Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 112 IB 105



112 Ib 105

17. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 23 avril 1986
dans la cause R. contre Commune de Commugny et Vaud, Etat et Chambre des
recours du Tribunal cantonal (recours de droit administratif) Regeste

    Art. 5 Abs. 2 RPG; materielle Enteignung; Umzonung eines
Grundstücks aus der Zone für Einfamilienhäuser in Landwirtschafts- und
Rebbauzone. Ersatz für vergeblich erstellte Pläne.

    1. Definition der materiellen Enteignung (E. 2).

    2. Unterscheidung zwischen Auszonung und Nichteinzonung, die den
Eigentumsinhalt gemäss den Anforderungen der Raumplanung (Art. 22quater BV)
festlegt. Im konkreten Fall Annahme einer Auszonung, die den Eigentümer
einer wesentlichen, aus seinem Eigentum fliessenden Möglichkeit der
Grundstücksnutzung beraubt (E. 3).

    3. Unter Berücksichtigung aller im Entscheidungszeitpunkt massgeblichen
rechtlichen und tatsächlichen Elemente wäre damit zu rechnen gewesen,
dass das Grundstück in naher Zukunft überbaut worden wäre (E. 4).

    4. Die von der Rechtsprechung aufgestellten Voraussetzungen der
Entschädigung von Projektierungskosten sind im konkreten Fall nicht
erfüllt, denn die Zonenplanänderung wurde nicht durch die Einreichung
eines Baubewilligungsgesuchs ausgelöst (E. 6).

Sachverhalt

    A.- Le 19 mars 1974, R. a acquis la parcelle 712, d'une surface de
2822 m2, sise sur le territoire de la commune de Commugny.

    De forme rectangulaire et en nature de pré-champ, cette parcelle est
située sur le coteau de Monthoux, à quelque 200 m au nord-est du centre
du village, en direction de l'autoroute. En pente légère vers le lac,
le coteau de Monthoux est planté en vignes. Il ne comporte qu'une seule
construction: la villa de dame B. avec piscine attenante, implantée dans
le prolongement ouest du terrain acquis par R. Trois autres constructions,
situés plus à l'ouest, ne font pas partie du coteau. A l'est de celui-ci
se trouvent des terrains de nature agricole. Directement bordée au nord et
au sud par des vignes, la parcelle 712 fait partie d'un ensemble viticole
et agricole compact. L'endroit est tranquille et plaisant; il se prêterait
fort bien à une construction.

    De la route communale venant du centre du village, l'accès à la
parcelle 712 est assuré, à l'ouest, par une bande de terrain en nature de
pré-champ longue de 20 m environ. L'aménagement de celle-ci en chemin ne
présenterait aucune difficulté, et la commune de Commugny ne s'y opposerait
pas. En septembre 1974, R. a participé aux frais du revêtement bitumineux
d'une place de parc commune avec dame B. à l'entrée de cette bande
d'accès. En 1977, il a en outre supporté la moitié du coût de réfection
de la conduite privée d'amenée d'eau alimentant les parcelles 712 et 710.

    La parcelle 712 n'est pas directement raccordée au réseau d'eau,
d'électricité et des égouts. Les amenées de l'électricité, du téléphone
et de l'eau potable ne posent toutefois pas de problèmes. L'évacuation
des eaux pourrait se faire par le collecteur passant le long de la route
communale moyennant l'installation d'une pompe, solution à laquelle la
commune serait opposée, ou en construisant un collecteur sur une centaine
de mètres en bordure de la vigne au sud-ouest (parcelle No 711). Le tracé
des collecteurs communaux qui longe la route communale a été aménagé en
1980/1981, et aboutit juste devant le chemin d'accès à la parcelle 712.

    R. a acquis son terrain dans l'intention d'y construire une villa
familiale. Au début de 1979, il fut informé par dame B., à qui la
Municipalité de Commugny avait refusé l'autorisation de construire
une piscine sur son bien-fonds, d'une modification possible du plan
de zones. Il donna alors mandat à un architecte de faire mettre à
l'enquête la construction d'une villa sur la parcelle 712. Le 4 octobre
1979, l'architecte soumit à la Municipalité un projet d'implantation
pour approbation préalable. La Municipalité répondit qu'il était
prévu d'inclure la parcelle 712 dans une zone inconstructible. Le 12
octobre 1979, l'architecte confirma que le projet de la villa était
immédiatement réalisable et que son client entendait construire sans
délai. La Municipalité s'opposa à la délivrance du permis de construire,
eu égard à la modification envisagée du plan de zones.

