Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 111 IV 119



111 IV 119

30. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 18 décembre 1985
dans la cause D. contre Genève, Procureur général (pourvoi en nullité)
Regeste

    Art. 110 Ziff. 5 und 251 StGB; Urkundenfälschung.

    1. Die mittels eines Computers auf magnetischen Datenträgern
gespeicherten Daten stellen Schriften oder Zeichen im Sinne von Art. 110
Ziff. 5 StGB dar, obwohl sie nur mit einem technischen Hilfsmittel gelesen
werden können.

    2. Wer solche, zum Beweis einer Tatsache von rechtlicher Bedeutung
bestimmte oder geeignete Daten zu seinem Vorteil abändert, begeht eine
Urkundenfälschung.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) Aux termes de l'art. 110 ch. 5 CP, sont réputés titres tous
écrits destinés ou propres à prouver un fait ayant une portée juridique
et tous signes destinés à prouver un tel fait.

    Selon la cour cantonale, un programme informatique (programme
d'ordinateur) est propre à prouver un fait car la jurisprudence a déjà
qualifié de titres les relevés bancaires, si bien que le support des
informations figurant sur de tels relevés est aussi apte à prouver les
faits qu'il renferme. Cette autorité admet encore que l'élaboration et la
modification d'un programme informatique sont l'oeuvre de l'être humain
et traduisent sa pensée, qualités nécessaires aux titres. En revanche,
la Cour de cassation genevoise a considéré qu'un titre doit être visible;
les supports magnétiques ne pouvant être lus par l'oeil humain, les
assimiler à un titre au sens du CP étendrait par trop la répression pénale
et heurterait le principe de la légalité prévu à l'art. 1er CP. L'arrêt
attaqué fait notamment référence à Rohner pour qui les supports constitués
par des cartes ou des bandes perforées peuvent être considérés comme des
titres car un tiers, connaissant le code utilisé, peut en comprendre
le contenu par la vue alors que cette propriété manque aux supports
magnétiques, qui ne peuvent pas être lus par l'oeil humain (L. ROHNER,
Computerkriminalität, thèse Zurich 1976, p. 75/76).

    b) Le Procureur général recourant soutient qu'en suivant ROHNER
la cour cantonale a posé une exigence supplémentaire à la définition
de l'art. 110 ch. 5 CP, ajoutant au critère de visibilité celui de
l'immédiateté de la lecture. Cela aurait pour conséquence inacceptable
de conduire à la libération du chef de faux dans les titres celui qui a
falsifié le programme sans que des extraits aient été imprimés, alors que
sera puni celui qui aura commis les mêmes actes, parce que des extraits
de compte auront été matérialisés; ainsi, la répression de l'un ou de
l'autre de ces falsificateurs serait laissée au hasard.

Erwägung 2

    2.- L'une des caractéristiques du titre au sens de l'art. 110
ch. 5 CP est d'être destiné ou propre à prouver un fait ayant une portée
juridique. Le support informatique contenant une partie de la comptabilité
commerciale doit être considéré comme remplissant cette condition car
d'après la jurisprudence la comptabilité commerciale et ses composants
sont, de par la loi, destinés et propres à prouver des faits ayant une
portée juridique (ATF 108 IV 26). Les moyens informatiques se répandant
de plus en plus, les entreprises dont la comptabilité n'est tenue que
par le biais d'un ordinateur sont nombreuses. Les livres de comptabilité
sont ainsi remplacés par des supports, le plus souvent magnétiques,
contenant toutes les données comptables. Il est en conséquence logique
de reconnaître au substitut de ces livres la même caractéristique sous
l'angle de la destination et de l'aptitude à prouver des faits ayant
une portée juridique (art. 962 al. 2 et 4 CO, nouvelle teneur entrée en
vigueur le 1er juin 1976; JAAC 43/1979 No 96).

