Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 111 V 229



111 V 229

45. Arrêt du 28 octobre 1985 dans la cause Société vaudoise et romande
de secours mutuels contre P. et Tribunal des assurances du canton de
Vaud Regeste

    Art. 12 Abs. 2 KUVG, Art. 21 Abs. 1 Vo III.

    - Der ratio legis gemäss hat die Versicherte nach einer
Brustamputation, welche die Krankenkasse als gesetzliche Pflichtleistung
übernommen hat, unter Vorbehalt ärztlicher Kontraindikationen grundsätzlich
Anspruch auf die für die Wiederherstellung ihres körperlichen Zustandes
notwendigen Massnahmen (Änderung der Rechtsprechung; Erw. 3b).

    - Die im vorliegenden Fall angewandte Methode der Brustrekonstruktion
ist eine therapeutische Massnahme, die geeignet ist, die körperliche
Integrität der Versicherten bestmöglich wiederherzustellen. Der Kasse,
welche die Amputationskosten getragen hat, obliegt es in casu, die
Brustprothesenimplantation zu übernehmen (Erw. 4).

    Art. 23 KUVG. Die Brustprothesenimplantation und die Verwendung einer
abnehmbaren Prothese können nicht miteinander unter dem Gesichtspunkt
der Wirtschaftlichkeit der Behandlung verglichen werden (Änderung der
Rechtsprechung; Erw. 3a).

Sachverhalt

    A.- Dame P., née en 1938, mariée, est affiliée à la Société vaudoise
et romande de secours mutuels et bénéficie notamment de l'assurance des
soins médicaux et pharmaceutiques en cas de maladie et d'accident. Atteinte
d'une affection tumorale, elle a subi en 1971 une mastectomie radicale
du côté gauche.

    A la suite de cette opération, l'assurée, qui était soignée depuis
plusieurs années pour des troubles psychiques - d'origines endogène
et exogène - par le docteur Z., spécialiste FMH en psychiatrie et
psychothérapie, a présenté des "réactions dépressives surajoutées
d'origine exogène". Dans le but de rééquilibrer le psychisme de la
prénommée, l'implantation d'une prothèse mammaire a été envisagée. En
septembre 1982, le professeur K., chef du service de chirurgie plastique
et reconstructive du Centre hospitalier universitaire vaudois, a procédé à
la reconstruction du sein amputé et à la mise en place d'une prothèse. Les
frais de cette intervention, y compris les honoraires du chirurgien, se
sont montés à Fr. 5'881.10. Par décision du 14 décembre 1982, la caisse
a refusé de prendre en charge ces frais, en se fondant sur ses statuts
et sur la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances en la matière.

    B.- L'assurée a recouru contre cet acte administratif devant le
Tribunal des assurances du canton de Vaud. Après avoir notamment
recueilli les déclarations du professeur K. et du docteur Z., la
juridiction cantonale a, par jugement du 12 octobre 1983, admis le
recours et réformé la décision entreprise en ce sens que la caisse devait
verser ses prestations pour les frais occasionnés par la reconstruction
mammaire. Elle a considéré, en bref: que "l'intervention litigieuse
(constituait) indéniablement la suite d'une maladie assurée, ayant
nécessité une opération gravement mutilante d'une partie du corps
sensible sur le plan esthétique"; qu'au vu des déclarations concordantes
des médecins précités, l'indication de la reconstruction mammaire avait
un caractère thérapeutique sur le plan psychologique, car elle était de
nature à guérir l'assurée des réactions dépressives surajoutées d'origine
exogène; que la jurisprudence du Tribunal fédéral des assurances n'excluait
pas dans tous les cas la prise en charge par une caisse-maladie des frais
relatifs à une reconstruction mammaire, et enfin qu'en l'espèce, le coût de
l'intervention n'était pas contraire au principe du traitement économique.

