Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 111 II 10



111 II 10

3. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 7 février 1985 dans la
cause X contre Autorité tutélaire de surveillance du canton de Neuchâtel
(recours en réforme) Regeste

    Art. 392 Ziff. 1 ZGB. Errichtung einer Vertretungsbeistandschaft
für eine bedürftige mündige Person, die sich ohne annehmbaren Grund
beharrlich weigert, einen ihren persönlichen und wirtschaftlichen
Interessen entsprechenden Entscheid zu treffen.

Sachverhalt

    A.- Le 4 février 1983, le Département de l'agriculture du canton de
Neuchâtel a révoqué X, fonctionnaire nommé en 1951. Le Conseil d'Etat
a confirmé cette décision. Par arrêt du 4 novembre 1983, le Tribunal
administratif a rejeté un recours de X, des pourparlers transactionnels
ayant échoué en raison de l'entêtement du recourant.

    B.- Le 23 décembre 1983, la Caisse de pensions de l'Etat de Neuchâtel a
écrit à X qu'il avait le choix, en tant qu'assuré, entre deux possibilités:
demeurer assuré, en qualité de membre indépendant, pour la période du
1er juin 1983 (jour suivant celui où il a perdu le droit au versement de
son salaire) au 30 septembre 1983 (date à partir de laquelle il pourrait
prétendre à une pension de retraite complète sur la base de son dernier
traitement assuré) et toucher, comme pension, du 1er octobre au 31 décembre
1983, 3'081 francs 75 par mois, puis, dès le 1er janvier 1984, 3'269
francs 15; obtenir une indemnité de sortie complète, en capital, de 164'323
francs 65, intérêts moratoires non compris (cotisations du fonctionnaire
et cotisations de l'Etat en sa faveur). X a refusé de choisir entre ces
deux solutions. Il a continué à contester sa révocation et à prétendre à un
salaire, bien qu'il n'eût pas attaqué l'arrêt du Tribunal administratif du
4 novembre 1983, qui était ainsi entré en force entre-temps. Il s'en est
tenu à cette attitude également après le dépôt d'un rapport que la Caisse
de pensions avait spécialement demandé à des experts en assurances pour
lui permettre de prendre une décision en pleine connaissance de cause. Il
a même annoncé qu'il déposerait une plainte pénale, pour abus d'autorité,
contre la direction de la Caisse cantonale d'assurance populaire.

    Eu égard à une telle obstination, le Ministère public a demandé à
l'Autorité tutélaire d'examiner s'il ne serait pas opportun de prendre
des mesures tutélaires. Par décision du 14 août 1984, cette autorité,
appliquant l'art. 392 ch. 1 CC, a désigné l'avocat Y en qualité de curateur
ad hoc de X et l'a invité à lui faire rapport avant de prendre position
au nom du susnommé au sujet de la lettre de la Caisse de pensions du 23
décembre 1983.

    Le 24 septembre 1984, l'Autorité tutélaire de surveillance a rejeté
un recours de X, dans la mesure où il était recevable.

    C.- X a recouru en réforme au Tribunal fédéral. Il concluait à
l'annulation de la décision attaquée et à ce qu'il fût dit "qu'il n'y a
pas lieu d'instituer une curatelle sur la personne de X, pour effectuer
le choix que la Caisse de pensions de la République et canton de Neuchâtel
lui demande de faire".

    Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- Aux termes de l'art. 392 ch. 1 CC, l'autorité tutélaire institue
une curatelle lorsqu'un majeur ne peut, pour cause de maladie, d'absence
ou d'autres causes semblables, agir dans une affaire urgente, ni désigner
lui-même un représentant. Cette mesure tutélaire est, de par sa nature,
provisoire, le curateur devant se limiter à exécuter conformément aux
instructions de l'autorité tutélaire le mandat spécial dont il a été
investi (cf. art. 418 CC; SCHNYDER/MURER, n. 14 ad art. 392-397, n. 7,
17 et 18 ad art. 392 CC); comme le relève expressément l'autorité
cantonale au terme de la décision attaquée, elle tombe dès qu'a été
liquidée l'affaire pour laquelle le curateur a été désigné. Par ailleurs,
la curatelle n'exerce pas d'influence sur l'exercice des droits civils
(art. 417 al. 1 CC).

    a) L'autorité cantonale de surveillance constate que le recourant peut
prétendre à une rente non négligeable dès le 1er octobre 1983 et refuse
de répondre à la Caisse de pensions de l'Etat, ce qui est manifestement
contraire à ses intérêts. En raison, dit-elle, de la situation financière
périlleuse du recourant, alléguée par lui-même, l'affaire doit être
considérée comme urgente; de plus, le refus prolongé et, à l'évidence,
déraisonnable d'agir de X constitue, selon l'art. 392 ch. 1 CC, une autre
cause semblable à une maladie ou à une absence qui empêcherait l'intéressé
d'exercer ses droits contre la Caisse de pensions. Dans ces circonstances,
conclut l'autorité cantonale, la mesure instituée est conforme à la loi.

