Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 112 IB 26



112 Ib 26

6. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 26 février 1986
dans la cause commune de Chiètres contre Conseil d'Etat du canton de
Fribourg (recours de droit administratif) Regeste

    Art. 24 RPG, Bewilligung zur Ausbeutung eines Kiesvorkommens,
Interessenabwägung.

    Fehlt ein kantonaler Plan, der die Abbauzonen des Bodens zwingend
festlegt, so ist im Rahmen der durch Art. 24 RPG vorgeschriebenen
Interessenabwägung jedes Mal zu prüfen, ob der für die Kiesgrube
vorgesehene Standort sich eher als ein anderer aufdrängt (E. 2c). Die
Anerkennung der Zweckmässigkeit einer Kiesgrube an und für sich bedeutet
noch nicht, dass das Projekt am beabsichtigten Ort tatsächlich bewilligt
werden muss, zumal für Kiesgruben nur eine relative Standortgebundenheit
besteht (E. 4b/bb).

    Die Einwirkungen des zu erwartenden vermehrten Lastwagenverkehrs auf
die Umwelt sind bei der Prüfung des sowohl gemäss Art. 3 Abs. 3 lit. b RPG
wie Art. 11 UWG geschützten öffentlichen Interesses zu berücksichtigen
(E. 5d).

    Im konkreten Fall überwogen die öffentlichen Interessen an der
Erhaltung der Landschaft und der landwirtschaftlichen Nutzung des Bodens
sowie am Umweltschutz; Aufhebung der strittigen Ausnahmebewilligung (E. 6).

Sachverhalt

    A.- Gravabal S.A., à Avenches (Vaud), a déposé auprès de l'Office
cantonal pour l'aménagement du territoire du canton de Fribourg une demande
d'autorisation de construire en vue de l'ouverture d'une gravière aux lieux
dits "Uf der Aebni" et "vor em Holz", sur le territoire de la commune de
Kerzers (Chiètres), dans le district du Lac. La zone d'extraction prévue a
une superficie de 184'810 m2, dont 179'640 m2 sont des terres agricoles,
actuellement affectées à des cultures céréalières et maraîchères. Situé
à l'intérieur du périmètre du remaniement parcellaire de Chiètres, ce
territoire est classé dans une zone sans affectation du plan communal. Il
se trouve au pied nord-ouest des collines d'Arnen et de Sunnenberg, qui
figurent à l'Inventaire des sites naturels du canton. La partie sud-est
de la zone d'extraction, soit environ le tiers de celle-ci, est englobée
dans ce site. Le volume des graviers exploitables s'élèverait à environ
2'700'000 m3. Ces matériaux seraient évacués par la route de Bienne en
direction d'Avenches, au moyen de camions qui devraient traverser du
nord au sud tout le village de Chiètres. L'exploitation de la gravière
s'échelonnerait sur 30 ans. La demande d'autorisation de construire
se limite cependant à une première étape, qui se rapporte à la partie
nord-est de la zone d'extraction, d'une surface de 95'030 m2 exploitables
en 15 ans. Les terrains concernés sont la propriété de particuliers, dont
la plupart ont passé avec Gravabal S.A. une promesse de vente exécutoire
au moment de la délivrance des autorisations définitives. Les vendeurs
seraient mis au bénéfice d'un droit de réméré qu'il leur serait loisible
d'exercer au moment de la remise en état des lieux. Celle-ci comporterait
le remblai partiel de l'excavation et la restitution à l'agriculture
d'une surface de 148'000 m2.

    Le 7 janvier 1983, l'Office cantonal des constructions et de
l'aménagement du territoire a délivré à Gravabal S.A. l'autorisation
exceptionnelle qui lui était nécessaire conformément à l'art. 24 al. 1
de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur l'aménagement du territoire
(LAT). Par arrêté (No 972) du 28 mai 1985, le Conseil d'Etat du canton
de Fribourg a rejeté le recours formé par la commune de Chiètres contre
cette décision. Tout en reconnaissant l'importance des intérêts publics
allégués par la recourante, il a estimé que les intérêts publics et privés
à l'exploitation de la gravière projetée l'emportaient.

