Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 112 IA 166



112 Ia 166

29. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 22 juillet 1986 dans la
cause R. contre A. (recours de droit public) Regeste

    Konkordat über die Schiedsgerichtsbarkeit (Konkordat);
Schiedsverfahren.

    1. Verhältnis zwischen Art. 6 Ziff. 1 EMRK und Art. 4 BV einerseits
und den Bestimmungen des Konkordats anderseits (E. 3a).

    2. Prüfungsbefugnis des Bundesgerichts bei einer staatsrechtlichen
Beschwerde wegen Verletzung des Konkordats (Präzisierung der
Rechtsprechung). Ist die doppelte Beschränkung der Kognition des
Bundesgerichts bei der Prüfung der in Art. 36 Buchstabe f des Konkordats
vorgesehenen Rüge mit Art. 84 Abs. 1 Buchstabe b OG vereinbar? Frage
offengelassen (E. 3b).

    3. Bedingungen für die entsprechende Anwendbarkeit von Art. 67 BZP
auf Schiedsverfahren; Tragweite dieser Bestimmung (E. 3c).

    4. Wirkungen eines Teilschiedsspruchs (E. 3d) und der Aufhebung eines
Schiedsspruchs (E. 3e).

    5. Das mit einer Nichtigkeitsbeschwerde gegen einen Schiedsspruch
befasste kantonale Gericht kann die Motive substituieren (E. 3f).

Sachverhalt

    A.- A. et R. ont conclu, en 1968, un contrat de société simple en vue
de fabriquer et de vendre des produits alimentaires. Ce but était réalisé
par l'intermédiaire de la société anonyme X. S.A., dont le capital social
appartenait pour 55% à A. et pour 45% à R.

    A la suite de la dissolution de la société simple, les associés sont
convenus que A. rachetait les actions de X. S.A. détenues par R. Ils ont,
par ailleurs, chargé un tribunal arbitral de fixer, entre autres, le prix
des participations ainsi acquises.

    Le 17 avril 1978, le Tribunal arbitral a rendu une sentence partielle,
relativement aux modalités de détermination de la valeur des participations
de R.

    Statuant le 30 janvier 1979, sur recours des deux parties, la Chambre
des recours du Tribunal cantonal vaudois a annulé, sur un point, le
dispositif de cette sentence.

    Contre cet arrêt, A. a formé un recours de droit public que le Tribunal
fédéral a rejeté, dans la mesure où il était recevable, par arrêt du 4
décembre 1979 (cf. ATF 105 Ib 431 ss).

    Par sentence finale du 29 mars 1984, le Tribunal arbitral a, notamment,
condamné A. à payer à R. un solde de 192'457 fr. avec intérêts, contre
remise des actions.

    Les deux parties ont interjeté, contre cette sentence, un recours en
nullité auprès de la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois. Par
arrêt du 5 juin 1985, cette autorité a rejeté les deux recours.

    Le 27 septembre 1985, R. a formé un recours de droit public, pour
violation de l'art. 4 Cst., du Concordat intercantonal sur l'arbitrage
(CIA) et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales (CEDH), contre les deux sentences arbitrales
et contre les deux arrêts de la Chambre des recours du Tribunal cantonal
vaudois.

    L'intimé a conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à
son rejet.

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était
recevable.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- Dans le cadre des divers moyens qu'il soulève, le recourant
reprend un certain nombre d'arguments qui appellent quelques observations
d'ordre général.

    a) Le recourant reproche à la Cour cantonale, de même qu'au Tribunal
arbitral, d'avoir violé à maints égards les art. 6 par. 1 CEDH et 4 Cst.

    La première de ces deux dispositions parle uniquement des droits du
justiciable à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable
par un tribunal établi par la loi. Elle ne saurait donc s'appliquer à un
tribunal arbitral dont les membres sont désignés librement par les parties
(art. 11 CIA; cf. arrêt non publié du 9 février 1984 concernant la même
cause, consid. 3d; dans le même sens, cf. les observations complémentaires
du Gouvernement suisse sur la recevabilité d'une requête adressée par
R. à la Commission européenne des droits de l'homme). En revanche, elle
était applicable à la procédure de recours, dès lors que celle-ci avait
été conduite par la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois,
c'est-à-dire par une juridiction établie par la loi. Toutefois, elle
ne conférait pas aux plaideurs des droits allant au-delà de la garantie
minimale fondée sur l'art. 4 Cst. (cf. ATF 109 Ia 178, 232 consid. 5a;
HOTTELIER, La Convention européenne des droits de l'homme dans la
jurisprudence du Tribunal fédéral, thèse Genève 1985, p. 39/40). Par
conséquent, le grief tiré de la violation de l'art. 6 par. 1 CEDH se
confond en l'espèce avec le moyen fondé sur l'art. 4 Cst.

