Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 113 IA 119



113 Ia 119

21. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 4 février 1987
dans la cause G. et B. contre G. et Genève, Tribunal administratif et
Département des travaux publics (recours de droit public) Regeste

    Besitzstandsgarantie im öffentlichen Baurecht. Unterhalt und Erneuerung
einer unter altem Recht entstandenen Wohnbaute.

    Die Besitzstandsgarantie verlangt, neue, restriktive Bestimmungen nur
dann auf Bauten, die gemäss altem Recht bewilligt wurden, anzuwenden,
wenn wichtige öffentliche Interessen es verlangen und wenn das Prinzip
der Verhältnismässigkeit gewahrt bleibt. Die Kantone können diesen Schutz
in einem weiteren Umfang zusichern, dürfen allerdings nicht gegen wichtige
öffentliche Interessen der Raumplanung verstossen. Situation im Kanton Genf
(E. 2a).

    Da der Umfang, das Erscheinungsbild und der Zweck der Baute ähnlich
bleiben und die Nutzung des Bodens nicht geändert wurde, stehen
die im vorliegenden Fall vorgenommenen Erneuerungs- und teilweisen
Änderungsarbeiten (Wiederinstandsetzung des Gebälks, des Daches und des
oberen Wohnraumes) noch unter der Besitzstandsgarantie (E. 3c). Abwägung
der in Frage stehenden Interessen; dasjenige des Besitzers überwiegt jenes
der Nachbarn, und das öffentliche Interesse spielt im vorliegenden Fall
eine untergeordnete Rolle (E. 3d).

    Willkürliche Anwendung des kantonalen Rechts, unvollständige
Sachverhaltsfeststellung und Verletzung des rechtlichen Gehörs verneint
(E. 4, Zusammenfassung).

Sachverhalt

    A.- G. est propriétaire, à Vernier, d'un immeuble d'habitation
construit vers 1910/1915. En 1983, il a requis du Département des travaux
publics du canton de Genève (ci-après: le Département) l'autorisation
d'augmenter l'isolation thermique de son immeuble et d'effectuer
sur celui-ci des travaux d'entretien très importants (toit, façade,
peinture). Le Département lui répondit favorablement, mais peu après
deux propriétaires voisins lui signalèrent que les travaux entrepris
dépassaient les simples travaux d'entretien et qu'il s'agissait plutôt
d'une rénovation fondamentale; ils demandaient en conséquence que ces
travaux soient suspendus. Le Département leur fit savoir, après contrôle
sur place, que G. faisait effectuer des travaux d'entretien non soumis
à autorisation et qu'il n'avait donc pas de raison d'intervenir en
vue de les stopper. Sur quoi les voisins recoururent à la Commission
de recours instituée par la loi cantonale sur les constructions et
installations diverses (LCI), commission qui ordonna l'arrêt immédiat
des travaux en cours. Cette autorité a notamment constaté que dès lors
que la toiture avait été démolie et que le dernier étage avait disparu,
il ne s'agissait plus de travaux d'entretien. Le Département invita alors
G. à déposer une demande d'autorisation de construire en bonne et due
forme, accompagnée d'un descriptif détaillé des travaux déjà exécutés
et de ceux encore prévus. Cette nouvelle demande fut mise à l'enquête
publique et suscita l'opposition des deux voisins. Ceux-ci invoquaient
en substance une violation des règles sur les distances aux limites et
une surélévation inadmissible de l'immeuble. Après inspection locale, le
Département accorda l'autorisation sollicitée, décision qui a toutefois
été annulée, sur intervention des voisins, par la Commission cantonale
de recours. Selon cette dernière, le Département ne pouvait permettre une
démolition suivie de reconstruction, les normes applicables à la zone en
question n'autorisant pas un bâtiment d'habitation de trois appartements
sur trois niveaux; le propriétaire ne pouvait donc, en l'état, que rénover
son bâtiment sur deux niveaux et la charpente du toit devait être abaissée
en conséquence.

    Sur recours de G., le Tribunal administratif du canton de Genève
annula la décision de la Commission LCI et confirma l'autorisation de
construire. Comme l'immeuble avait été édifié au début du siècle et qu'il
ne correspondait plus à la législation en vigueur dans la zone où il
était actuellement situé, le problème qui se posait, selon le tribunal,
était celui de la "protection de la possession". Se référant alors aux
définitions données à propos de l'art. 24 al. 2 LAT, il a retenu que
les travaux litigieux consistaient à la fois en une rénovation et en
une transformation très partielle. En outre, les intérêts en présence
étaient essentiellement de nature privée, l'intérêt public paraissant peu
concerné; il se justifiait dans le cas particulier de trancher en faveur
du propriétaire G.