    Admettant le recours de droit administratif de la commune de Chiètres,
le Tribunal fédéral a annulé l'arrêté du Conseil d'Etat du 28 mai 1985
ainsi que la décision de l'Office cantonal des constructions et de
l'aménagement du territoire du 7 janvier 1983.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) L'exploitation d'une gravière constitue une construction ou
une installation au sens des art. 22 et 24 LAT: elle implique un important
bouleversement temporaire de la topographie et, du moins en l'espèce, une
modification durable de celle-ci (ATF 108 Ib 366 consid. 5b). Aux termes
de l'art. 22 al. 2 lettre a LAT, une construction ou une installation ne
peut être autorisée que si elle est conforme à l'affectation de la zone
dans laquelle elle est prévue. S'agissant d'une gravière, cette condition
n'est réalisée que si le terrain à exploiter se trouve dans une zone
d'extraction minière ou d'exploitation du sous-sol (ATF 111 Ib 87 et
les références). De l'obligation générale instituée par l'art. 2 LAT,
il résulte que les cantons doivent déterminer les zones d'exploitation
de gravières, tout au moins celles d'une certaine étendue, par des plans
contraignants (ATF 111 Ib 86, 103 Ib 61 consid. 3a; pour un exemple
d'une telle planification, cf. ATF 107 Ia 93 ss). En l'absence d'une
planification cantonale, l'autorisation d'ouvrir une gravière implique une
dérogation à l'art. 22 al. 2 lettre a LAT et ne peut donc être accordée
que sur la base de l'art. 24 LAT (ATF 111 Ib 87, 108 Ib 366 consid. 5b).

    b) La question de savoir si une construction ou une installation
correspond à la destination de la zone doit être résolue à la lumière
des plans d'affectation et des prescriptions y relatives. Contrairement à
l'opinion émise par l'autorité intimée dans une remarque préliminaire de sa
décision, les dispositions à considérer sont celles en vigueur au moment de
la décision définitive sur la demande d'autorisation de construire et non
celles qui étaient en vigueur quand cette demande a été déposée (ATF 107
Ib 137 consid. 2a et les arrêts cités). La loi fribourgeoise du 9 mai 1983
sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATC) est entrée en
vigueur le 1er juillet 1984 et son règlement d'exécution, du 18 décembre
1984 (RE), le 1er février 1985. Ces textes étaient donc applicables le 28
mai 1985, date à laquelle l'autorité intimée, qui jouissait d'une libre
cognition en fait et en droit, a statué définitivement sur la demande
exceptionnelle d'autorisation de construire.

    c) Dans le cas particulier, le périmètre d'extraction prévu englobe une
surface d'environ 95'000 m2 pour la première étape et de quelque 185'000
m2 au total; il s'agit là d'une étendue comparable à celle d'une zone
d'aménagement. Selon les principes de la loi fédérale sur l'aménagement
du territoire, repris par la loi fribourgeoise, une exploitation d'une
telle emprise n'est concevable que coordonnée à l'ensemble des autres
activités qui ont des effets sur l'organisation du territoire et relève
donc, en principe, du plan directeur cantonal (art. 6 à 8 LAT, 3 et 4
OAT, art. 19 LATC). Au demeurant, l'art. 16 al. 2 lettre k LATC prévoit
que les études de base et les plans sectoriels concernent notamment les
gisements importants.

    Le 14 novembre 1984, le Grand Conseil du canton de Fribourg a adopté
un décret définissant, conformément à l'art. 18 LATC, les objectifs
d'aménagement du territoire, qui doivent servir de programme pour
l'élaboration du plan directeur cantonal (art. 18 al. 3 LATC). Ce décret
prévoit notamment un plan sectoriel pour l'exploitation du sous-sol
(ch. 2.5, p. 5) et précise les objectifs déterminants dans ce domaine
(ch. 69 et 70, p. 31). Au chapitre des mesures à prendre, il préconise
l'élaboration à bref délai d'une carte cantonale inventoriant les gisements
exploitables ainsi que d'un plan sectoriel des zones d'extraction (p. 32).

