Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 IA 126



113 Ia 126

22. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 1er avril 1987
dans la cause Giovanna Armengol et consorts contre corps électoral du
canton de Genève (recours de droit public) Regeste

    Art. 4, 22ter, 31 BV, Art. 2 ÜbBestBV; Verfassungsmässigkeit eines
Genfer Gesetzes, das die Veräusserung von Wohnungen, an welchen auf dem
Wohnungsmarkt Mangel herrscht, der iBewilligungspflicht unterstellt.

    1. Legitimation zur staatsrechtlichen iBeschwerde (E. 3) und zu deren
Beantwortung (E. 4); Grundsätze der abstrakten Normenkontrolle (E. 5).

    2. Voraussetzungen, unter denen die Bewilligungspflicht nicht gegen
Art. 22ter BV verstösst (E. 6 und 7). Einschränkende Vorschriften,
welche die Berücksichtigung berechtigter privater Interessen nicht
erlauben, verletzen das Prinzip der Verhältnismässigkeit und sind mit
der Eigentumsgarantie unvereinbar (E. 7b aa).

    3. Die Bewilligungspflicht ist mit Art. 31 BV vereinbar, wenn sie eine
zur Bekämpfung des Wohnungsmangels ergriffene Massnahme der Wohnungspolitik
darstellt; sie ist verfassungswidrig, wenn sie ausschliesslich einen
wirtschaftspolitischen Charakter aufweist (E. 8).

    4. Die mit Bewilligung veräusserten Wohnungen dürfen nicht der
Mietzinskontrolle unterstellt werden (E. 8d cc).

    5. Art. 2 ÜbBestBV (E. 9). Das kantonale Recht kann in die direkten
Beziehungen zwischen Vermieter und Mieter nicht eingreifen (E. 9d).

    6. Teilweise Aufhebung des angefochtenen Gesetzes, beschränkt auf
die verfassungswidrigen Bestimmungen (E. 11).

Sachverhalt

    Le 10 mars 1985, le corps électoral du canton de Genève a adopté une
loi proposée par initiative populaire, destinée à compléter la loi du 26
juin 1983 sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons
d'habitation (LDTR). Le nouveau texte a la teneur suivante:

    "CHAPITRE III A (nouveau)

    Aliénation d'appartements loués

    Art. 9 A (nouveau)

    1 L'aliénation, sous quelque forme que ce soit (notamment cession de
   droits de copropriété d'étages ou de parties d'étages, d'actions, de
   parts sociales), d'un appartement à usage d'habitation, jusqu'alors
   offert en location, est soumise à autorisation dans la mesure où cet
   appartement entre, à raison de son loyer ou de son type, dans une
   catégorie de logements où sévit la pénurie.

    2 Le département des travaux publics refuse l'autorisation lorsqu'un
   motif prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose
   notamment lorsque:

    a) la demande d'appartements à louer ne peut être satisfaite dans la
   catégorie de logements concernés;

    b) le logement concerné a été construit avec l'aide des pouvoirs
   publics;

    c) l'offre de logements à vendre est suffisante dans la catégorie de
   logements concernés;

    d) le prix de vente de l'appartement dépasse le montant du capital
   investi, en tenant compte, pour autant que l'entretien de l'immeuble
   a été normalement assuré, de l'adaptation au coût de la vie.

    3 Toutefois, le département des travaux publics ne peut refuser
   l'autorisation si:

    a) l'appartement n'a jamais été loué;

    b) l'appartement est déjà soumis au régime de la propriété par étage
ou à
   une forme de propriété analogue.

    4 Lorsque l'appartement est loué, la demande d'autorisation doit
   être déposée en dehors de toute résiliation de bail. Au cas où
   l'autorisation est délivrée, celle-ci peut être soumise à certaines
   conditions concernant le relogement du locataire. L'autorité peut aussi
   fixer le prix maximum auquel l'appartement acheté peut être reloué
   à des tiers au cas où le propriétaire ne l'utiliserait pas pour ses
   propres besoins ou ceux de proches parents ou alliés.

    5 Le présent article ne s'applique pas aux maisons d'habitation
   individuelles sises dans la 5e zone de construction instituée par la loi
   sur les constructions et les installations diverses, du 25 mars 1961.

    6 Le Conseil d'Etat édicte les dispositions d'application du présent
   article et définit en particulier les catégories de logements où sévit
   la pénurie ainsi que le type de conditions auxquelles l'autorisation
   de vente peut être assujettie."

    Six recours de droit public, émanant de septante et une personnes,
tendant à l'annulation de la loi, ont été formés devant le Tribunal
fédéral. Les recours dénoncent une violation des art. 4, 22ter, 31 Cst. et
2 Disp. trans. Cst. Le Conseil d'Etat du canton de Genève a conclu à
leur rejet. Le Rassemblement pour une politique sociale du logement,
une association promotrice de l'initiative populaire, a fait une demande
d'intervention aux fins d'être invité à déposer des mémoires.

    Le Tribunal fédéral a partiellement admis les recours, dans la mesure
où ils sont recevables. Il a supprimé le deuxième alinéa de l'art. 9A LDTR
dès le mot "notamment", ainsi que la première et la troisième phrase du
quatrième alinéa.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:
I. Procédure

Erwägung 3

    3.- La qualité pour recourir contre un arrêté de portée générale
appartient à toute personne dont les intérêts juridiquement protégés sont
effectivement ou pourront un jour être touchés par l'acte attaqué. Une
atteinte virtuelle est suffisante, pourvu qu'elle présente un minimum de
vraisemblance (ATF 110 Ia 10 consid. 1a, 109 Ia 118 consid. 2b, 106 Ia
357/358 consid. 1a). En l'espèce, les recourants agissent à des titres
divers et ils ne se trouvent pas tous dans la même situation.

    a) De nombreux recourants sont des propriétaires d'immeubles ou
d'appartements. Leur faculté d'aliéner leurs biens est soumise à des
restrictions par la nouvelle disposition de la loi sur les démolitions,
transformations et rénovations de maisons d'habitation. La qualité
pour recourir doit en conséquence leur être reconnue, qu'il s'agisse
de personnes physiques ou de personnes morales de droit privé. Il en
va de même des propriétaires d'actions ou de certificats d'actions de
sociétés immobilières, l'art. 9A visant l'aliénation sous quelque forme
que ce soit (notamment la cession de droits de copropriété d'étages ou
de parties d'étages, d'actions, de parts sociales) d'un appartement à
usage d'habitation (al. 1).

