Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 111 II 55



111 II 55

12. Arrêt de la Ire Cour civile du 5 février 1985 dans la cause B. contre
commune de Lausanne (recours en réforme) Regeste

    Verjährung, Art. 83 SVG und Art. 60 Abs. 1 OR.

    1. Art. 83 SVG findet keine Anwendung auf die Klage, die ein
geschädigter Motorfahrzeughalter gestützt auf Art. 58 OR gegen den
Eigentümer einer Strasse erhebt (E. 2).

    2. Art. 60 Abs. 1 OR. Begriff der Kenntnis vom Schaden im Zusammenhang
mit Kosten für die Reparatur eines Motorfahrzeuges. Beweislast (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Le 25 octobre 1980, vers 13 h 15, B. circulait au volant de sa
voiture Porsche Carrera, modèle 1973, à l'avenue de Milan à Lausanne. La
route était mouillée et le ciel couvert. Entre deux virages était
aménagé un passage de sécurité pour piétons, avec des bandes jaunes sur la
chaussée, conformément à l'ordonnance sur la signalisation routière. Arrivé
à cette hauteur, B. perdit la maîtrise de son véhicule, qui détruisit un
arbre et bascula par-dessus un muret. La voiture fut gravement endommagée.

    Le prix d'achat de la voiture était en 1973 de 47'000 francs. Avant
l'accident, elle avait encore une valeur commerciale très élevée, compte
tenu de son âge et de la distance parcourue (128'000 km), du fait que
ce modèle est très recherché et que la voiture était particulièrement
bien entretenue. Le 7 juillet 1980, un garagiste de Genève avait remis à
B. une attestation destinée à l'assureur casco, dans laquelle la voiture
était estimée à 38'000 francs.

    Après l'accident, B. décida de faire réparer sa voiture par l'usine
Porsche à Stuttgart. Celle-ci établit le 9 mars 1981 une facture de
23'604,93 DM, équivalant à 21'504 francs 05 au cours du 9 mars 1981. B. a
en outre payé 1'128 francs 90 à la douane.

    B.- Le 26 janvier 1982, B. a ouvert action en paiement de 21'504 francs
05 et de 1'128 francs 90, avec intérêt, contre la commune de Lausanne,
propriétaire de la route, à qui il reprochait un défaut de construction
ou d'entretien (art. 58 CO).

    La défenderesse a conclu au rejet de la demande. Elle a invoqué
la prescription (art. 60 CO), contesté sa responsabilité et opposé en
compensation une créance de 760 francs pour le remplacement de l'arbre.

    La procédure a été limitée à l'examen du moyen tiré de la prescription.

    Admettant ce moyen, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a
rejeté la demande par jugement du 25 avril 1984.

    C.- Le demandeur recourt en réforme au Tribunal fédéral en concluant
au rejet de l'exception de prescription et au renvoi de la cause à la
juridiction cantonale.

    Le Tribunal fédéral admet le recours, annule le jugement attaqué et
renvoie la cause à la cour cantonale pour nouveau jugement dans le sens
des considérants.

Auszug aus den Erwägungen:

                    Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- Rejetant l'action au fond, pour cause de prescription, le jugement
attaqué est une décision finale au sens de l'art. 48 OJ (ATF 106 II 202,
103 II 269 et les arrêts cités).

    Au demeurant, il s'agit d'une contestation civile; selon une
jurisprudence constante, en effet, la responsabilité de la collectivité
publique pour les défauts de construction ou d'entretien des routes est
régie par l'art. 58 CO (ATF 108 II 185 et les arrêts cités).