    Ces travaux ne sont toutefois pas encore achevés. Le canton de
Fribourg ne dispose donc pas, à ce jour, d'un plan déterminant de façon
contraignante les zones d'exploitation du sous-sol et qui indiquerait,
en particulier, les sites les plus appropriés pour l'extraction du
gravier. Cela a notamment pour conséquence qu'il faut chaque fois examiner,
dans le cadre de la pesée des intérêts prescrite par l'art. 24 LAT,
si l'emplacement prévu pour une gravière s'impose plutôt que tout autre
(ATF 108 Ib 367 consid. 6a, 104 Ib 231/232).

    d) En l'espèce, la gravière projetée devrait s'ouvrir dans une
zone sans affectation spéciale. Selon l'art. 109 RE, une telle zone est
considérée provisoirement comme zone agricole au sens de l'art. 56 LATC. La
conformité à l'affectation de la zone, selon l'art. 22 al. 2 lettre a LAT,
n'est donc manifestement pas donnée, ce qu'admettent d'ailleurs tant les
autorités cantonales que la société intimée. Comme on ne se trouve pas en
présence d'un des cas énumérés à l'art. 24 al. 2 LAT, il faut examiner
si le projet en cause réunit les deux conditions - cumulatives (ATF 108
Ib 367 consid. 6) - auxquelles l'art. 24 al. 1 LAT subordonne l'octroi
d'une autorisation exceptionnelle de construire hors de la zone à bâtir.

Erwägung 3

    3.- Une autorisation exceptionnelle au sens de l'art. 24 al.
1 LAT ne peut être délivrée que si l'implantation de la construction
ou de l'installation projetée hors de la zone à bâtir est imposée par sa
destination (lettre a). Il faut, de surcroît, qu'aucun intérêt prépondérant
ne s'oppose à la délivrance de l'autorisation requise (lettre b).

    Il est constant que la première de ces conditions est remplie en
l'espèce. L'exploitation d'une gravière, comme de toute autre source de
matière première minérale, n'est en effet concevable qu'aux endroits où
gisent les matériaux recherchés et où leur extraction est réalisable du
point de vue technique et économique (cf. ATF 108 Ib 367/368 consid. 6a,
103 Ib 59/60 consid. 2c). Le seul problème à résoudre en l'occurrence
est donc celui de la pesée des intérêts en présence que postule l'art. 24
al. 1 lettre b LAT.

    Il s'agit là d'une question de droit que, saisi d'un recours de droit
administratif, le Tribunal fédéral doit en principe examiner librement. Il
s'impose toutefois une certaine retenue au regard de la pesée des intérêts
à laquelle l'autorité inférieure a procédé, lorsque sont en cause des
circonstances locales que cette autorité maîtrise mieux ou lorsqu'il se
pose des questions d'appréciation (ATF 111 Ib 88 consid. 3, 107 Ib 336
consid. 2c et les arrêts cités).

Erwägung 4

    4.- Les intérêts à l'exploitation de la gravière litigieuse ne sont
guère contestables.

    a) Il s'agit tout d'abord des intérêts privés de la société intimée,
par quoi il faut entendre non pas ses intérêts purement financiers, mais
ses intérêts liés à la poursuite d'une activité industrielle d'intérêt
régional. Cette société est une filiale d'une entreprise qui joue un rôle
important dans l'approvisionnement du pays en matériaux de base destinés
au génie civil et à la construction de bâtiments.

    Ces intérêts n'en doivent pas moins être relativisés dans la mesure
où la société intimée n'allègue pas elle-même que ses activités seraient
gravement compromises si l'autorisation exceptionnelle requise lui était
refusée. A cet égard, les investissements qu'elle a consentis jusqu'ici
en vue de l'ouverture de la gravière litigieuse sont relativement
insignifiants, puisqu'elle s'est simplement réservé le droit d'acquérir
les terrains nécessaires, en cas d'aboutissement favorable de ses
démarches. Quoi qu'il en soit, ce dernier élément n'est d'ordinaire pas
décisif. L'administré qui requiert une autorisation de police ne peut en
effet placer l'autorité à laquelle il s'adresse devant un fait accompli
et se prévaloir auprès d'elle de dépenses ou d'engagements financiers qui
ne se seraient pas fondés sur des assurances formelles quant à l'octroi
ultérieur du permis requis (cf. ATF 105 Ia 343/344 consid. 6, 101 Ib 196
consid. 2c).

    b) Quant à l'intérêt public à l'exploitation de gisements de gravier,
il est indéniable, compte tenu des procédés actuels utilisés en matière
de génie civil et de construction (ATF 111 Ib 90 et les références). Cet
intérêt réside dans la possibilité de satisfaire le besoin de ces secteurs
économiques, notamment en graviers à béton, en évitant autant que possible
les longs transports, sources de nuisance, et les frais excessifs qui
résulteraient de difficultés particulières d'exploitation engendrées par
la situation géographique des terrains concernés, leur topographie ou
leur structure géologique.