    b) D'autres recourants sont des locataires. Ils soutiennent que
les restrictions imposées à la vente d'appartements loués sont de
nature à les empêcher d'acquérir un tel appartement, voire d'acquérir
celui qu'ils occupent. En cela ils se trouvent dans la même situation
que quiconque, locataire ou non, voudrait acheter un appartement. Ces
recourants se plaignent non d'une atteinte à leurs droits de locataires,
mais d'une restriction de leur droit d'accéder à la propriété. La garantie
de l'institution de la propriété n'assure pas seulement une protection
au propriétaire, mais garantit aussi le libre accès à la propriété (ATF
105 Ia 141 consid. 3a; IVO HANGARTNER, Grundzüge des schweizerischen
Staatsrechts, vol. II: Grundrechte, p. 161; ARTHUR MEIER-HAYOZ, in Berner
Kommentar, Das Eigentum, n. 424 ad Systematischer Teil). Dans la mesure
où les recourants locataires envisagent de se porter un jour acquéreurs
d'un appartement, ils pourront être touchés par l'acte attaqué. Vu
le développement de la propriété par étages dans le canton de Genève,
le minimum de vraisemblance exigé par la jurisprudence est réalisé. La
qualité pour agir de ces recourants doit être reconnue.

    c) Deux recourants prétendent être touchés dans leur profession de
courtiers, parce que la disposition litigieuse porterait atteinte à leur
liberté de négocier la vente d'appartements, commerce qui constitue une
partie importante de leur activité. L'art. 31 Cst. garantit en principe
l'exercice d'une activité professionnelle à des fins lucratives (ATF 110 Ia
102 consid. 5a, 103 Ia 262 consid. 2a) et notamment l'activité de courtier
(ATF 65 I 86; HANS MARTI, Die Wirtschaftsfreiheit, 1976, p. 45). Or,
l'art. 9A LDTR ne régit ni ne limite l'activité des recourants. Il ne les
touche qu'indirectement, en ce sens que les ventes d'appartements étant
soumises à des restrictions, leur activité dans ce domaine est réduite. Il
peut en résulter pour eux des conséquences d'ordre économique, soit un
gain moins élevé qu'auparavant, mais cela ne constitue pas une atteinte
à un intérêt juridiquement protégé. Sous cet angle, leur situation n'est
pas différente de celle des brasseries dans l'arrêt publié aux ATF 109 Ia
36 consid. 2c. Il en résulte que les recours des personnes qui agissent
exclusivement en qualité de courtiers sont irrecevables.

Erwägung 4

    4.- La qualité pour s'opposer aux recours dirigés contre une loi
cantonale appartient exclusivement au canton intéressé, représenté, sauf
disposition particulière, par son gouvernement; elle n'est pas reconnue à
un éventuel comité d'initiative (ATF 94 I 5 consid. 2). Le Rassemblement
pour une politique sociale du logement n'a donc pas qualité pour intervenir
dans la procédure; il n'avait dès lors pas à recevoir notification des
recours ni à être invité à déposer des réponses.

Erwägung 5

    5.- Saisi d'un recours contre un arrêté de portée générale, le Tribunal
fédéral contrôle librement la conformité de cet arrêté avec le droit
constitutionnel fédéral (ATF 111 Ia 24 consid. 2, 106 Ia 132 consid. 1b).
De même, en cas de recours pour violation de l'art. 2 Disp. trans. Cst.,
il examine en principe librement dans chaque espèce si les normes de droit
cantonal sont compatibles avec le droit fédéral (ATF 109 Ia 67 consid. 2a,
74 consid. 3, 107 Ia 289 consid. 4a). Le Tribunal fédéral est toutefois
lié non seulement par les conclusions des parties, mais aussi par les
moyens que celles-ci invoquent et motivent conformément aux exigences de
l'art. 90 al. 1 lettre b OJ (ATF 109 Ia 120 consid. 3a). Il n'annule la
norme attaquée que si elle ne se prête à aucune interprétation conforme à
la Constitution; il s'en abstient si l'une des interprétations possibles
qui peut être admise de façon soutenable ne viole pas la Constitution
(ATF 111 Ia 25 consid. 2, 109 Ia 301 consid. 12c) et si la perspective
d'un contrôle ultérieur offre des garanties suffisantes (ATF 111 Ia 25
consid. 2, 102 Ia 109 consid. 1b). Dans le cadre du contrôle abstrait des
normes, le Tribunal fédéral annule au besoin tout l'arrêté mais, dans
la mesure du possible, l'annulation ne porte que sur les dispositions
contraires à la Constitution (ATF 110 Ia 13 consid. 1e).

    Selon la jurisprudence, la conformité d'une norme avec le droit
constitutionnel fédéral et cantonal s'apprécie principalement en
fonction du texte même de la disposition attaquée. Si la formulation en
est claire et non équivoque, le sens littéral ne peut être modifié au
moyen d'une interprétation conforme. Celle-ci n'est donc admissible que
dans la mesure où le sens de la loi contestée apparaît ambigu, imprécis
ou lacunaire. Pour déterminer si une norme litigieuse se prête à une
interprétation conforme ou si elle doit être annulée, il s'impose tout
d'abord d'apprécier la gravité de l'atteinte dont sont menacés les droits
constitutionnels des recourants et la possibilité que ces derniers ont de
faire respecter leurs droits lors d'un contrôle concret de la norme. Le
juge constitutionnel doit ensuite rechercher dans quelles circonstances
pratiques la disposition en cause sera appliquée et ne pas se borner à
traiter le problème de manière purement abstraite. La façon dont la loi
sera vraisemblablement mise en oeuvre, de même que la qualité de ses
organes d'exécution jouent, dès lors, un rôle important dans l'examen
de la conformité de la disposition à la Constitution (ATF 111 Ia 25/26
consid. 2 et les références). II. Garantie de la propriété