    Cette dernière disposition n'a pas une portée plus étendue que les
dispositions du Concordat intercantonal sur l'arbitrage, qui régissent
la procédure arbitrale - en particulier les art. 25 et 36 lettre d CIA
concernant le droit d'être entendu des parties (cf. JOLIDON, Commentaire
du Concordat suisse sur l'arbitrage, p. 364, et les arrêts cités) -
et qui permettent aux intéressés d'obtenir l'annulation des sentences
arbitraires (art. 36 lettre f CIA; ATF 105 Ib 436 consid. 4b, 103 Ia 359)
ou encore la réduction des honoraires manifestement excessifs (art. 36
lettre i et 40 al. 3 CIA).

    Ainsi, du moment que la violation de l'art. 6 par. 1 CEDH se confond
avec celle de l'art. 4 Cst., qui se confond à son tour avec celle des
dispositions topiques du Concordat intercantonal sur l'arbitrage, le
Tribunal fédéral peut se limiter à l'examen de ces dernières, sur la base
de l'art. 84 al. 1 lettre b OJ.

    b) En tant que le recours se fonde sur une violation des règles du
Concordat intercantonal sur l'arbitrage (art. 84 al. 1 lettre b OJ), le
Tribunal fédéral examine librement les griefs qui lui sont soumis (ATF
111 Ia 74 consid. 1, 110 Ia 124, 109 Ia 83, 107 Ib 65 consid. 1, 107 Ia
158 consid. 2a, 102 Ia 502 consid. 5a). Dans certains cas, son pouvoir
de cognition est toutefois restreint à l'arbitraire; il en va notamment
ainsi lorsque le moyen présenté se rapporte non pas à l'interprétation
proprement dite du concordat, mais au sens de la réglementation, telle
celle de la Chambre de commerce internationale, à laquelle renvoie le
compromis (ATF 102 Ia 502 consid. 5a, consid. 1a non publié de l'arrêt
ATF 110 Ia 59), ou à l'application du droit cantonal de procédure que
réserve l'art. 45 al. 1 CIA (ATF 111 Ia 74 consid. 1).

    Deux arrêts publiés (ATF 110 Ia 57 consid. 1b in fine, 107 Ib 65
consid. 1 in fine) posent le principe selon lequel le Tribunal fédéral
ne revoit que sous l'angle restreint de l'arbitraire la manière dont
l'instance cantonale s'est acquittée de la tâche qui lui est dévolue
par l'art. 36 CIA. Cependant, tel qu'il est énoncé, ledit principe ne
correspond pas à la pratique constante du Tribunal fédéral en la matière,
car il généralise une règle que la jurisprudence n'a toujours appliquée
qu'à un seul (lettre f), voire à deux (lettre i) des neuf motifs énumérés
à l'art. 36 CIA. Quant aux autres motifs, il n'a jamais été question de
les examiner sous l'angle restreint de l'arbitraire, contrairement à ce
que pourraient laisser croire les deux arrêts précités.

    Selon la jurisprudence, lorsque le Tribunal fédéral est appelé à revoir
l'application de l'art. 36 lettre f CIA, sa cognition est doublement
restreinte à l'égard de la sentence arbitrale: il doit uniquement
rechercher si la Cour cantonale s'est soustraite d'une façon insoutenable
à son devoir d'examiner si la sentence était entachée d'arbitraire
(ATF 107 Ib 67, 105 Ib 436 consid. 4b, 103 Ia 358 consid. 2). On peut se
dispenser de rechercher si cette limitation du pouvoir de cognition, plus
connue sous l'appellation d'"arbitraire au carré" ("Willkür im Quadrat"),
est conforme à l'art. 84 al. 1 lettre b OJ qui suppose un libre examen
du grief de violation du concordat. En effet, comme on le verra plus
loin, les moyens soulevés par le recourant se révèlent manifestement mal
fondés, lorsqu'ils ne sont pas irrecevables, même dans le cadre d'un libre
examen. Ce libre examen - il faut insister sur ce point - ne saurait être
opéré de manière plus approfondie que celui auquel l'autorité cantonale
de recours s'est elle-même livrée. En d'autres termes, s'agissant de
l'application de l'art. 36 lettre f CIA, il ne peut en aucun cas consister
en une analyse complète des considérants de fait et de droit de la sentence
arbitrale. Seule importe en définitive la question de savoir si, sur les
points indiqués par le recourant et dans le cadre des griefs valablement
soumis, cette sentence était entachée d'arbitraire, auquel cas la Cour
cantonale aurait violé l'art. 36 lettre f CIA en refusant de sanctionner
un tel vice.

    c) Dans le cadre de différents griefs individuels, le recourant se
prévaut d'une violation de son droit à la preuve, soit d'un déni de
justice pour refus d'administration de diverses preuves offertes par
lui. Il sied d'examiner, d'une manière générale, dans quelle mesure
il peut s'en prévaloir malgré l'ordonnance prononçant la clôture de la
procédure probatoire.

    aa) En l'absence d'accord des parties ou de décision des arbitres à
ce sujet (art. 24 al. 1 CIA), la procédure arbitrale est régie par la loi
fédérale de procédure civile, applicable par analogie (art. 24 al. 2 CIA).

    L'art. 67 PCF énonce ce qui suit:

    "Le tribunal recueille les preuves
   dont l'administration a été renvoyée aux débats principaux en vertu
   de l'article 35, 3e alinéa.