    C.- La Société vaudoise et romande de secours mutuels interjette
recours de droit administratif contre ce jugement, en concluant à
l'annulation de ce dernier et au rétablissement de sa décision.

    L'assurée conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances
sociales renonce à formuler une proposition concrète, tout en considérant
que la question de l'opportunité d'un revirement de jurisprudence se
pose dans le cas particulier, étant donné l'avis exprimé, en date du
23 août 1984, par la Commission fédérale des prestations générales de
l'assurance-maladie, selon lequel "l'intervention de plastique mammaire
reconstructive ayant pour but de rétablir l'intégrité physique et psychique
de la patiente suite à une amputation indiquée médicalement, devrait
être considérée comme prestation obligatoire pour les caisses-maladie"
(cf. RAMA 1984 p. 212 ch. 3).

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- a) Selon l'art. 14 al. 1 Ord. III sur l'assurance-maladie, les
prestations obligatoirement à la charge des caisses-maladie en vertu de
la loi ne sont dues que si l'assuré est atteint d'une maladie. Mais,
vu la diversité des formes que peuvent revêtir des états et processus
morbides, la notion de maladie se prête difficilement à une stricte
définition juridique. Toutefois, on ne saurait parler de maladie, dans un
cas concret, s'il n'existe aucun trouble dû à des phénomènes pathologiques
(ATF 105 V 182-183 consid. 1a et les références; RJAM 1981 No 440 p. 64
consid. 1). Aussi, un défaut uniquement esthétique, sans rapport avec un
processus morbide, n'est-il pas un risque assuré selon la LAMA (GREBER,
Droit suisse de la sécurité sociale, 1982, p. 385; PFLUGER, Juristische
Kartothek der Krankenversicherung, carte Ia 6).

    b) Selon l'art. 17 ch. 1 let. d des conditions générales d'assurance
de la caisse recourante, est exclu de l'assurance le risque constitué
par les soins esthétiques.

    c) En vertu de l'art. 12 al. 2 LAMA, les prestations à la charge
des caisses-maladie, au titre de l'assurance des soins médicaux
et pharmaceutiques, sont dues en cas de traitement médical. Par
traitement médical, il faut entendre notamment les soins donnés par
un médecin. Ceux-ci comprennent, selon l'art. 21 al. 1 Ord. III sur
l'assurance-maladie, toute mesure diagnostique ou thérapeutique, reconnue
scientifiquement, qui est appliquée par un médecin. En particulier sont
de telles mesures celles qui servent à éliminer des troubles physiques
ou psychiques (ATF 110 V 315 consid. 3a, 107 V 100 consid. 1b; RJAM
1982 No 517 p. 307 consid. 1a). Au sujet des traitements chirurgicaux,
le Tribunal fédéral des assurances a déclaré, dans un arrêt de principe
(ATF 102 V 71 consid. 3, qu'une opération servait non seulement à la
guérison proprement dite de la maladie ou des suites immédiates d'un
accident, mais aussi à l'élimination d'autres atteintes, secondaires,
dues à la maladie ou à un accident, notamment en permettant de corriger
les altérations externes de certaines parties du corps - en particulier
le visage - visibles et spécialement sensibles sur le plan esthétique;
et qu'aussi longtemps que subsistait une imperfection de ce genre, due à
la maladie ou à un accident, ayant une certaine ampleur et à laquelle une
opération de chirurgie esthétique pouvait remédier, l'assurance devait
prendre en charge cette intervention, à condition qu'elle eût à répondre
également des suites immédiates de l'accident ou de la maladie et pour
autant que fussent respectés les limites usuelles ainsi que le caractère
économique du traitement.

Erwägung 2

    2.- Est litigieux le point de savoir si l'implantation d'une prothèse
mammaire, à la suite de l'ablation d'un sein touché par la maladie,
est une prestation à la charge des caisses-maladie reconnues.