Erwägung 3

    3.- Selon le Code pénal, sont réputés titres un écrit ou des signes
(Schriften oder Zeichen, scritti ovvero segni). Dans le seul arrêt
concernant l'utilisation frauduleuse d'un ordinateur, le Tribunal
fédéral a déjà admis le faux dans les titres (ATF 96 IV 185); il
s'agissait cependant d'un système informatique à cartes perforées; le
chef opérateur coupable avait soustrait ou modifié certaines d'entre
elles. La qualité d'écrit était cependant plus évidente que dans la
présente espèce car des extraits de comptes faux, imprimés sur papier,
avaient été tirés. Dans le cas présent, en l'absence de constatations
contraires, l'on doit admettre qu'aucun extrait de compte n'exprimant
pas la vérité n'a été tiré; l'informaticien de la banque a agi de façon
répréhensible sur les données contenues dans des supports magnétiques;
par des manipulations électroniques - sans doute à l'aide d'un écran -, il
est parvenu à modifier à son profit les données de certains comptes. A-t-il
ainsi altéré un écrit ou des signes?

Erwägung 4

    4.- a) Suivant ROHNER (loc.cit.), la cour cantonale a dénié le
caractère d'écrit ou de signes aux supports magnétiques des programmes
informatiques falsifiés. Selon cette autorité, l'oeil humain ne pouvant
saisir sans l'intermédiaire d'un appareil ce qui est enregistré sur
un support magnétique, on ne saurait qualifier ce dernier d'écrit ou
de signes.

    La doctrine n'est pas unanime quant à la définition de l'écrit (voir G.
STRATENWERTH, Schweiz. Strafrecht, Bes. Teil II, 3e éd., Berne 1984 p. 156
No 6). Beaucoup d'auteurs estiment que les signes ou l'écriture doivent
être incorporés dans une matière qui les rendent perceptibles à l'oeil;
ce critère les conduit à exclure les supports magnétiques parce qu'ils
ne révèlent rien au regard. Cependant, certains tenants de cette manière
de voir admettent qu'un microfilm remplit cette condition (STRATENWERTH,
loc.cit., se référant à N. SCHMID, Registriervorrichtungen und ihre
Aufzeichnungen im Urkundenstrafrecht, in RSJ 64 (1968) p. 98). Or, en
général, la lecture d'un microfilm ne peut être obtenue directement
car elle nécessite l'emploi d'un agrandisseur optique. Il s'ensuit
que le critère de la lisibilité immédiate du support de l'écriture
ou des signes ne revêt pas un caractère absolu, même pour ce courant
de doctrine. Dès lors, un parallèle peut être tiré entre la lecture de
données enregistrées dans le support magnétique informatique et celle
des données contenues dans un microfilm. La lecture des premières est
rendue possible par l'intermédiaire d'un écran (terminal ou télévision)
ou d'une imprimante, la lecture des secondes intervient par le biais d'un
agrandisseur optique. L'évolution technique permet aujourd'hui pratiquement
à chacun de se procurer ou de louer une machine compatible, même petite,
propre à rendre visibles les données informatiques enregistrées dans
un support magnétique; les agrandisseurs optiques pour microfiches ou
microfilms sont d'ailleurs d'un coût un peu plus élevé que les petits
ordinateurs.

    Il faut ainsi admettre que les données enregistrées sur les
programmes informatiques, destinées à la lecture par l'intermédiaire
d'un écran ou d'extraits imprimés, constituent déjà des écrits ou des
signes lisibles. En effet, par l'introduction des notions d'écrit ou
de signes dans la définition du titre, le législateur n'entendait pas
faire dépendre la répression pénale des interventions illicites, dans
ce domaine, d'une lisibilité plus ou moins directe. Il n'existe pas de
raisons objectives d'exclure, de la protection pénale garantie aux titres,
les signes ou les enregistrements dont la lecture nécessite l'usage de
moyens techniques. En définitive, ce qui est décisif c'est le fait que
les signes rendus lisibles par des moyens électroniques ou optiques soient
destinés ou propres à prouver un fait ayant une portée juridique.

