Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 112 II 390



112 II 390

65. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 18 septembre 1986 dans
la cause dame X. contre X. (recours en réforme) Regeste

    Gütergemeinschaft; Ehevertrag; Rechtsmissbrauch (Art. 226 und Art. 2
Abs. 2 ZGB).

    Bei Gütergemeinschaft kann das Gesamtgut (unter Vorbehalt des
den Nachkommen des vorverstorbenen Ehegatten zustehenden Viertels)
durch Ehevertrag vollumfänglich dem überlebenden Ehegatten zugewiesen
werden, gleichgültig, wieviel jeder einzelne Ehegatte zu dessen
Schaffung beigetragen hat. Rechtsmissbrauch liegt nur dann vor, wenn
der Ehevertrag mit dem einzigen Zweck abgeschlossen wurde, die andern
Erben des vorverstorbenen Ehegatten, insbesondere die Nachkommen aus
einer früheren Ehe, zu schädigen. Art. 2 Abs. 2 ZGB ist um so mehr mit
Zurückhaltung anzuwenden, als bei Gütergemeinschaft durch Ehevertrag
in den ordentlichen Pflichtteil der Nachkommen eingegriffen werden kann
und der Gesetzgeber den güterrechtlichen Pflichtteil als ausreichenden
Schutz betrachtet. Die Schädigungsabsicht muss somit offensichtlich sein
(Präzisierung der Rechtsprechung).

Sachverhalt

    A.- Jean X., né en 1952, est issu du mariage de Paul X. et de Dominique
Y. Le divorce des époux X.-Y. a été prononcé en 1968; l'autorité parentale
sur Jean X. a été confiée à son père. En 1971, Paul X. a épousé en secondes
noces Heidi Z.

    a) Au cours de la liaison qui a précédé ce second mariage, les
rapports se sont détériorés profondément entre père et fils, qui ne se
sont pratiquement plus revus pendant longtemps depuis l'été 1973, au
cours duquel le second quitta la villa du premier, à Montreux, pour aller
habiter Zurich, où il a fait ses études supérieures. Heidi X. a cherché à
renouer les liens, mais ses démarches ont eu peu de succès. Les contacts
n'ont repris que lorsque Paul X. est tombé malade: Jean X. a alors rendu
visite à son père à plusieurs reprises.

    Dès 1975 en effet, Paul X. a dû se soumettre à des traitements médicaux
plus ou moins réguliers à la division oncologique du Centre universitaire
hospitalier vaudois (CHUV), notamment à une cure de chimiothérapie tous
les mois ou tous les deux mois. Selon le responsable de ce service,
il a toujours été bien informé de sa maladie, dont la phase initiale
(lymphome malin diffus) a été constatée à l'Institut de pathologie du
CHUV le 11 juin 1979, et il la comparait à celle du dernier Shah d'Iran,
qui en est décédé; il pouvait donc se faire une idée de l'issue possible
(décès), le diagnostic lui étant connu depuis le 7 novembre 1979; il savait
la gravité du mal dont il souffrait et, partant, le risque sérieux d'une
évolution fatale inéluctable auquel il était exposé. Mais, au début de
l'affection, le patient a cru à sa guérison et continuait de travailler.

    Durant toute la vie conjugale, Heidi X. n'a cessé de soutenir et
d'encourager son mari. Elle disposait des mêmes informations médicales
que lui, mais ignorait que le décès était imminent.

    b) Le 8 avril 1981, les époux X. ont conclu en la forme authentique,
dans leur commune d'origine, un contrat intitulé "contrat de mariage et
pacte successoral", que la Justice de paix du cercle de Montreux a approuvé
le 14 avril 1981. Ce document contient notamment les clauses suivantes:

    [I.]

    "Nous, les conjoints, adoptons en tant que régime matrimonial
   désormais valable la communauté de biens universelle, conformément aux
   art. 215 ss du code civil suisse. La communauté de biens remplace le
   régime matrimonial légal de l'union des biens auquel nous étions soumis
   jusqu'ici et réunit en un seul patrimoine la fortune et les revenus
   de chacun des époux, qui appartiennent indivisément et totalement
   aux parties.

    [II.]

    Fondés sur l'art. 226, al. 1, CCS et en dérogation à la
   réglementation prévue par l'art. 225 CCS, nous convenons, en vue du
   cas du prédécès du mari, que l'épouse survivante recevra en toute
   propriété trois quarts de la fortune totale et que l'immeuble inscrit
   au registre foncier au nom du mari sera transféré à son nom, à titre
   de propriétaire unique.