    En 1972, dans le cadre d'un premier projet de modification du plan de
zones, il avait été envisagé de classer le terrain ou se trouve la parcelle
712 en zone inconstructible. Ce terrain est toutefois resté en zone de
villas moyennant une charge foncière relative aux frais d'équipement.

    Le 17 juin 1980, le Conseil communal de Commugny a adopté un
nouveau plan de zones classant la parcelle 712 en zone agricole et
viticole protégée. Il a considéré que la sauvegarde du coteau viticole
de Monthoux, site particulièrement digne de protection, excluait toute
nouvelle construction dans ce secteur. Cette modification du plan de
zones, à laquelle R. s'est vainement opposé, a été approuvée par le
Conseil d'Etat le 1er avril 1981.

    Le 3 août 1981, R. a ouvert action en expropriation matérielle contre
la commune de Commugny devant le Tribunal du district de Nyon. Il a
conclu pour l'essentiel au paiement de 530'916 fr. 40. L'Etat de Vaud
est intervenu au procès pour s'opposer à l'action. Par jugement du 30
janvier 1984, le Tribunal de district a rejeté la demande.

    Saisie d'un recours de R., la Chambre des recours du Tribunal cantonal
vaudois a, par arrêt du 6 mars 1985, nié l'existence d'une expropriation
matérielle et rejeté les conclusions principales de l'intéressé. Elle a
notamment considéré que le classement du coteau de Monthoux en zone
agricole et viticole se justifiait en raison de sa situation et de sa
vocation viticole. Par ailleurs, on ne pouvait dire qu'au 1er avril 1981,
date de l'approbation du nouveau plan de zones, la parcelle 712 aurait
été vouée à la construction dans un proche avenir.

    Agissant par la voie du recours de droit administratif, R. a requis le
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre des recours du Tribunal
cantonal, d'admettre l'existence d'une expropriation matérielle et de fixer
l'indemnité due de ce chef, à 522'070 fr., avec intérêts. Il s'est prévalu
d'une violation de l'art. 5 al. 2 de la loi fédérale du 22 juin 1979 sur
l'aménagement du territoire (LAT), ainsi que des art. 4 et 22ter Cst.,
alléguant à cet égard que les principes de la bonne foi, de l'égalité
de traitement et de la proportionnalité n'avaient pas été respectés par
l'autorité cantonale.

    La commune de Commugny, l'Etat de Vaud et l'Office fédéral de
l'aménagement du territoire ont conclu au rejet du recours; le Tribunal
cantonal, pour sa part, s'est référé à son arrêt.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- (Recevabilité du recours de droit administratif.)

Erwägung 2

    2.- a) Selon la jurisprudence, il y a expropriation matérielle lorsque
l'usage actuel d'une chose ou son usage futur prévisible est interdit
ou restreint d'une manière particulièrement grave, de sorte que le lésé
se trouve privé d'un attribut essentiel de son droit de propriété. Une
atteinte de moindre importance peut aussi constituer une expropriation
matérielle si elle frappe un ou plusieurs propriétaires de manière telle
que, s'ils n'étaient pas indemnisés, ils devraient supporter un sacrifice
par trop considérable en faveur de la collectivité, incompatible avec le
principe de l'égalité de traitement (ATF 110 Ib 32 consid. 4, 109 Ib 15
consid. 2, 108 Ib 354 consid. 4 et arrêts cités). Dans l'un et l'autre cas,
la protection ne s'étend également à l'usage futur prévisible que dans
la mesure ou celui-ci apparaît au moment déterminant comme très probable
dans un proche avenir (ATF 109 Ib 15/16 consid. 2, 107 Ib 223). Par usage
futur prévisible, on entend généralement la possibilité d'affecter à la
construction l'immeuble concerné.

    b) Pour juger si un bien-fonds aurait été très vraisemblablement
utilisé comme terrain à bâtir dans un proche avenir, il faut, selon la
jurisprudence, prendre en considération tous les facteurs juridiques et
matériels qui peuvent déterminer ses chances d'être édifié. Parmi ces
facteurs figurent les dispositions du droit des constructions fédérales,
cantonales et communales en vigueur au moment déterminant, la situation
et les caractéristiques générales de l'immeuble en cause ainsi que
les possibilités de l'équiper, l'état de la planification communale et
cantonale et le développement des constructions dans les environs. Les
différents facteurs doivent être examinés et pesés. C'est seulement si
la construction est juridiquement admissible et pratiquement possible
et si les circonstances la rendent très vraisemblable dans un proche
avenir qu'une restriction de propriété excluant toute construction peut
être considérée comme une atteinte particulièrement grave, entraînant
l'obligation d'indemniser le propriétaire.