    aa) Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de constater que les bancs de
gravier dont l'exploitation est avantageuse ne sont pas rares en Suisse,
mais qu'ils ne sont disponibles que dans une mesure réduite sur le Plateau
en raison notamment de l'intense occupation des sols (ATF 104 Ib 224
consid. 4b, 103 Ib 59 consid. 2b, arrêt non publié Mauroux et consorts
du 18 juin 1980, consid. 4). L'expertise aménagée à la demande de la
société intimée a révélé la présence d'un banc de gravier considérable
dans le territoire concerné, que le Syndicat d'améliorations foncières
de Chiètres avait d'ailleurs défini, en 1974, comme un périmètre de
gravier. La mise à découvert du gisement nécessite l'enlèvement d'une
couche morainique d'une épaisseur moyenne de 5 à 6 m. Cette opération
préalable n'affecte guère la rentabilité de l'exploitation, compte tenu
de la profondeur du banc de gravier. Le volume extractible en 30 ans
s'élèverait en effet, malgré les limites imposées par la nécessité de
sauvegarder la nappe phréatique, à plus de 2,7 millions de m3. Selon les
données fournies à l'autorité intimée en janvier 1984 par l'Association
fribourgeoise des graviers, la consommation globale de gravier pour
l'année 1983 s'est élevée, dans le canton de Fribourg, à 993'000 m3,
dont 583'000 m3 de graviers à béton, 100'000 m3 de graviers cassés,
utilisés à la fabrication de mortiers bitumineux, et 250'000 m3 environ
de graviers tout-venant. Cette consommation est aujourd'hui couverte
selon les régions, par les propres gisements de celles-ci, ou par des
graviers importés des cantons voisins. Il n'est ainsi guère douteux que
la gravière projetée réponde à un besoin objectif. Du moins les arguments
contraires exposés à ce sujet par la commune recourante ne permettent-ils
pas au Tribunal fédéral d'arriver, sur ce point, à d'autres conclusions
que celles retenues par l'autorité intimée, étant donné la réserve
qu'il se doit de garder dans un domaine ressortissant pour l'essentiel
à la politique économique globale d'un canton. On ne saurait cependant
perdre de vue que les autorités cantonales, la société intimée et les
organismes spécialisés qui ont été consultés par les uns ou les autres,
ne prétendent nullement que l'on se trouverait dans une situation de
pénurie exigeant impérativement l'ouverture, à court ou moyen terme,
de la gravière contestée (cf. arrêt non publié Sand A.G. Neuheim, du 27
juin 1984, consid. 5b/bb, p. 17).

    bb) D'autre part, la reconnaissance de l'utilité objective d'une
gravière ne signifie pas encore que le projet doive nécessairement être
admis à l'endroit prévu, tant il est vrai que l'ouverture d'une gravière
n'est, selon la jurisprudence, que relativement liée à un emplacement
(ATF 104 Ib 225 consid. 4b, 98 Ib 498 consid. 6). Le canton de Fribourg
ne dispose encore, on l'a vu, ni d'un inventaire précis des réserves de
gravier ni surtout d'un plan cantonal fixant les zones d'exploitation
de gravières. Or, le dossier ne comporte aucune indication qui permette
d'affirmer que l'emplacement prévu en l'espèce est véritablement le plus
approprié. Il est possible qu'il le soit, mais on ne peut exclure que
d'autres zones puissent s'avérer aussi propices à l'extraction de gravier
tout en ménageant mieux les intérêts opposés, et cela quand bien même
elles impliqueraient un éventuel défrichement (ATF 104 Ib 225 consid. 4b,
103 Ib 60 consid. 2d). L'autorité - ou le juge - chargée d'opérer la pesée
des intérêts postulée par l'art. 24 LAT doit examiner dans chaque cas si
d'autres emplacements se prêteraient éventuellement mieux à l'exploitation
envisagée (ATF 108 Ib 367). En l'occurrence, ni la décision attaquée
ni le dossier ne permettent d'arriver à la conclusion que l'intérêt à
l'exploitation d'une gravière à l'endroit prévu, plutôt qu'à tout autre,
l'emporte sur les autres intérêts en présence.