    Dans un arrêt de principe (ATF 104 V 96 consid. 1), la Cour de céans a
jugé que l'implantation d'une prothèse mammaire avait pour but de supprimer
le préjudice esthétique dû à l'amputation d'un sein; que, cependant, le
même but pouvait aussi être atteint avec une prothèse mammaire démontable,
laquelle était sensiblement moins coûteuse que l'opération de plastique
mammaire reconstructive, et que, dans le cas d'espèce, l'implantation de
seins artificiels ne satisfaisait pas à l'exigence du caractère économique
du traitement, au sens de l'art. 23 LAMA et de la jurisprudence.

    Le Tribunal fédéral des assurances a, par la suite, confirmé à
plusieurs reprises cette jurisprudence et nié, dans chaque cas, le
caractère économique de l'implantation de prothèses mammaires, sans
méconnaître les difficultés d'ordre psychique rencontrées par l'assurée
à la suite d'une mastectomie. A cet égard, il a notamment relevé que,
certes, l'implantation de seins artificiels était propre à rétablir le
mieux possible l'apparence extérieure et contribuait ainsi à renforcer
chez l'assurée la confiance en soi et le sentiment de sa propre valeur;
mais que, pour autant, ce fait ne justifiait pas à lui seul une dérogation
à la règle du caractère économique du traitement, attendu qu'il s'agissait
en premier lieu de rétablir une image apparente extérieure; qu'en effet,
l'intervention de plastique reconstructive ne mettait fin ni au sérieux
ébranlement de la personnalité causé par la maladie, ni à la perte
partielle de l'intégrité corporelle portant préjudice au sentiment que la
femme a de sa propre valeur (RJAM 1980 No 429 p. 257 consid. 2; arrêts
non publiés Brand, du 13 septembre 1982, et Hartmann, du 11 mai 1983).

Erwägung 3

    3.- Pour les raisons qui suivent, cette jurisprudence doit être
modifiée:

    a) La comparaison entre l'implantation d'une prothèse mammaire et
l'utilisation d'une prothèse démontable n'est pas pertinente. En effet,
l'art. 23 LAMA est fondé sur la prémisse que le traitement assuré a
un but et il exige seulement que ce but soit atteint par une méthode
économique. Aussi, la relation entre le coût et l'utilité d'une mesure
n'a-t-elle d'importance que par rapport aux différentes méthodes de
traitement entrant en considération, mais non pas en ce qui concerne le
point de savoir si les frais d'une méthode appropriée et scientifiquement
reconnue se justifient encore eu égard au succès que l'on peut attendre
du traitement (ATF 109 V 43 consid. 2b). Or, l'implantation d'une prothèse
mammaire relève du traitement chirurgical, alors qu'une prothèse mammaire
démontable est un moyen auxiliaire (ectoprothèse) qui peut être séparé du
corps et remis en place sans intervention médicale (voir les directives de
la Commission fédérale des prestations générales de l'assurance-maladie,
publiées dans RJAM 1969 p. 130, et l'avis de l'Office fédéral des
assurances sociales publié dans RJAM 1969 p. 133). Certes, l'emploi
d'un tel moyen auxiliaire peut, dans diverses hypothèses, remplacer un
traitement chirurgical et se révéler moins cher que le traitement lui-même.
Toutefois, la question du caractère économique se pose uniquement dans la
mesure ou le moyen auxiliaire a des fonctions thérapeutiques spécifiques
et non pas collatérales, c'est-à-dire dans la mesure où il détermine
directement la guérison d'un processus morbide, et ne fait pas que d'en
atténuer les effets ou de servir à d'autres buts de réadaptation (ATF 108
V 32 consid. 2b; RAMA 1985 No K 633 p. 173 consid. 2a). Or, tel n'est
précisément pas le cas d'une prothèse mammaire démontable. Celle-ci n'est,
en effet, qu'un accessoire purement esthétique, destiné en premier lieu à
rétablir une apparence extérieure et non pas à influer sur l'état physique
de la personne mutilée à la suite de l'ablation chirurgicale d'un sein.

