Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 111 II 89



111 II 89

21. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 19 février 1985 dans la
cause A. contre Alpina, Compagnie d'assurance (recours en réforme) Regeste

    Haftpflicht des Motorfahrzeughalters, Art. 59 Abs. 1 und 2 SVG.

    Art. 59 Abs. 1 SVG. Beurteilung eines - objektiv groben - Verschuldens
eines neunjährigen Kindes. Beweislast (E. 1).

    Art. 59 Abs. 2 SVG. Aufteilung der Haftpflicht, unter Berücksichtigung
des Verschuldens des Geschädigten und der erhöhten Betriebsgefahr, die
mit der hohen Geschwindigkeit des Motorfahrzeuges verbunden ist (E. 2).

Sachverhalt

    A.- Le 18 juillet 1968, vers 14 h, l'enfant A., né le 11 février
1959, se rendait à bicyclette de La Balmaz, où il est domicilié, à la
gare d'Evionnaz. Arrivé à l'intersection de la route secondaire venant
de La Balmaz avec la route principale reliant Saint-Maurice à Martigny,
il dépassa par la droite des cyclomotoristes qui étaient immobilisés
à cette intersection, puis il s'engagea sans s'arrêter sur la route
principale, qu'il devait traverser. Il fut alors renversé par la voiture
Jaguar de B. qui roulait à une vitesse de 130 à 140 km/h en direction
de Martigny. Ce conducteur se trouvait sur la piste de droite, après
avoir dépassé plusieurs véhicules. Ayant aperçu les cyclomotoristes, il
klaxonna et se porta sur la piste de dépassement. Lorsqu'il vit l'enfant
A, à la hauteur de la ligne séparant pour lui les deux pistes de droite,
il freina et tenta en vain de l'éviter par la gauche.

    A l'époque, il n'y avait pas encore de limitation générale de vitesse;
sur le tronçon rectiligne où s'est produit l'accident, un panneau indiquait
une vitesse conseillée de 60-110 km/h.

    B.- A. a ouvert action le 2 avril 1979 contre l'Alpina, assureur
responsabilité civile du détenteur B., en paiement de divers montants,
arrêtés en fin de procédure à 491'027 francs, à titre de perte de gain,
atteinte à l'avenir économique et tort moral.

    Le Tribunal cantonal valaisan a rejeté la demande par jugement du
11 mai 1984. Il a admis que le demandeur répondait d'une faute grave
exclusive, libérant le détenteur de sa responsabilité selon l'art. 59
al. 1 LCR.

    C.- Le demandeur recourt en réforme au Tribunal fédéral en concluant
principalement au paiement par la défenderesse de 491'027 francs en
capital, subsidiairement au renvoi de la cause à la cour cantonale pour
nouveau jugement.

    Le Tribunal fédéral admet le recours, annule le jugement attaqué et
renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nouveau jugement dans le
sens des considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- Le détenteur de véhicule automobile répond du dommage causé par
l'emploi de son véhicule (art. 58 al. 1 LCR), mais il est libéré de sa
responsabilité, notamment, s'il prouve que l'accident a été causé par
une faute grave du lésé, sans que lui-même ait commis de faute (art. 59
al. 1 LCR). Comme l'indique le texte de l'art 59 al. 1 LCR, le fardeau
de la preuve des circonstances permettant d'exclure la responsabilité
incombe au détenteur (ATF 105 II 211 s. consid. 3); le cas échéant,
le lésé pourra profiter de l'impossibilité d'établir certains faits à ce
sujet (même arrêt).