Erwägung 6

    6.- Selon l'art. 22ter al. 2 Cst., les cantons peuvent, par voie
législative et pour des motifs d'intérêt public, prévoir des restrictions
à la propriété. Cependant, ces restrictions ne doivent pas porter atteinte
à la substance de la propriété en tant qu'institution fondamentale de
l'ordre juridique suisse (Institutsgarantie). Le législateur cantonal
doit sauvegarder les droits essentiels de disposition et de jouissance
qui découlent de la propriété (ATF 103 Ia 418 consid. 2, 99 Ia 37
consid. 3, 96 I 558 consid. 3 et les références). En tant que protection
de l'institution, la garantie de la propriété laisse au législateur un
large pouvoir d'appréciation dans la délimitation de la liberté de la
propriété. Il n'y a pas d'atteinte à l'institution lorsque la possibilité
d'acquérir la propriété privée, d'en jouir et de l'aliéner à nouveau
est fondamentalement maintenue (ATF 103 Ia 418/419 consid. 3). Le mode
d'utilisation de la propriété foncière peut donc être limité en vertu des
art. 22ter al. 2 et 22quater Cst. sans que le principe même de la propriété
privée puisse être considéré comme affecté; ainsi, des restrictions tendant
à maintenir pendant quelques années la destination de certaines maisons
d'habitation n'ont-elles pas pour résultat de vider la propriété privée
de sa substance (ATF 101 Ia 514 consid. 5d aa).

    En l'espèce, l'art. 9A LDTR n'interdit pas l'aliénation et, par
voie de conséquence, l'acquisition de tout appartement, mais il soumet à
autorisation l'aliénation des appartements à usage d'habitation jusqu'alors
offerts en location, pour autant encore que ces appartements entrent dans
une catégorie de logements où sévit la pénurie (al. 1). Cette disposisition
prévoit aussi des cas dans lesquels l'autorisation ne peut être refusée
(al. 3). Même si des restrictions importantes sont apportées à la
propriété privée par la nouvelle législation, il découle des principes
exposés plus haut qu'elle ne porte pas atteinte à l'institution même
de la propriété. Dans la mesure où les recourants adressent ce grief à
l'art. 9A LDTR, leurs recours sont mal fondés.

Erwägung 7

    7.- Les restrictions de droit public à la propriété doivent également
être compatibles avec la garantie des droits individuels concrets du
propriétaire (Bestandesgarantie). Selon la jurisprudence, elles doivent
reposer sur une base légale - ce qui est le cas en l'espèce -, répondre à
un intérêt public suffisant et respecter le principe de la proportionnalité
(ATF 109 Ia 258 consid. 4, 103 Ia 418 consid. 2). Le Tribunal fédéral
examine librement si l'intérêt public justifie les restrictions ordonnées,
si cet intérêt est suffisamment important pour prévaloir sur les intérêts
privés opposés et si les restrictions ne vont pas au-delà de ce qu'exige
ledit intérêt. Il fait cependant montre de retenue dans l'examen de
questions d'appréciation ou de circonstances locales dont les autorités
cantonales ont une meilleure connaissance (ATF 103 Ia 419/420 consid.
4, 99 Ia 38 consid. 3a, 98 Ia 376 consid. 4).

    a) Quant à l'exigence d'un intérêt public suffisant, les avis divergent
en l'espèce en ce qui concerne le but de la législation contestée. Pour
l'intimé, il s'agit de la lutte contre la pénurie de logements; les
recourants y voient, en général, principalement une mesure de protection
des locataires. Ni le titre donné à l'initiative ("Initiative populaire
pour protéger les locataires contre les congés-ventes"), ni les arguments
des initiants dans la notice explicative du Conseil d'Etat, ni enfin les
propos tenus au Grand Conseil, qui vont aussi bien dans le sens de la
protection des locataires que dans celui de la lutte contre la pénurie
de logements (par exemple Mémorial du Grand Conseil 1983, p. 3743; 1984,
p. 3748, 3760 et 3779 ss) ne sont à eux seuls déterminants.

    En soumettant à autorisation les aliénations d'appartements à usage
d'habitation dans une catégorie de logements où sévit la pénurie (al. 1),
et en prévoyant que l'autorisation sera refusée notamment lorsque la
demande d'appartements à louer ne peut être satisfaite dans la catégorie
de logements concernée (al. 2 lettre a), l'art. 9A tend à lutter contre la
pénurie de logements; il vise à conserver sur le marché certains types de
logements qui répondent à un besoin soit en raison de leur coût, soit en
raison de leur importance ou de leur conception. Le fait que cette mesure
corresponde aussi à l'intérêt des locataires en général n'y change rien. En
revanche, dans la mesure où l'art. 9A al. 4 fait dépendre la demande
d'autorisation de l'absence d'une résiliation du bail, le législateur
intervient indirectement dans les rapports entre propriétaire et locataire,
afin de protéger ce dernier contre les conséquences d'une résiliation. Une
telle disposition tend uniquement à la protection du locataire et n'a rien
à voir avec le maintien de certains logements sur le marché. Le titre de
l'initiative en est d'ailleurs le reflet. Quant à la faculté donnée à
l'autorité de fixer le prix maximum du loyer lorsque l'appartement acheté
est reloué à des tiers (art. 9A al. 4), elle sert aussi bien à la lutte
contre la pénurie de logements qu'à la protection du locataire.

    Il découle de ce qui précède que la loi attaquée poursuit un double
but, soit la lutte contre la pénurie dans certaines catégories de
logements, ainsi que la protection des locataires en cas de décision
du propriétaire de vendre des logements jusqu'alors loués. L'art. 9A
LDTR touche dans son ensemble à la politique du logement; or le Tribunal
fédéral a reconnu à de nombreuses reprises que cette politique relève de
l'intérêt public (ATF 111 Ia 26 et les arrêts cités). Les recourants qui
contestent l'existence de cet intérêt le font par conséquent à tort.

    b) En vertu du principe de la proportionnalité, une restriction à la
propriété privée ne doit pas entraîner une atteinte plus grave que ne
l'exige le but d'intérêt public recherché; il faut en outre que ce but
ne puisse pas être atteint par l'emploi de moyens moins rigoureux. Enfin,
il doit exister un rapport raisonnable entre la limitation de la propriété
et le résultat recherché (ATF 111 Ia 27 consid. 3b, 109 Ia 37 consid. 4,
101 Ia 511 consid. 5b et les arrêts cités).