    b) Les données contenues dans un support magnétique informatique
sont l'enregistrement de déclarations humaines. En cela, elles diffèrent
de celles que révèle un compteur kilométrique, un thermomètre ou un
anémomètre; ces derniers n'expriment ou n'enregistrent en effet que
la distance parcourue, la température ou la vitesse du vent, éléments
qui n'émanent pas d'un être humain. Celui qui introduit des données
dans l'ordinateur exprime ainsi une volonté humaine assimilable à celle
qu'incorpore, par exemple, une feuille de papier sur laquelle un client
donne un ordre bancaire. Cette exigence de la doctrine, d'après laquelle
un écrit doit notamment incorporer une déclaration d'origine humaine,
est en conséquence satisfaite dans ce cas (G. STRATENWERTH, op.cit.,
p. 157 n. 7 et 8).

    c) L'interprétation qui précède permet de considérer que les données
informatiques relatives à la comptabilité commerciale sont des écrits
ou des signes propres ou destinés à prouver un fait ayant une portée
juridique; celui qui sans droit introduit de fausses données dans
l'ordinateur afin de se procurer un avantage illicite se rend ainsi
coupable de faux dans les titres (art. 251 CP en liaison avec l'art. 110
ch. 5 CP). Il ne s'agit pas là d'une extension, au détriment de l'accusé,
de la notion de titre qui conduirait à une violation du principe de
la légalité (art. 1er CP). Une interprétation même extensive de la loi
pénale est admissible dans la mesure où elle permet d'en dégager le sens
véritable, celui qui est seul conforme à la logique interne et au but de
la disposition en cause (ATF 103 IV 129, 95 IV 73 avec la jurisprudence
et la doctrine citées).

    En l'espèce, on a vu que les moyens informatiques ont pris un tel
essor que dans de nombreux secteurs de la vie moderne ils ont remplacé
les documents en papier. Dans le domaine de la comptabilité, notamment,
l'ordinateur s'est entièrement substitué aux livres. On doit ainsi
admettre que si le législateur a voulu réprimer celui qui fausse les
livres, il entendait que soit puni aussi sévèrement celui qui altère
le support nouveau qui les remplace. Les actes répréhensibles de ces
deux auteurs ne sont pas fondamentalement différents. D'ailleurs,
le développement considérable et incessant des moyens informatiques
favorise l'éclosion de la criminalité qui lui est liée, si bien que
sa répression s'impose de manière pressante (H. EGLI, Grundformen
der Wirtschaftskriminalität, Heidelberg 1985, p. 144 ss et 212 ss;
E. ZIMMERLI/K. LIEBL, Computermissbrauch Computersicherheit, Küsnacht
1984, p. 336 ss.; K. BAUKNECHT, Criminalité "informatique", in Criminalité
économique, édité par Neutra fiduciaire S.A., Zurich 1982; du même
auteur, Rechtsinformatik, Ausführung aus der Sicht des Informatikers, in
Rechtsinformatik, Bedürfnisse und Möglichkeiten, Zurich 1984; U. SIEBER,
Computerkriminalität und Strafrecht, 1re éd., Cologne 1977, supplément,
Cologne 1980; R. GASSIN, Le droit pénal de l'informatique, in Recueil
Dalloz Sirey No 5 1986 p. 39; J.M. SMITS, Le vol des données informatiques
est désormais punissable au pénal, in Droit de l'informatique, 1985 cahier
2 p. 23 ss, et cahier 5 p. 12 ss; J. LARGUIER, Droit pénal des affaires,
Paris 1983, p. 203).

    d) En l'espèce, nul ne conteste que le condamné a introduit des
données fausses dans l'ordinateur de la banque afin de s'attribuer des
montants auxquels il n'avait pas droit. Il s'est ainsi rendu coupable
de faux dans les titres. Il convient ainsi d'annuler l'arrêt attaqué par
le Procureur général et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale afin
que l'auteur soit reconnu coupable de ce crime.