Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 111 II 76



111 II 76

18. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 30 avril 1985 dans la
cause United Overseas Bank S.A. contre Petroship International S.A. et
autres (recours en réforme) Regeste

    Dokumenten-Akkreditiv. Widerrechtliches Verhalten des
Akkreditiv-Auftraggebers.

    Ist bei einem internationalen Kaufgechäft die Bezahlung des
Kaufpreises durch ein Dokumenten-Akkreditiv gesichert und hindert der
Akkreditiv-Auftraggeber die eröffnende Bank auf widerrechtliche Weise an
der Verfügung über die Ware oder die nach Akkreditiv vorgeschriebenen
Dokumente, so hat er die Bank aufgrund seiner Verpflichtungen aus dem
Aufrag zu entschädigen.

Sachverhalt

    A.- En octobre 1980, Petroship International S.A. à Panama (ci-après
Petroship) a acheté à Petchem Company Ltd à Hong Kong (ci-après: Petchem)
300'000 barils de pétrole "high speed", le paiement du prix devant être
couvert par un accréditif documentaire.

    Sur ordre de Petroship, United Overseas Bank S.A. à Genève
(ci-après: UOB) a, le 14 octobre 1980, ouvert un accréditif, irrévocable
et transférable, à l'intention de Chartered Bank à Hong Kong, qui l'a
confirmé le lendemain.

    L'une des clauses de l'accréditif prévoyait que le chargement se ferait
en deux envois d'environ 150'000 barils chacun, le premier entre le 14
et le 25 octobre 1980, le second le 10 novembre 1980 au plus tard, tous
deux par un navire qui serait indiqué par le donneur d'ordre directement
au bénéficiaire.

    Petroship donna pour instruction à UOB, par divers télex ultérieurs,
d'apporter plusieurs amendements à l'accréditif précité; figurait au nombre
de ceux-ci la désignation du navire "British Fidelity", sur lequel devrait
se faire la première cargaison. UOB répercuta ces demandes d'amendements
sur Chartered Bank.

    Sans qu'il soit établi qu'elle connût la désignation, par Petroship,
du navire "British Fidelity", Petchem a fait embarquer, le 19 octobre 1980,
le pétrole à Singapour sur le navire "Cys Mariner". Tout en protestant
contre cette décision et affirmant que le contrat de vente avait été
valablement annulé par elle, faute d'exécution conforme par Petchem,
Petroship a pris livraison de la marchandise - à un lieu et à un moment non
déterminés - et l'a revendue en Turquie. Petroship a agi ainsi sans avoir
acquis le droit à la marchandise, chargée contre remise d'un connaissement,
et sans l'autorisation du possesseur du connaissement, soit d'UOB.

    Le 30 octobre 1980, Interpetrol a présenté à UOB les documents utiles
au paiement de l'accréditif. Ces documents portent tous le nom du navire
"Cys Mariner". Les considérant néanmoins comme conformes, UOB a accepté
de payer le montant réclamé, soit US$ 6'143'686.--, somme dont elle
fut remboursée par Chartered Bank le lendemain auprès de Bankamerica
International. Le 5 novembre 1980, Chartered Bank a accepté à son tour de
négocier les mêmes documents en faveur de Petchem, laquelle a substitué
ses propres factures au montant de US$ 6'405'916.50. Le même jour, UOB
fut débitée de ce montant auprès de Bankamerica International.

    Invitée par UOB à lui rembourser ce dernier montant, Petroship s'y
est refusée. Elle estime avoir subi un préjudice important du fait que la
banque a accepté des documents non conformes à l'accréditif et elle n'a,
en deux versements, remboursé à UOB que US$ 3'893'015.23, pour solde de
compte selon elle.

    UOB a assigné en paiement Petroship ainsi que d'autres personnes
concernées par cette affaire. Elle a requis que les défendeurs soient
solidairement condamnés à lui payer Fr. 6'992'367.22 avec intérêts;
ensuite, elle a modifié ses conclusions, demandant le paiement d'une
somme de US$ 3'222'289.04, plus intérêts.

    Par jugement du 9 juin 1983, le Tribunal de première instance du
canton de Genève a condamné Petroship à payer à UOB Fr. 5'452'995.60
avec intérêts; il a rejeté la demande contre Petroship pour le surplus,
ainsi que les demandes dirigées contre les autres défendeurs.

    Statuant le 2 novembre 1984, sur appel de toutes les parties, la Cour
de justice du canton de Genève a intégralement rejeté la demande.

    Contre cet arrêt, UOB interjette un recours en réforme devant le
Tribunal fédéral, en reprenant ses dernières conclusions.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Extrait des motifs:

Erwägung 3

    3.- a) Pour ce qui est tout d'abord de la demande dirigée contre
Petroship, la lettre d'ouverture du crédit documentaire No 800'595 se
réfère expressément aux Règles et usances uniformes relatives aux crédits
documentaires commerciaux, revision de 1974, codifiées par la Chambre de
commerce internationale (ci-après: RUU). Petroship n'a manifesté d'aucune
manière son désaccord, de sorte qu'elle a tacitement admis comme étant une
clause contractuelle cette référence à des conditions générales établies
par une association professionnelle (ATF 100 II 149). Rien ne s'oppose
en soi à l'inclusion de telles conditions générales dans un contrat,
dont l'applicabilité au présent cas d'espèce n'est du reste pas remise
en cause. Par ailleurs, Petroship s'est également soumise aux clauses
générales de la banque, devenues également ainsi clauses contractuelles.

