Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 112 IB 183



112 Ib 183

33. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 2 septembre
1986 dans la cause Maison G. Sprl contre Direction générale des douanes
(recours de droit administratif) Regeste

    Verordnung vom 12. September 1984 über die Schwerverkehrsabgabe.

    Direkte Anwendbarkeit des Art. 7 des Zusatzprotokolls zum Abkommen
zwischen dem Schweiz. Bundesrat und der Regierung des Königreichs Belgien
über die internationalen Beförderungen auf der Strasse vom 25. Februar
1975? (E. 2).

    Die Abgabe auf dem Schwerverkehr bewirkt keine Rechtsungleichheit
(E. 3).

    Umfang des der Oberzolldirektion gemäss Art. 3 Abs. 2 der Verordnung
zustehenden Beurteilungsraumes (E. 4).

Sachverhalt

    A.- Le 23 mai 1985, l'Inspectorat de douane de Chiasso-Strada a soumis
à la redevance sur le trafic des poids lourds deux camions de la Maison
G. Sprl, immatriculés en Belgique et chacun d'un poids total supérieur
à 19 tonnes. La somme réclamée à ce titre s'est élevée à 15 fr. par
véhicule, ce qui correspond à la redevance minimale pour une entrée en
Suisse limitée à un jour.

    Statuant sur recours, la Direction générale des douanes a confirmé,
le 8 octobre 1985, les décisions de taxation en constatant que, dans la
mesure où elle consiste en un droit d'utilisation du réseau routier, la
redevance en cause respecte pleinement le droit international en vigueur.

    La société belge propriétaire des camions a saisi le Tribunal fédéral
d'un recours de droit administratif visant à obtenir l'annulation de la
décision rendue le 8 octobre 1985. A l'appui de ses conclusions, elle
soutient que les motifs retenus dans la décision entreprise reposent sur
une qualification erronée de la taxe - qui serait un impôt et non pas
un droit d'utilisation des routes -, que la perception de la redevance
telle qu'aménagée par l'ordonnance du 12 septembre 1984 réglant la
redevance sur le trafic des poids lourds (RS 741.71; ci-après OTPL) est
discriminatoire et qu'elle entraîne en outre la violation de plusieurs
accords internationaux conclus par la Suisse. Le Tribunal fédéral a rejeté
le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Les traités internationaux valablement conclus lient la Suisse
dès l'échange des instruments de ratification et s'incorporent au droit
fédéral. Pour autant qu'elles apparaissent directement applicables,
les règles conventionnelles sont susceptibles d'imposer des obligations
et de conférer des droits non seulement aux autorités, mais également
aux particuliers. Ainsi, un citoyen peut invoquer un traité devant
l'administration et les tribunaux si celui-ci pose des règles de droit
suffisamment précises et claires pour s'appliquer comme telles à un cas
d'espèce et constituer le fondement d'une décision concrète. Tel n'est
pas le cas d'une disposition qui énonce un programme ou fixe les lignes
directrices dont devra s'inspirer la législation des Etats contractants
et qui s'adresse non aux autorités administratives ou judiciaires, mais
au législateur national. L'applicabilité directe doit également être
déniée aux normes qui se bornent à esquisser la réglementation d'une
matière ou aménagent un pouvoir d'appréciation considérable (ATF 106 Ib
187 ss, 105 II 57, 100 Ib 230; MÜLLER/WILDHABER, Praxis des Völkerrechts,
2e éd., Berne 1982, p. 116 ss; KOLLER, Die unmittelbare Anwendbarkeit
völkerrechtlicher Verträge, Berne 1971, p. 71/72; CHOFFAT, L'applicabilité
directe de l'Accord de libre-échange du 22 juillet 1972 entre la CEE et la
Confédération suisse, thèse Lausanne 1977, p. 106 ss). Enfin, pour qu'un
particulier puisse se prévaloir d'une convention internationale, il est
encore impératif qu'une éventuelle violation de la règle conventionnelle
soit à même d'entraîner une conséquence quelconque affectant la situation
de l'intéressé; cette condition exclut, dès lors, la possibilité d'invoquer
les dispositions d'un accord international, qui se limitent à permettre
la constatation d'un comportement contraire au traité et, le cas échéant,
l'ouverture de négociations, sans qu'une sanction soit prévue, hormis,
éventuellement, celles qui sont propres aux rapports juridiques entre
sujets de droit international (ATF 104 IV 179/180).