    aa) D'une manière générale, les recourants reprochent à la disposition
attaquée de soumettre à autorisation toute aliénation - non seulement
la vente - et de ne laisser à l'autorité aucun pouvoir d'appréciation,
l'obligeant ainsi à accorder ou à refuser l'autorisation aux conditions
fixées dans la loi, sans pouvoir tenir compte de circonstances
particulières, notamment des intérêts en présence. L'intimé soutient
pour sa part que la norme incriminée se prête à une interprétation
conforme à la Constitution, dès lors que l'autorité administrative,
jouissant d'un certain pouvoir d'appréciation, devra procéder à la pesée
des intérêts publics et privés en présence. Il se réfère à cet égard au
règlement d'application modifié de la LDTR (art. 11 nouveau). Celui-ci
n'est toutefois pas déterminant. Non seulement il n'est pas en cause
dans la présente procédure, mais l'existence et l'étendue d'un pouvoir
d'appréciation laissé à l'autorité administrative dépendent de l'art. 9A
de la loi. Le règlement fait d'ailleurs l'objet d'un recours de droit
public tendant à l'annulation des art. 8 al. 3 et 11 pour le motif que
le Conseil d'Etat, en édictant ces dispositions, ne s'est pas conformé
à l'art. 9A LDTR.

    Le premier alinéa de l'art. 9A soumet à autorisation toute forme
d'aliénation. Sous l'angle de la garantie de la propriété et sous réserve
du respect du principe de la proportionnalité, rien ne s'oppose à ce
que non seulement les ventes, mais aussi les donations soient soumises à
autorisation. Il en va de même en cas d'aliénation forcée, d'avancement
d'hoirie, de partage ou de liquidation d'un régime matrimonial, pour
autant que ces aliénations aient pour conséquence la transformation
d'un appartement offert en location en logement soumis au régime de
la propriété par étages. Dans toutes ces hypothèses, la restriction au
droit d'aliéner prévue à l'art. 9A LDTR peut subsister, comme d'ailleurs
toute autre restriction qui affecterait l'immeuble. Mais dans toutes
ces hypothèses aussi, l'intérêt du propriétaire ou de ses ayants droit à
aliéner sous forme de propriété par étages, comme celui de l'acquéreur à
se rendre propriétaire d'un logement et non de tout l'immeuble, peuvent
faire apparaître une interdiction absolue de procéder à cette opération
comme étant excessive par rapport au but auquel tend l'art. 9A.

    Même en cas de simple vente, les conséquences d'un refus peuvent, selon
les circonstances, apparaître disproportionnées. Les recourants relèvent
avec raison l'hypothèse du locataire qui désire acquérir l'appartement
qu'il occupe, sans qu'il soit mis devant l'alternative d'acheter ou de s'en
aller, ou sans que le prix de vente soit abusif. Une telle opération peut
être non seulement dans l'intérêt bien compris des parties - propriétaire
et locataire -, mais aussi dans celui de la collectivité, car, sinon,
on comprendrait mal les dispositions de la législation fédérale destinée
à favoriser l'accession à la propriété. C'est dire que l'autorité doit
pouvoir disposer d'un certain pouvoir d'appréciation qui lui permette
de tenir compte, dans chaque cas, de tous les intérêts en présence,
et on ne voit pas que le système du refus inconditionnel de l'al. 2,
tel qu'il apparaît à l'examen de ce texte, soit exigé par les buts de la
disposition attaquée.

    L'art. 9 al. 2 LDTR dispose que le Département des travaux publics
refuse l'autorisation lorsqu'un motif prépondérant d'intérêt public ou
d'intérêt général s'y oppose, notamment dans quatre hypothèses définies
sous lettres a à d. A l'opposé, l'al. 3 envisage deux cas dans lesquels
l'autorisation ne peut être refusée. Le législateur a encore prévu que
l'autorisation peut être soumise à certaines conditions concernant le
relogement du locataire (al. 4). En revanche, aucune réserve n'a été faite
dans les cas où l'autorisation doit être refusée, les quatre hypothèses
envisagées entraînant nécessairement le refus de l'autorisation. L'al. 6
ne permet au Conseil d'Etat que d'édicter des dispositions d'application,
de définir les catégories de logements où sévit la pénurie et le type
de conditions auxquelles l'autorisation de vente peut être assujettie,
ce qui constitue un renvoi à l'al. 4 et ne s'applique manifestement
qu'à celui-ci. La lettre a de l'al. 2 vise la situation où "la demande
d'appartements à louer ne peut être satisfaite dans la catégorie de
logements concernés", autrement dit lorsqu'il y a pénurie, et on ne
voit pas comment il pourrait être possible, par voie réglementaire ou
d'interprétation, de déroger au texte clair de la loi sur ce point. Il
en découle qu'une pesée des intérêts en présence est exclue lorsqu'une
des quatre éventualités visées à l'al. 2 est réalisée. La situation est
différente de celle examinée dans l'arrêt publié aux ATF 101 Ia 502 où
il a été jugé que l'autorité compétente était tenue, dans chaque cas, de
procéder à la pesée des intérêts en présence, en appliquant les principes
de l'égalité de traitement et de la bonne foi (arrêt cité, p. 515,
consid. 5d, bb in fine). Une interprétation conforme à la Constitution
par l'autorité cantonale était alors possible, contrairement à ce qui est
le cas en l'espèce où, s'agissant du refus de l'autorisation d'aliéner,
aucune circonstance n'est laissée à l'appréciation du Département des
travaux publics. Une interprétation conforme était également possible dans
l'ATF 99 Ia 35, l'autorité devant appliquer une disposition facultative
("Kannvorschrift") qui lui laissait un certain pouvoir d'appréciation
(ATF 99 Ia 41 consid. c). Il en était de même dans l'ATF 111 Ia 23 où le
Tribunal fédéral a rappelé que dans la procédure de contrôle abstrait
des normes, il n'est pas possible d'envisager d'emblée tous les effets
de l'application du texte légal, notamment lorsqu'il laisse une certaine
marge d'appréciation à l'autorité qui est chargée de l'appliquer (arrêt
cité, p. 25 consid. 2). Dans le cas particulier, l'autorité disposait d'un
"vaste pouvoir d'appréciation" (arrêt cité, p. 27 consid. 3b; voir aussi
p. 28 consid. 3b in fine).