    Agissant par la voie du recours de droit public, les deux voisins ont
requis le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif. Ils
ont invoqué une violation arbitraire des normes cantonales sur les
distances aux limites et de règles de procédure sur l'établissement
des faits. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il
était recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- La première question qui se pose est de déterminer dans quelle
mesure une construction édifiée sous l'empire de dispositions depuis lors
abrogées ou modifiées peut être maintenue, entretenue, éventuellement
rénovée, transformée, agrandie voire complètement reconstruite, quand
bien même par hypothèse elle n'est plus conforme au droit actuellement
en vigueur.

    a) Lorsque la construction est située désormais en dehors des
zones à bâtir, la question est réglée en principe par l'art. 24 al. 1
LAT. Toutefois, selon l'al. 2 de cette même disposition, le droit
cantonal peut autoriser la rénovation, la transformation partielle ou la
reconstruction de l'immeuble pour autant que ces travaux soient compatibles
avec les exigences majeures de l'aménagement du territoire. En revanche,
lorsque la construction est située, comme en l'espèce, à l'intérieur
d'une zone à bâtir, le problème relève du droit cantonal, sous la seule
réserve des exigences prévues par l'art. 22 LAT. La liberté des cantons
dans ce domaine est toutefois limitée.

    En effet, la jurisprudence a déduit à la fois de la garantie de la
propriété (art. 22ter Cst.) et du principe de la non-rétroactivité des
lois une protection de la situation acquise (Besitzstandsgarantie),
qui postule que de nouvelles dispositions restrictives ne puissent
être appliquées à des constructions autorisées conformément à l'ancien
droit que si un intérêt public important l'exige et si le principe de la
proportionnalité est respecté (arrêt non publié Achermann du 14 juillet
1982 consid. 4 et la doctrine citée). Cette protection de la situation
acquise ne constituant qu'un minimum, les cantons sont certes libres
de l'assurer dans une mesure plus étendue. Ils ne sauraient cependant,
en autorisant sans restriction non seulement le maintien et l'entretien
normal, mais la rénovation, la transformation, l'agrandissement voire
la reconstruction totale d'un ancien bâtiment, aller à l'encontre des
exigences majeures de l'aménagement du territoire.

    La manière dont ce problème a été réglé par les diverses législations
cantonales varie d'un canton à l'autre. Certains cantons sont très
restrictifs, tels St-Gall, qui autorise seulement le maintien et
l'entretien normal (cf. ZEMP, Kommentar zum Baugesetz des Kantons
Sankt-Gallen vom 6. Juni 1972, p. 10 à 13) et Argovie (Baugesetz du 2
février 1971, par. 224 al. 2), qui n'autorise que les travaux d'entretien
et de modernisation, cette disposition étant toutefois appliquée de manière
relativement large (ZBl 1976 p. 152 ss; cf. également ZIMMERLIN, Baugesetz
des Kantons Aargau p. 563 ss, spécialement p. 568 ss). D'autres cantons
protègent la situation acquise dans une mesure plus étendue: ainsi Glaris
(transformations autorisées pour permettre une amélioration raisonnable,
à l'exclusion de tout accroissement des possibilités d'utilisation;
Baugesetz du 4 mai 1952, art. 31); Vaud (les bâtiments frappés d'une autre
restriction que l'alignement peuvent, s'ils respectent la destination
de la zone, être transformés mais non pas agrandis ni reconstruits,
art. 28 al. 1 LCAT; cf. BOVAY, Le permis de construire en droit
vaudois p. 141/142); Tessin (seuls sont exclus les transformations ou
agrandissements substantiels ou encore la modification substantielle de
l'affectation primitive; cf. SCOLARI, Commentario della legge edilizia
ticinese, n. 27 ss ad art. 44); Berne (transformations et agrandissements
autorisés pour autant que le caractère anti-règlementaire des bâtiments
en question ne s'en trouve pas aggravé; cf. GRUTTER, Kurzkommentar zum
neuen Baugesetz des Kantons Bern, p. 23/24).