    Il n'est toutefois pas exclu que la nécessité d'une gravière à
l'emplacement litigieux soit démontrée à l'issue des travaux actuellement
entrepris dans le cadre de l'élaboration du plan directeur cantonal. Il
y a donc lieu de réserver (cf. par exemple ATF 104 Ib 232 consid. 8c)
la possibilité pour l'autorité compétente de procéder éventuellement à
un nouvel examen de cette question sur la base des futurs plan directeur
cantonal et plan sectoriel des zones d'extraction.

Erwägung 5

    5.- Aux intérêts qui parlent en faveur de l'octroi de l'autorisation
contestée, la commune de Chiètres oppose les intérêts généraux à la
protection du paysage, au maintien d'une agriculture prospère sur son
territoire et à la préservation de l'habitat. A son avis, ces intérêts
sont très largement prépondérants par rapport à ceux qui viennent
d'être exposés. L'Office fédéral de l'aménagement du territoire propose
l'admission du recours de droit administratif, en conclusion d'observations
auxquelles est annexé un rapport établi à la suite d'une vision des lieux.

    a) Les intérêts publics allégués par la recourante sont de ceux
qu'énoncent les art. 1er et 3 LAT, et qu'il y a donc lieu de prendre
en considération dans la pesée des intérêts prescrite à l'art. 24 al. 1
lettre b LAT. L'art. 1er al. 2 LAT contient une énumération, exemplaire,
des buts que doivent poursuivre les mesures d'aménagement. Parmi ces buts
figurent la protection du paysage (lettre a), la création et le maintien
d'un milieu bâti harmonieusement aménagé et favorable notamment à l'habitat
(lettre b) et la garantie de sources d'approvisionnement suffisantes dans
le pays (lettre d). L'art. 3 définit les principes qui doivent régir un
aménagement rationnel du territoire au sens de l'art. 22quater Cst. Ces
principes consistent, entre autres, dans la préservation du paysage par une
intégration optimale dans celui-ci des constructions et des installations
(al. 2 lettre b), dans le maintien de bonnes terres cultivables réservées
à l'agriculture (al. 2 lettre a) et dans la protection, aussi large
que possible, des lieux d'habitation contre les atteintes nuisibles ou
incommodantes, tels la pollution de l'air, le bruit et les trépidations
(al. 3 lettre b).

    L'art. 1er LATC rappelle simplement dans les grandes lignes ces
objectifs et ces principes. En revanche, le droit cantonal ne contient
pas de disposition qui préciserait, dans le cadre de ces objectifs et
de ces principes, les intérêts particuliers à prendre en considération
dans l'examen d'une autorisation d'exploiter une gravière (cf. ATF 111
Ib 88/89 consid. 3a et b).

    Il y a lieu d'examiner successivement la valeur des objections
formulées par la commune de Chiètres et par l'Office fédéral de
l'aménagement du territoire contre l'autorisation exceptionnelle accordée
par les autorités cantonales. S'agissant des intérêts agricoles, la levée
de l'interdiction de désaffectation ordonnée par l'autorité intimée le 19
octobre 1982 ne dispense pas le Tribunal fédéral de les apprécier dans
le cadre de l'art. 24 al. 1 lettre b LAT, ne serait-ce qu'en raison du
fait que le Conseil d'Etat a examiné l'ensemble de cette question dans
la décision entreprise.

