Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 112 II 149



112 II 149

27. Arrêt de la Ire Cour civile du 1er juillet 1986 dans la cause Société
immobilière C. contre A. et consorts (recours en réforme) Regeste

    Art. 14-15 BMM, 7 VMM. Mietzinserhöhung bei einer Altbaute.
Übersetzter Ertrag?

    Die Vermutung gemäss Art. 15 BMM kann umgestossen werden, wenn der
Mieter besondere Umstände dartut, aus denen sich ergibt, dass der Mietzins
trotzdem i.S. von Art. 14 missbräuchlich ist (E. 1b). Indizien für die
Missbräuchlichkeit sind im vorliegenden Fall die fehlende Anpassung
der Mietzinse an mehrere Senkungen des Hypothekarzinssatzes und eine
Mietzinserhöhung, die kurz nach einer Vereinbarung über eine erste Erhöhung
und nach Abschluss neuer Mietverträge mitgeteilt worden ist (E. 1c).

    Der nach Art. 14 Abs. 1 BMM zulässige Ertrag bestimmt sich allein nach
dem vom Eigentümer im Gebäude investierten Eigenkapital (E. 2a). Der Ertrag
aus dem Eigenkapital ist in der Regel zulässig, solange er den Zinssatz der
Grossbanken für erste Hypotheken nicht um mehr als 1/2% übersteigt (E. 2b).

    Bestimmung des Eigenkapitals; Anwendung des Kriteriums der
quartierüblichen Mietzinse (Art. 15 Abs. 1 lit. a BMM, 7 VMM) im Rahmen
der Festsetzung des zulässigen Mietzinses bei einer Altbaute gemäss
Art. 14 BMM (E. 3).

Sachverhalt

    A.- La Société immobilière C. est propriétaire d'un bâtiment
locatif construit en 1958/59, à Bulle. En novembre 1980, elle notifia
aux locataires une hausse de loyer qui ne fut pas acceptée. Les parties
parvinrent à un arrangement en août 1981: les loyers furent augmentés en
moyenne de 8,3% à partir du 1er juillet 1981; les motifs indiqués étaient
"l'augmentation sensible des charges d'exploitation de l'immeuble ainsi
que l'évolution de l'indice du coût de la vie" et la bailleresse précisait
dans une circulaire du 25 août 1981, contresignée par les locataires:
"En fait cette hausse n'est pas du tout due à l'évolution des taux
hypothécaires." Au cours des mois de septembre et d'octobre 1981, les
parties signèrent de nouveaux baux pour une durée d'un an dès le 1er
juillet 1981, sur la base du loyer admis au mois d'août 1981.

    Le 10 février 1982, la bailleresse notifia aux locataires une hausse de
loyer de 14% dès le 1er juillet 1982. Les motifs de hausse étaient ainsi
énoncés: "art. 15b hausse du taux hypothécaire à 6%, art. 15d maintien
du pouvoir d'achat du capital exposé aux risques, art. 15b évolution des
charges, autres motifs de hausse réservés".

    B.- Onze locataires ayant contesté cette hausse, la bailleresse a
ouvert action pour faire constater que la majoration était justifiée.

    Le Président du Tribunal de la Gruyère a rejeté l'action par jugement
du 25 mai 1984.

    Le 31 janvier 1985, la Cour civile du Tribunal cantonal de l'Etat de
Fribourg a rejeté un recours de la demanderesse et confirmé le jugement
de première instance.

    C.- La demanderesse recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle
conclut principalement à la réforme de l'arrêt attaqué en ce sens qu'il
est constaté que les hausses de loyer notifiées le 10 février 1982 ne
sont pas abusives selon les art. 14 et 15 AMSL et qu'elles sont dès
lors admissibles et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'instance
cantonale pour "complément et nouveau jugement".

    Le Tribunal fédéral admet le recours partiellement, annule l'arrêt
attaqué et renvoie la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement
dans le sens des considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Considérant que la baisse du taux de l'intérêt hypothécaire,
de 6 à 4% entre 1974 et le 1er avril 1980, n'avait pas été répercutée sur
les loyers, que ceux-ci avaient été augmentés en moyenne de 8,3% à partir
du 1er juillet 1981 et que la bailleresse avait notifié aux locataires,
à peine six mois plus tard, une hausse de 14% qui devait entrer en vigueur
le 1er juillet 1982, qu'elle avait de surcroît passé de nouveaux contrats
de bail avec les défendeurs le 21 août 1981, la cour cantonale admet
que les conditions posées par la jurisprudence pour que l'on s'écarte de
la présomption - non absolue - posée par l'art. 15 AMSL sont réalisées;
il y a dès lors lieu d'examiner si les loyers litigieux procurent à la
bailleresse un rendement admissible ou excessif, au sens de l'art. 14 AMSL.