    b) Quoique tenant le contrat de vente pour annulé, Petroship s'est
emparée sans droit de la marchandise qui lui était destinée, sans être
en possession du connaissement ni avoir obtenu l'autorisation d'UOB qui
le détenait. La cour cantonale et la recourante se sont peu attachées à
la portée juridique de ce fait. Pour la première, ce serait seulement
une cause d'enrichissement illégitime (art. 62 CO); pour la seconde,
ce serait là une violation positive du contrat selon l'art. 97 CO et
un acte illicite selon l'art. 41 CO obligeant Petroship à payer des
dommages-intérêts en réparation du dommage causé. De son côté, l'intimée
se défend d'avoir voulu de la sorte confirmer la vente, prétendant qu'elle
n'a agi ainsi que pour limiter le dommage, dans son intérêt et dans celui
de la recourante. S'agissant là d'une question de droit, celle-ci doit
être examinée d'office par le Tribunal fédéral (art. 63 OJ).

    aa) Le comportement de l'acheteur, soit du donneur d'ordre, doit être
jugé au regard de la fonction des ventes internationales avec paiement
du prix au moyen de crédits documentaires. A cet égard, il est sans
pertinence de savoir si Petroship a ou non ratifié le contrat de vente en
s'emparant sans droit de la marchandise. Il ne s'agit, en effet, pas ici
de déterminer l'incidence qu'a pu avoir un tel comportement sur le rapport
de base, notamment sur la régularité de la livraison, mais uniquement
ses conséquences quant aux rapports juridiques liés à l'accréditif.

    bb) Dans les relations entre banques, d'une part, et entre
bénéficiaire et banque, d'autre part, le Tribunal fédéral a jugé que
la banque qui refuse de payer le montant demandé de l'accréditif ne
peut ni conserver les documents, ni disposer de la marchandise. Si
elle conserve notamment le connaissement ou dispose de la marchandise,
elle est obligée de payer le montant intégral de l'accréditif; en effet,
tout comportement de la banque émettrice qui prive le bénéficiaire ou la
banque remettante du pouvoir de disposer de la marchandise doit produire
les mêmes effets qu'une acceptation sans réserve des documents (ATF 104
II 278, 90 II 307/8). Ces principes ne peuvent qu'être confirmés (cf.
également EISEMANN-EBERTH, Das Dokumenten-Akkreditiv, 2e éd., p. 162/3,
ZAHN, Zahlungs- und Zahlungssicherung im Aussenhandel, 5e éd., p. 145/6,
CANARIS, in HGB, Grosskommentar, vol. III/2, 3e éd., p. 785 n. 401,
REICHWEIN, RSJ 1965, p. 56, SCHÖNLE, RSJ 1983, p. 55 n. 19).

    cc) Il y a lieu d'examiner si la même règle vaut également dans les
rapports entre la banque émettrice et son mandant, le donneur d'ordre. A
cet égard, la banque intervient en faveur de son mandant selon le
même système, destiné à remplacer le paiement comptant dans les ventes
internationales à distance, où les titres représentatifs de la marchandise
sont remis contre paiement du prix (ATF 100 II 150, 78 II 52). Ainsi la
banque émettrice, ayant reçu les documents de la banque remettante et
payé le montant de l'accréditif après contrôle desdits documents, ne se
défera de ceux-ci en faveur de son mandant que contre paiement du prix,
sauf convention contraire (cf. ZAHN, op.cit., p. 173 ss, 184 ss, HARTMANN,
Der Akkreditiv-Eröffnungsauftrag, thèse Zurich 1974, p. 107 ss). Si donc
le mandant s'empare, de façon illicite, des titres ou de la marchandise, il
met la banque dans l'incapacité de faire valoir ses droits de disposition
sur la marchandise; aussi ne saurait-il, sans violer gravement les règles
de la bonne foi, contester son obligation de rembourser la banque (cf.
aussi HARTMANN, op.cit., p. 110 n. 18).

    On relèvera du reste que, à l'instar du rapport contractuel existant
entre la banque émettrice et la banque remettante, le donneur d'ordre
(accréditeur) est lié à la banque émettrice par un contrat de mandat
(ATF 78 II 50/51 consid. 4); rien ne s'oppose à ce que, sur ce point,
l'on soumette aux mêmes règles l'exécution de l'un et de l'autre de ces
mandats. Sans doute la règle prévue à l'art. 8 lettre f RUU vise-t-elle
expressément les relations entre la banque émettrice et la banque
remettante. Le Tribunal fédéral a, cependant, rappelé dans l'arrêt précité
(ATF 104 II 278/9) que c'était là l'expression d'un principe général,
dont le bénéficiaire de l'accréditif pouvait également se prévaloir à
l'encontre de la banque émettrice; on ne voit pas pourquoi il devrait
en aller autrement dans les rapports entre la banque émettrice et le
donneur d'ordre.

    c) Pour ce motif déjà, l'action de la banque est donc fondée dans
son principe.

    Il n'est dès lors pas nécessaire à la solution du présent litige
d'examiner la nature et la portée exactes de la clause relative à la
désignation par le donneur d'ordre du navire transporteur qui figurait
dans l'accréditif et de déterminer s'il s'agissait là d'une condition de
l'accréditif lui-même, comme l'a jugé la cour cantonale, ou au contraire
d'une condition ressortissant exclusivement au rapport de base entre
acheteur et vendeur.