    En l'espèce, l'autorité chargée d'appliquer les quatre clauses
particulières de l'art. 9A al. 2 LDTR n'a, elle, aucun pouvoir
d'appréciation. Ces clauses s'imposent avec une rigidité absolue pour
assurer la lutte contre la pénurie de logements et ne permettent pas
de prendre en considération les intérêts privés légitimes qui peuvent
exister dans certaines circonstances. Elles portent donc atteinte au
principe de la proportionnalité et elles ne sont pas compatibles avec la
garantie constitutionnelle des droits individuels concrets du propriétaire
(Bestandesgarantie). En revanche, la clause générale de l'art. 9A al. 2
LDTR, c'est-à-dire le principe du refus de l'autorisation lorsqu'un motif
prépondérant d'intérêt public ou d'intérêt général s'y oppose, peut être
appliquée de manière conforme à ce principe. Il a été exposé plus haut
que la situation de pénurie dans la catégorie de logements concernée
peut être considérée comme un motif d'intérêt public de restreindre
la liberté d'aliénation du propriétaire (cf. consid. 7a ci-dessus);
il n'est pas indispensable que cette cause de refus de l'autorisation
reste expressément mentionnée par la loi. Puisque selon le texte, seul
un motif prépondérant d'intérêt public exige le refus de l'autorisation,
l'autorité doit effectuer une pesée des intérêts en présence; elle doit en
particulier évaluer l'importance du motif de refus envisagé en regard des
intérêts privés opposés. Cette pesée d'intérêts correspond aux exigences
du principe de la proportionnalité. En conséquence, le Tribunal fédéral
pourra se limiter à n'annuler, dans l'art. 9A al. 2 LDTR, que les clauses
particulières, à partir du mot "notamment", pour autant que les autres
griefs soulevés par les recourants n'exigent pas l'annulation de l'art. 9A
en entier. Au surplus, du moment que l'art. 9A a pour but de lutter contre
la pénurie de logements et que cette pénurie, selon l'al. 2 lettre a, est
elle-même un motif inconditionnel de refus d'une autorisation, les trois
autres motifs (lettres b, c et d) n'ont aucune portée indépendante, le
refus découlant de toute façon du premier. Soumettre ces motifs à l'examen
de l'autorité est en conséquence sans rapport aucun avec le but d'intérêt
public que poursuit l'art. 9A. L'intimé soutient qu'interprété a contrario,
l'al. 2 laisse plusieurs possibilités de délivrer une autorisation, mais
il perd de vue l'obligation de la refuser si les conditions de la lettre
a sont réalisées, qu'il n'y a pas, dans cet examen, de possibilité de
peser les intérêts en présence et que les hypothèses qu'il envisage ne
se concrétiseront jamais, à moins d'aller à l'encontre du texte clair,
sur ce point, de l'art. 9A. Quant à la constitutionnalité des lettres c
et d prises individuellement, elle sera examinée plus loin.

    bb) Les recourants reprochent encore à l'art. 9A LDTR d'être applicable
dans tout le canton et sans limitation dans le temps. On peut se demander
si, comme le soutient l'intimé, le régime d'autorisation est une mesure
à caractère temporaire parce qu'il est lié à une pénurie de logements. La
disposition légale restera en vigueur même après disparition de la pénurie
et elle pourra être appliquée à nouveau dès qu'une telle situation se
représentera, cela sans limitation dans le temps. De toute façon, le fait
que l'application des mesures prévues est liée à une situation économique
bien précise est suffisant. Il a en effet été jugé que l'interdiction
de démolir des maisons d'habitation, considérée comme un moyen de lutte
contre la pénurie de logements, pouvait être envisagée comme une tâche
durable de la collectivité et justifier, selon les circonstances,
une restriction de durée illimitée à la propriété (ATF 99 Ia 40 in
fine). Enfin, il est constant que la pénurie de logements sévit dans
tout le canton de Genève (art. 2 al. 2, 3 al. 1 AMSL; 1 de l'ordonnance
désignant les communes soumises à l'AMSL, du 11 décembre 1978); les
recourants n'allèguent d'ailleurs pas le contraire et ne disent pas en
quoi, dans l'hypothèse d'une pénurie généralisée du logement, une loi
s'appliquant à l'ensemble du canton ne serait pas conforme au principe
de la proportionnalité. Leurs griefs sur ce point sont irrecevables,
car ils ne respectent pas les exigences de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ.
III. Liberté du commerce et de l'industrie

Erwägung 8

    8.- La plupart des recourants reprochent au nouvel art. 9A LDTR de
porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie garantie par
l'art. 31 Cst.

    a) Une même mesure peut apporter simultanément une restriction à
la garantie de la propriété et à la liberté économique (ATF 111 Ia 29
consid. a, 103 Ia 592, 102 Ia 113, 99 Ia 618). La validité des restrictions
affectant ces deux droits fondamentaux est soumise à certaines conditions
communes telles que l'existence d'une base légale et le respect du principe
de la proportionnalité. Les raisons d'intérêt public à la restriction de
chacun des deux droits ne sont en revanche pas exactement les mêmes. Alors
que les limitations à la propriété peuvent être fondées sur des motifs
très variés, y compris des considérations de politique économique,
les limitations à l'activité économique ne doivent pas, sous réserve
d'habilitation constitutionnelle spéciale, s'appuyer sur de tels motifs
(ATF 111 Ia 29 consid. 4a et les références). Exception faite de ce qui
a trait aux points communs, déjà examinés en rapport avec la violation de
la garantie de la propriété, il faut rechercher si la liberté du commerce
et de l'industrie est aussi touchée.

    b) La garantie assurée par l'art. 31 Cst. n'est pas absolue. L'art. 31
al. 2 Cst. réserve notamment les prescriptions sur l'exercice du commerce
et de l'industrie édictées par les cantons. Selon la jurisprudence,
les mesures de politique économique prohibées par l'art. 31 Cst. sont
celles qui interviennent dans la libre concurrence pour assurer ou
favoriser certaines branches de l'activité lucrative ou certaines formes
d'exploitation et qui tendent à diriger l'activité économique selon un
certain plan (ATF 104 Ia 198 consid. 2b, 103 Ia 262, 102 Ia 543 consid. e,
97 I 504 consid. a et les arrêts cités). En revanche, l'art. 31 Cst.
ne s'oppose pas à des mesures dites sociales ou de politique sociale, qui
tendent à procurer du bien-être à l'ensemble ou à une grande partie des
citoyens, ou à accroître ce bien-être par l'amélioration des conditions de
vie, de la santé ou des loisirs (ATF 102 Ia 544, 97 I 504 consid. b). Il en
découle que des mesures de politique sociale prises par les cantons, tant
qu'elles n'ont pas pour but d'intervenir dans la libre concurrence, sont
compatibles avec l'art. 31 Cst. à la condition qu'elles se conforment aux
principes constitutionnels auxquels toutes les restrictions des libertés
individuelles doivent obéir (ATF 111 Ia 29 consid. b, 99 Ia 619, 97 I
506). Ces principes sont ceux de la légalité, de l'intérêt public, de la
proportionnalité et de l'égalité (ATF 111 Ia 187, 108 Ia 146 consid. bb,
106 Ia 269).