    b) L'art. 14 AMSL prohibe les loyers abusifs, soit ceux qui procurent
un rendement excessif (al. 1) ou qui sont fondés sur un prix d'achat
manifestement exagéré (al. 2). L'art. 15 énumère un certain nombre de cas
dans lesquels le loyer est présumé n'être pas abusif. La jurisprudence a
déduit de l'analyse de ces deux dispositions que la présomption posée par
l'art. 15 peut être renversée si le locataire établit des circonstances
particulières qui permettent d'admettre que le loyer est néanmoins abusif
au sens de l'art. 14 (ATF 108 II 137, 103 II 48 ss, 102 Ia 22).

    S'agissant d'adaptation du loyer fondée sur une modification des
bases de calcul de celui-ci (art. 15 al. 1 lettres b et d, 19 AMSL), le
Tribunal fédéral a jugé que le dernier loyer fixé conventionnellement est
réputé avoir procuré au bailleur, en vertu du principe de la confiance,
une couverture convenable de ses charges et un rendement normal du capital
investi dans l'immeuble (ATF 108 II 138 s., 106 II 157, 359 s.). Il suffit
alors de tenir compte des modifications des bases de calcul survenues
depuis la dernière fixation de loyer pour déterminer le nouveau loyer
admissible. Dans le cadre de l'application de cette méthode, dite relative,
l'existence de motifs justifiant une hausse de loyer selon l'art. 15 AMSL
ne prive pas non plus le locataire de la faculté de prouver que le loyer
majoré procure au bailleur un rendement excessif et qu'il est partant
abusif au sens de l'art. 14 (arrêt du Tribunal fédéral S.I. Ciel-Bleu
"B" c. dame Panissod, publié in SJ 1981 p. 507 consid. 2 in fine et 510
consid. 4 initio).

    c) La cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en considérant
qu'il y avait en l'espèce des indices d'abus justifiant un examen des
loyers litigieux sous l'angle de l'art. 14 AMSL. Ces indices résultent
du cumul des deux éléments que constituent d'une part l'absence de toute
adaptation des loyers lors des différentes baisses du taux de l'intérêt
hypothécaire intervenues depuis 1974 (ATF 108 II 137 consid. 1a), d'autre
part de la hausse de loyer notifiée peu de temps après l'accord passé par
les parties en août 1981 à la suite d'une première augmentation et moins
de six mois après la conclusion de nouveaux baux en septembre et octobre
1981. Compte tenu de ces éléments, le juge a des raisons sérieuses,
au sens de la jurisprudence, de s'écarter de la présomption posée par
l'art. 15 al. 1 lettres b et d, invoquée par la bailleresse.

Erwägung 2

    2.- a) La cour cantonale considère avec raison que le rendement
admissible au sens de l'art. 14 al. 1 AMSL doit être déterminé par rapport
aux seuls fonds propres investis dans l'immeuble par le propriétaire.
L'arrêté fédéral permet au bailleur de fixer un loyer qui couvre ses
charges et procure un rendement convenable au capital propre investi. C'est
donc le rendement net de ce capital qui ne doit pas se révéler excessif
(ATF 106 II 359 consid. 2).

    b) On peut retenir, avec la cour cantonale, que le rendement des
fonds propres est admissible, en règle générale, lorsqu'il n'excède
pas de plus de 1/2% le taux de l'intérêt hypothécaire de premier rang
pratiqué par les grandes banques. Ce taux correspond en effet au revenu
de placements de capitaux comparables à l'investissement immobilier,
et une faible majoration peut être admise au regard du caractère de la
législation, qui se limite à sanctionner les abus (CORBOZ, Le loyer abusif
au sens de l'AMSL, in Droit de la construction 1982, p. 32; cf. aussi
LACHAT/MICHELI/DUPERTUIS, La fixation du loyer, p. 58; GMÜR/CAVIEZEL,
Mietrecht-Mieterschutz, p. 50; MEYER, Mietrecht im Alltag, p. 62; BARBEY,
AMSL, p. 70 ss, propose de modérer ce taux à l'aide d'autres critères
d'appréciation; plus réservé: HAURI, Der missbräuchliche Mietzins, p.
105 s.; arrêts non publiés du Tribunal fédéral: 15 octobre 1984,
T. S.A. c. S., consid. 6; 3 novembre 1976, S.I. M. c. T., consid. 3;
11 février 1976, R. c. D. et Cour de justice de Genève, consid. 7 non
publié in ATF 102 Ia 19).