    Comme motifs permettant de considérer qu'un bien-fonds ne pourrait pas
être bâti dans un avenir relativement proche, le Tribunal fédéral a indiqué
par exemple la nécessité d'obtenir une dérogation ou de modifier un plan
de zones, ou d'établir un plan d'équipement ou un plan spécial (plan de
quartier ou autre), la nécessité de procéder à un remaniement parcellaire
ou à d'autres travaux d'équipement importants. La possibilité d'équiper une
parcelle - et même, selon les circonstances, le fait qu'elle est équipée -
ne suffit pas à la faire considérer automatiquement comme constructible
dans un proche avenir (ATF 109 Ia 16 consid. 2 et les arrêts cités).

    Le propriétaire concerné doit en outre rendre hautement vraisemblable
qu'au moment du déclassement ou du refus de classement de son bien-fonds,
celui-ci aurait été effectivement voué à la construction, selon le
cours ordinaire des choses, dans un proche avenir. La réponse dépend
d'une appréciation objective des données sociales et économiques de la
région, tels le développement de la construction dans le secteur ou se
trouve l'immeuble et les perspectives de croissance démographique de
la commune mises en parallèle avec la capacité globale de son plan de
zones. L'affectation antérieure d'un bien-fonds, sa situation par rapport
au territoire déjà bâti, ses qualités intrinsèques mesurées à l'aune
des impératifs de l'aménagement du territoire, telle la nécessité de
réserver des terres agricoles suffisantes et de protéger des paysages de
valeur sont, dans ce contexte, des indices déterminants (ATF 102 Ia 129
consid. 2 f; arrêt Wohlen du 10 novembre 1982, consid. 2 non publié in
ATF 108 Ib 352; ROUILLER, Considérations sur la garantie de la propriété
et sur l'expropriation matérielle, faites à partir de la jurisprudence
du Tribunal fédéral, in RJB 1985 p. 19 ss).

    c) Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'une expropriation
matérielle, il faut se placer au moment de l'entrée en vigueur de la
restriction au droit de propriété (ATF 110 Ib 33 consid. 4a, 109 Ib
16 consid. 3, 108 Ib 338 consid. 4c et arrêts cités).

Erwägung 3

    3.- Dans ses observations, l'Office fédéral de l'aménagement du
territoire estime que la parcelle 712 n'est pas l'objet d'un déclassement
ou dézonage, mais d'une simple mesure de non-classement en zone à bâtir.

    Selon la jurisprudence, lorsque la modification d'un plan de zones
- qui a pour effet qu'une parcelle ne figure plus dans la zone à bâtir
ou elle se trouvait auparavant - intervient pour adapter ce plan à la
législation fédérale et cantonale en vigueur, cette mesure n'implique pas
la privation d'une faculté essentielle découlant du droit de propriété;
elle a bien plutôt pour effet de préciser le contenu véritable du droit
de propriété, de sorte qu'il n'y a en principe pas d'expropriation
matérielle (ATF 109 Ib 17 consid. 4a, 105 Ia 338 consid. 3d;
KUTTLER, Eigentumsbeschränkungen, die einer Enteignung gleichkommen,
in Staatsorganisation und Staatsfunktionen im Wandel, Festschrift
Eichenberger, 1982, p. 649/650; ROUILLER, op.cit., p. 21; SCHÜRMANN,
Bau- und Planungsrecht, 2e éd. 1984, p. 231). L'Office fédéral considère
que l'ancien plan de zones de 1973 ne prévoyait pas de zone agricole
et n'opérait pas une distinction suffisante entre terrains à bâtir et
terrains non constructibles; c'est donc pour l'adapter aux exigences
nouvelles des art. 25bis et 25ter LCAT qu'on l'aurait modifié avec effet
au 1er avril 1981; partant, il n'y aurait en principe pas d'expropriation
matérielle en l'espèce. Cette opinion de l'Office fédéral de l'aménagement
du territoire ne saurait être partagée.

