Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 111 IA 259



111 Ia 259

45. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 8 novembre 1985 dans la
cause société S. contre G. S.A. (recours de droit public) Regeste

    Art. 18, 20 und 21 Konkordat über die Schiedsgerichtsbarkeit

    1. Unterlässt es eine Partei, rechtzeitig einen Ablehnungsgrund geltend
zu machen oder die richterliche Behörde anzurufen, so kann sie den Mangel
später nicht mehr rügen, es sei denn, dieser würde unheilbar sein (E. 2a).

    2. Muss das Ausstandsbegehren und im Bestreitungsfall die Anrufung
der richterlichen Behörde selbst dann unverzüglich erfolgen, wenn in
materieller Hinsicht noch keine vorbereitende Massnahme getroffen worden
ist? Frage offengelassen (E. 2b).

    3. Einen Ablehnungsgrund geben nur Tatsachen ab, die bei einer
normal reagierenden Person objektiv und vernünftigerweise geeignet sind,
Misstrauen zu erwecken (E. 3a und b). Verfahrensmassnahmen, seien sie
richtig oder falsch, vermögen als solche keinen objektiven Verdacht der
Voreingenommenheit des Schiedsrichters zu begründen, der sie verfügt hat
(E. 3b/aa).

    4. Art. 21 Abs. 2 Konkordat räumt den Parteien kein bedingungsloses
Recht auf Abnahme der von ihnen angerufenen Beweismittel ein (E. 3b/bb).

Sachverhalt

    A.- Dans le litige qui les divise, G. S.A. et la société S.
ont désigné comme arbitres, respectivement, les avocats N. et D. La Cour
d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI), à Paris, a
nommé l'avocat J. en qualité de président du tribunal arbitral, et fixé
le siège de l'arbitrage à Lausanne.

    Le président J. a convoqué les arbitres et les parties pour une
première séance fixée au 12 décembre 1984 à Lausanne.

    Cette séance, reprise le lendemain, a été marquée par divers incidents
en rapport avec une requête de G. S.A. tendant à ce qu'une sentence
partielle y soit rendue au sujet de la délivrance d'un "certificat
provisoire d'acceptation".

    Le 17 décembre 1984, la société S. a demandé au tribunal arbitral et
à G. S.A. la récusation du président J. et de l'arbitre N. Par ailleurs,
le 14 janvier 1985, elle a sollicité de la CCI la constitution d'un nouveau
tribunal arbitral en raison du dépôt d'une nouvelle requête d'arbitrage
par G. S.A., le 30 août 1984.

    Dans sa séance du 20 février 1985, la Cour d'arbitrage de la CCI a
rejeté les deux requêtes précitées.

    Le 3 avril 1985, la société S. a requis du Tribunal cantonal vaudois
la récusation du président J. et de l'arbitre N.

    Par arrêt du 24 mai 1985, la Cour administrative du Tribunal cantonal
vaudois a rejeté cette demande.

    La société S. interjette contre ce jugement un recours de droit public
pour violation des art. 18 ss CIA, ainsi que des art. 4 et 58 Cst. Elle
conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué.

    Le Tribunal fédéral rejette le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extraits des considérants:

Erwägung 2

    2.- La cour cantonale a tout d'abord jugé que la demande de récusation
était tardive, car elle aurait dû être faite immédiatement après la
séance du 13 septembre 1984 ou, à tout le moins, après la réception de
la décision de la CCI du 20 février 1985.

