Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 111 IA 336



111 Ia 336

58. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 23 octobre 1985 dans la
cause société S. contre société K. et Cour de justice du canton de Genève
(recours de droit public) Regeste

    Art. 31 Abs. 1 Konkordat über die Schiedsgerichtsbarkeit, Beratungen
der Schiedsrichter.

    Art. 31 Abs. 1 Konkordat steht der Fällung eines Schiedsgerichtsurteils
auf dem Zirkulationsweg nicht entgegen. Ein Entscheid der Schiedsrichter
für dieses Vorgehen unterliegt keiner besondern Form, darf jedoch keine
Zweifel hinsichtlich seines Gegenstands offenlassen.

    Ein Schiedsspruch kann mit Nichtigkeitsbeschwerde wegen Verletzung von
Art. 31 Abs. 1 Konkordat angefochten werden (entsprechend Art. 36 lit. d).

Sachverhalt

    A.- Un tribunal composé de trois membres a été constitué, conformément
au Règlement d'arbitrage de la Chambre internationale de commerce à Paris
(CCI), pour trancher un litige opposant les sociétés S. et K. Après clôture
de l'instruction, un premier avant-projet de sentence fut soumis par le
président à ses collègues. Les trois arbitres délibérèrent le 17 juin
1982, mais la délibération dut être interrompue à la suite d'un malaise
de l'arbitre B. Celui-ci adressa par la suite des observations écrites
au président. Une nouvelle séance de délibération, fixée au 1er février
1983, ne put avoir lieu, B. ayant fait savoir le 24 janvier 1983 qu'il ne
pourrait s'y rendre. En vue de cette séance, le président avait adressé le
20 janvier 1983 aux arbitres un nouvel avant-projet amendé, destiné à être
discuté et approuvé à la séance du 1er février 1983. Le 15 février 1983,
B. communiqua au président la suite de ses observations sur le premier
avant-projet. Il disait vouloir étudier le second avant-projet "avec
plus de précision", annonçant des "observations supplémentaires dans un
bref délai" et signalant différents points qui à son avis méritaient un
réexamen. Il proposait en post-scriptum "notre prochaine réunion ... à
la date du 4 ou 11 mai 1983". Le 8 mars 1983, l'arbitre G. avait fait
savoir au président qu'il approuvait le second projet et qu'il était prêt
à le signer.

    Le 19 avril 1983, B. annonça à la CCI sa démission de la fonction
d'arbitre, pour raisons de santé.

    Le 20 mai 1983, le président adressa à ses coarbitres un nouveau
projet, aux motifs légèrement modifiés par rapport à celui du 20
janvier 1983, annonçant en même temps la clôture du délibéré et la
soumission du projet de sentence à la Cour d'arbitrage de la CCI pour
approbation. Celle-ci approuva le projet de sentence le 23 novembre 1983,
sous réserve que la date de clôture du délibéré fût mentionnée dans la
sentence elle-même. B. ayant informé la CCI qu'il n'était pas en état de
signer la décision arbitrale qui lui avait été remise, la sentence finale
fut signée par les autres arbitres le 28 décembre 1983.

    B.- Saisie d'un recours en nullité de la société K., la Cour de
justice du canton de Genève a annulé cette sentence par jugement du 3 mai
1985. Elle considère que les arbitres majoritaires ont violé l'art. 31
al. 1 CIA en rendant une décision sans la participation de B., alors que
la phase de la délibération n'était pas terminée.

    C.- Le Tribunal fédéral rejette un recours de droit public formé par
la société S. contre ce jugement.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) L'art. 31 al. 1 CIA exige que tous les arbitres participent
à chaque délibération et décision; l'art. 31 al. 2 CIA dispose que la
sentence est rendue à la majorité des voix. En outre, l'art. 33 al. 2 CIA
exige que la sentence arbitrale soit consignée dans un écrit signé de tous
les arbitres ou, à défaut, de la majorité d'entre eux avec la constatation
que la minorité refuse de signer. Pour le surplus, le texte du concordat
ne règle pas expressément la procédure à suivre par un collège d'arbitres
lors des délibérations. Cette question relève néanmoins de l'application
du concordat qui, sous réserve de l'art. 45 CIA, régit tout le droit de
l'arbitrage (art. 1er et 46 CIA).

    La seule exigence impérative qui résulte de l'art. 31 al. 1 CIA
(art. 1er al. 3 CIA) est que tous les arbitres doivent participer
de manière effective à chaque délibération et décision. Cela suppose
qu'ils aient la faculté d'y participer chacun dans la même mesure, en
sachant quel est l'objet de leur participation. En particulier, tous les
arbitres doivent savoir s'ils interviennent au stade de la délibération
préalable ou du vote sur les questions à trancher. En effet, le concordat
exige clairement une participation séparée à l'un et l'autre. Aussi une
opinion exprimée par un arbitre lors de la délibération ne saurait-elle
être interprétée comme un vote de sa part.