    b) Le 14 juin 1977, l'Office de l'aménagement du territoire du canton
de Fribourg a présenté au Conseil d'Etat un inventaire des sites naturels
dressé notamment avec la collaboration du Délégué fédéral à l'aménagement
du territoire, de la Division fédérale de la protection de la nature et du
paysage et de la Ligue suisse pour la protection de la nature. La préface
de cet inventaire, rédigée par le conseiller d'Etat directeur des travaux
publics, le définit comme un élément fondamental des études d'aménagement
du territoire et comme une manifestation d'un souhait de la population
fribourgeoise que des mesures soient prises en vue de la sauvegarde
de son patrimoine. Aux termes de son avant-propos, cet inventaire est
destiné à donner la base scientifique et technique indispensable aux
mesures de sauvegarde à prendre pour le maintien, à long terme, des sites
naturels inventoriés, éléments majeurs du patrimoine cantonal, à fournir
aux autorités fédérales, cantonales et communales, ainsi qu'au public en
général, une information aussi complète et aussi précise que possible dans
ce domaine, et à définir une des composantes fondamentales des données
de base d'un plan directeur cantonal. Cet inventaire fait donc partie des
mesures de protection de la nature et du paysage, prises par les cantons,
que la Confédération encourage conformément au chapitre 2 de la loi
fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage
(LPN; RS 451). Pour l'établir, les autorités cantonales ont procédé à une
sélection objective des sites qu'elles ont délimités avec précision. Elles
les ont classés en trois catégories, selon leur valeur et leur intérêt. La
première catégorie concerne les sites méritant une protection intégrale
de la nature, la deuxième les sites d'intérêt paysager du premier degré
et la troisième les sites d'intérêt paysager du second degré. Les sites
d'intérêt paysager du premier degré sont ceux dont les différents éléments
constitutifs ont une forte valeur attractive en eux-mêmes et par rapport
à l'homogénéité du paysage. Ce sont presque toujours des paysages dont
l'aspect naturel et traditionnel est encore largement maintenu, dans des
secteurs peu sollicités par l'urbanisation et qui n'ont pas été endommagés.
Leur protection a pour but le maintien de la beauté particulière et du
caractère intrinsèque du paysage dans son état actuel. Les sites d'intérêt
paysager du second degré sont généralement des paysages ruraux harmonieux,
équilibrés, et qui n'ont pas encore subi d'atteinte dégradante majeure,
même si leur aspect est déjà altéré en certains secteurs. Leur protection
tend à la sauvegarde d'un paysage rural caractérisé par des activités
agricoles et sylvicoles et par une topographie particulière, ainsi qu'à
la limitation des effets dus aux atteintes existantes.

    La région au nord-est de la commune de Chiètres, soit essentiellement
la colline de Sunnenberg et son environnement immédiat, est classée
à l'inventaire cantonal, en partie comme site d'intérêt paysager du
premier degré et en partie comme site d'intérêt paysager du second
degré. Le secteur inclus dans le site d'intérêt paysager du second degré
englobe la zone sud-orientale du périmètre d'extraction, soit le tiers
environ de sa superficie totale. L'inventaire décrit le paysage d'Arnen
et de Sunnenberg de la manière suivante: deux collines, la colline de
Sunnenberg, formée de champs cultivés et de prés, et la colline boisée
d'Arnen, dominant l'agglomération de Chiètres et constituant le rebord du
Plateau sur les grands marais. Ce site est considéré comme intéressant en
raison de sa végétation et de sa faune, mais aussi parce que la colline de
Sunnenberg est un excellent point de vue. La protection désirée comporte
notamment le maintien de l'exploitation agricole. L'inventaire fait état
de menaces provenant notamment du projet de gravière en limite du site.
Parmi les dommages existants, l'inventaire signale le stand de tir qui se
trouve dans l'excavation de l'ancienne carrière à l'extrémité nord-ouest
du périmètre d'extraction.

    Comme le relèvent tant le Conseil d'Etat que la société intimée,
l'inventaire des sites naturels du canton de Fribourg n'a pas force de loi
et ses effets ne sauraient être comparés à celui d'un inventaire fédéral
au sens de l'art. 5 LPN. Il a cependant la même portée que l'inventaire
officieux CPN établi par diverses associations d'importance nationale. Il
s'agit en effet d'un de ces inventaires dressés par des institutions
d'Etat, dont parle l'art. 5 al. 1, 1re phrase, LPN. On doit en tout cas
le considérer comme un indice de l'existence, dans le secteur considéré,
d'un paysage sensible dont il convient autant que possible d'éviter
l'enlaidissement, si l'on veut respecter les buts et les principes de
l'aménagement du territoire énumérés aux art. 1er et 3 LAT. La délégation
du Tribunal fédéral a pu constater la qualité du site de la colline de
Sunnenberg en elle-même et du fait du dégagement visuel notamment en
direction du lac de Morat. L'importance du rôle de délassement de ce
paysage pour la population des environs serait sérieusement amenuisée
par l'ouverture, en premier plan, d'une exploitation de gravier de longue
durée sur une grande surface, amenant des nuisances industrielles dans un
paysage qui n'a été modifié que pour les besoins de la rationalisation
des activités agricoles. La division en étapes de l'exploitation de la
gravière ne supprimera naturellement pas cette influence défavorable sur
le paysage concerné. L'exclusion matérielle d'une remise en état intégrale
des lieux à la fin de l'exploitation permet de retenir en outre l'existence
d'un dommage résiduel permanent.

