Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 IA 161



113 Ia 161

25. Arrêt de la Ire Cour de droit public du 21 mai 1987 dans la cause
Commune de Moutier et dame F. contre Conseil-exécutif du canton de Berne
(recours de droit public) Regeste

    Art. 85 lit. a OG. Gemeindewahlen; Wahl durch
Stellvertretung. Anordnung der Überprüfung der Vollmachten.

    Stimmgeheimnis. Eine Überprüfung der Vollmachten darf nicht
dazu führen, dass die Identität derjenigen Personen, welche durch
Stellvertretung gewählt haben, bekannt wird (E. 4).

Sachverhalt

    A.- Les élections communales de Moutier du 30 novembre 1986 ont fait
l'objet d'une plainte électorale dont l'instruction a été confiée à un
préfet extraordinaire. Par décision du 3 février 1987, ce magistrat
a ordonné plusieurs mesures d'instruction, dont certaines étaient
destinées à vérifier la régularité des votes par procuration émis en
conformité de l'art. 12 de la loi bernoise du 5 mai 1980 sur les droits
politiques (LDP). Il a ainsi ordonné que les procurations "rentrées"
soient comptées et qu'une liste manuscrite des électeurs représentés et
de leurs représentants soit établie.

    La commune de Moutier et dame F., une électrice qui avait voté par
procuration, ont déféré cette décision au Conseil-exécutif du canton
de Berne. Par arrêté du 11 mars 1987, cette autorité a rejeté leurs
moyens. Elle a cependant invité le Préfet extraordinaire à autoriser
les seules parties à la procédure principale à prendre connaissance de
la liste des électeurs représentés et de leurs représentants, et cela
en sa présence. Elle a également stipulé qu'aucune copie de la liste ne
serait établie et que les noms y figurant ne pourraient pas être relevés
par les personnes présentes lors de sa consultation. Elle a enfin ordonné
que la liste soit détruite après l'entrée en force du jugement rendu sur
la plainte électorale.

    La commune municipale de Moutier et dame F. ont entrepris cet arrêté
par la voie de deux recours de droit public distincts. La première a
allégué une violation de son autonomie et la seconde une violation de son
droit de vote et de sa liberté personnelle. Le Tribunal fédéral a rejeté
les recours dans la mesure où ils étaient recevables.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Les deux recours sont dirigés contre la même décision, qu'ils
critiquent pour les mêmes motifs, tout en invoquant la violation de droits
constitutionnels différents. Il est dès lors opportun de les joindre et
de statuer à leur égard en un seul et même arrêt.

Erwägung 2

    2.- En règle générale, le recours de droit public n'est recevable que
contre des décisions cantonales de dernière instance; c'est seulement dans
des cas exceptionnels, non réalisés en l'espèce, qu'il peut être dirigé
simultanément contre la décision d'une autorité cantonale de recours et
contre celle de l'autorité inférieure (ATF 111 Ia 353). Les conclusions
des recourantes sont donc irrecevables dans la mesure où elles tendent à
l'annulation de la décision prise par le Préfet extraordinaire du district
de Moutier. I. Recours de la commune de Moutier

Erwägung 3

    3.- La commune de Moutier recourt en tant que détentrice de la
puissance publique; elle soutient que l'arrêté attaqué viole l'autonomie
qui serait reconnue aux communes bernoises relativement à la réglementation
et à la conduite de leurs élections. Elle a qualité pour soulever ce
grief, l'existence de l'autonomie alléguée étant une question de fond,
et non de recevabilité (ATF 112 Ia 62 consid. 2, 111 Ia 330 consid. 1,
252 consid. 2).

    Une commune bénéficie de la protection de son autonomie dans les
domaines que le droit cantonal ne règle pas de manière exhaustive et dans
lesquels il lui laisse une liberté de décision relativement importante
(ATF 111 Ia 331 consid. 2, 110 Ia 205 consid. 2). Lorsque ces conditions
sont réunies, la commune peut faire valoir que l'autorité cantonale
a outrepassé sa compétence, qu'elle a violé les dispositions du droit
fédéral, cantonal ou communal qui règlent la matière, ce que le Tribunal
fédéral revoit librement s'il s'agit du droit constitutionnel et sous
l'angle restreint de l'arbitraire s'il s'agit du droit de rang inférieur
à la Constitution (ATF 111 Ia 331 consid. 2, 132 consid. 4a).

    La commune de Moutier prétend jouir d'une large autonomie dans
la réglementation de ses propres élections, dans l'organisation des
scrutins et dans la surveillance de leur bon déroulement. Cependant,
l'art. 76 de la loi du 20 mai 1973 sur les communes dispose que les votes
par correspondance et par procuration sont admis dans les mêmes conditions
que pour les élections fédérales et cantonales. Ces conditions sont réglées
de manière détaillée par les art. 10 à 13 de la loi du 5 mai 1980 sur les
droits politiques et par les art. 23 à 28 et 31 de l'ordonnance du 10
décembre 1980 sur les droits politiques. La recourante ne démontre pas
que ces dispositions laissent aux communes bernoises, dans ce domaine,
une liberté d'appréciation et de décision suffisante pour qu'une autonomie
protégée par le droit constitutionnel leur soit reconnue, et le recours
doit être rejeté pour ce motif. Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner
la portée en l'espèce d'autres dispositions du droit cantonal, telles
que les art. 18 et 92 al. 2 de la loi sur les communes qui donnent à
celles-ci la compétence de fixer la procédure applicable aux élections,
car elles ne sont pas invoquées par la recourante à qui il incombait,
en vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, de démontrer l'existence
et l'étendue de son autonomie (ATF 112 Ia 63 consid. b; 96 I 372). La
motivation du recours ne répond pas davantage aux exigences de l'art. 90
al. 1 lettre b OJ, dans la mesure où elle revient à dire que le Préfet
extraordinaire ne pouvait ordonner un contrôle des procurations, faute
de faits concrets laissant supposer des erreurs dans le décompte des
voix ou un comportement illicite des organes compétents. La recourante
se contente en effet d'opposer sa thèse à celle de l'autorité intimée,
sans indiquer les règles qui déterminent le pouvoir d'examen du Préfet
extraordinaire en matière de constatation des faits et d'administration
des preuves, et sans expliquer en quoi ces règles auraient été appliquées
de manière arbitraire (ATF 110 Ia 3 consid. 2a). II. Recours de dame F.