    Pour le surplus, il résulte a contrario de l'art. 31 al. 1 CIA en
relation avec l'art. 1er CIA que le concordat n'impose pas impérativement
une procédure particulière quant aux délibérations des arbitres et à
leur prise de décision; il autorise aussi bien des décisions prises en
la présence de tous les arbitres - généralement oralement - que des
décisions prises "entre absents" - généralement par écrit (JOLIDON,
Commentaire du Concordat suisse sur l'arbitrage, ad art. 31 p. 441 s.;
RÜEDE/HADENFELDT, Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, p. 292 s.; LANZ,
Das Konkordat über die Schiedsgerichtsbarkeit, thèse Zurich 1971, p. 36;
POUDRET, L'application du Concordat de 1969 à l'arbitrage international
en Suisse, in Les étrangers en Suisse, Recueil de travaux publiés par
la Faculté de droit de Lausanne, 1982, p. 273; BRATSCHI ET BRINER,
Bemerkungen zum Konkordat über die Schiedsgerichtsbarkeit, in RSJ 1976,
p. 105; cf. aussi STRÄULI/MESSMER/WIGET, Kommentar zur zürcherischen
Zivilprozessordnung, 2e éd., § 252 n. 2; ROBERT, L'arbitrage, 5e éd. 1983,
p. 170 n. 199). Aussi le contrat d'arbitrage peut-il contenir une clause à
ce sujet (art. 1er al. 2 CIA). En l'absence d'une telle clause et dans le
silence du concordat, la procédure à suivre doit s'inspirer de l'art. 24
CIA: faute d'accord entre parties, le Tribunal arbitral pourra décider
que les délibérations et le vote interviennent "entre absents" selon un
mode à déterminer; sinon, à défaut d'unanimité, la décision doit être
adoptée en présence de tous les juges (art. 70 PCF; cf. par analogie
art. 60 al. 2, 92 al. 2 et 109 al. 2 OJ). Une décision de procédure des
arbitres, selon laquelle la sentence sera rendue par voie de circulation,
ne doit pas laisser de doute quant à son objet, même si cette décision
n'est pas soumise à une forme particulière.

    b) Au cas particulier, ni la clause compromissoire, ni le règlement
d'arbitrage de la CCI auquel elle se réfère ne contiennent de règle à
ce sujet; les parties n'ont rien convenu non plus en cours de procédure,
à ce propos.

    Il reste donc à examiner si le Tribunal arbitral a décidé d'adopter
une règle de procédure selon laquelle la délibération finale et le vote
des arbitres auraient lieu par écrit, sans nouvelle réunion des arbitres.

    Un accord exprès à ce sujet fait manifestement défaut. On ne saurait
non plus admettre que les arbitres en seraient convenus par actes
concluants. Ils avaient au contraire décidé de se réunir à nouveau. Même
s'ils ne purent se rencontrer à la date prévue, aucune offre ne fut
présentée aux arbitres de renoncer à cette réunion, en faveur d'une
concertation et d'une prise de décision par écrit. De toute façon, une
proposition dans ce sens n'aurait respecté l'exigence de l'art. 31 al. 1
CIA que si elle avait permis aux arbitres de soumettre à leurs collègues
les propositions et arguments qu'ils auraient, sinon, pu présenter lors
d'une réunion commune.

    Dès lors, en considérant que l'envoi de l'avant-projet le 20 janvier
1983 valait vote du président, que l'approbation du projet par G. le 8
mars 1983 valait vote de cet arbitre et qu'en conséquence le Tribunal
arbitral avait régulièrement adopté la sentence, la majorité des arbitres
a manifestement violé l'art. 31 al. 1 CIA. C'est donc à juste titre que
la Cour de justice a admis le recours en nullité selon l'art. 36 lettre
d CIA, appliqué par analogie à la violation de l'art. 31 al. 1 CIA. Le
caractère impératif de cette disposition justifie que sa violation puisse
être sanctionnée. Il y a dès lors lieu d'admettre, par une interprétation
large de l'art. 36 lettre a ou d CIA, qu'une telle sentence, qui a en tout
cas une apparence de réalité, peut faire l'objet d'un recours en nullité
(contra: JOLIDON, op.cit., p. 444, qui considère néanmoins qu'"une décision
prise ... sans que tous les arbitres y participent n'a aucune existence
juridique" et qu'"en tout état de cause, chacune des parties pourra se
prévaloir du fait qu'aucune sentence n'a été rendue").

    Contrairement à ce qu'affirme la recourante, le respect des règles
de forme régissant la formation de la volonté du Tribunal arbitral n'est
pas de nature à rendre l'arbitrage impraticable, mais il en garantit au
contraire la sécurité.