    a) Selon la jurisprudence, constitue une faute grave la violation
de règles élémentaires qui devraient s'imposer à tout homme prudent dans
la même situation (ATF 108 II 424 et les arrêts cités). Pour décider de
la gravité de la faute, le juge prend en considération non seulement
les circonstances objectives de l'acte, mais également les conditions
subjectives propres à son auteur, notamment quant à son discernement (ATF
105 II 212). Lorsqu'il s'agit d'apprécier la faute d'enfants, il faut donc
considérer non seulement leur comportement mais aussi leur âge; celui-ci
joue un rôle pour juger de l'existence même du discernement et de la faute
(cf. par exemple ATF 102 II 367 ss consid. 4, 93 II 84 s. consid. 4, 90 II
12 s.), ainsi que de l'importance de celle-ci. En effet, plus un enfant
est jeune, moins on peut lui adresser de reproches selon les critères
applicables aux adultes, dont il n'a ni l'expérience, ni la maturité;
son âge l'expose à un jugement moins objectif et à des décisions moins
réfléchies. Le Tribunal fédéral a récemment jugé à propos d'enfants de
9 ans jouant avec un arc et des flèches qu'ils étaient en mesure de se
rendre compte des risques que ce jeu impliquait, qu'ils avaient donc la
capacité délictuelle, mais que leur responsabilité était sensiblement
diminuée en raison de leur jeune âge (ATF 104 II 186 consid. 2); l'arrêt
précise dans le cadre de l'art. 44 CO que la faute concomitante de l'enfant
"doit également être jugée en fonction de son âge" (p. 188 consid. 3a).

    Il est également conforme au but protecteur de la loi sur la
circulation routière et de la responsabilité causale qu'elle instaure
que la faute des enfants et sa gravité soient mesurées en fonction de
leur âge. En effet, la loi tend à protéger les lésés contre les risques
spécifiques liés à l'emploi des véhicules à moteur, en raison de leur
masse et de leur vitesse (art. 58 LCR). Par ailleurs, elle contient
une règle de circulation exigeant une attention particulière à l'égard
des enfants, des infirmes et des personnes âgées (art. 26 al. 2 LCR),
parce que ces personnes sont spécialement exposées aux risques créés par
la circulation automobile. Il est donc conforme au but de la loi de tenir
également compte de cette exposition accrue au risque, lorsqu'il s'agit
de fixer la responsabilité civile.

    b) Au cas particulier, le demandeur a commis une grave violation des
règles de la circulation en s'engageant, pour la traverser, sur une route
principale (art. 36 al. 2 LCR) de grande circulation en dehors d'une
localité, sans s'assurer ou sans s'assurer suffisamment que la voie
était libre. La cour cantonale considère avec raison que, vu son âge,
il était capable de se rendre compte du caractère illicite et dangereux
de son comportement. Elle omet en revanche d'examiner si le jeune âge de
l'enfant n'atténuait pas la gravité de la faute. Tel est manifestement
le cas, pour les motifs exposés dans l'arrêt cité ci-dessus à propos
d'enfants de neuf ans (ATF 104 II 186 ss consid. 2 et 3). Le comportement
de l'enfant peut d'autant moins être qualifié de faute grave en l'espèce
que la procédure n'a pas permis d'établir pour quelle raison il s'est
élancé au travers de la chaussée; frappé d'amnésie post-traumatique,
il n'a pas été en mesure de donner une explication à son comportement,
de sorte que plusieurs hypothèses entrent en considération. Il peut
n'avoir pas regardé du tout à gauche. Il peut avoir regardé à gauche
à un endroit et un moment où l'arrivée de la voiture Jaguar lui était
cachée. Il peut aussi avoir regardé à gauche, vu la voiture Jaguar mais
mal apprécié sa distance et sa vitesse, ce qui serait bien compréhensible
de la part d'un enfant, vu l'allure élevée (130 à 140 km/h, selon l'aveu
du conducteur) à laquelle elle roulait. Dans deux arrêts rendus en 1969,
à propos de la violation de la priorité par un adulte due à une mauvaise
appréciation de la distance et de la vitesse, le Tribunal fédéral a admis
que le non-prioritaire avait commis une faute importante ou caractérisée
mais pas une faute grave au sens de l'art. 59 al. 1 LCR (ATF 95 II 342
s. consid. 6a, dd, 578 s. consid. 2a). A plus forte raison doit-on
l'admettre pour un enfant, dans la dernière hypothèse ici envisagée. Or,
vu la répartition du fardeau de la preuve, cette possibilité doit être
prise en considération. Il n'est dès lors pas établi que le demandeur
ait commis une faute grave lors de l'accident litigieux.