    a) La loi cantonale du 5 février 1941 sur les constructions et
l'aménagement du territoire (LCAT) a subi des modifications successives au
cours des dernières décennies. C'est ainsi que la loi du 26 février 1964
y a introduit un art. 25bis concernant la limitation des constructions
dans les zones agricoles, et un art. 25ter ayant la teneur suivante:
"Les zones destinées à assurer l'extension d'une agglomération doivent se
justifier par le développement prévisible de la commune ou de la région
dans les dix années à venir. Les voies d'accès, l'adduction d'eau et
les égouts doivent être prévus." Puis la loi du 15 décembre 1971 est
venue préciser l'art. 25ter en ce sens que les voies d'accès, l'adduction
d'eau, l'évacuation et l'épuration des eaux usées doivent être prévues
et réalisées dans le délai de dix ans; elle y a ajouté en outre un alinéa
concernant la réserve de zones de construction d'utilité publique. Enfin,
la loi du 13 septembre 1976 a complété l'art. 25bis relatif à la zone
agricole; elle a de plus introduit à l'art. 25ter un nouvel al. 3 en
vertu duquel le territoire qui ne répond pas aux prescriptions de l'al. 1
doit être classé soit en zone agricole, soit en zone de verdure, soit en
zone intermédiaire.

    b) Il résulte toutefois de l'examen des préavis de la Municipalité de
Commugny, adressés au Conseil communal les 18 avril 1973 et 19 mai 1980,
que si le plan de zones a effectivement été modifié en 1973 et en 1981
pour l'adapter de manière générale aux nouvelles réglementations entrées
en vigueur, ce n'est précisément pas pour réaliser un tel objectif que
la parcelle 712 du recourant a été, en 1981, sortie de la zone de villas
et attribuée à la zone agricole et viticole de la commune de Commugny.

    Dans le préavis du 18 avril 1973, il est relevé que la modification
de l'art. 25ter par la loi du 15 décembre 1971 implique une réduction
et une meilleure délimitation des zones de construction. Afin de créer
une situation durable, qui soit acceptable par l'autorité cantonale, la
Municipalité proposait de "déclasser en zone sans affectation spéciale"
une partie des parcelles placées en zone de villas, attendu que, faute
d'équipement suffisant, ces parcelles ne constituaient pas des terrains
à bâtir au regard des nouvelles dispositions légales. En ce qui concerne
la parcelle 712, dont le propriétaire d'alors avait fait opposition,
elle admettait de lui faire suivre le sort de la parcelle contiguë No 710
(déjà bâtie pour la plus grande part), à savoir de la maintenir en zone
de villas moyennant l'engagement du propriétaire - comme pour le solde
non construit de la parcelle 710 - d'assumer les frais du raccordement
au réseau d'égouts.

    Le Conseil d'Etat a approuvé, le 12 octobre 1973, le nouveau plan
de zones et les propositions de réponse aux opposants. Il s'ensuit
dès lors que les autorités cantonales et communales reconnaissaient
que la parcelle 712 constituait bien du terrain à bâtir au regard de la
nouvelle réglementation légale. C'est peu après, à savoir le 19 mars 1974,
que R. acquérait la propriété de cette parcelle en reprenant la charge
foncière relative aux frais d'équipement.

    Dans le préavis du 19 mai 1980 à l'appui du nouveau plan de zones de
1981, la Municipalité se réfère d'abord à l'arrêté fédéral urgent du 17
mars 1972 (AFU) et à son règlement cantonal d'application: il s'avère
cependant qu'aucune mesure de protection fondée sur ces textes n'a été
ordonnée concernant le coteau de Monthoux et plus spécialement la parcelle
712. S'agissant des modifications apportées par la loi du 13 septembre
1976, la Municipalité rapporte qu'en raison du nouvel art. 25bis LCAT,
elle est tenue de substituer à la zone sans affectation spéciale une zone
agricole: cette opération ne touche pas non plus la parcelle 712. Puis
l'autorité communale expose qu'elle place même en zone intermédiaire
des secteurs situés en zone de villas, mais non encore bâtis ni équipés;
cette modification concerne les lieux dits au Saugey et en Bouchattet,
et non pas le coteau de Monthoux. Enfin, la Municipalité affirme qu'elle
a dû prendre des mesures de protection pour les terrains non encore
bâtis situés sur La Fontaine et en Monthoux, classés jusqu'ici pour
l'essentiel en zone sans affectation spéciale. "Il s'agit - dit-elle -
à la fois d'un site près du village, qui mérite d'être protégé, et d'un
coteau viticole qui mérite d'être conservé. C'est pourquoi ces deux
secteurs ont été placés en zone agricole et viticole protégée, ce qui
pourra éventuellement, dans un cas particulier tout à fait exceptionnel,
exposer la commune à une demande d'indemnité [...]." Le préavis municipal
fait donc apparaître clairement le motif du changement d'affectation
intervenu à propos du coteau de Monthoux et de la parcelle 712: il ne
s'agit nullement de la nécessité d'adapter la réglementation communale
aux nouvelles exigences légales de l'art. 25ter al. 3 LCAT, mais bien
exclusivement de la volonté de protéger un site et sa "vocation viticole".