    c) Dans la mesure où les recourants invoquent une violation de la
liberté contractuelle, ce grief doit aussi être examiné en fonction
de l'art. 31 Cst. Cette liberté énoncée à l'art. 19 CO bénéficie de
la protection assurée par le principe de la force dérogatoire du droit
fédéral (ATF 100 Ia 449 consid. 4), mais elle découle aussi de la liberté
du commerce et de l'industrie (ATF 102 Ia 542 consid. a; MÜLLER/MÜLLER,
Grundrechte, Bes. Teil., p. 319) et encore de la garantie de la propriété
(SCHÖNENBERGER/JÄGGI, Obligationenrecht, vol. V 1 a, n. 206, p. 222). Le
grief tiré de la violation de la liberté contractuelle n'a ainsi pas de
portée propre (ATF 102 Ia 542 consid. a). Au surplus, si l'art. 19 al. 1
CO pose le principe de la liberté contractuelle, cette liberté n'est pas
illimitée; elle est subordonnée aux restrictions qui sont réservées non
seulement à l'al. 1, mais encore à l'al. 2 de cette disposition, ainsi
qu'à l'art. 20 CO. La jurisprudence a admis que certaines dérogations
à cette liberté peuvent se justifier dans le domaine du logement, ce
problème présentant un caractère général et les mesures prises pour le
résoudre relevant de la préoccupation des pouvoirs publics d'assurer à
chacun un logement décent (ATF 101 Ia 509 consid. b et les arrêts cités).

    d) Il découle des principes qui viennent d'être rappelés que,
puisque l'art. 9A LDTR est une mesure de politique du logement
destinée à maintenir en suffisance sur le marché locatif certains types
d'appartements, la soumission de l'aliénation d'appartements loués à un
régime d'autorisation n'est pas en elle-même incompatible avec l'art. 31
Cst. Les recourants s'en prennent d'ailleurs plus particulièrement aux
lettres c et d de l'al. 2, ainsi qu'à la dernière phrase de l'al. 4.

    aa) L'al. 2, lettre c, prescrit au Département des travaux publics de
refuser l'autorisation lorsque l'offre de logements à vendre est suffisante
dans la catégorie de logements concernée. A supposer que ce motif ait
une portée propre (cf. consid. 7b aa in fine), il apparaîtrait comme
une mesure ayant exclusivement un caractère de politique économique. A
défaut de pénurie d'appartements à louer dans une catégorie déterminée,
on ne voit pas en quoi un marché suffisant d'appartements à vendre pourrait
justifier d'imposer non seulement une procédure d'autorisation d'aliéner,
mais encore un refus de cette autorisation. Une telle intervention sur
le marché immobilier est étrangère au but qui ressort des termes mêmes
de l'art. 9A et n'est pas compatible avec l'art. 31 Cst.

    bb) L'al. 2, lettre d, prévoit que l'autorisation d'aliéner doit
aussi être refusée lorsque le prix de vente de l'appartement dépasse le
montant du capital investi, en tenant compte, pour autant que l'entretien
de l'immeuble ait été normalement assuré, de l'adaptation au coût de la
vie. Cette disposition n'est pas sans analogie avec la précédente, un
contrôle du prix de vente par l'autorité étant superflu dès que l'état
de pénurie de logements impose à lui seul le refus de l'autorisation
d'aliéner. Au surplus, dans l'arrêt rendu le 16 décembre 1986 en la cause
Rassemblement en faveur d'une politique sociale du logement et consorts,
le Tribunal fédéral a jugé qu'une disposition liant la modification
de l'état locatif d'un immeuble à une adaptation des fonds propres à
l'évolution du coût de la vie est inconstitutionnelle. D'une part, un tel
procédé revient à geler la valeur de l'immeuble à sa valeur initiale qui,
après un certain nombre d'années, ne correspond plus à la valeur actuelle
de l'immeuble. D'autre part, l'adaptation des fonds propres à l'évolution
du coût de la vie, autrement dit à l'indice des prix à la consommation,
ne peut entrer en ligne de compte parce que l'indice est déterminé par une
moyenne pondérée de différents prix à la consommation, lesquels n'ont pas
nécessairement de relation avec l'évolution des valeurs immobilières. Une
fixation des loyers en fonction de tels critères est dès lors contraire
à la garantie de la propriété, à la liberté du commerce et des contrats,
et ne respecte pas le principe de la proportionnalité. Il en va de même,
à plus forte raison, lorsqu'il s'agit de limiter non plus le montant du
loyer, mais - pour autant que cela soit possible, question qui peut rester
ouverte - celui du prix de vente d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble.

    cc) L'art. 9A al. 4, troisième phrase, LDTR soumet les appartements
dont la vente est autorisée à un contrôle des loyers. Le contrôle des
prix en général et des loyers en particulier est une mesure qui n'est pas
compatible avec la liberté du commerce et de l'industrie; elle nécessite
une habilitation constitutionnelle spéciale (voir les arrêtés fédéraux
du 21 décembre 1960 et du 9 octobre 1964 sur le maintien de mesures
temporaires en matière de contrôle des prix; ROLF 1961 p. 291 et 1964
p. 1441). Dans la cause Righi (ATF 99 Ia 620), le Tribunal fédéral a jugé
conforme à l'art. 31 Cst. un contrôle des loyers qui était en rapport
étroit avec d'autres mesures, relevant de la politique d'aménagement
du territoire; ce contrôle avait de ce fait une portée limitée. La
situation est différente en l'espèce; le contrôle des loyers peut être
appliqué à tout appartement qui fait l'objet d'une autorisation d'aliéner
et il pourra, à terme, affecter une part importante du parc immobilier
genevois. Ce contrôle s'apparente ainsi à un contrôle général des loyers,
que les cantons ne sont pas habilités à introduire. La phrase litigieuse
doit être annulée pour ce motif déjà, sans qu'il soit nécessaire d'examiner
les autres griefs dirigés contre elle. IV. Force dérogatoire du droit
fédéral