    b) Le 25 février 1975, le Conseil fédéral a conclu avec le Gouvernement
du Royaume de Belgique un Accord relatif aux transports internationaux
par route (RO 1975 II 1442, RS 0.741.619.172). Réglant principalement
le système des autorisations pour le transport de marchandises et de
personnes, ce traité ne contient aucun engagement des Parties contractantes
à ne pas percevoir de taxe sur le trafic des poids lourds empruntant leur
réseau routier. Cette question est toutefois abordée indirectement par
le biais des modalités d'application de la convention contenues dans un
protocole annexe conclu en application de l'art. 9 de l'Accord. Réglant
cette matière, l'art. 7 du Protocole a la teneur suivante:

    "La législation suisse actuelle n'assujettit à aucun droit ou taxe de
   transport ou de circulation les transporteurs belges effectuant en
   Suisse des transports régis par les dispositions de l'accord au moyen de
   véhicules immatriculés en Belgique. Par réciprocité, la Belgique accorde
   l'exonération de la taxe de circulation sur les véhicules et de la taxe
   quotidienne de séjour aux transporteurs suisses qui effectuent sur le
   territoire de la Belgique des transports régis par l'accord au moyen
   de véhicules immatriculés en Suisse. Il est précisé que la législation
   belge actuelle accorde l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée
   pour les transports internationaux routiers de marchandises.

    Demeure réservée la perception d'émoluments de concession et la taxe
   sur la valeur ajoutée frappant les transports rémunérés de personnes
   ainsi que, le cas échéant, de droits pour les routes, ponts, tunnels
   et pour autoriser des dérogations à la législation sur la circulation
   routière telles que le dépassement des poids, des dimensions des
   véhicules ou les interdictions de circuler le dimanche."

    Selon les termes clairs de cette disposition, les parties à la
convention ont désiré instituer un système d'exonération des droits et
taxes de transport ou de circulation en se fondant exclusivement sur le
principe de la réciprocité. Dès lors, après avoir exposé à l'al. 1 la
situation juridique prévalant au moment de la conclusion de l'Accord - ce
qui est souligné par l'utilisation de l'expression "législation actuelle"
-, les deux Etats ont déterminé à l'al. 2 les conditions dans lesquelles
un traitement équilibré des transporteurs nationaux sera maintenu,
certains émoluments, taxes et droits pouvant être perçus sans provoquer
une rupture de l'équilibre organisé par le traité. Il s'ensuit qu'une
éventuelle violation de cette disposition n'entraîne aucune conséquence
susceptible d'être invoquée par un particulier, mais libère l'autre partie
contractante des obligations imposées par la règle de la réciprocité.

    C'est donc en vain que la recourante tente de démontrer que la taxe
prélevée sur ses camions serait contraire au Protocole du 25 février
1975. Même si son allégation devait se révéler correcte - ce qui n'est pas
établi -, elle ne pourrait pas s'en prévaloir pour obtenir l'annulation
de la décision attaquée; une sanction du non-respect de la disposition
conventionnelle ne pourrait se situer qu'au niveau international et dans
ce cas, il appartiendrait à l'Etat cocontractant de prendre les mesures
qu'il jugerait alors nécessaires. Dans ces conditions, l'applicabilité
directe de la règle faisant défaut, le grief de violation de l'art. 7 du
Protocole du 25 février 1975 doit être rejeté.

Erwägung 3

    3.- Estimant que la taxe litigieuse constitue en réalité un impôt,
la recourante prétend que celui-ci est discriminatoire et viole certains
traités internationaux - autres que l'Accord du 25 février 1975 examiné
précédemment -, ratifiés par la Suisse, sur la libre circulation des
personnes et des biens.

    a) Il convient tout d'abord de relever que la nature juridique exacte
de la redevance sur le trafic des poids lourds importe peu en l'espèce;
le sort du présent litige demeure en effet identique quelle que soit la
qualification retenue. Dès lors, la question de savoir si la redevance
constitue un impôt ou une taxe d'utilisation des routes peut rester
indécise.

    b) La notion d'impôt ou de taxe discriminatoire suppose, pour le moins,
l'existence d'une inégalité de traitement sensible entre deux catégories
de personnes assujetties, soit, en l'occurrence, entre les détenteurs
de véhicules étrangers et indigènes. Or, selon les art. 7 à 15 OTPL,
les transporteurs suisses sont soumis au paiement de la redevance au
même titre que leurs collègues belges, de sorte que le principe de la
taxation ne consacre en lui-même aucun traitement discriminatoire des
véhicules étrangers.