    c) Le territoire compris dans le périmètre d'extraction de la gravière
contestée a fait l'objet d'améliorations foncières et d'un remaniement
parcellaire récent. La mise en culture du nouvel état est intervenue en
1978. A l'exception d'une surface de 5000 m2 correspondant à l'ancienne
carrière, tous ces terrains sont aujourd'hui affectés à des cultures
céréalières ou maraîchères. Les cartes des aptitudes climatiques pour
l'agriculture en Suisse, établies en août 1977 et que l'Office fédéral
de l'aménagement du territoire considère comme un élément de référence,
classent toute cette région dans la zone A 2, particulièrement propice
aux grandes cultures et aux cultures spéciales; il s'agit là de la zone
agricole la plus favorable de tout le Plateau. La carte des aptitudes
des sols de la Suisse, établie en mars 1980, et qui est aussi un élément
de référence de l'aménagement du territoire, classe le secteur examiné
dans la zone (I) H 5, définie notamment comme très apte aux céréales
et apte à très apte aux cultures sarclées. Il s'agit, sous cet angle,
des terres les mieux favorisées de l'ensemble du pays. Or ces terres
seront désaffectées temporairement, pendant la durée de l'exploitation,
ou définitivement en raison de celle-ci.

    L'art. 183 LATC prescrit qu'au plus tard à la fin de l'exploitation,
l'exploitant ou, à son défaut, le propriétaire est tenu de remettre le
terrain en état dans un délai convenable, cette remise en état pouvant
être ordonnée par étapes au cours de l'exploitation. L'obligation de
remise en état des lieux au sens de cette disposition est une notion
juridique indéterminée, pour l'application de laquelle les autorités
disposent d'une certaine latitude de jugement. Les autorités cantonales
n'ont certainement pas violé cette disposition en renonçant à exiger
de la société intimée une remise en état intégrale des terres, mais
seulement leur restitution à l'agriculture et leur aménagement en une
cuvette dont la profondeur variera, du nord-est au sud-ouest, entre
20 et 4 m, la moyenne étant de 12,25 m. Il n'a pas été contesté que ce
réaménagement en cuvette aura pour conséquence, quelle que soit la valeur
des terres arables réinstallées, un appauvrissement de la productivité dû
au refroidissement de surface (lac d'air froid). D'autre part, sur 179'640
m2 de terres actuellement cultivables, seuls 147'720 m2 seront restitués
à la culture des champs. Cette modification des lieux compliquera enfin
quelque peu les accès des exploitants agricoles à leurs parcelles.

    En dépit des efforts consentis par la société intimée, force est
ainsi de constater que l'ouverture de la gravière litigieuse porterait
une atteinte non négligeable aux intérêts de l'agriculture, cette atteinte
étant soit permanente, soit de longue durée. Au cours de l'inspection des
lieux, l'autorité cantonale a certes déclaré que le canton de Fribourg
disposait largement de la surface en assolement de 38'500 ha, mise à sa
charge par le projet d'ordonnance du Conseil fédéral (cf. Aménagement
du territoire, Bulletin d'information, 1985, fasc. 1, p. 18); mais
cette considération n'a guère de poids. Les surfaces d'assolement que
le projet d'ordonnance prévoit sont en effet des surfaces minimales et,
quelle que soit leur situation à cet égard, les autorités cantonales n'en
doivent pas moins, conformément à l'art. 3 al. 2 lettre a LAT, réserver à
l'agriculture suffisamment de bonnes terres cultivables. Or on a vu que
les terres ici mises à contribution sont particulièrement privilégiées
du point de vue de la productivité agricole.

    d) L'autorisation exceptionnelle accordée à la société intimée
lui impose d'aménager un accès à la voie publique présentant toute
sécurité. L'évacuation des matériaux extractibles se fera en effet
par camions vers la route qui conduit à Bienne, puis en direction
d'Avenches. Les camions chargés traverseront donc le village de Chiètres du
nord au sud dans toute sa longueur. Ils reviendront, à vide, traversant
la localité du sud au nord par la même voie. La recourante insiste sur
la situation intolérable qui serait ainsi créée pour une commune dont la
population s'élevait, au 31 décembre 1985, à 2875 habitants. L'autorité
intimée estime que la nouvelle charge imposée au village de Chiètres
serait nulle, voire imperceptible. La société intimée se serait en effet
engagée à ne pas dépasser 60 passages par jour, alors que le village de
Chiètres est parcouru aujourd'hui par environ 3500 véhicules.