    L'épouse survivante bénéficiera de l'usufruit viager du quart de la
   fortune totale qui reviendra au fils issu du premier mariage du mari
   ou à ses descendants.

    Au cas où le mari décéderait sans laisser de descendants, la
   propriété de la totalité de la communauté serait dévolue à l'épouse
   survivante."

    Il était en outre convenu qu'en cas de prédécès de l'épouse le mari
recevrait la moitié de la communauté (art. 225 al. 1 CC), plus l'autre à
titre fidéicommissaire, les appelés étant les enfants d'un premier mariage
de la femme. Enfin, des dispositions purement successorales favorisaient
le conjoint survivant et les descendants de l'épouse.

    Le régime de la communauté de biens ainsi adopté ne correspondait en
rien à la situation économique des époux, le seul apport - la villa de
Montreux, que le fisc estimait à 320'000 fr. en 1981 - étant fourni par
le mari.

    c) Paul X. est décédé le 16 décembre 1981. Sa succession s'est ouverte
à Montreux.

    d) Par demande déposée le 30 mars 1983, Jean X. a requis la Cour
civile du Tribunal cantonal vaudois de prononcer la nullité du contrat
du 8 avril 1981.

    La défenderesse a conclu à libération, au bénéfice de l'offre de
renoncer à l'usufruit sur le quart de la succession revenant au demandeur.

    B.- Par jugement du 19 décembre 1985, la Cour civile a constaté
la nullité du contrat du 8 avril 1981. Cette décision est motivée, en
substance, comme il suit:

    Paul X. a toujours été parfaitement bien informé de sa maladie. Au
moment de signer le contrat du 8 avril 1981, même s'il n'était pas
conscient d'un décès imminent, il connaissait la gravité du mal dont
il souffrait et, partant, le risque sérieux d'une évolution fatale
auquel il était exposé. Alors qu'ils étaient mariés depuis 1971, les
époux X.-Z. n'ont songé que dix ans plus tard à adopter le régime de la
communauté, qui ne correspondait nullement à leur situation économique. On
doit dès lors considérer que le seul but visé par les conjoints était de
déterminer à l'avance les conséquences financières du décès de Paul X. Le
fait que celui-ci était en mauvais termes avec son fils explique qu'il
ait pu consentir à le léser en passant le contrat litigieux, favorable
à la défenderesse. Au surplus, on ne voit pas quels effets entre vifs de
ce contrat les époux auraient pu envisager; il n'est notamment pas établi
qu'ils s'attendaient à devoir répartir entre eux une augmentation des biens
de l'un d'eux, ni qu'ils cherchaient à accroître leur crédit à l'égard
des tiers. Cela étant, on doit admettre que le contrat du 8 avril 1981,
destiné uniquement à éluder les règles sur la réserve des descendants,
est entaché d'abus de droit et, partant, nul.

    C.- Heidi X. a recouru en réforme au Tribunal fédéral. Elle demandait
que le contrat du 8 avril 1981 ne fût pas déclaré nul, en renonçant
expressément à se prévaloir de l'usufruit sur le quart de la succession
qui revient à l'intimé.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours dans son principe.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Dans le régime de la communauté de biens, au décès de l'un
des époux, la moitié de la communauté est dévolue au conjoint survivant,
l'autre moitié passant aux héritiers du défunt, sous réserve des droits
successoraux de l'autre époux (art. 225 al. 1 et 2 CC). Mais le contrat
de mariage peut prévoir un mode de partage autre que le partage par
moitié (art. 226 al. 1 CC), par exemple l'attribution de tous les biens
communs à l'époux survivant (ATF 99 II 11 consid. 4a et les références);
les descendants du conjoint prédécédé ont néanmoins droit, dans tous les
cas, au quart des biens communs existant lors du décès (art. 226 al. 2 CC).

    b) Toutefois, la liberté des époux de convenir d'un autre mode de
partage trouve sa limite dans l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC).

    aa) Selon l'arrêt Apolloni contre Apolloni et consorts, du 11 mai 1927
(ATF 53 II 98/99 consid. 6), il y a abus de droit lorsque deux époux qui
n'avaient jusqu'alors même pas pensé à conclure une convention dérogeant
au régime matrimonial légal adoptent un autre régime à un moment où la
dissolution de la communauté par le décès d'un conjoint apparaît imminente,
de telle sorte qu'il n'y a plus aucune raison de régler les conséquences
économiques de la vie commune, aux seules fins d'attribuer au conjoint
survivant, au détriment des héritiers légaux du conjoint qui est à la
veille de sa mort, une part des biens plus grande que la loi ne permet
de le faire par la voie normale d'une disposition pour cause de mort.