Erwägung 2

    2.- La cour cantonale tient avec raison l'art. 60 CO pour applicable
à la prescription, et non pas l'art. 83 LCR. L'action en responsabilité
du demandeur se fonde en effet sur l'art. 58 CO, à l'exclusion de toute
disposition de la loi sur la circulation routière. La prescription de la
loi spéciale n'est pas applicable au demandeur du seul fait que le dommage
a été causé par l'emploi de son propre véhicule automobile (cf. l'arrêt
de l'Obergericht de Zurich, confirmé par le Tribunal fédéral, publié in
ZR 75 (1976) No 24 p. 87; BUSSY/RUSCONI, Code suisse de la circulation
routière, n. 1.6 ad art. 83 LCR; DESCHENAUX/TERCIER, La responsabilité
civile, p. 200). On ne se trouve pas non plus dans un cas de responsabilité
solidaire selon l'art. 60 al. 1 LCR, qui entraînerait l'application de
l'art. 83 LCR (OFTINGER, II/2, p. 682; cf. Cour de justice civile de
Genève, in SJ 1974, p. 205 ss). Le fait que la défenderesse a opposé
en compensation une créance en dommages-intérêts contre le demandeur,
en sa qualité de détenteur d'un véhicule automobile, ne suffit pas
à soumettre à la prescription extraordinaire de deux ans une action
reposant exclusivement sur le droit commun, sans qu'il y ait concours
avec une responsabilité fondée sur la loi spéciale.

Erwägung 3

    3.- Selon l'art. 60 al. 1 CO, l'action en dommages-intérêts se
prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance
du dommage ainsi que de la personne qui en est l'auteur, et, dans tous
les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s'est produit.

    La cour cantonale considère que le dommage du demandeur était
essentiellement déterminable quelques jours après l'accident, soit plus
d'un an avant le 26 janvier 1982, date de la demande; en effet, "les
dégâts subis par son véhicule étaient apparents et importants ... s'il
a enfin envoyé sa voiture en réparation chez le fabricant en raison de
l'importance de son dommage, c'est qu'il connaissait, à ce moment déjà,
la gravité particulière de son préjudice". Le demandeur soutient au
contraire qu'il n'a pas eu connaissance du dommage avant d'avoir reçu
les factures de l'usine Porsche et de l'administration des douanes.

    a) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le créancier connaît
suffisamment le dommage lorsqu'il apprend, touchant son existence, sa
nature et ses éléments, les circonstances propres à fonder et à motiver
une demande en justice; le créancier n'est pas admis à différer sa
demande jusqu'au moment où il connaît le montant absolument exact de son
préjudice, car le dommage peut devoir être estimé selon l'art. 42 al. 2
CO; au demeurant, le dommage est suffisamment défini lorsque le créancier
détient assez d'éléments pour qu'il soit en mesure de l'apprécier (ATF 108
Ib 99 s. et les arrêts cités). Vu la brièveté du délai de prescription
d'un an, on ne saurait se montrer trop exigeant à ce sujet à l'égard
du créancier (ATF 74 II 34); suivant les circonstances, un certain
temps doit encore lui être laissé pour lui permettre d'estimer l'étendue
définitive du dommage, seul ou avec le concours de tiers (ATF 96 II 41 et
les arrêts cités). Le délai de l'art. 60 al. 1 CO part du moment où le
lésé a effectivement connaissance du dommage au sens indiqué ci-dessus,
et non de celui où il aurait pu découvrir l'importance de sa créance en
faisant preuve de l'attention commandée par les circonstances (ATF 109
II 434 s.). Le doute quant à l'existence de faits suffisants pour motiver
une demande en justice doit être interprété au préjudice du débiteur qui
invoque l'exception de prescription, auquel incombe le fardeau de la preuve
(art. 8 CC; cf. SPIRO, Die Begrenzung privater Rechte durch Verjährungs-,
Verwirkungs- und Fatalfristen, vol. I, p. 894 s.; KUMMER, n. 178 et 304 in
fine ad art. 8 CC; DESCHENAUX, Le Titre préliminaire du code civil suisse,
p. 241).