Erwägung 9

    9.- Les recourants font grief à l'art. 9A LDTR de ne pas respecter
le principe de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 2 Disp.
trans. Cst.), qui interdit aux cantons de légiférer dans les domaines
que la législation fédérale régit de manière exhaustive (ATF 109 Ia 47
consid. aa, 106 Ib 58 consid. 2 et les références). Ils prétendent que la
disposition attaquée porte atteinte à des règles du code civil (art. 6,
11, 13, 641 ss et 712a ss CC), du code des obligations (art. 19, 184 ss,
214, 259, 260, 267 ss CO) et de lois spéciales (arrêté fédéral instituant
des mesures contre les abus dans le secteur locatif et son ordonnance
d'application; loi fédérale encourageant la construction et l'accession
à la propriété de logements).

    a) Les rapports entre le droit civil fédéral et le droit public
cantonal sont régis par l'art. 6 CC, lequel dispose que les lois civiles de
la Confédération laissent subsister les compétences des cantons en matière
de droit public. Selon la jurisprudence, les cantons ne peuvent toutefois
en faire usage dans une matière déterminée que si trois conditions sont
réunies: le législateur fédéral doit n'avoir pas entendu réglementer
cette matière de manière exhaustive, les règles cantonales doivent être
motivées par un intérêt public pertinent et ces règles ne doivent ni
éluder le droit civil fédéral, ni en contredire le sens ou l'esprit (ATF
110 Ia 113 consid. 3b, 109 Ia 66 consid. 2a, 101 Ia 505 consid. b et les
arrêts cités). Le législateur fédéral a reconnu qu'en période de pénurie
de logements, les locataires ont besoin d'une protection particulière
(cf. notamment les art. 267a-267f CO et l'AMSL) et le Tribunal fédéral l'a
maintes fois constaté lors du contrôle constitutionnel d'arrêtés cantonaux
tendant à la protection des locataires (ATF 110 Ia 115 consid. 4 et les
arrêts cités).

    b) Le droit public fédéral, en revanche, prime d'emblée et toujours
le droit public cantonal dans les domaines que la Constitution ou un
arrêté fédéral urgent place dans la compétence de la Confédération et
que celle-ci a effectivement réglementés. En conséquence, les règles
cantonales qui seraient contraires au droit fédéral, notamment par
leur but ou les moyens qu'elles mettent en oeuvre, devraient céder le
pas devant le droit fédéral. Mais, là aussi, le principe de la force
dérogatoire du droit fédéral n'exclut une réglementation cantonale que
dans les matières que le législateur fédéral a entendu régler de manière
exhaustive. Les cantons restent compétents pour édicter dans les autres
domaines des dispositions de droit public dont les buts et les moyens
convergent avec ceux du droit fédéral (ATF 109 Ia 67, 101 Ia 506).

    c) Certains recourants reprochent à la disposition attaquée d'être
contraire aux art. 712a ss CC régissant la propriété par étages. Celle-ci
a pour but de faciliter au plus grand nombre de familles l'acquisition
de leur appartement (Message, FF 1962 II 1455), plus particulièrement
à celles appartenant aux classes moyennes (personnes excerçant des
professions indépendantes, employés, fonctionnaires, ouvriers) (ibidem,
p. 1456). Elle n'est rien d'autre qu'un type particulier de copropriété
(ibidem, p. 1468) qui est défini à l'art. 712a al. 1 CC. Cette conception
a été confirmée par la jurisprudence, pour laquelle la propriété par étages
est un droit de copropriété spécialement aménagé (ATF 94 II 236 in fine).

    Le nouvel art. 9A LDTR ne touche pas à la possibilité de constituer
en propriété par étages les parts de copropriété d'un immeuble. Il
n'intervient en rien dans la réglementation de la propriété par étages
telle qu'elle découle des art. 712a ss CC; il ne la modifie ni ne la
complète. Il soumet l'aliénation d'appartements qui se trouvent dans une
catégorie de logements où sévit la pénurie à un régime d'autorisation,
mais cette restriction est étrangère à l'institution de la propriété par
étages en tant que telle et à son organisation. L'art. 9A n'est ainsi
pas incompatible avec les art. 712a ss CC.

    d) Les recourants estiment que la disposition attaquée est
incompatible avec les règles du code des obligations régissant le bail
à loyer, notamment avec l'art. 259 al. 1 CO (droit de l'acheteur de ne
pas reprendre le bail), l'art. 260 CO (annotation du bail au registre
foncier) et les art. 267 ss CO (droit de congé). Ces critiques ne peuvent
pas être dissociées de celles que les recourants adressent à l'art. 9A
LDTR examiné en rapport avec les dispositions de l'AMSL: l'art. 9A
interviendrait directement dans les relations entre locataire et bailleur
en les empêchant (sauf exception) de conclure un contrat de vente, en les
privant du droit de congé ainsi qu'en imposant au bailleur qui résilie
le contrat des conditions concernant le relogement du locataire. L'AMSL
contient des règles qui ressortissent en partie au droit public et en
partie au droit privé (ATF 102 Ia 375 consid. 2 et les arrêts cités). Les
règles qui tendent à protéger le locataire contre des loyers abusifs et
d'autres prétentions abusives du bailleur modifient celles du code des
obligations relatives au bail à loyer; la fixation même du loyer est
aussi régie essentiellement par des procédés de droit civil (ATF 99 Ia
626). Selon la jurisprudence, cette législation est exhaustive en ce sens
que le canton ne peut compléter les dispositions fédérales en prévoyant
d'autres règles sur les rapports directs entre bailleur et locataire,
sous réserve d'une réglementation concernant les sûretés fournies par le
preneur (ATF 101 Ia 508).

