Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 112 II 263



112 II 263

45. Arrêt de la Ire Cour civile du 20 mai 1986 dans la cause Alpina Watch
International AG c. Office fédéral de la propriété intellectuelle Regeste

    Markenrecht; zur Täuschung geeignete geographische Bezeichnung
(Art. 14 Abs. 1 Ziff. 2 MSchG).

    Keine Erneuerung der Marke "Alpina" für nicht aus der Schweiz stammende
Produkte der Uhrenindustrie.

Sachverhalt

    A.- Alpina Watch International AG a déposé le 31 mai 1985 une demande
de renouvellement de la marque "Alpina" No 208'645 pour des montres et
autres produits horlogers.

    Le 10 juillet 1985, l'Office fédéral de la propriété intellectuelle
(OFPI) a invité la requérante à restreindre le libellé de sa demande à des
produits de provenance suisse, sous peine de rejet, car la dénomination
"Alpina" constituait un renvoi aux Alpes et donc à la Suisse. La requérante
a contesté ce point de vue; l'Office a maintenu sa position dans l'échange
de correspondance qui a suivi.

    Par décision du 4 décembre 1985, l'OFPI a rejeté la demande de
renouvellement de la marque.

    B.- La requérante a formé un recours de droit administratif au
Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de la décision attaquée et
à l'enregistrement du renouvellement de la marque No 208'645 "Alpina",
tel qu'il a été demandé.

    Le Tribunal fédéral rejette le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- L'Office considère en substance que pour une partie non
négligeable du public suisse, vu la nature des produits en cause, la
dénomination "Alpina" évoque la Suisse comme lieu de fabrication par
opposition notamment au Japon ou à Hong Kong. Même en admettant que cette
dénomination constitue un renvoi à tous les pays alpins, le consommateur
suisse pense d'abord à la Suisse, vu la position dominante occupée en
Europe par l'industrie horlogère de ce pays. L'indication "Alpina" serait
donc trompeuse si elle était appliquée à des produits étrangers. Elle ne
peut dès lors être acceptée qu'avec une limitation à des produits suisses.

    La recourante conteste l'existence d'un risque d'erreur dans le
public. Elle fait notamment valoir que la désignation litigieuse n'évoque
l'idée de la Suisse que par le détour de l'image des Alpes, lesquelles
englobent au moins six pays européens dont certains sont producteurs
d'horlogerie, que plusieurs produits étrangers ont été ou sont vendus en
Suisse sous la marque Alpine ou Alpina et que "vouloir limiter l'usage
de la marque Alpina à des produits exclusivement suisses priverait la
recourante de droits acquis et exercés depuis des décennies et créerait
en outre une inégalité entre elle et plusieurs de ses concurrentes".

Erwägung 2

    2.- a) Dans un arrêt du 5 février 1985, publié dans la Feuille suisse
des brevets, dessins et marques (FBDM) 1985 I 54 ss, le Tribunal fédéral
s'est prononcé sur le risque de tromperie présenté par le mot "Alpine",
utilisé comme marque pour des appareils enregistreurs. Cet arrêt considère
notamment qu'une marque comportant une désignation géographique ne peut
tromper le public - et, partant, être contraire aux bonnes moeurs au
sens de l'art. 14 al. 1 ch. 2 LMF - que si elle est propre à renseigner
sur la provenance de la marchandise. Une tromperie est cependant exclue
s'il s'agit d'un terme de fantaisie ou symbolique, dont on peut se rendre
compte d'emblée qu'il est sans rapport avec l'origine de la marchandise
(consid. 1). Une désignation comportant un nom de montagne, ou de chaîne de
montagnes comme les Alpes, n'est pas en soi exclue comme marque. L'effet
qu'elle peut produire sur l'acheteur suisse moyen est déterminant pour
savoir si elle indique la provenance du produit ou si elle n'est qu'un pur
terme de fantaisie (consid. 2c). Appliquée à des appareils enregistreurs,
l'indication "Alpine" - qui évoque clairement les Alpes, tout comme les
termes "Alpina" et "Alpes" - n'éveille pas chez l'acheteur suisse moyen
l'idée que ces appareils auraient un lien quelconque avec les Alpes et
qu'ils proviendraient d'une région alpine, ce qui pourrait être le cas,
par exemple, s'il s'agissait de produits laitiers (consid. 2d). Pour
des produits qui ne sont ni spécifiquement suisses ni de provenance
spécifique d'un pays alpin, le mot "Alpine" ne renferme pas non plus une
référence indirecte à la Suisse ou aux pays alpins. D'ailleurs, à l'heure
actuelle, le terme "alpin", quelle que soit sa terminaison liée à la langue
utilisée, ne désigne pas uniquement les Alpes, mais les hautes montagnes
en général; ce terme ne permet donc pas de faire un lien avec certains
pays déterminés. Le mot "Alpine" apparaît dès lors comme une désignation
de fantaisie excluant tout risque de tromperie (consid. 2e). A supposer
enfin qu'un doute subsiste quant à l'aptitude de la désignation "Alpine"
à être protégée comme marque, il appartient à l'autorité administrative
d'en autoriser l'enregistrement, sous réserve de l'examen de la marque
par le juge civil (consid. 2f).

