'identité de son ou de ses informateurs. Ces faits, formant l'objet réel
de l'audition du recourant comme témoin, ne sauraient être qualifiés
de secrets. En effet, ainsi qu'on l'a déjà relevé, X. ne jouissait
individuellement, en tant que député, d'aucun pouvoir d'investigation
auprès de l'administration; aucun fonctionnaire n'était donc habilité à
lui livrer le contenu d'un dossier de police sans autorisation spéciale
(art. 32 du Statut). En outre, le recourant n'a apparemment pu obtenir
les renseignements dont il a tiré l'objet de sa question qu'à la suite
du comportement d'un ou plusieurs fonctionnaires pouvant tomber sous la
sanction de l'art. 320 CP. Que l'intérêt public à la poursuite efficace
d'une telle infraction doive l'emporter en pareil cas (ATF 101 Ia 11)
est d'autant plus évident que le législateur neuchâtelois ne reconnaît
aucun droit d'investigation au député agissant individuellement, hors du
parlement et hors de toute commission. La Chambre d'accusation pouvait
donc, de manière soutenable, retenir que les faits sur lesquels X. avait
refusé son témoignage n'étaient pas couverts par le secret de fonction;
elle n'a dès lors pas appliqué l'art. 147 ch. 2 CPP de façon arbitraire.