    L'une des conditions de l'art. 59 al. 1 LCR n'étant ainsi pas réalisée,
le détenteur ne saurait être libéré de sa responsabilité civile selon
cette disposition.

Erwägung 2

    2.- a) Si le détenteur ne peut se libérer en vertu de l'art.  59 al. 1
LCR, mais prouve qu'une faute du lésé a contribué à l'accident, le juge
fixe l'indemnité en tenant compte de toutes les circonstances (art. 59 al.
2 LCR). Parmi celles-ci, la faute du conducteur peut jouer un rôle.

    b) La cour cantonale considère que le conducteur B. n'a pas commis
de faute de circulation.

    Ce conducteur roulait sur une route de grande circulation avec une
bonne visibilité; aussi, à l'époque où il n'existait pas de limitation
générale de vitesse, une allure de 130 à 140 km/h n'était-elle pas encore,
en soi, illicite. La seule approche d'une intersection avec une route non
prioritaire, hors de toute localité, n'exigeait pas non plus du conducteur
qu'il abaissât sa vitesse (ATF 99 IV 175 consid. 3a, 93 IV 34). Selon le
principe dit de la confiance (art. 26 LCR), il pouvait compter que les
tiers se comporteraient de manière correcte. Il est vrai que ce principe
ne s'applique pas, du moins tel quel, à l'égard d'enfants (art. 26 al. 2
LCR; ATF 104 IV 31, 104 Ib 363 s.). Mais il ressort des constatations
de fait du jugement attaqué, qui lient le Tribunal fédéral, que B. n'a
aperçu le demandeur qu'"alors qu'il se trouvait déjà engagé au milieu de
la chaussée". Au demeurant, le jugement ne contient aucune constatation
de fait permettant de retenir que le conducteur de la voiture aurait
pu apercevoir auparavant déjà l'arrivée de l'enfant sur sa bicyclette.
Le conducteur B. n'était donc pas tenu à une prudence particulière en
vertu de l'art. 26 al. 2 LCR. On doit en revanche se demander si la grande
vitesse à laquelle roulait ce conducteur ne permettait pas d'exiger de
sa part, à l'approche d'une intersection, des égards particuliers en
faveur des usagers non prioritaires pour obvier aux dangers accrus liés
non seulement à la masse du véhicule en mouvement, mais aussi au risque
d'erreurs dans l'appréciation de cette vitesse par des usagers surpris
par une allure avec laquelle ils n'ont pas l'habitude de compter. La
question peut rester indécise, car même si l'on ne retient pas de faute
de B., ce détenteur répond à tout le moins d'un risque inhérent accru,
qui doit être pris en considération dans la répartition du dommage.

    Par ailleurs, la cour cantonale considère avec raison que le conducteur
a réagi de manière adéquate lorsqu'il s'est rendu compte de la présence
du cycliste sur la route principale.

    c) Le lésé répond ainsi d'une faute de circulation objectivement grave,
mais subjectivement atténuée dans une très large mesure par son jeune âge,
alors que le détenteur doit répondre d'un risque inhérent considérable
lié à la vitesse élevée à laquelle roulait son véhicule. Compte tenu de
ces circonstances, il se justifie de réduire dans une proportion de 20%
la responsabilité du détenteur fondée sur l'art. 58 al. 1 CO (cf. par
exemple l'arrêt ATF 104 II 188, où le Tribunal fédéral a réduit de 25%
la réparation due à un enfant de neuf ans qui avait accepté de jouer à
l'arc par un enfant du même âge qui répondait, outre de sa participation
à ce jeu, d'un manquement aux règles de prudence qu'il aurait dû respecter
en s'y livrant).