    A cet égard, le fait que les détenteurs d'un poids lourd belge soient
assujettis dans leur pays d'origine à un impôt sur les véhicules à moteur
ne permet pas d'inférer que la taxe les frappe de manière particulière
dès l'instant où les routiers suisses s'acquittent également d'un impôt
analogue en plus de la redevance sur le trafic des poids lourds. En
réalité, en formulant ce grief, la recourante ne conteste pas le caractère
prétendument discriminatoire de la taxe, mais critique une éventuelle
double imposition des transporteurs belges; un tel moyen, toutefois, ne
peut être soulevé que dans la mesure où une convention internationale
directement applicable prohibe la taxation. Or, tant les traités
internationaux invoqués par la recourante (cf. ci-dessous consid. 3c)
que l'Accord de double imposition conclu avec le Royaume de Belgique le
28 août 1978 (FF 1980 p. 1456, RS 0.672.917.21), qui ne concerne que les
impôts sur la fortune et le revenu, n'interdisent pas la perception de
la redevance.

    Le principe de la taxation échappant ainsi à la critique, reste à
examiner si le taux appliqué aux camions de la recourante concrétise une
discrimination des transporteurs étrangers.

    Appliquant correctement l'art. 19 al. 4 lettre a OTPL, l'autorité
douanière a exigé le paiement de 15 fr. par camion, ce qui correspond au
minimum dû pour un véhicule soumis à la redevance. Comparant ce montant
à la somme réclamée à un camionneur suisse détenteur d'un poids lourd
comparable taxé à l'année, la recourante prétend que le transporteur
étranger doit payer 5 fr. de plus que son homologue indigène, injustement
favorisé et à qui il ne serait proportionnellement demandé qu'une somme
de 10 fr. par jour (3'000 fr. : 300 jours).

    Le calcul qu'opère la recourante pour arriver à ce résultat se fonde
cependant sur des prémisses erronées. Contrairement à ce qu'elle admet,
un camion ne circule pas chaque jour ouvrable; les contingences liées à la
maintenance et à la réparation du véhicule, de même que celles découlant
de la disponibilité des chauffeurs (vacances, maladies), immobilisent
les poids lourds une partie non négligeable de l'année et l'on peut, sans
risque de se tromper, estimer à 200, voire à 220 jours la durée moyenne
d'utilisation d'un véhicule par an (cf. Statistiques de la Suisse/578e
fascicule, tableau No 52 selon lequel les 4080 véhicules de plus de 19
tonnes immatriculés en Suisse présentent une durée d'utilisation des
routes de 5,25 millions d'heures par année ou 1287 heures par véhicule;
A. MEYER, Die betriebswirtschaftlichen Kosten der Strassentransporte, NZZ
du 21 janvier 1986, p. 16). Il s'ensuit, compte tenu de l'approximation
imposée nécessairement par ce genre d'appréciation, que la redevance
journalière minimale demandée pour un véhicule de plus de 19 tonnes
correspond, proportionnellement, à celle qui est réclamée à l'année pour
un poids lourd de même catégorie.

    Au surplus, même si l'on devait accepter les allégations de la
recourante et retenir une différence de taxe de 5 fr., cette situation ne
suffirait pas à établir l'existence d'un traitement discriminatoire. La
légère distorsion entre les montants perçus serait en effet justifiée
par une différence objective: les frais administratifs occasionnés lors
de chaque passage taxé à la journée se révèlent comparativement plus
élevés que ceux engendrés par une taxation unique à l'année. Dans ces
circonstances, en s'appuyant sur l'art. 17 al. 3 Disp. trans. Cst.,
qui impose expressément au Conseil fédéral de prendre en considération
le coût de la perception, l'autorité pourrait à bon droit exiger que
celui qui provoque l'activité administrative spéciale en assume le
paiement. Comme, en outre, le supplément à verser n'entraînerait qu'une
augmentation négligeable de la taxe par rapport à ce que doivent verser
les autres transporteurs non soumis au minimum, le surplus en cause ne
saurait être discriminatoire.

    Enfin, il importe de souligner que, dans le cas de la taxation pour
une année entière - soit dans la seule situation où une comparaison
directe entre transporteurs suisses et étrangers se révèle possible -,
les routiers belges et suisses s'acquittent de montants strictement
identiques, excluant tout élément discriminatoire.