    Dans l'arrêt Traxel contre Stalder, du 29 septembre 1955 (ATF 81 II
422 ss consid. 4), le Tribunal fédéral, sans revoir cette jurisprudence
dans son principe, a précisé que, pour appliquer l'art. 2 al. 2 CC, il
ne suffisait pas que le but essentiel du contrat de mariage ait été de
favoriser le conjoint survivant. On ne saurait tout au plus parler d'un
abus de droit que si le contrat qui favorise ainsi le conjoint survivant
a été conclu dans des circonstances telles qu'il apparaisse exclu que le
régime matrimonial conventionnel puisse produire des effets entre vifs, en
d'autres termes lorsque les époux visaient uniquement, par la conclusion
du contrat, à avantager le contractant qui survivrait dans une mesure
plus grande que ne l'aurait permis une disposition pour cause de mort.

    bb) Cette jurisprudence, qui appréciait la situation lors de la
conclusion du contrat pour dire s'il y a abus de droit, a été critiquée
par la doctrine (cf. EGGER, Ehevertragliche Vereinbarungen über den
Vorschlag, ZGB Art. 214 Abs. 3, RSNRF 33 (1952) p. 179 ss; STOCKER, Zum
schweizerischen Ehegüterrecht, RDS 1957 II p. 381a/382a; MERZ, n. 552
ad art. 2 CC; LEMP, n. 20 ad art. 226 CC; KLAUS, Pflichtteilsrecht und
güterrechtliche Verfügungen, thèse Zurich 1971, p. 132). Se rangeant à
ces critiques, le Tribunal fédéral a admis, dans l'arrêt M.F. contre
G.F. et H.F., du 15 février 1973 (ATF 99 II 12/13 consid. 4c), que le
moment de la conclusion du contrat n'est pas décisif à lui seul. Il est
légitime, a-t-il dit, que les conventions relatives au partage de biens
matrimoniaux soient conclues en vue du décès, qui provoque la dissolution
du mariage; on ne saurait empêcher les époux d'adapter en tout temps, donc
également avant la mort imminente de l'un d'eux, leur régime matrimonial
aux circonstances: c'est précisément à ce moment qu'on peut souvent le
mieux apprécier la situation. Il n'y a abus de droit que si un contrat de
mariage vise uniquement à porter gravement préjudice aux intérêts d'autres
héritiers, surtout des enfants nés d'un premier mariage; pour en juger,
il faut apprécier l'ensemble des circonstances.

    Ces principes posés, le Tribunal fédéral a estimé que le contrat
conclu par les époux F. ne constituait pas un abus de droit (ATF 99
II 13/14 consid. 5). Les conjoints avaient adopté le régime de la
communauté peu avant le décès du mari, en traitement à l'hôpital pour
un mal incurable. Mais le mari, à qui la nature de son mal n'avait pas
été révélée, croyait qu'il guérirait et les médecins lui en laissaient
l'espoir; quant à la femme, elle savait que son époux ne pouvait plus
être sauvé, mais n'avait pas tiré parti de l'ignorance de celui-ci pour
l'amener à conclure un contrat qu'il n'aurait pas conclu s'il avait
connu la situation réelle: avant que le mari tombât malade, les époux F.
voulaient déjà adopter un régime matrimonial dérogeant au régime légal. Le
contrat ne lésait pas non plus les héritiers légaux du mari, à savoir sa
mère et son frère. Il correspondait à la situation économique des époux F.:
ceux-ci n'avaient guère d'apports; leurs biens consistaient essentiellement
dans le produit de l'exploitation d'un motel qu'ils avaient géré ensemble;
l'épouse avait apporté une contribution importante à cette exploitation.

Erwägung 3

    3.- Les données de l'affaire F. contre F. et celles du présent cas
diffèrent sensiblement. Néanmoins, on ne peut pas dire non plus qu'en
l'espèce, d'après l'ensemble des circonstances, le contrat de mariage
soit entaché d'abus de droit.