    Les réponses données aux opposants B. et R. le confirment. A dame B.,
la Municipalité déclare que la modification de la zone est justifiée
"pour sauvegarder le site encore intact du coteau de Monthoux" et
qu'au demeurant, "bien loin de prétériter l'opposante, cette mesure la
favorise au contraire puisqu'elle rend inconstructible la parcelle 712
sise immédiatement devant sa villa". Au recourant, elle fait savoir que
la raison d'affecter la parcelle 712 à la zone viticole protégée réside
dans la "sauvegarde du coteau viticole de Monthoux, qui constitue un
site particulièrement digne de protection". La Municipalité fait par
ailleurs allusion au dommage que pourrait subir le propriétaire de ladite
parcelle, aux vaines tentatives faites pour résoudre le cas à l'amiable
et à l'éventualité - dont elle n'entend pas préjuger - que ce préjudice
soit assimilé à une expropriation matérielle.

    c) L'on ne se trouve donc pas, en l'espèce, en présence d'une mesure
de non-classement ayant pour effet de préciser l'étendue du droit de
propriété (cf. arrêts non publiés Coderey, Fayet et Crot c. commune de
Lutry des 21 mars et 5 décembre 1978), mais bien d'un déclassement pur
et simple qui prive le propriétaire d'une faculté essentielle découlant
de son droit de propriété.

Erwägung 4

    4.- Encore faut-il, pour admettre l'existence d'une expropriation
matérielle, que le bien-fonds en cause eût très vraisemblablement été
utilisé, dans un proche avenir, comme terrain à bâtir. A cet égard,
la date déterminante est, comme l'a admis le Tribunal cantonal, le 1er
avril 1981, date de l'entrée en vigueur du nouveau règlement communal
sur le plan d'extension et la police des constructions.

    a) Bien qu'étant située en zone de villas depuis 1962 en tout cas,
la parcelle 712 (essentiellement en nature de pré-champ) n'a pas fait
l'objet de travaux de construction jusqu'à la date déterminante du 1er
avril 1981. Au moment ou, le 4 octobre 1979, l'architecte du recourant a
soumis un projet d'implantation d'une villa pour approbation préalable,
le nouveau texte des art. 25bis et 25ter LCAT était depuis longtemps
en vigueur, et la Municipalité de Commugny avait déjà élaboré plusieurs
projets successifs de révision du plan de zones. Toutefois, on l'a vu,
le déclassement de la parcelle 712 n'est en rien la conséquence de la
modification des art. 25bis et ter LCAT. On ne saurait donc dire que
cette réglementation cantonale aurait pu faire obstacle à la délivrance
d'un permis.

    Lors de l'inspection locale, puis dans son écriture du 30 décembre
1985, le mandataire de la commune de Commugny et de l'Etat de Vaud a exposé
que l'autorité communale aurait été en droit de rejeter une demande de
permis de construire pour le motif que la parcelle n'était pas équipée. On
ne saurait le suivre sur ce point. En effet, indépendamment des exigences
formelles relatives au contenu du dossier présenté par l'architecte,
et qui sont dénuées de pertinence en l'espèce, la Municipalité s'est
fondée exclusivement sur l'art. 83 LCAT pour s'opposer à la demande de
permis d'implantation du 4 octobre 1979 et pour la rejeter le 15 janvier
1980 après mise à l'enquête. L'art. 83 LCAT dispose, à son al. 1, que
"la Municipalité a le droit de refuser le permis si l'ouvrage, bien
que conforme aux lois et règlements, compromet le développement futur
d'un quartier. La Municipalité peut également refuser le permis si elle
a l'intention [...] d'apporter [une] modification au plan d'extension,
et que l'ouvrage soit en contradiction avec les plans ou les dispositions
projetées, ou en gêne la réalisation."