    Dans l'arrêt ATF 82 II 44 s., le Tribunal fédéral considère, à propos
des frais de réparation d'un objet endommagé, que le créancier en a en
tout cas une connaissance suffisante lorsqu'il reçoit la facture relative
aux frais de réparation. W. SCHWANDER (Die Verjährung ausservertraglicher
und vertraglicher Schadenersatzforderungen, thèse Fribourg 1963, p. 17)
approuve cet arrêt en relevant que, le plus souvent, le créancier
connaîtra cependant déjà le coût de la réparation avant de recevoir la
facture. B. JAEGER (La prescription des créances en dommages-intérêts,
in Journées du droit de la circulation routière, Fribourg 1984, p. 11),
citant l'arrêt susmentionné, le résume en ce sens que la réception
de la facture de réparation ferait foi en cas de dégâts matériels.
STARK (Ausservertragliches Haftpflichtrecht, Skriptum 1982, No 1082)
estime qu'en cas de dommage matériel, la prescription ne commence pas
à courir qu'au moment de la réception de la facture de réparation, car
l'étendue du dommage peut déjà être appréciée lorsque la réparation est
achevée ou, en cas de dommage total, lorsqu'on constate que le coût de
la réparation excéderait la valeur de la chose avant le sinistre.

    L'arrêt ATF 82 II 45 ne peut qu'être confirmé. Sauf circonstances
exceptionnelles, le lésé a en tout cas connaissance du dommage à réception
de la facture de réparation. Cela n'exclut toutefois pas qu'il puisse en
avoir une connaissance suffisante déjà auparavant. Tel sera le cas s'il
existe une expertise digne de confiance quant au coût de la réparation,
si le réparateur s'engage à réparer à forfait ou sur la base d'un devis
suffisamment précis, voire si le lésé obtient d'autres renseignements
le mettant à même d'apprécier l'étendue du préjudice. Dans d'autres cas
en revanche, seule la réception de la facture fournit au créancier les
informations nécessaires, la nature et la complexité des dégâts empêchant
une estimation préalable assez précise pour que le créancier puisse s'en
prévaloir dans le cadre d'une action en justice. Les circonstances du
cas particulier sont ainsi décisives. En l'absence de toute indication
relative à l'information préalable dont le créancier aurait pu disposer
sur l'étendue du dommage, la réception de la facture constitue le moment
déterminant, du moins lorsque le créancier n'a pas tardé à faire réparer.

    b) En l'espèce, vu l'importance des dégâts, l'incertitude qui a pu
subsister quant à l'intérêt d'une réparation et l'envoi de la voiture de
Suisse à Stuttgart pour qu'elle soit réparée à l'usine, on ne saurait
considérer que le demandeur ait attendu de façon exagérée pour faire
réparer sa voiture. Par ailleurs, on ignore totalement si une expertise
a été faite quant au coût de la réparation, si le garagiste genevois qui
a conseillé le demandeur a pu lui donner des indications précises à ce
sujet et si l'usine Porsche a établi un devis. Il est dès lors possible,
mais il n'est pas établi que le demandeur ait su, avant la réception des
factures invoquées, quelle était l'étendue de son préjudice. L'incertitude
qui subsiste à ce sujet demeure à la charge de la défenderesse, qui a
invoqué la prescription. Sans doute le jugement attaqué constate-t-il que
le demandeur "connaissait ... la gravité particulière de son préjudice",
mais il ne s'agit pas là d'une connaissance suffisamment précise pour
faire courir le délai de prescription de l'art. 60 al. 1 CO. La preuve
de l'expiration de ce délai, lors du dépôt de la demande, n'a donc pas
été faite, et c'est à tort que la cour cantonale a admis l'exception de
prescription soulevée par la défenderesse.

    La cause doit dès lors être renvoyée à la juridiction cantonale
pour qu'elle examine les autres moyens des parties après avoir repris
l'instruction et procédé aux constatations nécessaires, selon les règles
de la procédure cantonale (art. 64 OJ).