    La recourante lui reproche d'avoir violé les art. 20 et 21 du concordat
intercantonal sur l'arbitrage (CIA) en retenant le caractère tardif d'une
demande qui avait pourtant été formulée à un moment où aucune mesure
d'instruction n'était encore intervenue devant le tribunal arbitral.

    a) Aux termes de l'art. 20 CIA, la récusation doit être demandée
d'entrée de cause, ou dès que la partie requérante a connaissance
des motifs de récusation. Bien que cette disposition ne prévoie pas
une durée ferme du délai, elle oblige les parties à faire preuve de
diligence. Il leur appartient donc de faire valoir leurs moyens de
récusation sans tarder. Si elles s'en abstiennent, elles sont déchues
de la possibilité d'invoquer ultérieurement la cause de récusation (cf.
TF in SJ 1980, p. 75 et 1983 p. 541 ss), sauf si celle-ci se rapporte à
un vice irréparable (cf. par ex. ATF 107 Ia 161/162); en effet, l'un des
buts de l'arbitrage est de permettre une solution rapide des litiges, de
sorte que les parties sont tenues par les règles de la bonne foi d'éviter
tout ce qui pourrait retarder sans nécessité absolue le déroulement normal
de la procédure arbitrale (ATF 109 Ia 83 consid. 2a, 108 Ia 201).

    Il se justifie d'appliquer - mutatis mutandis - ces principes à
l'art. 21 CIA, même si, contrairement à l'art. 20 CIA, cette disposition
n'indique pas à quel moment, lorsqu'il y a contestation, l'autorité
judiciaire doit être saisie (cf. JOLIDON, Commentaire du concordat
suisse sur l'arbitrage, p. 301). Ce serait un non-sens d'exiger de la
partie requérante qu'elle fasse valoir ses moyens de récusation sans
tarder, mais de renoncer à cette exigence pour la saisine de l'autorité
judiciaire en cas de contestation du cas de récusation. Une telle solution
permettrait à la partie requérante de retarder le déroulement normal de
la procédure arbitrale contre la volonté des autres intéressés. En effet,
la partie adverse n'est pas habilitée à saisir l'autorité judiciaire
pour faire déclarer que la demande de récusation est mal fondée et il
n'appartient pas non plus à l'arbitre ou au tribunal arbitral qui fait
l'objet (ou dont l'un des membres fait l'objet) d'une telle demande de
la transmettre à l'autorité judiciaire: c'est l'affaire exclusivement de
la partie requérante (cf. JOLIDON, op.cit., p. 300).

    b) Dans l'arrêt Niclas du 22 novembre 1972 (cf. SJ 1973 p. 257 ss),
le Tribunal fédéral a posé qu'une demande de récusation ne pourrait
notamment pas être déclarée irrecevable, en principe, si elle est formulée
dans la phase préliminaire de l'échange des mémoires, avant toute mesure
d'instruction sur le fond. Dans un arrêt récent, il a considéré, en se
référant à cette jurisprudence, qu'en début de procédure le parties
disposent d'un temps raisonnable pour faire valoir leurs moyens
de récusation, mais qu'il n'en est pas de même dans la suite de la
procédure, notamment lorsque celle-ci approche du jugement (ATF 111 Ia
75). Eu égard à l'obligation qui est faite aux parties de ne pas retarder
sans nécessité absolue le déroulement de la procédure arbitrale, on peut
se demander si la jurisprudence ne devrait pas aller dans le sens d'une
interprétation plus stricte des art. 20 et 21 CIA, et exiger que même au
stade où, comme c'est le cas en l'espèce, aucune mesure d'instruction au
fond n'a encore été prise, la demande de récusation et, le cas échéant,
la saisine de l'autorité judiciaire interviennent sans délai. Une telle
exigence serait certes en harmonie avec l'art. 45 CIA qui soumet à la
procédure sommaire les décisions concernant la récusation des arbitres,
dans un but évident de rapidité et d'efficacité.

    Cette question peut toutefois demeurer indécise, car elle est sans
incidence sur le sort de la cause. En effet, pour les motifs évoqués
ci-dessous, la cour cantonale a considéré à juste titre que de toute
manière la demande de récusation n'était pas fondée.