    En conséquence, le grief relatif à une inégalité de traitement ne
peut être que rejeté, étant entendu que le même argument appliqué aux
autocars n'a pas à être examiné dans le cadre du présent recours, dès
lors que la recourante n'a pas été taxée à ce titre.

    c) Finalement, l'intéressée tient la décision entreprise pour contraire
aux art. 13 et 18 de l'Accord conclu par la Suisse avec la Communauté
européenne du 22 juillet 1972 (RO 1972 p. 3169) aux art. V al. 3 et VIII
de l'Accord général sur les tarifs et le commerce (GATT; RO 1959 p. 1807)
et à l'art. 10 de la Convention instituant l'Association européenne de
libre-échange (RO 1960 p. 635).

    Dans la mesure où la redevance critiquée n'est pas discriminatoire,
sa perception ne provoque pas d'effets indirects comparables à une
restriction quantitative des importations prohibée par l'art. 13 de
l'Accord conclu avec la Communauté européenne (MALINVERNI, Avis de droit
sur la compatibilité de la redevance sur le trafic des poids lourds avec
les engagements internationaux contractés par la Suisse, non publié,
p. 11; CHOFFAT, op.cit., p. 157). Pour le même motif, aucune violation
de l'art. 18 de ce traité ou de la Déclaration commune des Parties
contractantes relative aux transports de marchandises en transit (FF
1972 II 952) ne peut être reprochée aux autorités suisses (MALINVERNI,
op.cit., p. 11/12; CHOFFAT, op.cit., p. 168).

    De plus, s'il n'est pas insoutenable de prétendre que la redevance
peut ne pas s'harmoniser avec les objectifs généraux énoncés dans le
préambule ou à l'art. 1er de l'Accord, il faut cependant constater que ces
dispositions constituent de simples déclarations à caractère de programme
et ne contiennent aucune obligation juridique que le juge administratif se
doit d'appliquer. S'adressant exclusivement à l'autorité politique, elles
ne présentent en l'espèce aucune utilité pour la recourante (cf. CHOFFAT,
op.cit. p. 139).

    Quant aux deux autres traités, la recourante ne peut s'en prévaloir. En
effet, alors que l'Accord général sur les tarifs et le commerce réglemente
exclusivement les relations entre Etats et ne peut être invoqué par un
particulier (SENTI, GATT, System der Welthandelsordnung, Zurich 1986,
p. 45; Long, La place du droit et ses limites dans le système commercial
multilatéral du GATT, in Académie de droit international, Recueil des
cours, t. 182, p. 83), la Convention instituant l'Association européenne
de libre-échange n'est pas applicable en l'occurrence, puisque la Belgique
n'est pas partie au traité.

Erwägung 4

    4.- Demeure la question de savoir si la Direction générale des douanes
aurait dû autoriser une exception au système de la redevance en vertu de
l'art. 3 al. 2 OTPL.

    Dès l'instant où le Conseil fédéral a expressément édicté à l'art. 3
al. 1 OTPL une liste des exceptions à l'assujettissement, la compétence
résiduelle octroyée en cette matière à l'autorité intimée par l'art. 3
al. 2 OTPL ne peut être que très restreinte; elle se limite strictement
aux seuls cas dans lesquels la situation se révèle trop particulière
pour justifier son inclusion dans la liste des exceptions de l'al. 1
et ne requiert qu'une décision d'espèce. Si l'on ne peut contester à la
Direction générale des douanes la compétence d'exempter de la redevance les
véhicules apportant les objets nécessaires au fonctionnement de bureaux de
douane étrangers en Suisse conformément aux conventions conclues avec les
Etats voisins sur la création de "bureaux à contrôles nationaux juxtaposés"
(cf. p.ex. RS 0.631.252.913.690) ou les poids lourds se rendant à Büsingen
en vertu du Traité du 23 novembre 1964 sur l'inclusion de la commune
de Büsingen am Hochrhein dans le territoire douanier suisse (RO 1967,
p. 1251), cette autorité n'a en revanche pas le pouvoir d'exonérer de
manière générale tous les véhicules à moteur immatriculés dans un pays
déterminé. Considérant que la grande majorité des poids lourds étrangers
circulant en Suisse pourrait se prévaloir de conventions internationales
du type de celle conclue avec la Belgique - non applicables directement
-, une exonération prononcée sur cette base équivaudrait à vider de
son sens non seulement la liste d'exceptions de l'art. 3 al. 1 OTPL,
mais surtout l'article constitutionnel qui, à son al. 4, stipule que
la réglementation d'exécution ne devra pas privilégier les véhicules
immatriculés à l'étranger au détriment des véhicules suisses.

    Dans ces conditions, il apparaît que la Direction générale des douanes
n'a commis aucun abus ou excès du pouvoir d'appréciation réservé par
l'art. 3 al. 2 OTPL en n'accordant pas l'exonération aux véhicules de
la recourante.