    En droit genevois, l'art. 15 al. 2 LCI permet au Département de déroger
aux dispositions de la loi relative aux distances entre bâtiments et aux
vues droites afin de permettre l'aménagement de locaux d'habitation dans
les combles de maisons dont la construction a été autorisée avant le 7 mai
1961, pour autant que le gabarit des toitures n'en soit pas modifié, que
les nouveaux locaux remplissent les conditions de salubrité et de sécurité
requises par leur destination et enfin que le caractère, l'harmonie et
l'aménagement du quartier et le caractère esthétique de la construction
autorisent cette mesure. En outre, selon l'art. 16 LCI, le Département
peut, lorsque les circonstances le justifient et s'il n'en résulte pas
d'inconvénients graves pour le voisinage, déroger aux dispositions de
l'art. 11 quant à la destination des constructions; hors des zones à bâtir,
cette dérogation ne peut toutefois être accordée que si l'emplacement de
la construction prévue est imposé par sa destination et si elle ne lèse
aucun intérêt prépondérant, notamment du point de vue de la protection de
la nature et des sites ainsi que du maintien d'exploitations agricoles;
hors des zones à bâtir, la rénovation de constructions ou d'installations,
leur transformation partielle ou leur reconstruction peut, de plus, être
autorisée si les travaux sont compatibles avec les exigences majeures de
l'aménagement du territoire. En revanche, il n'existe en droit genevois
aucune disposition relative au sort des constructions sises à l'intérieur
des zones à bâtir mais qui seraient contraires à la fois à la destination
de la zone où elles se trouvent et aux règles applicables dans cette zone,
ou seulement à ces dernières règles.

Erwägung 3

    3.- a) (Mise au bénéfice de la protection de la situation acquise
d'un bâtiment non conforme aux règles de la zone, mais qu'on a ainsi
toléré pendant près de 70 ans (cf. ATF 107 Ia 121) jugée non arbitraire.)

    c) C'est manifestement à tort que les recourants reprochent au
Tribunal administratif d'avoir qualifié les travaux exécutés ou à
exécuter de travaux d'entretien. En effet, la juridiction cantonale
a expressément retenu qu'il s'agissait à la fois d'une rénovation,
"puisque l'on désire rétablir dans son premier état un ouvrage ayant subi
l'usure du temps", et d'une transformation partielle, "dans la mesure où
l'aménagement intérieur de l'étage supérieur sera nécessairement modifié
par rapport à l'état antérieur." Le Tribunal administratif a ajouté que
cette transformation était très partielle dans la mesure où pour une
personne regardant l'immeuble depuis l'extérieur, ce qui est le cas des
voisins, les travaux ne modifieraient en rien la situation, puisque le
volume, l'apparence et le but de l'ouvrage resteraient semblables et que
l'affectation du sol ne serait nullement modifiée. Il en a conclu que
l'on se trouvait véritablement en présence d'un cas limite.

    Il ressort de ces considérations que l'autorité intimée a
implicitement admis que des travaux de rénovation et, dans la mesure où
ils ne dépassaient pas certaines limites, des travaux de transformation
étaient encore couverts par la protection de la situation acquise. Les
recourants ne prétendent pas que cette conception serait clairement
contraire à des dispositions déterminées du droit genevois et, pour cette
raison, arbitraire. A vrai dire, la solution retenue par le Tribunal
administratif, qui correspond d'ailleurs à celle consacrée par diverses
législations cantonales, ne saurait être taxée d'arbitraire. Comme on
l'a vu, s'agissant d'un bâtiment situé à l'intérieur d'une zone à bâtir,
le droit genevois ne contient aucune règle précise. Or, pour un bâtiment
situé en dehors de la zone à bâtir, ce même droit prévoit expressément la
possibilité d'une rénovation, d'une transformation partielle voire d'une
reconstruction pour autant que les travaux soient compatibles avec les
exigences majeures de l'aménagement du territoire; il n'était donc pas
insoutenable de considérer qu'il pouvait en aller de même s'agissant d'un
bâtiment situé dans une zone à bâtir, mais qui n'était plus conforme aux
règles de cette zone.

    d) Il convient d'ajouter que le Tribunal administratif n'a
nullement affirmé que des travaux de rénovation et des travaux limités de
transformation partielle seraient admissibles dans tous les cas. Il s'est
au contraire livré à une mise en balance des intérêts en présence. A cet
égard, les recourants affirment que les travaux auraient pour effet de
rehausser le bâtiment, que la construction du mur de briques modifierait
l'affectation du sol sur un pourtour de 10 cm et que le volume de l'ouvrage
s'en trouverait accru.