Erwägung 3

    3.- La recourante reproche au Tribunal cantonal d'avoir écarté à tort
le motif de récusation tiré de l'apparence de prévention du président
J. et de l'arbitre N. à son égard.

    a) L'art. 18 al. 1 CIA dispose que les arbitres sont récusables
pour les motifs de récusation obligatoire ou facultative prévus par
la loi fédérale d'organisation judiciaire, notamment "s'il existe des
circonstances de nature à leur donner l'apparence de prévention dans le
procès" (cf. art. 23 lettre c OJ). Selon la jurisprudence, il faut qu'il
existe des faits qui justifient objectivement la méfiance. Celle-ci
ne saurait reposer sur le seul sentiment subjectif d'une des parties;
un tel sentiment subjectif ne peut être pris en considération que s'il
est fondé sur des faits concrets, et si ces faits sont, en eux-mêmes,
propres à justifier objectivement et raisonnablement un tel sentiment chez
une personne réagissant normalement (cf. TF in SJ 1983 p. 544, consid. 5a;
arrêt non publié du 4 février 1981 en la cause L. c. N.B., consid. 3a; ATF
92 I 276 consid. 5; voir aussi JOLIDON, op.cit., p. 268; RÜEDE/HADENFELDT,
Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, p. 173 aa). Le point de savoir si
ce motif de récusation est donné est, dans une large mesure, une question
d'appréciation (cf. par exemple ATF 97 I 5 consid. 2). Peu importe que
cette question ait déjà été examinée par un tiers - en l'occurrence,
la Cour d'arbitrage de la CCI qui a rejeté la demande de récusation dans
sa séance du 20 février 1985 (sur la nature de l'arbitrage organisé par
la CCI, cf. ATF 102 Ia 499/500 consid. 2c et les références). En effet,
l'autorité judiciaire prévue à l'art. 3 lettre b CIA jouit d'une compétence
exclusive en la matière vu le caractère impératif de l'art. 21 CIA (cf. ATF
111 Ia 255; RÜEDE/HADENFELDT, op. cit., p. 180 lettre b; JOLIDON, op.cit.,
p. 296/297 et 300 in fine/301).

    b) aa) La recourante voit une apparence de prévention à son
égard dans le comportement du président du tribunal arbitral lors des
convocations à l'audience du 12 décembre 1984. Elle lui reproche de ne
l'avoir pas informée de son intention de faire droit à une demande de la
partie adverse tendant à ce que le tribunal arbitral rende une sentence
partielle, lors de cette séance, sur le problème de la délivrance du
"certificat provisoire d'acceptation".

    Cependant, même si les arbitres ont pris en considération la requête
de sentence partielle formée par l'intimée, ils ne lui ont donné aucune
suite. De toute manière, le droit d'être entendu de la recourante n'a
pas été violé en l'espèce, puisque d'une part elle a eu l'occasion de se
déterminer sur cette requête lors de la séance du 12 décembre 1984 et que
d'autre part il n'a pas été statué à son sujet. La demande de récusation
apparaît donc mal fondée sur ce point.

    Le fait que les deux arbitres restants avaient demandé, lors de
la séance du 13 décembre 1984, que le directeur de la requérante signe
également l'acte de mission ne saurait non plus justifier une demande de
récusation pour apparence de prévention. Il n'était pas déraisonnable,
en l'espèce, de poser une telle exigence dès lors que la partie adverse
avait soulevé des objections touchant la validité et l'existence des
pouvoirs de l'avocat de la recourante.

    Au demeurant, il est de jurisprudence que les mesures de procédure,
justes ou fausses, ne sont pas, comme telles, de nature à fonder un soupçon
objectif de prévention de la part du juge ou de l'arbitre qui les a prises
(cf. arrêt du 7 décembre 1982 en la cause Hoirs A. Cloetta c. Losag S.A.,
consid. 4a in SJ 1983, p. 542; voir aussi JOLIDON, op.cit., p. 272 lettre
f et les références citées).

    bb) La recourante invoque encore l'apparence de prévention qui
résulterait de l'aparté qui a eu lieu le 13 décembre 1984 entre les
arbitres dont elle demande la récusation et l'intimée. Elle reproche, en
outre, à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 21 al. 2 CIA en refusant
d'administrer les preuves qu'elle avait proposées.

