Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 IA 172



113 Ia 172

27. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 19 janvier
1987 dans la cause S. contre République socialiste de Roumanie et Vaud,
Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal (recours de droit
public) Regeste

    Staatenimmunität; Arrest.

    Art. 88 OG. Legitimation des Privaten zur staatsrechtlichen Beschwerde
im Sinne von Art. 84 Abs. 1 lit. a, c oder d OG gegen den Entscheid, den
Arrest von Vermögenswerten eines ausländischen Staates wegen Immunität
nicht zu bewilligen (E. 1).

    Gerichtsbarkeits-Immunität und Hoheitsakt.

    Die Hoheitsakte oder Handlungen iure imperii unterscheiden sich nicht
von ihrem Zweck, sondern von ihrer Natur her von der rechtsgeschäftlichen
Tätigkeit bzw. den Akten iure gestionis (E. 2).

    Im vorliegenden Fall ergibt sich die Forderung des Beschwerdeführers
aus einer zwangsweisen Abtretung seines Grundeigentums an den rumänischen
Staat, ist also Folge eines Hoheitsaktes, der iure imperii in Anwendung
ausländischen Rechts erging (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Par décision du 3 août 1982, l'autorité municipale compétente
de Bucarest a ordonné le transfert à titre onéreux, dans la propriété de
l'Etat roumain, d'une quote-part indivise (1/2) de l'appartement propriété
de S., qui venait d'obtenir l'autorisation de quitter définitivement son
pays. Cette mesure se fondait notamment sur le décret No 223 concernant
la réglementation de la situation de certains biens, adopté le 3 décembre
1974 par le Conseil d'Etat de la République socialiste de Roumanie. Aux
termes des art. 1er et 2 de ce décret, les immeubles situés sur le
territoire de l'Etat roumain ne peuvent être la propriété de personnes
physiques que si celles-ci ont leur domicile dans le pays. Les personnes
qui s'apprêtent à quitter le pays sont par conséquent tenues de vendre à
l'Etat les immeubles dont elles sont propriétaires sur le territoire de
celui-ci. Le prix de vente de l'immeuble ainsi acquis par l'Etat a été
fixé conformément à l'art. 2 du décret No 467 du 28 décembre 1979.

    Le 23 juillet 1985, S. a requis le Juge de paix du cercle de Lausanne
d'ordonner, au préjudice de la République socialiste de Roumanie, le
séquestre d'avoirs détenus sur le compte de chèques postaux de l'entreprise
R., à Lausanne, pour garantir le recouvrement d'une créance de 40'000
fr.s. avec intérêt à 5% dès le 3 août 1982. Ce montant correspondait à la
contre-valeur en francs suisses de l'indemnité fixée pour l'acquisition
par l'Etat de sa quote-part d'appartement. Le requérant invoquait,
comme cas de séquestre, l'art. 271 ch. 4 LP. Le Juge de paix a refusé
d'autoriser le séquestre, estimant que la créance résultait d'un acte
accompli jure imperii par l'Etat roumain. Par arrêt du 5 juin 1986, la
Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud
a rejeté un recours pour déni de justice formé contre cette décision.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public interjeté
par S. contre cet arrêt, pour les

Auszug aus den Erwägungen:

                       motifs suivants:

Erwägung 1

    1.- Le recourant soutient que l'autorité intimée a commis un déni de
justice en violant grossièrement les principes généraux institués par la
jurisprudence en matière de séquestre au préjudice d'Etats étrangers. La
question ainsi soulevée est celle de l'immunité de juridiction reconnue,
en droit international public, aux Etats étrangers.

    Le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers est une
règle du droit des gens assimilable à un traité (ATF 107 Ia 174 consid. 4,
106 Ia 146 consid. 2b et les arrêts cités). Il en résulte, d'un point de
vue strictement formel, que les Etats peuvent se prévaloir de la violation
de ce principe par la voie d'un recours de droit public pour violation de
traités internationaux au sens de l'art. 84 al. 1 let. c OJ. Le recours
de droit public fondé sur l'immunité de juridiction des Etats étrangers
est néanmoins recevable également sur la base de l'art. 84 al. 1 let. d
OJ, car, en se prévalant de son immunité, l'Etat étranger conteste la
compétence de l'autorité suisse (ATF 107 Ia 174 consid. 4, 106 Ia 146
consid. 2b et les arrêts cités).

    Les arrêts publiés rendus en cette matière par le Tribunal fédéral
en tant que juridiction de droit public (tel n'est pas toujours le cas:
cf. ATF 110 II 255) l'ont été généralement sur la base de recours formés
par des Etats étrangers ou d'autres organisations ou personnes étrangères
se disant détentrices de la puissance publique, et cela, ordinairement,
à propos de décisions par lesquelles une autorité cantonale avait autorisé
le séquestre de biens du recourant au sens de l'art. 272 LP (cf. ATF 112
Ia 148, 111 Ia 52, 62, 106 Ia 142, 104 Ia 367, 86 I 23, 82 I 75).

    Le présent recours est toutefois formé par un particulier, domicilié
en Suisse, qui s'est vu refuser l'autorisation de séquestre de biens
propriété d'un Etat étranger, pour le motif que celui-ci serait au bénéfice
de l'immunité de juridiction. Certes, cette personne ne saurait prétendre
que ses intérêts juridiques sont protégés d'une façon quelconque, au sens
de l'art. 88 OJ, par cette règle du droit des gens qu'est le principe de
l'immunité de juridiction, lequel consacre exclusivement un privilège en
faveur des Etats étrangers. Il lui est cependant loisible de prétendre,
comme il le dit implicitement, que les dispositions procédurales du
droit commun relatives à l'exécution en Suisse des obligations ont été
violées à son préjudice, du fait de la portée erronée donnée au principe
de l'immunité juridictionnelle. Que l'on considère qu'il s'agit là d'un
recours fondé sur l'art. 84 al. 1 let. a, let. c ou let. d OJ, sa qualité
pour recourir ne saurait être niée. Appelé ainsi à déterminer la portée,
dans le cas particulier, du principe de l'immunité juridictionnelle, le
Tribunal fédéral jouit d'un libre pouvoir d'examen (ATF 82 I 85 consid. 6).