    b) Le but du traitement médical, dans les limites de
l'assurance-maladie, est d'éliminer de la manière la plus complète
possible les atteintes physiques ou psychiques à la santé (ATF 109 V
43 consid. 2b avec références). A cet égard, l'amputation d'un sein
médicalement indiquée est une atteinte, secondaire, due à la maladie ou
à un accident, dont l'élimination relève du traitement chirurgical. Or,
comme le Tribunal l'a jugé dans l'ATF 102 V 71 consid. 3 déjà cité, les
opérations ayant pour objet de corriger des altérations - d'une certaine
ampleur - de parties du corps visibles et spécialement sensibles sur le
plan esthétique doivent, si certaines conditions sont remplies, être prises
en charge par les caisses-maladie comme prestations légales obligatoires.
Néanmoins, le caractère thérapeutique de ces interventions est indépendant
des conditions précitées. En ce qui concerne une mastectomie n'entrent
en considération que des mesures servant en premier lieu à supprimer ce
préjudice corporel. Certes, de telles mesures rétablissent en même temps
une apparence extérieure et jouent, par conséquent, un rôle essentiel
sur le plan esthétique. Mais pourtant, celles-ci sont thérapeutiques
au sens de l'art. 21 al. 1 Ord. III sur l'assurance-maladie. Tel est
du moins le cas si l'assurée est atteinte dans son intégrité, ce que la
Commission fédérale des prestations générales de l'assurance-maladie
semble considérer comme une règle générale (RAMA 1984 p. 212). Cela
dépend toutefois des particularités du cas concret, notamment du point de
savoir si l'amputation a eu des conséquences significatives sur l'état
physique de l'assurée. Aussi, selon la ratio legis, l'assurée a-t-elle
droit en principe, à la suite d'une amputation mammaire prise en charge
par une caisse-maladie au titre des prestations légales obligatoires,
aux mesures nécessaires au rétablissement de son état physique, sous
réserve de contre-indications médicales.

Erwägung 4

    4.- En l'espèce, l'intimée a subi en 1971 l'ablation radicale du sein
gauche selon la méthode d'Halstedt, laquelle a consisté à enlever tout le
muscle grand pectoral. Puis, en septembre 1982, le professeur K. a procédé
sur elle à la reconstruction du sein amputé par transfert d'un lambeau
myocutané du grand dorsal dans la région thoracique afin de pouvoir y
placer une prothèse mammaire en silastic, dans le but de redonner un
volume et un galbe imitant un sein plus ou moins symétrique par rapport
au sein contro-latéral. Par ailleurs, selon ce praticien, l'état de la
science médicale dans ce domaine avait, en 1982, beaucoup évolué depuis
1971, époque à laquelle les techniques de reconstruction mammaire étaient
périlleuses et les résultats obtenus souvent médiocres. L'assurée, pour
sa part, était âgée de quarante-quatre ans à l'époque de l'implantation
de la prothèse mammaire et il n'existait pas de contre-indications à
l'intervention.

    Au vu de l'ensemble de ces circonstances, on doit admettre que la
méthode de reconstruction du sein utilisée en l'espèce était une mesure
thérapeutique propre à rétablir le mieux possible l'intégrité physique
de l'intimée. Aussi n'est-il pas nécessaire d'examiner encore si, comme
l'ont admis les premiers juges, l'implantation d'une prothèse mammaire
était susceptible, en éliminant les réactions dépressives surajoutées
d'origine exogène, d'influer de façon décisive sur les troubles d'ordre
psychique de l'assurée. Dans le cas présent, la recourante a supporté les
frais de la mastectomie. Il lui incombe également de prendre en charge,
au titre des prestations légales obligatoires, l'opération de plastique
mammaire reconstructive effectuée en septembre 1982.

Entscheid:

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:

    Le recours est rejeté.