    Rien dans le dossier n'établit que l'autorité communale aurait fondé le
refus du permis sur un défaut d'équipement de la parcelle 712 (art. 67bis
LCAT). Il y a là à tout le moins un indice que ce bien-fonds constituait,
aux yeux de l'autorité communale, du terrain à bâtir suffisamment équipé.

    b) L'arrêt attaqué a constaté d'ailleurs que le raccordement aux
réseaux d'électricité, de téléphone et d'eau potable ne posait pas de
problèmes. Quant aux possibilités de rejoindre les collecteurs communaux
d'eaux usées et d'eaux claires, il résultait de l'instruction que
"ce raccordement était techniquement réalisable sans frais excessifs
[...]". Emanant d'un tribunal cantonal, de telles constatations de fait
lient en principe le Tribunal fédéral (art. 105 al. 2 OJ).

    Au demeurant, les représentants de la commune ont déclaré à la
délégation du Tribunal fédéral, lors de l'inspection locale, que le
tracé des collecteurs communaux qui longe la route communale a été
aménagé en 1980/1981 jusqu'à proximité de la parcelle 712. Au cours de
cette inspection, M. H. - dont l'arrêt attaqué dit qu'on ignore s'il
aurait, avec ses consorts, donné son accord au moment déterminant -
est convenu avec le recourant qu'un arrangement pourrait être trouvé
quant à un tracé épargnant la vigne plantée sur la parcelle 711. Cette
solution permettrait de surcroît de renoncer à l'alternative du pompage,
système que la commune refuse pour des raisons de sécurité (déficience
du pompage ensuite d'éventuelles pannes d'électricité).

    Il s'ensuit qu'on ne saurait invoquer un manque d'équipement de la
parcelle 712.

    c) Le Tribunal cantonal admet que le recourant a acheté la parcelle
litigieuse en 1974 dans l'intention d'y construire une villa, que cette
intention subsistait en 1979 et le 1er avril 1981, et que les motifs
qu'il allègue pour expliquer le report de son projet sont plausibles. Ces
constatations de fait lient le Tribunal fédéral.

    La juridiction cantonale considère, avec raison, que cet aspect
subjectif n'est pas décisif en soi. Il revêt toutefois une certaine
importance, qu'il faut apprécier de cas en cas en relation avec les autres
critères, pour juger si la parcelle litigieuse a une vocation objective
à la construction dans un proche avenir.

    Dans ce contexte, il faut mentionner la charge foncière que le
recourant a dû reprendre lors de l'achat de sa parcelle. Cette charge non
seulement oblige le propriétaire à équiper le cas échéant le terrain à ses
frais, mais stipule en outre une contribution de 4 fr. 50 par m2 "pour
couvrir partiellement les frais généraux d'infrastructure communale",
contribution qui devra être payée à la commune "lors de la délivrance
du permis de construire". A cela s'ajoutent les dépenses du recourant
relatives à l'aménagement d'une place de parc commune avec dame B. en 1974
(500 fr.) et à la réfection d'une conduite d'eau en 1977 (1'187 fr. 20),
dépenses dont le Tribunal cantonal constate qu'elles ont été "engagées
en vue de la construction aujourd'hui impossible".

    Il s'agit là d'éléments objectifs qui doivent être pris en
considération, en plus de la volonté de construire subjective du
propriétaire, pour permettre d'admettre la vraisemblance d'une utilisation
future de la parcelle comme terrain à bâtir.

    d) Le motif principal, voire unique, qui a conduit le Tribunal
cantonal à rejeter le recours de R. sur le principe de l'expropriation
matérielle consiste en la considération que le coteau de Monthoux est
un site de valeur, à vocation viticole. Il n'est pas contestable -
et la délégation du Tribunal fédéral a pu s'en rendre compte - que ce
coteau présente un certain charme, encore que sa valeur ne soit nullement
exceptionnelle. Il est exact également qu'il est pour l'essentiel planté
en vigne et que la parcelle 712 était entourée de vignes sur deux côtés
à la date décisive. Point n'est besoin toutefois de rechercher si, comme
l'expose la juridiction cantonale, le coteau de Monthoux a une "vocation
viticole". A supposer que tel soit le cas et que le site soit en soi digne
de protection, cela signifierait simplement que la commune de Commugny
pouvait se prévaloir d'un intérêt public pour le placer entièrement dans
une zone agricole et viticole protégée. Cela ne signifierait pas encore
que le déclassement d'une parcelle, pour réaliser cet objectif, ne doive
pas entraîner l'obligation d'indemniser son propriétaire.