    L'argumentation ici développée par l'autorité cantonale n'est
pas soutenable. Il faut tout d'abord relever qu'il n'y a pas lieu
de déterminer, en l'espèce, si le trafic automobile supplémentaire
occasionné par l'exploitation de la gravière aurait pour conséquence
un dépassement des normes auditives admissibles à l'intérieur d'une
localité. En vertu de l'art. 3 al. 3 lettre b LAT, la préservation des
lieux d'habitation des atteintes nuisibles ou incommodantes, telles
que la pollution de l'air, le bruit et les trépidations, est en effet
l'un des principes régissant un aménagement rationnel du territoire. Il
s'agit là d'un intérêt public sur lequel le législateur fédéral a encore
mis l'accent en adoptant la loi du 7 octobre 1983 sur la protection
de l'environnement, entrée en vigueur le 1er janvier 1985 (LPE; RS
814.01). L'art. 11 LPE pose la règle de la limitation des émissions
par des mesures prises à la source pour réduire notamment les pollutions
atmosphériques, le bruit et les vibrations. L'al. 2 de cette disposition
précise qu'indépendamment des nuisances existantes, il importe, à titre
préventif, de limiter les émissions dans la mesure que permettent l'état
de la technique et les conditions d'exploitation, et pour autant que cela
soit économiquement supportable. Quant à l'al. 3, il commande de limiter
plus sévèrement les émissions s'il appert ou s'il y a lieu de présumer
que les atteintes, eu égard à la charge actuelle de l'environnement,
seront nuisibles ou incommodantes. Cela étant, il importe peu que les
camions de la gravière passent au nombre de 90 ou de 60 par jour. Quoi
qu'il en soit, la population de Chiètres devrait en effet supporter
le passage supplémentaire de cinq à dix véhicules lourds à l'heure,
et cela pendant des journées pouvant s'étendre sur dix heures, comme la
société intimée l'a admis au cours de l'audience d'inspection des lieux. A
cela s'ajoutent le transport occasionnel de véhicules de chantier et de
matériel, ainsi que les nuisances particulières que comporte le transport
de gravier soit par temps pluvieux, soit par temps très sec. Il convient
aussi de souligner que la route de Bienne est en pente à l'intérieur du
village de Chiètres, qu'elle comporte plusieurs croisements ainsi qu'un
passage à niveau gardé à l'intersection de la ligne de chemin de fer. Ce
sont là autant d'éléments qui aggravent les inconvénients apportés par
l'exploitation de la gravière aux habitants d'une localité relativement
importante, et cela pendant une période initiale de 15 ans.

    Avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur l'environnement
déjà, le Tribunal fédéral a posé des exigences strictes quant à
l'équipement d'installations analogues à l'exploitation litigieuse
(ATF 110 Ia 166). Compte tenu du système insatisfaisant d'évacuation
des matériaux adopté en l'occurrence, on pourrait douter, si l'on se
trouvait dans un cas d'application de l'art. 22 al. 2 LAT - c'est-à-dire
si la gravière était projetée dans une zone d'exploitation du sous-sol
-, que les terrains en cause soient suffisamment équipés pour une telle
exploitation. Ce point n'a évidemment pas à être examiné en l'occurrence,
où il ne se pose que la question de savoir si les intérêts qui militent
en faveur de l'autorisation exceptionnelle se heurtent à d'autres intérêts
qui leur seraient prépondérants, au sens de l'art. 24 al. 1 lettre b LAT.

Erwägung 6

    6.- Les considérations qui précèdent conduisent à la conclusion qu'une
autorisation exceptionnelle selon l'art. 24 al. 1 LAT ne peut être accordée
à la société intimée parce que son projet ne respecte pas la seconde
des conditions cumulatives posées par cette disposition. On se trouve en
présence d'une convergence d'intérêts publics importants - la préservation
du paysage, la sauvegarde des terres agricoles et la protection de
l'environnement - qu'il faut opposer à un intérêt privé et à un intérêt
public - l'approvisionnement en gravier - qui, pour être incontestables,
n'en doivent pas moins être en l'occurrence relativisés. Sous réserve d'un
réexamen sur la base du futur plan directeur cantonal (cf. consid. 4 in
fine ci-dessus), cet intérêt privé et cet intérêt public doivent trouver
leur satisfaction dans le cadre d'une exploitation moins dommageable pour
les intérêts opposés qui ont été examinés.