Erwägung 3

    3.- Pour déterminer le montant des fonds propres, la cour cantonale
est partie, faute de documents comptables, du bénéfice net moyen réalisé
par la société propriétaire en 1970, qu'elle présume équitable en se
référant à l'art. 11 al. 1 OSL et à une pratique de la Cour de justice
de Genève (citée dans le Guide du locataire, édité par la Fédération
romande des locataires, p. 143). Elle a fixé la valeur des fonds propres
en capitalisant ce bénéfice, estimé à 11'599 fr. 40 (15'950 fr. selon
les défendeurs), à 5,5%, taux hypothécaire de premier rang en 1970 (5%)
majoré de 1/2%, puis en augmentant le résultat de 33,29%, soit 40% de
l'augmentation du coût de la vie entre 1970 et 1982 (83%). Elle aboutit
ainsi à un rendement admissible des fonds propres réévalués au 1er juillet
1982 de 18'272 fr., au taux de 6,5% admissible à cette date.

    a) Dans son application, cette méthode est erronée en tant qu'elle ne
tient compte de l'augmentation du coût de la vie entre 1970 et 1982 qu'à
raison de la proportion de 40% indiquée par l'art. 11 al. 1 OSL. Cette
proportion vise en effet le rendement brut de l'immeuble, soit le revenu
locatif. Elle correspond à la part présumée des fonds propres investis -
40% du prix de revient de l'immeuble -, soit la part normalement exposée
aux risques, parce que non couverte par un prêt hypothécaire en 1er
rang, et qui peut être entièrement réévaluée en fonction de la hausse
de l'indice des prix à la consommation. L'art. 15 al. 1 lettre d AMSL
permet d'adapter à cette hausse la totalité du capital exposé aux risques,
soit des fonds propres investis dans l'immeuble.

    b) La méthode appliquée par la cour cantonale est également discutable
dans son principe. La référence de l'art. 11 OSL à l'année 1970 ne concerne
que le maintien du pouvoir d'achat du capital exposé aux risques, soit
l'application de l'art. 15 al. 1 lettre d AMSL. Rien ne justifie d'étendre
cette disposition en ce sens que les loyers de 1970 seraient réputés non
abusifs, ce qui reviendrait à lui conférer une portée considérable. CORBOZ
(op.cit., p. 31) relève avec raison que si le rendement était alors
insuffisant, l'immeuble est définitivement dévalué quant à sa valeur
locative, tandis que si le rendement était excessif, le propriétaire a
acquis le droit imprescriptible de perpétuer l'abus (cf. aussi SJ 1979
p. 596 No 199). Or en l'espèce, la demanderesse conteste que le rendement
de 1970 ait été suffisant.

    c) On ne saurait se fonder, comme le propose la demanderesse, sur
la valeur indexée du prix de vente de ses actions en 1979. Le prix de
vente des actions d'une société anonyme ne reflète pas nécessairement la
seule valeur de l'immeuble dont elle est propriétaire. Ce prix ne saurait
d'ailleurs servir de base à la fixation du rendement admissible, s'il
ne correspond pas à un rendement convenable de l'immeuble (cf. art. 14
al. 2 AMSL).

    La valeur vénale de l'immeuble en 1982 n'est pas non plus
déterminante. Son estimation dépend en effet soit du revenu locatif dont
il s'agit précisément de déterminer s'il est, ou non, convenable, soit de
valeurs spéculatives ou de la situation d'un marché dont la législation
entend réfréner les abus, notamment en cas de déséquilibre entre l'offre
et la demande (arrêt du 27 avril 1982 Pax c. Fagen, in SJ 1982 p. 510 s.).

    d) Le système légal consacré par l'arrêté fédéral et son ordonnance
d'application se caractérise notamment par la garantie du maintien du
pouvoir d'achat du capital exposé aux risques, soit de la substance de
l'investissement consenti par le propriétaire (art. 15 al. 1 lettre d
AMSL), et, pour les immeubles anciens en particulier, par la référence
aux loyers usuels dans la localité ou le quartier pour des logements
comparables (art. 15 al. 1 lettre a AMSL; FF 1976 III 868 s., 873 ss;
ATF 103 II 49 ss). Cette référence ne figure pas seulement à l'art. 15
al. 1 lettre a AMSL. L'art. 7 OSL y recourt également en définissant le
prix d'achat manifestement exagéré au sens de l'art. 14 al. 2 AMSL par
rapport à la "valeur de rendement d'un immeuble calculée sur les loyers
usuels dans la localité ou le quartier pour des objets semblables". La
même formule figurait dans le texte initial de l'art. 11 al. 1 et 2 OSL
à propos de la notion de capital exposé aux risques (cf. ATF 101 II 335
consid. 2 initio), la référence aux loyers usuels ayant été abandonnée
lors de la revision de l'ordonnance de 1975 pour des raisons pratiques
(cf. projet du Département fédéral de l'économie publique au Conseil
fédéral du 20 janvier 1975 relatif à la modification de l'ordonnance du
10 juillet 1972, p. 5 ad art. 11).