    b) Le recourant nie qu'aucune des conditions d'application de
l'art. 392 ch. 1 CC soit réalisée en l'espèce. Il fait valoir les
arguments suivants:

    aa) Le choix que les autorités tutélaires entendent imposer à X n'a
aucun caractère d'urgence: la péremption ou la prescription des droits
éventuels du recourant à l'égard de la Caisse de pensions n'en dépendent
pas, non plus qu'une baisse de leur valeur. Quant à la situation financière
difficile dans laquelle se trouve le recourant, elle ne saurait être
adoptée comme critère de l'urgence. La curatelle de représentation de
l'art. 392 ch. 1 CC est instituée à l'égard d'une affaire déterminée, qui
est urgente ou ne l'est pas. D'autre part, les personnes majeures qui se
trouvent dans des conditions financières difficiles et ont des expectatives
d'assurances sont nombreuses: ce n'est pas le but de l'art. 392 ch. 1 CC
que de leur substituer un représentant officiel chaque fois que l'autorité
étatique le veut.

    bb) X s'est montré acharné à défendre ce qu'il pense être son droit
et ses intérêts. Il n'y a aucune raison de faire de cet acharnement une
cause d'empêchement semblable à une maladie. D'ailleurs, le recourant a
été libéré de la plupart des accusations portées contre lui devant le
Tribunal de police du district de Neuchâtel et il n'est pas interdit
de penser que la Cour de cassation le libérera de la seule infraction
retenue, de sorte que les conditions d'une revision de l'arrêt rendu le
4 novembre 1983 par le Tribunal administratif pourraient être réunies
d'ici peu. Enfin, la jurisprudence et la doctrine estiment que les causes
d'empêchement semblables à une maladie doivent être admises de manière
très restrictive; sinon, il y aurait risque que les autorités tutélaires
ne "s'érigent en maître du bon sens à propos de n'importe quelle affaire
ou personne et au gré des dénonciations qui leur parviennent".

    cc) Quant à la possibilité de X de désigner un représentant, elle
n'est limitée que par ses moyens financiers, ce qui n'est pas une cause
d'empêchement au sens de l'art. 392 ch. 1 CC.

Erwägung 3

    3.- a) Un majeur ne peut pas agir, au sens de l'art. 392 ch.  1 CC,
non seulement lorsqu'il est matériellement empêché par une maladie,
l'absence ou d'autres causes semblables, mais également quand il n'est
pas capable de régler l'affaire d'une manière conforme à ses intérêts
bien entendus (SCHNYDER/MURER, n. 46 ad art. 392 CC) ou quand, faute de
jugement, il ne peut ni agir ni désigner lui-même un représentant (EGGER,
n. 19 ad art. 392 CC). On peut relever les cas suivants de désignation
d'un curateur ad hoc dans la doctrine et la jurisprudence:

    - la perception des revenus d'une rente pour un alcoolique (EGGER,
n. 7 ad art. 392 CC);

    - la sauvegarde, en cas de maladie, d'un délai péremptoire pour ouvrir
action, déposer une réponse, etc. (KAUFMANN, n. 8 ad art. 392 CC);

    - l'incapacité totale de défendre ses intérêts dans un procès en
divorce (ATF 77 II 13 consid. 3);

    - le refus d'un héritier de faire valoir sa réserve, alors qu'il est
dans l'indigence (EGGER, n. 16 ad art. 392 CC);

    - des troubles psychiques, quand ils empêchent l'intéressé d'agir dans
une affaire urgente, c'est-à-dire quand ils le privent de sa capacité de
discernement ou, tout au moins, quand ils la diminuent au point qu'il ne
peut pas agir convenablement ni désigner un représentant et contrôler son
activité (SCHNYDER/MURER, n. 53 ad art. 392 CC); l'absence de capacités
nécessaires ou le manque de jugement, lorsque ces motifs d'empêchement,
qui doivent être interprétés restrictivement, ont leur origine dans de
véritables défaillances de l'intéressé, liées, par exemple, à son caractère
(SCHNYDER/MURER, n. 55 ad art. 392 CC).