    Cette disposition signifie simplement que les parties doivent être
admises à prouver des allégués pertinents, au moyen de preuves idoines;
elle ne leur confère pas un droit inconditionnel à administrer leurs
preuves, fussent-elles inutiles (arrêt déjà cité du 2 février 1981 dans
la cause L. c. N.B., consid. 2b; voir aussi RÜEDE/HADENFELDT, op.cit.,
p. 181/182 No 5 a et c; JOLIDON, op.cit., p. 306).

    En l'occurrence, le Tribunal cantonal n'a pas méconnu ces principes en
ne procédant pas à des mesures d'instruction. En effet, il lui appartenait
d'examiner le moyen de récusation invoqué sur la base des seuls faits
allégués par la requérante. Or, cette dernière s'était bornée, dans sa
demande de récusation, à faire état d'un aparté entre les deux arbitres
restants et la partie adverse. En revanche, elle n'y soutenait d'aucune
façon que les arbitres se seraient prononcés de manière inconsidérée
sur l'objet du litige. Faute d'allégués précis sur ce point, la cour
cantonale n'avait pas à rechercher d'office d'autres faits qui eussent
pu révéler l'existence d'une cause de récusation non invoquée par la
requérante. Eu égard aux faits allégués, les preuves dont elle disposait
étaient suffisantes. La requérante ne saurait se plaindre d'une violation
de son droit à la preuve d'allégués qu'elle n'a pas formulés.

    Cela étant, il faut admettre, avec la cour cantonale, que les
seuls faits allégués et établis sont insuffisants pour fonder le grief
d'apparence de partialité. Même si les arbitres se sont peut-être montrés
imprudents, rien ne permet, dans les circonstances du cas particulier,
de les soupçonner d'avoir témoigné davantage d'intérêt à la cause d'une
partie plutôt qu'à celle de l'autre. En effet, l'attitude qui leur est
reprochée ne s'inscrivait pas dans le cadre d'une phase contentieuse
du procès, telle l'instruction de la cause au fond, mais au stade de la
détermination préalable de l'objet du litige (donc du mandat d'arbitrage)
par l'établissement d'un acte de mission. Ce document devait d'ailleurs
encore être signé par les deux parties, dont le droit d'être entendu
demeurait ainsi entièrement sauf.

    Au demeurant, l'aparté a été causé par le fait que les représentants
de la recourante se sont retirés alors que l'audience se poursuivait
avec l'accord des deux parties, nonobstant le départ de l'arbitre D.,
en vue de la mise au point de l'acte de mission. Or, sur le vu des faits
allégués dans la requête de récusation du 17 décembre 1984, un tel départ
n'était pas justifié. Il ressort du reste de cette même requête que la
partie recourante entendait revenir dans la salle d'audience "lorsque
le projet d'acte de mission (serait) entièrement dactylographié en vue
de son examen". C'est d'ailleurs ce qu'elle a fait. Qui plus est, son
conseil a même signé l'acte de mission. C'est dire que la requérante ne
devait pas faire grand cas de l'aparté qui venait d'avoir lieu. Il est
dès lors douteux qu'un grief présenté après coup à ce sujet soit encore
conforme aux règles de la bonne foi.

    Quoi qu'il en soit, les faits allégués et établis - seuls déterminants
- au sujet de l'aparté litigieux ne sont pas propres à justifier
objectivement et raisonnablement un soupçon de partialité des arbitres
en cause. Du reste, la recourante minimise elle-même la portée de cet
aparté qui, à ses yeux, ne constitue qu'un motif de suspicion parmi
d'autres. Le Tribunal cantonal lui a dès lors réservé, à juste titre,
le même sort qu'à ceux-ci.