    a) Comme on l'a vu, l'art. 226 al. 1 CC donne aux époux la faculté de
prévoir un mode de partage autre que le partage par moitié, sous la seule
réserve, énoncée à l'al. 2, que les descendants du conjoint prédécédé
ont droit, dans tous les cas, au quart des biens communs existant lors
du décès. Pas plus qu'elle ne fait allusion au moment de la conclusion du
contrat, cette disposition légale n'indique les motifs légitimes du partage
conventionnel. Il est vraisemblable que les époux adopteront un mode
de partage autre que le partage par moitié pour rétablir un équilibre,
quand l'un des conjoints a contribué sensiblement plus que l'autre
à la constitution des biens communs; mais rien, dans le texte légal,
ne permet de restreindre ainsi le but du contrat de mariage: les époux
peuvent aussi, comme c'est d'ailleurs très souvent le cas, chercher, par
ce biais, à favoriser le conjoint survivant, en particulier afin d'assurer
sa situation matérielle ou de lui épargner un partage qui risquerait de
lui être pénible ou de lui porter un préjudice économique (cf. LEMP,
n. 5 ad art. 226 CC). Un tel souci est légitime: recourir au partage
conventionnel n'est nullement contraire au but de cette institution.
Le régime de la communauté implique, de par sa nature même, que les biens
appartiennent en commun aux deux époux, quelle qu'ait été la contribution
de chacun d'eux à leur formation; après le décès de l'un des conjoints,
ils peuvent donc être dévolus au seul époux survivant (sous réserve du
quart auquel ont droit les descendants du conjoint prédécédé), s'il en
a été convenu ainsi (cf. LEMP, n. 20 ad art. 226 CC).

    Pour qu'il y ait abus manifeste de droit au sens de l'art. 2 al. 2
CC, il faut que les conditions dans lesquelles le contrat a été conclu
excluent qu'il ait été passé en vue de produire des effets conformes à la
loi (cf. ATF 82 II 490/491, concernant une convention relative au partage
du bénéfice de l'union conjugale dans le régime de l'union des biens,
art. 214 al. 3 CC, et cité incidemment dans l'arrêt F. contre F.). C'est
pourquoi ne sera abusif que le contrat conclu uniquement dans l'intention
de porter préjudice aux autres héritiers du conjoint prédécédé, surtout
aux descendants d'un précédent mariage, soit dans le seul dessein de leur
nuire: ayant pour unique objet d'éluder les règles concernant la réserve,
un tel contrat consacrerait une fraude à la loi (cf. l'art. 527 ch. 4
CC). Il n'en irait pas ainsi, évidemment, si l'héritier réservataire
eût pu être déshérité par disposition pour cause de mort, conformément
à l'art. 477 CC.

    On ne saurait cependant perdre de vue que, contrairement à l'art. 214
al. 3 CC, l'art. 226 al. 2 CC assure expressément la protection des
descendants du conjoint prédécédé, en prescrivant qu'ils ont droit, dans
tous les cas, au quart des biens communs existant lors du décès. L'art. 2
al. 2 CC devra donc être appliqué avec d'autant plus de retenue qu'en
matière de partage conventionnel dans le régime de la communauté de biens
il est précisément possible d'entamer la réserve des descendants telle
qu'elle est fixée à l'art 471 ch. 1 CC. Dès lors, il faudra que le dessein
de nuire soit manifeste: tel sera le cas, pour donner un exemple extrême,
si un parent s'est marié uniquement en vue de conclure un contrat qui
lui permette de diminuer la réserve de ses descendants d'un premier
lit. L'évolution de la société marque d'ailleurs une tendance à la
protection accrue du conjoint survivant: la loi fédérale du 5 octobre
1984 concernant la modification du code civil suisse (effets généraux
du mariage, régime matrimonial et successions) (RO 1986 p. 122 ss),
qui entrera en vigueur le 1er janvier 1988 (RO 1986 p. 153), améliore
les droits successoraux du conjoint survivant aux dépens des descendants.

    b) En l'espèce, les constatations de l'arrêt déféré ne permettent pas
d'affirmer sans aucun doute que Paul X. ait cherché uniquement à porter
préjudice aux intérêts de son fils. D'après l'ensemble des circonstances,
il a plutôt obéi, avant tout, au souci d'assurer l'avenir de son épouse,
qui, durant toute la vie conjugale, n'avait cessé de le soutenir et
de l'encourager: connaissant la gravité du mal dont il souffrait et,
partant, le risque sérieux d'une évolution fatale auquel il était exposé,
il a avantagé dame X. en lui laissant la maison conjugale; ayant pris
conscience, à l'approche de la mort, des difficultés auxquelles sa
femme devrait faire face, il a tenté de les atténuer en évitant que ses
conditions de vie ne fussent par trop modifiées. Le contrat du 8 avril 1981
ne tombe donc pas sous le coup de l'art. 2 al. 2 CC. Dès lors que dame
X. a renoncé à l'usufruit sur le quart des biens communs existant lors
du décès, les prescriptions de l'art. 226 al. 2 CC sont respectées. La
convention litigieuse est donc valable.