    Au demeurant, la juridiction cantonale se fonde trop largement sur les
qualités du coteau de Monthoux pris dans son ensemble, et ne retient pas
suffisamment le caractère particulier, dans ce contexte, de la parcelle
712 en relation avec la parcelle 710. Il apparaît en effet que ces deux
parcelles contiguës - dont l'une est déjà bâtie - s'articulent en quelque
sorte l'une à l'autre pour créer, au haut et sur le bord du coteau,
un ensemble propice à la construction au sein d'un ensemble viticole et
agricole plus considérable.

    e) Il ressort en outre de l'arrêt entrepris que la population de la
commune de Commugny a passé de 926 habitants en 1973 à 1537 habitants en
1980; pour garder un certain contrôle du développement de l'agglomération,
les autorités communales ont dû limiter les possibilités de construire
existantes compte tenu des besoins prévisibles de la commune; elles
ont ainsi groupé certains secteurs destinés à la construction; dans
la partie est du territoire communal, elles ont en revanche transféré
différentes parcelles de la zone de villas ou sans affectation spéciale
en zone agricole ou, comme c'est le cas de celles situées en Monthoux,
en zone agricole et viticole protégée.

    On ne saurait contester que le nouveau plan d'extension de la commune
de Commugny, dans la mesure ou il restreint des zones constructibles
trop vastes et oriente la construction en dehors d'une zone en nature
viticole et agricole, consacre de manière générale un aménagement
harmonieux du territoire communal en conformité avec les objectifs fixés
par la législation cantonale. Toutefois, cette considération tirée des
perspectives de développement de la commune ne saurait faire obstacle à une
demande d'indemnisation pour expropriation matérielle en l'espèce. Ce qui
est en cause, en effet, c'est la parcelle du recourant et la construction,
sur cette parcelle, d'une maison familiale. Il n'est nullement question
d'un secteur ou d'une zone constructible à supprimer. Considéré dans
l'optique d'un frein mis à la poussée générale de la construction par
l'aménagement global des zones à bâtir, le cas de la parcelle 712 ne peut
jouer aucun rôle. Que cette parcelle subsiste comme terrain à bâtir ou
que cette possibilité lui soit ôtée ne change rien aux mesures à prendre
par les autorités communales pour maîtriser l'évolution de la construction
sur le territoire de la commune.

    f) Au vu de l'ensemble de ce qui précède, il y a donc lieu d'admettre -
en application des principes posés par la jurisprudence - que la parcelle
712 aurait très vraisemblablement été utilisée, dans un proche avenir,
comme terrain à bâtir si elle n'avait pas été déclassée en zone agricole
et viticole protégée. Une telle utilisation n'aurait d'ailleurs exigé ni
autorisation exceptionnelle, ni établissement d'un plan d'équipement ou
de lotissement, ni remaniement parcellaire. Dès lors, la restriction qui
touche la parcelle du recourant en vertu du plan d'extension communal
entré en vigueur le 1er avril 1981 est constitutive d'une expropriation
matérielle qui justifie l'allocation d'une indemnité au sens de l'art. 5
al. 2 LAT.

    La présente espèce se distingue essentiellement des causes Coderey,
Fayet et Crot c. commune de Lutry déjà citées (arrêts non publiés des 21
mars et 5 décembre 1978) en ce que la nouvelle réglementation de Commugny
prive définitivement le propriétaire du droit de construire une villa sur
sa parcelle, en la déclassant, tandis qu'à Lutry les nouvelles dispositions
légales supprimaient une simple possibilité de construire admise à titre
subsidiaire, les parcelles concernées passant de la zone rurale ou viticole
en zone de verdure. C'est à juste titre que, dans ces causes, le Tribunal
fédéral a retenu que la nouvelle réglementation communale définissait le
contenu du droit de propriété plus qu'elle ne le restreignait (mesure de
non-classement). En outre, alors qu'à Lutry on constatait l'absence de
développement de la construction dans les secteurs en cause, à Commugny
on note au contraire une forte et incontestable poussée de la demande de
terrains à bâtir, de sorte que le recourant, s'il n'avait pas eu lui-même
l'intention de construire, aurait trouvé très aisément un acquéreur pour
son terrain.