    Il ressort de ce qui précède que pour des produits qui n'ont aucun
lien particulier avec les Alpes, les pays ou les régions alpines, une
marque "Alpine" ou "Alpina" doit être considérée comme dépourvue d'effets
trompeurs sur l'acheteur suisse moyen et constitue une pure désignation
de fantaisie.

    b) La jurisprudence relative aux marques contenant une désignation
géographique est dominée par le principe selon lequel le terme utilisé
ne doit pas éveiller, même indirectement, l'idée de provenance chez
le consommateur.

    Or, lorsqu'il s'agit de montres et de produits horlogers, la
désignation "Alpina" évoque, en tout cas chez le consommateur suisse, une
idée de provenance non seulement de la région des Alpes proprement dites,
mais également et surtout de la Suisse. Ce pays est en effet considéré,
au moins par ses ressortissants, comme le pays alpin par excellence. Le
lien entre les Alpes et la Suisse, et vice versa, est évident, tant au
point de vue historique que symbolique. Si ce lien n'apparaît pas lorsque
l'on a affaire à des produits qui n'ont rien de spécifiquement suisse, il
en va tout autrement lorsqu'il s'agit d'un produit de l'horlogerie, domaine
dans lequel la Suisse jouit de la plus haute réputation. La désignation des
Alpes, pour un tel produit, suscite indiscutablement, chez le consommateur
suisse en particulier, une association d'idées avec la Suisse. Peu
importe à cet égard que les produits horlogers soient géographiquement,
à l'intérieur du pays, liés au Jura et aux régions jurassiennes, et non
pas aux Alpes. La réalité de l'association qui se fait entre la marque
"Alpina", apposée sur un produit horloger, et la Suisse exclut que l'on
puisse considérer ce terme, dans ce cas, comme une désignation de fantaisie
(cf. les cas publiés aux ATF 93 I 570 ss (Trafalgar-tabacs-Angleterre)
et 91 I 51 ss (Monte Bianco-parfums-France); cf. aussi MARBACH, Die
eintragungsfähige Marke, thèse Berne 1984, p. 71). Il existe ainsi un
risque de tromperie, qui s'oppose à l'enregistrement de la marque "Alpine"
pour des produits horlogers ne provenant pas de Suisse.

    Il n'y a pas lieu d'examiner si cette marque pourrait être admise pour
des produits provenant non pas seulement de Suisse, mais des autres pays
de l'arc alpin, car la recourante n'a pris aucune conclusion dans ce sens,
ni soumis à l'Office de proposition subsidiaire correspondante.

    c) Les considérations de l'arrêt précité concernant le sens
large du terme "alpin" dans son acception actuelle, et l'existence
de massifs montagneux pouvant être qualifiés comme tels même dans
des pays extra-européens, sont sans pertinence s'agissant de produits
horlogers. Appliquée à ces produits, la désignation "Alpina" suscite
auprès du consommateur suisse une association d'idées avec la Suisse et
non pas avec la haute montagne ou avec d'autres pays lointains même dotés
de massifs alpins (cf. ATF 96 I 254 consid. 4, concernant le mot "Pussta"
qui, pour de la moutarde, évoque la puszta hongroise, la Hongrie et sa
cuisine relevée, et non pas l'Autriche qui a pourtant aussi une puszta;
ATF 93 I 572 s. consid. 5 pour la désignation "Trafalgar", qui est associée
à l'Angleterre, bien que le nom vienne en réalité d'Espagne).

    d) La présente espèce ne constitue pas un cas limite, qui permettrait
de tolérer l'enregistrement de la marque litigieuse sans restriction. En
effet, comme le relève justement l'Office dans ses observations, il
convient d'examiner la marque selon des critères plus sévères lorsque
le pays évoqué par la désignation géographique bénéficie d'une grande
réputation pour les produits en cause, ce qui est le cas ici (cf. LEISS, in
Festschrift zum 100jährigen Bestehen der Firma E. Blum & Co, Patentanwälte,
Zurich 1978, p. 243).

Erwägung 3

    3.- a) Le fait que la marque litigieuse a déjà été enregistrée à
trois reprises sans réserve quant au lieu de provenance des produits
ne confère à la recourante aucun droit à un renouvellement de la marque
telle qu'elle était enregistrée. La marque doit être examinée de la même
manière que lors d'un premier enregistrement, et l'Office s'écartera, le
cas échéant, d'une pratique antérieure erronée ou dont un changement de
circonstances justifie la modification (FBDM 1971 I 84 ss consid. 1; ATF 70
I 299 s. consid. 4b; cf. aussi ATF 91 I 359 consid. 6 et les arrêts cités).

    En l'espèce, la restriction litigieuse aurait été justifiée déjà
lors des enregistrements antérieurs. Au surplus, la nécessité s'en est
plus particulièrement fait sentir depuis quelques années, en raison
du développement, même auprès de maisons suisses, d'une division
internationale du travail et d'une fabrication à l'étranger, dans des
régions souvent éloignées de la Suisse et des Alpes.

    b) Peu importe que des automobiles de marque "Alpine" ou "Alpina"
soient vendues en Suisse depuis plusieurs années sans opposition puisque
la Suisse n'a pas d'industrie automobile et qu'aucune association d'idées
particulière, quant à la provenance, ne risque donc de se produire auprès
du consommateur suisse entre une automobile, les Alpes et la Suisse.

    c) Enfin, l'argument selon lequel des marques suisses réputées sont
apposées sur des produits horlogers fabriqués à l'étranger est sans
pertinence en l'espèce, dans la mesure où ces marques ne contiennent
aucun élément géographique.