    Il ressort du dossier que, suite à la réfection de la charpente selon
une conception modifiée, le niveau des sablières se trouve surélevé
de 5 cm par rapport à celui de la sablière en place précédemment et
que tout l'immeuble est doublé par un revêtement de briques de 8 à 10
cm, l'architecte ayant mis en place des ceinturages en béton armé pour
assurer le maintien de ce doublage (procès-verbal de l'inspection locale
du 13 décembre 1983). On ne saurait prétendre sérieusement que le Tribunal
administratif ait ignoré ce double fait. Il n'a d'ailleurs jamais affirmé
que le volume, l'apparence et le but de l'ouvrage demeureraient identiques,
mais simplement que ces éléments resteraient semblables. Il en a donc
déduit que, pour une personne regardant l'immeuble depuis l'extérieur,
ce qui était le cas des voisins G. et B., les travaux ne modifieraient
en rien la situation. Compte tenu du caractère en définitive minime
de l'augmentation de volume et de hauteur, cette déduction correspond
bien à la réalité et échappe au grief d'arbitraire. Cela étant, on ne
saurait reprocher au Tribunal administratif d'avoir admis que l'intérêt
du propriétaire au maintien de son immeuble l'emportait clairement sur
celui des recourants à le voir disparaître. Quant à l'intérêt public,
l'autorité intimée a considéré qu'il paraissait assez peu concerné, vu la
proximité immédiate d'une ancienne usine à gaz et d'entrepôts d'une grande
entreprise de construction. A ses yeux, le bâtiment litigieux ne pouvait
donc enlaidir particulièrement le paysage; son maintien ne perturbait,
au demeurant, aucun but d'aménagement du territoire.

    Les recourants taxent d'arbitraire l'appréciation du Tribunal sur la
qualité et l'esthétique du quartier. A supposer qu'ils aient qualité pour
soulever un tel grief, ce qui est douteux (cf. ATF 110 Ia 74 consid. 1,
106 Ia 332/333 consid. 2a/b), leurs critiques s'avèrent de toute façon
infondées. Il résulte en effet des photographies produites par les
recourants eux-mêmes en procédure cantonale que la valeur esthétique du
quartier n'est pas telle, ni la qualité de son environnement immédiat
si remarquable qu'un intérêt public important exigerait la disparition
immédiate du bâtiment en question. Cette disparition ne saurait en aucun
cas suffire à rétablir l'unité de ce quartier.

Erwägung 4

    4.- a) (Dès lors que les travaux litigieux pouvaient être considérés
comme étant encore couverts par la protection de la situation acquise,
ils devaient pouvoir être autorisés quand bien même le bâtiment ne
respectait pas et continuerait à ne pas respecter les règles sur les
distances aux limites, le coefficient d'occupation au sol et le nombre
maximum de logements admissible dans la zone concernée.)

    b) (Une autorisation spéciale de démolir (art. 1er al. 1 let. c
LCI) n'était pas nécessaire, car il s'agissait d'une opération unique
de réfection impliquant le démontage et l'enlèvement préalables de la
charpente en place, opération qui a été dûment autorisée sur la base de
l'art. 1er al. 1 let. b LCI.)

    c) (La mise au bénéfice de la protection de la situation acquise
dispensait l'autorité cantonale de se prononcer sur d'autres griefs
des voisins concernant le respect de certaines normes de la police
des constructions, celles-ci ne s'appliquant précisément pas au cas
d'espèce. Sur ce point, l'autorité cantonale n'a pas violé son obligation
de motiver la décision attaquée.)

    d) (Rejet du grief de violation du droit d'être entendu: l'autorité
cantonale disposait dans le dossier d'éléments suffisants et plus précis
que ceux qui auraient pu résulter des témoignages requis.)

    e) (Omission d'établir le procès-verbal d'une inspection locale; les
recourants ne démontrent pas en quoi cette irrégularité aurait influé sur
la décision du tribunal ou les aurait eux-mêmes entravés dans la défense
de leurs droits.)