    Lorsqu'il s'agit de déterminer, comme dans la présente espèce, si le
rendement d'un immeuble ancien est excessif au sens de l'art. 14 AMSL,
on ne saurait donc faire abstraction du critère des loyers usuels du
quartier. L'introduction de ce critère, sans rapport avec le rendement
du capital investi, procède de la volonté du législateur de permettre
une adaptation des anciens loyers au niveau des loyers effectivement
pratiqués dans des cas comparables, afin de rétablir un certain équilibre
entre les loyers des logements anciens et nouveaux, en autorisant le
cas échéant des loyers excédant le rendement usuel des fonds investis
(ATF 103 II 49 consid. 4a et les références citées; BARBEY, op.cit.,
p. 76). En pareil cas, un loyer n'est ainsi pas abusif du seul fait qu'il
dépasse ce rendement.

    Les défendeurs soutiennent que ce facteur ne peut pas être pris en
considération en l'espèce, parce que le moyen tiré de la comparaison
avec les loyers usuels n'était pas invoqué dans la formule officielle
de notification de la hausse litigieuse, qui n'était fondée que sur
les art. 15 al. 1 lettres b et d. Il est vrai que les motifs figurant
dans l'avis de majoration limitent les moyens du bailleur dans le cadre
d'une procédure ultérieure de contestation (BARBEY, op.cit., p. 28 s.;
GMÜR/CAVIEZEL, op.cit., p. 74). Mais lorsque le juge retient l'existence
d'indices d'abus, comme en l'espèce, et doit en conséquence déterminer
si le rendement est excessif au sens de l'art. 14 AMSL, il est tenu
d'appliquer tous les critères juridiques déterminants à cet égard
dans le cadre de son obligation d'appliquer d'office le droit fédéral
(ATF 109 II 122, 262 et les arrêts cités). On relèvera à cet égard que
la demanderesse a allégué en première instance que les loyers litigieux
étaient inférieurs aux loyers usuels pratiqués à Bulle pour des logements
comparables, en offrant notamment la preuve par expertise. Le premier
juge a considéré à cet égard que la liste d'appartements produite par la
demanderesse à l'appui de son allégation ne permettait aucune comparaison
avec les loyers litigieux. La cour cantonale a refusé de donner suite à
une requête de la demanderesse tendant à ce que la procédure probatoire
"soit réouverte en seconde instance pour qu'un responsable du Service
du logement de la Ville de Bulle soit entendu et qu'une expertise soit
mise en oeuvre à ce propos", ainsi qu'elle l'avait proposé en première
instance. L'arrêt attaqué relève à ce propos qu'"il n'est pas nécessaire
de rechercher si l'une des hypothèses de l'art. 15 AMSL est réalisée,
puisque la présomption qui pourrait en résulter serait de toute façon
rendue inefficace par l'examen effectué sous l'angle de l'art. 14 AMSL".

    Cette motivation méconnaît que le critère des loyers usuels peut
également intervenir dans le cadre d'un tel examen, ainsi qu'on l'a
vu. En considérant en substance que le bailleur ne pouvait pas demander
un loyer correspondant au niveau des loyers comparables, si ce loyer
excède le montant résultant de la capitalisation des fonds investis,
la cour cantonale a refusé, pratiquement, de tenir compte de l'un des
critères d'appréciation consacrés par l'arrêté fédéral et son ordonnance
d'application, violant par là le droit fédéral.

    e) La cause doit dès lors être renvoyée à la cour cantonale pour
qu'elle statue à nouveau en tenant compte des loyers usuels dans la
localité ou le quartier pour des logements semblables au 1er juillet 1982,
après avoir complété ses constatations aux fins d'établir le niveau de ces
loyers. Une fois déterminés les loyers usuels, leur prise en considération
en l'espèce pourra intervenir de deux manières: ou bien ils sont utilisés
comme base de calcul de la valeur de rendement au 1er juillet 1982 de
l'immeuble en cause d'où résultent, après déduction des fonds étrangers,
les fonds propres dont le rendement ne doit pas se révéler excessif; ou
bien ils sont directement confrontés aux loyers litigieux selon l'art. 15
al. 1 lettre a AMSL. Les résultats de ces deux méthodes ne devraient
guère diverger, sauf situation particulière liée à la proportion des
fonds propres et empruntés.