    Selon SCHNYDER/MURER (Systematischer Teil, n. 254; n. 39 ad art. 392
CC), dans le doute, il convient de désigner un curateur plutôt que d'y
renoncer.

    b) En l'espèce, X s'est persuadé qu'il n'a pas été valablement
démis de ses fonctions et qu'il a donc droit, comme auparavant, à son
salaire jusqu'à la date normale de sa retraite, au cours de l'année
1986. C'est une idée fixe, à laquelle rien, dans la réalité, ne donne de la
vraisemblance. On ne voit notamment pas comment l'issue favorable du procès
pénal pourrait permettre la revision de l'arrêt du Tribunal administratif:
cette autorité a confirmé la révocation du recourant en tenant compte de
l'ensemble de son comportement, dans son sens le plus large. Ainsi, en ce
qui concerne sa capacité d'apprécier les questions relatives à sa retraite
anticipée et à ses prétentions contre l'Etat, soit, plus précisément,
contre la Caisse de pensions, X est bloqué psychiquement, se cantonnant
dans une attitude caractérielle qui l'empêche de prendre une décision
conforme à ses intérêts, partant, de se conduire raisonnablement. Il n'y a
pas là simple obstination d'un individu têtu; un tel état est à la limite
de l'incapacité de discernement et présente des traits morbides qui le
rendent semblable à une maladie physique ou psychique. Le fait qu'une
personne manifeste une mauvaise volonté absolue quand il s'agit de régler
ses affaires justifie d'ailleurs que soit prise à son endroit une mesure
tutélaire (RIEMER, Grundriss des Vormundschaftsrechts, p. 28 n. 2).

    Il découle de ce qui précède que le recourant ne peut pas non plus
désigner lui-même un représentant. On ne conçoit pas que, se refusant à
prendre une décision qu'il estime contraire à ses intérêts, il choisisse
une personne pour la prendre à sa place.

    c) L'affaire urgente dans laquelle le majeur ne peut pas agir,
ni désigner lui-même un représentant, peut être d'ordre personnel ou
patrimonial; souvent, comme en l'espèce, les deux caractères sont liés
(SCHNYDER/MURER, n. 22 et 61 ad art. 392 CC). L'urgence implique que
l'affaire ne souffre aucun retard parce qu'est en jeu, pour la personne
en cause, un intérêt essentiel (SCHNYDER/MURER, n. 56 et 63, EGGER,
n. 21 ad art. 392 CC).

    Le fait que la péremption ou la prescription des droits du recourant
envers la Caisse de pensions ne dépendent pas du choix à opérer n'est
pas déterminant: en invoquant un tel argument, le recourant se place
dans une optique trop étroite. A première vue, on pourrait se demander
s'il ne convient pas de prendre en considération un élément nouveau,
savoir l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1985, de la loi fédérale sur
la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du
25 juin 1982 (LPP): désormais, en effet, les prestations de vieillesse,
pour survivants et d'invalidité sont, en règle générale, allouées sous
forme de rente (art. 37 al. 1 LPP), si bien que, lorsqu'il aura atteint
65 ans révolus, le recourant ne disposera plus de la faculté de choisir
qui lui a été offerte. Mais ce fait ne permet pas, à lui seul, de dire
qu'un intérêt essentiel est en jeu, car le versement d'une rente paraît
être nettement plus avantageux au recourant. Décisives, en revanche, sont,
comme l'a relevé l'autorité cantonale de surveillance, les conditions dans
lesquelles vit actuellement X. Depuis juin 1983, le recourant est aidé
financièrement, pour l'essentiel, par les services sociaux de la commune
de C., qui lui versent un subside de 1'500 francs par mois en moyenne. On
ne peut que se rallier à l'autorité cantonale quand elle qualifie cette
situation de "périlleuse". C'est d'ailleurs le terme même employé devant
elle par le recourant, qui a fait valoir qu'il était dans le dénuement et
ne pouvait pas continuer à vivre ainsi au jour le jour. Il y a urgence,
car il faut mettre fin sans retard à un tel état de choses. Depuis environ
deux ans, X et son épouse vivent avec un revenu qui atteint à peine le
minimum vital. Cette situation n'est pas seulement pénible matériellement,
mais aussi psychologiquement: le fait d'être longtemps à la charge de
l'assistance publique ne peut, dans notre société, qu'être ressenti comme
une humiliation et conduit à l'isolement. Il n'est d'ailleurs nullement
certain que les services sociaux continueront à aider le recourant jusqu'en
octobre 1986; leurs prestations ne sont, au surplus, que des avances.

Erwägung 4

    4.- Vu ce qui précède, il n'y a pas eu violation de l'art.  392 ch. 1
CC en l'espèce. Les conditions d'application de cette disposition légale
apparaissent réalisées. X s'obstine dans une attitude que rien de concret
ne permet de justifier et l'affaire dans laquelle ce comportement l'empêche
d'agir ou de désigner lui-même un représentant est urgente, car il s'impose
que soit prise le plus vite possible une décision qui permette au recourant
de vivre dans des conditions matérielles et sociales décentes.