Erwägung 4

    4.- La recourante allègue principalement une violation de son droit
de vote. Electrice à Moutier, elle a qualité pour soulever ce grief
(ATF 111 Ia 116). Le Tribunal fédéral examine librement non seulement
l'interprétation du droit fédéral et du droit constitutionnel cantonal,
mais aussi celle des dispositions qui précisent le contenu et l'étendue
du droit de vote ou qui ont un lien étroit avec ce droit (ATF 111 Ia 202,
197 consid. a).

    L'arrêté attaqué concerne l'instruction d'une plainte déposée contre
le déroulement du scrutin communal du 30 novembre 1986. La recourante
ne conteste pas que cette instruction nécessite le contrôle de la
régularité du vote par procuration. Seule est discutée la validité de
l'une des mesures ordonnées par le magistrat instructeur pour procéder à
ce contrôle. Il s'agit de l'établissement d'une liste des électeurs ayant
voté par procuration et de leurs représentants. Selon la recourante, cette
mesure permettrait au plaignant de savoir à qui elle a donné procuration
et, partant, pour qui elle a voté, puisque l'appartenance politique de
son mandataire - qui a été élu au Conseil de ville - est notoire. Les
précautions ordonnées par l'autorité intimée (interdiction de donner la
liste aux personnes assistant au dénombrement des votes par procuration
et de copier les noms y figurant, destruction de la liste au terme de
la procédure) seraient insuffisantes, une telle liste pouvant aisément
être mémorisée.

    Le droit de vote commande que le secret soit préservé de la même façon
pour les citoyens votant par procuration ou par correspondance et pour
ceux qui se présentent personnellement au bureau de vote (ETIENNE GRISEL,
Initiative et référendum populaires, Lausanne 1987, p. 86 ch. 2). Il
est concevable, en théorie, qu'un électeur se fasse représenter par un
autre qui n'appartiendrait pas au même parti que lui et serait chargé
de voter, par représentation, contrairement à ses convictions. Les
personnes ayant connaissance de la procuration, soit parce qu'elles sont
membres du bureau de vote, soit pour une autre raison, peuvent cependant
avoir des raisons de supposer, tout au moins lorsque le représentant
est un membre éminent d'un des partis en lice, que les deux bulletins
que celui-ci dépose dans l'urne sont semblables. Le secret du vote de
celui qui s'exprime par l'intermédiaire d'un tiers est donc menacé par
un danger spécifique résultant de la notoriété des opinions politiques
du représentant. Il serait naturellement inadmissible d'aggraver ce
risque en rendant publics les noms des personnes qui ont exercé leur
droit de vote par l'intermédiaire d'un tiers. La solution retenue par
l'autorité intimée n'entraîne toutefois pas une telle publicité. D'une
part, le secret auquel sont tenues les personnes chargées du contrôle des
procurations leur interdit de divulguer le nom des personnes qui se sont
fait représenter. D'autre part, l'autorité intimée a pris suffisamment en
compte l'intérêt des personnes ayant voté par procuration au maintien du
secret sur le mandat qu'elles ont donné. Les mesures restrictives qu'elle
a ordonnées conformément au principe de la proportionnalité suffisent
à la protection de ces intérêts. Aller au-delà rendrait illusoire la
vérification de la régularité du vote par procuration. Le grief de la
violation du droit de vote est ainsi mal fondé.

Erwägung 5

    5.- Dame F. fait en outre valoir que sa liberté personnelle sera
"atteinte" lors de prochaines élections. Selon son mémoire, "il faut
s'attendre à ce que les personnes figurant sur les listes établies par
le Préfet soient la cible privilégiée de ceux qui, dans les partis, sont
en quête de procurations"; la recourante entend ne pas "devoir subir les
moult sollicitations désobligeantes de chaque parti politique de Moutier".

    Il est douteux que ce grief soit recevable, dès lors que la recourante
ne paraît pas avoir un intérêt actuel à l'annulation de l'arrêté attaqué
(ATF 108 Ib 124 consid. 1, 103 Ia 10 consid. 1a). Il est de toute manière
dépourvu de pertinence. La liberté personnelle se conçoit comme une
garantie générale et subsidiaire, à laquelle le citoyen peut se référer
lorsque les droits fondamentaux dont il allègue la violation ne font pas
l'objet de garanties particulières (ATF 111 Ia 232 consid. 3a). Or la
protection de la recourante contre les inconvénients allégués est garantie
par le principe du secret du vote, que l'autorité intimée a, ainsi qu'on
l'a vu, dûment respecté. La liberté personnelle de la recourante n'est
donc pas en cause.