Erwägung 2

    2.- Il n'existe entre la Suisse et la République socialiste de Roumanie
aucun traité en matière d'immunité réciproque qui préciserait si et jusqu'à
quel point l'Etat roumain peut être soumis à la juridiction des tribunaux
suisses et faire l'objet de mesures d'exécution forcée sur le territoire
de la Confédération. La Roumanie n'est pas non plus partie à la Convention
européenne sur l'immunité des Etats du 16 mai 1972 (RS 0.273.1). Sont dès
lors applicables en l'espèce les règles dégagées par la jurisprudence
du Tribunal fédéral (cf. ATF 112 Ia 150). Le privilège de l'immunité de
juridiction n'est pas une règle absolue. L'Etat étranger n'en bénéficie
que lorsqu'il agit en vertu de sa souveraineté (jure imperii). Il n'en
bénéficie en revanche pas s'il se situe sur le même plan qu'une personne
privée, en particulier s'il agit en qualité de titulaire d'un droit privé
(jure gestionis) (ATF 111 Ia 57/58 consid. 4a, 106 Ia 147 consid. 3a et
les références). Dans ce dernier cas, il peut être recherché devant les
tribunaux suisses et faire, en Suisse, l'objet de mesures d'exécution
forcée, à la condition toutefois que le rapport de droit auquel il est
ainsi partie soit rattaché au territoire de ce pays, c'est-à-dire qu'il
y soit né, ou doive y être exécuté ou tout au moins que le débiteur ait
accompli certains actes de nature à y créer un lieu d'exécution (ATF 106
Ia 150, 86 I 28, 82 I 86 consid. 7).

    Les actes accomplis jure imperii, ou actes de souveraineté, se
distinguent par conséquent des actes accomplis jure gestionis, ou actes
de gestion, non pas par leur but, mais par leur nature (ATF 111 Ia 58
consid. 4a, 104 Ia 371 consid. 2c). En d'autres termes, la question à
résoudre est celle de savoir si l'acte sur lequel se fonde la créance
litigieuse relève de la puissance publique ou s'il s'agit d'un acte que
tout particulier pourrait accomplir. L'autorité appelée à se prononcer
sur cette question peut recourir à des critères extérieurs à cet acte;
elle verra, par exemple, un indice d'un acte accompli jure gestionis
dans le fait que l'Etat qui se prévaut de son immunité est entré en
relation avec un particulier en dehors de son territoire, c'est-à-dire
sur le territoire d'un autre Etat, sans que ses relations avec ce dernier
soient en cause (ATF 104 Ia 371 consid. 2c). La réponse à donner dans
chaque espèce dépendra ensuite d'une comparaison de l'intérêt de l'Etat
étranger à bénéficier de l'immunité, avec celui de l'Etat du for à exercer
sa souveraineté juridictionnelle et celui du demandeur à obtenir une
protection judiciaire de ses droits. De tout temps, la pratique suisse a
marqué une tendance à restreindre le domaine de l'immunité (cf. ATF 110
II 259/260 consid. 3a et les références, 86 I 28).

Erwägung 3

    3.- L'acte qui a donné naissance à la créance pour laquelle le
recourant a demandé le séquestre d'avoirs roumains situés en Suisse est
un acte d'acquisition de la propriété foncière. De toute évidence, il ne
s'agit toutefois pas d'une vente conclue de gré à gré entre les parties,
même si, en déposant sa demande de départ définitif pour l'étranger,
le recourant ne pouvait ignorer que ses biens immobiliers passeraient
dans la propriété de l'Etat et qu'il acceptait d'emblée, implicitement,
cette conséquence automatique de sa démarche. Le décret adopté par le
Conseil d'Etat roumain le 3 décembre 1974, sur lequel se fondent ces
mesures, ne laisse en effet aucune liberté de choix au propriétaire privé
concerné par elles. L'acquéreur obligé et exclusif est l'Etat, et le prix
payé par celui-ci est fixé au terme d'une procédure qui s'apparente,
formellement, aux procédures d'estimation mises en oeuvre en Suisse en
cas d'expropriation. La décision du 3 août 1982 n'a donc pas consacré
un accord intervenu entre le propriétaire et l'Etat qui se serait placé
sur un pied d'égalité avec lui. Elle a au contraire consisté dans un acte
d'autorité, par lequel l'Etat s'est approprié un bien immobilier dans le
but d'intérêt public que poursuit le décret du 3 décembre 1974. L'opinion
qu'on peut avoir sur l'étendue de cet intérêt public est sans importance.

    Ce qui compte, c'est que l'Etat a procédé, de la sorte, à un acte
analogue à une expropriation, voire à une nationalisation. On se trouve
dès lors en présence d'un acte de souveraineté, accompli jure imperii en
vertu du droit public étranger, et non pas d'un acte qu'un particulier
aurait pu tout aussi bien accomplir selon les mêmes formes, en vertu du
droit privé, c'est-à-dire d'un acte jure gestionis.

    C'est donc avec raison que l'autorité intimée a mis l'Etat roumain au
bénéfice de l'immunité de juridiction et a refusé d'autoriser le séquestre
demandé par le recourant.