    Sur requête présentée dans les dix jours dès la clôture de la
   procédure préparatoire ou d'office jusqu'à la clôture des débats, le
   tribunal peut compléter les preuves administrées devant le juge délégué.

    Il peut aussi,
   lorsqu'il l'estime nécessaire, faire administrer des preuves à nouveau,
   notamment lorsqu'il a des raisons particulières de prendre directement
   connaissance d'un fait.

    Le tribunal peut, sur requête ou d'office, renvoyer la cause au juge
   délégué pour complément d'instruction."

    Le but de l'art. 67 al. 2 PCF est en premier lieu de déterminer les
preuves qui sont encore litigieuses. Pour être recevable, une demande
tendant à faire administrer des preuves autres que celles qui ont été
recueillies au cours de la procédure probatoire doit être présentée
dans les dix jours dès l'ordonnance de clôture. Cette dernière vise
donc à éclaircir le débat, en ce sens que seules demeurent litigieuses
les offres de preuve qui ont été renouvelées après ladite ordonnance,
en dehors de celles qui ont été réservées par le juge délégué.

    Cette réglementation a également une justification évidente dans une
procédure arbitrale, même lorsque l'instruction est menée par un tribunal
in corpore. En effet, quand les arbitres estiment avoir recueilli toutes
les preuves qui leur paraissent nécessaires, ils ont un intérêt manifeste
à savoir quelles sont celles qui, étant litigieuses, sont maintenues et
appellent encore une détermination de leur part. Le fait que le Tribunal
arbitral in corpore s'est déjà prononcé sur les preuves ne rend pas
une nouvelle détermination superflue, car les motifs invoqués par le
requérant peuvent amener les arbitres à reconsidérer leur précédente
décision. Partant, l'art. 67 PCF s'applique aussi par analogie aux
procédures arbitrales, sous réserve des dispositions de l'art. 24 al. 2
CIA, lorsque le tribunal prononce la clôture de la procédure probatoire
dans les formes prévues par la loi de procédure civile fédérale.

    bb) Dans le cas particulier, la procédure probatoire, menée par tout
le Tribunal arbitral, a été close par ordonnance du 6 juin 1983. Aussi les
parties sont-elles réputées avoir renoncé à toutes les preuves offertes par
elles et qui n'ont pas été administrées, ni réservées par les arbitres,
dans la mesure où elles n'ont pas renouvelé leur demande de preuve dans
les dix jours dès la notification de ladite ordonnance.

    d) Sans que cela soit contesté par les parties, la Cour cantonale
considère, à juste titre, que la sentence partielle rendue sur une question
de fond, en application de l'art. 32 CIA, lie le Tribunal arbitral pour la
suite de la procédure, fût-elle erronée (cf. à ce sujet: RÜEDE/HADENFELDT,
Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, p. 285 lettre f; JOLIDON, op.cit.,
p. 462).

    Il en résulte que le Tribunal arbitral, en rendant sa sentence finale,
ne pouvait plus examiner si la sentence partielle était fondée, ni même
juger de la pertinence des arguments qui auraient indirectement remis en
cause le premier prononcé.

    e) Lorsque la sentence - partielle ou finale - est annulée, en
application de l'art. 40 CIA, il est conforme aux principes du droit suisse
et au système du concordat que les arbitres soient liés par l'arrêt de
cassation (cf. art. 66 al. 1 OJ, 227ter al. 2 PPF; ATF 100 Ia 30 consid. 2,
99 Ib 520).

    En l'occurrence, l'arrêt du Tribunal cantonal vaudois du 30 janvier
1979 n'a cassé le ch. II de la sentence partielle que pour que les arbitres
examinent si l'accord concernant les prix avait été valablement résilié,
alors que pour le surplus les motifs de la sentence partielle n'ont pas
été désapprouvés. Il suit de là que, sur ce point, le Tribunal arbitral
était lié par sa première sentence, sauf sur la question qu'il avait été
chargé de réexaminer.

    f) A plusieurs endroits, dans son mémoire de recours, R. exprime
l'avis que, dans l'application des art. 36 ss CIA, l'autorité cantonale
de recours, lorsqu'elle constate une erreur de droit, doit annuler la
sentence sans examiner si l'erreur a entaché le dispositif.

    Cette opinion est manifestement erronée. Hormis le cas du déni
de justice formel, seule l'erreur causale conduit à l'annulation du
prononcé. La Cour cantonale peut donc procéder à une substitution de
motifs. Dans le cas du grief tiré de l'arbitraire de la sentence (art. 36
lettre f CIA), lorsque celle-ci peut se fonder sur une autre motivation non
arbitraire, il n'y a pas lieu de l'annuler (ATF 107 Ia 252/253 consid. 5b).

    Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral applique
du reste la même règle, selon une jurisprudence constante (ATF 106
Ia 314/315 et les arrêts cités). Il n'y a aucune raison de pratiquer
autrement lorsque le recours se fonde sur une violation du concordat
(cf. p.ex. ATF 107 Ia 251).