    Dans son arrêt du 27 mars 1985 en la cause Marini et consorts (publié
partiellement dans SJ 108/1986, p. 1 ss), le Tribunal fédéral a jugé
que l'art. 13 LDTR viole le principe de la force dérogatoire du droit
fédéral dans la mesure où il fait obligation au propriétaire d'informer
et de consulter les locataires "en dehors de toute résiliation de bail"
lorsqu'il a l'intention d'entreprendre des travaux au sens de cette
loi. En l'espèce, ce principe est violé de la même manière par l'art. 9A
al. 4, première phrase, qui dispose que, lorsque l'appartement est loué,
la demande d'autorisation d'aliéner doit être déposée en dehors de toute
résiliation de bail. Il s'agit d'une mesure de protection des locataires,
qui constitue une ingérence du législateur cantonal dans les rapports
directs entre bailleur et locataire. L'interdiction de résilier les baux,
telle qu'elle est prévue par l'art. 9A LDTR, est incompatible avec le
droit fédéral.

    e) La deuxième phrase de l'al. 4 dispose qu'au cas où l'autorisation
est délivrée, celle-ci peut être soumise à certaines conditions concernant
le relogement du locataire. La loi ne définit pas ces conditions, elle
laisse au Conseil d'Etat le soin de le faire en édictant les dispositions
d'application. Dans le cadre du contrôle abstrait de la disposition
contestée, il n'est pas possible de déterminer si ces conditions,
pour autant qu'elles n'interviennent pas dans les rapports directs entre
bailleur et locataire, heurteront le droit fédéral. Leur constitutionnalité
pourra en revanche être examinée à l'occasion d'un cas déterminé.

    f) La loi fédérale encourageant la construction et l'accession à la
propriété de logements du 4 octobre 1974 poursuit des buts différents de
ceux de l'art. 9A LDTR, même si elle les rejoint sur certains points. La
loi fédérale ne touche que la conversion de logements à louer mis au
bénéfice d'un abaissement de base au sens de l'art. 35 al. 2 lettre a,
en logements en propriété dont la Confédération encourage l'acquisition
(art. 49; FF 1973 II 731). La disposition attaquée ne violerait l'art. 2
Disp. trans. Cst. que dans l'hypothèse où elle empêcherait une conversion
prévue par l'art. 49 de la loi fédérale, éventualité qui n'a pas à faire
ici l'objet d'un examen plus étendu. V. Egalité de traitement

Erwägung 10

    10.- Selon la jurisprudence, l'art. 4 Cst. lie le législateur cantonal,
qui doit respecter, outre les autres limites qui découlent du droit
constitutionnel et du droit fédéral, le principe de l'égalité devant la
loi et l'interdiction de l'arbitraire. Une norme générale et abstraite
viole ces principes constitutionnels lorsqu'elle n'est pas fondée sur des
motifs sérieux et objectifs, qu'elle est dépourvue de sens et d'utilité,
qu'elle opère des distinctions juridiques que les faits à réglementer ne
justifient pas ou qu'elle omet, au contraire, des distinctions juridiques
indispensables. Dans ces limites, le législateur jouit d'un large pouvoir
d'appréciation; le juge constitutionnel n'intervient qu'en cas d'abus ou
d'excès de ce pouvoir et il ne substitue pas sa propre appréciation à celle
du législateur (ATF 110 Ia 13 consid. 2b, 109 Ia 124 consid. 5a, 106 Ia 296
consid. d, 106 Ib 188 consid. 4a, 103 Ia 84 consid. c et les références).

    L'un des recourants soutient en vain que l'art. 9A LDTR viole
l'art. 4 Cst. en faisant passer la protection des locataires avant
l'encouragement à l'accession à la propriété. La situation des locataires
et celle des propriétaires ne sont pas semblables; les intérêts des uns et
des autres divergent et peuvent même être opposés. Si, dans la recherche
d'une solution aux problèmes créés par une pénurie de logements ou par
d'autres facteurs, le législateur a mis l'accent sur la protection des
locataires plutôt que sur l'encouragement à l'accession à la propriété,
il n'a pas traité de manière semblable des situations qui ne le sont
pas, ni de façon différente des situations semblables. C'est également
à tort qu'il est reproché à la disposition attaquée de ne viser que les
appartements à usage d'habitation, jusqu'alors offerts en location,
et d'introduire ainsi une discrimination avec les autres objets de
propriété. La situation du marché du logement n'est pas nécessairement
celle du marché des locaux commerciaux. L'aliénation d'appartements peut
avoir, sur le marché du logement, des conséquences que l'aliénation d'un
immeuble commercial n'entraînera pas. Les recourants ne disent d'ailleurs
pas en quoi l'égalité de traitement postulerait que tous les objets de
propriété soient soumis aux mêmes règles d'aliénation. Le législateur
fédéral lui-même a soumis la vente d'immeubles agricoles à des restrictions
qui ne frappent pas les autres ventes immobilières. On ne saurait reprocher
au législateur d'avoir limité son intervention à une catégorie de vente
immobilière qui, à son avis, justifierait cette intervention. Enfin,
dès lors que la loi nouvelle règle de manière différente la situation
des immeubles déjà soumis au régime de la propriété par étages avant son
entrée en vigueur et celle des immeubles qui n'y sont pas soumis, elle
a réglementé des situations différentes. Il a d'ailleurs été jugé que,
si les restrictions à la propriété sont soumises au principe d'égalité
formulé par l'art. 4 Cst., cela ne signifie pas que tous les propriétaires
doivent pouvoir utiliser leurs fonds dans la même mesure (ATF 101 Ia 515
consid. 6). Les recourants ne peuvent dès lors pas invoquer une inégalité
de traitement entre les propriétaires d'immeubles soumis à un régime
juridique ou à une utilisation différents. VI. Résumé et conclusion

Erwägung 11

    11.- Il résulte des considérants qui précèdent que sous l'angle
du contrôle abstrait des normes, l'al. 2 de l'art. 9A LDTR est
inconstitutionnel dans la mesure où il énumère des motifs de refus
absolus, ne laissant à l'autorité compétente pour se prononcer sur les
requêtes en autorisation aucune possibilité de tenir compte des intérêts
en présence. Au surplus, les lettres c et d sont aussi contraires à
la Constitution, de même que la première et la troisième phrase de
l'al. 4. En revanche, le principe du régime d'autorisation destiné
à limiter la vente d'appartements touchés par la pénurie peut être
appliqué de manière conforme à la Constitution. Même amputé de ses parties
inconstitutionnelles, l'art. 9A LDTR conserve son utilité et s'inscrit
dans l'économie de l'ensemble de la loi. On peut admettre qu'informé de
la nullité des parties en question, le législateur eût également adopté
la norme dans sa teneur réduite. Dès lors, une annulation partielle de la
disposition attaquée, limitée à ses éléments inconstitutionnels, s'impose
(ATF 110 Ia 13 consid. e).