Erwägung 5

    5.- Sur la question du principe de l'expropriation matérielle,
le recours de droit administratif doit ainsi être admis et la décision
attaquée annulée, sans qu'il soit encore nécessaire de rechercher si cette
dernière consacre aussi une inégalité de traitement et une violation de
l'art. 22ter Cst., ou serait incompatible avec d'éventuelles assurances
données au recourant.

    L'état du dossier n'est pas tel que le Tribunal fédéral puisse fixer
lui-même le montant de l'indemnité due au recourant. L'affaire doit par
conséquent être renvoyée à la Chambre des recours du Tribunal cantonal
du canton de Vaud pour nouvelle décision (art. 114 al. 2 OJ).

Erwägung 6

    6.- Indépendamment de ses conclusions relatives à l'indemnisation pour
expropriation matérielle, le recourant a réclamé à la commune de Commugny
et à l'Etat de Vaud, solidairement, le remboursement de la totalité, par
8'846 fr. 40, des frais qu'il avait engagés en vain pour l'équipement de sa
parcelle et en vue de l'obtention du permis de construire. L'arrêt attaqué
ne lui a alloué de ce chef qu'une somme de 1'687 fr. 20 pour des motifs
d'équité, "vu les circonstances particulières et eu égard au principe de
la bonne foi".

    Le recourant ne se prévaut pas à cet égard d'une violation de l'art. 31
al. 1 LCAT, expressément rappelé dans l'arrêt attaqué, et qui dispose que
"lorsqu'un plan d'extension est abandonné ou modifié, le propriétaire à
qui cet abandon cause un dommage en est indemnisé". D'après la juridiction
cantonale, dont les considérants ne sont pas contestés sur ce point, cette
disposition doit être interprétée restrictivement. Elle n'a pratiquement
pas une portée plus étendue que celle du principe de la bonne foi
découlant de l'art. 4 Cst. C'est donc uniquement dans la perspective de
cette garantie constitutionnelle, invoquée au moins implicitement dans le
présent recours, qu'il convient d'examiner si la demande de remboursement
du recourant est fondée.

    a) Selon la jurisprudence, un constructeur ne peut réclamer le
remboursement de frais d'un projet de construction devenu inutile si ce
projet n'était pas conforme à la réglementation en vigueur. Ce principe
vaut aussi lorsque la demande de permis de construire était conforme
au droit en vigueur au moment ou elle a été présentée mais qu'entre ce
moment et celui de la décision, les dispositions légales se sont modifiées
au détriment du constructeur; le propriétaire ne peut exiger que le
droit de construction régissant à un moment donné son immeuble demeure
inchangé. Cependant, lorsque c'est le dépôt d'une demande de permis qui
a provoqué la modification du plan ou du règlement, l'autorité voulant
ainsi empêcher l'exécution du projet, le remboursement des frais engagés
en vain ne saurait être refusé, si l'intention de l'autorité ne pouvait
pas être prévue par le propriétaire. Le dédommagement doit également être
prévu dans les cas ou, avant de présenter son projet, le constructeur
a reçu des assurances quant au maintien de la réglementation. Dans ces
circonstances exceptionnelles, l'indemnisation est due même s'il n'y
a pas d'expropriation, formelle ou matérielle. Elle est alors fondée
sur le principe de la confiance découlant de l'art. 4 Cst. (ATF 108 Ib
357/358 consid. 4b, aa et bb et la jurisprudence citée; ROUILLER, op.cit.,
p. 27/28).

    b) En l'espèce, il est manifeste que les conditions d'une telle
indemnisation ne sont pas remplies. Il ressort en effet du dossier
que ce n'est nullement le dépôt de la demande de permis de construire
qui a incité les autorités communales à modifier le plan de zones. Par
ailleurs, le recourant admet lui-même que la lettre de la Municipalité du
10 octobre 1979 ne pouvait pas constituer pour lui l'assurance que les
prescriptions en vigueur seraient maintenues. Le fait qu'il ait dû, par
la suite, poursuivre ses démarches en vue d'obtenir le permis de bâtir,
voire qu'il ait été invité par l'autorité communale à les compléter,
ne saurait impliquer une assurance quelconque relativement au maintien
de la réglementation des constructions.

    Le recours est donc mal fondé sur ce point.

Entscheid:

             Par ces motifs, le Tribunal fédéral:

    1. Admet le recours et annule l'arrêt attaqué dans la mesure ou il
s'agit du principe de l'expropriation matérielle et de l'indemnité due
au recourant; rejette le recours pour le surplus;

    2. Renvoie la cause à l'autorité intimée pour nouvelle décision.