Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 111 IA 255



111 Ia 255

44. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 10 septembre 1985 dans la
cause sociétés A., B. et C. contre société D. (recours de droit public)
Regeste

    Zuständigkeit bei Streit über die Ablehnung eines Schiedsrichters
(Art. 21 Konkordat über die Schiedsgerichtsbarkeit).

    Gemäss der zwingenden Bestimmung von Art. 21 des Konkordats ist die in
Art. 3 des Konkordats vorgesehene richterliche Behörde zuständig, im Falle
der Bestreitung über den Ausstand zu entscheiden. Diese Zuständigkeit
schliesst die obligatorische Anwendbarkeit jeder Schiedsordnung aus,
die die Zuständigkeit einer andern Behörde vorsieht.

Sachverhalt

    A.- Les sociétés A., B., C. et D. sont soumises à une clause arbitrale
prévoyant l'application des règles de conciliation et d'arbitrage de la
Chambre de commerce internationale à Paris (CCI) et la fixation du siège
de l'arbitrage à Genève.

    Aux termes de l'art. 2 ch. 7 du règlement de la Cour d'arbitrage de
la CCI, "en cas de récusation d'un arbitre par une partie, la Cour statue
sans recours, les motifs étant laissés à sa seule appréciation".

    Dans le cadre d'une procédure d'arbitrage engagée en application de la
clause précitée, les sociétés A., B. et C. ont demandé la récusation des
arbitres en vertu de l'art. 40 al. 4 CIA. D. s'est opposée à cette requête.

    Saisi de trois requêtes en récusation d'arbitres, le Tribunal de
première instance de Genève les a déclarées irrecevables par jugement du
7 février 1985, en considérant qu'elles devaient d'abord être soumises à
la Cour d'arbitrage de la CCI selon l'art. 2 ch. 7 du règlement de ladite
Cour. Le 18 avril 1985, la Cour de justice du canton de Genève a rejeté
les appels interjetés contre ce jugement.

    Le Tribunal fédéral a admis, dans la mesure où ils étaient recevables,
les recours de droit public formés par les sociétés A., B. et C. et annulé
l'arrêt rendu le 18 avril 1985 par la Cour de justice du canton de Genève.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- ...

    d) Les art. 18 et 19 CIA indiquent quels sont les motifs de récusation
des arbitres et du tribunal arbitral; l'art. 20 précise dans quel délai
la récusation doit être demandée, et l'art. 21 al. 1 prévoit qu'"en
cas de contestation, l'autorité judiciaire prévue à l'art. 3 statue sur
la récusation".

    L'art. 1 al. 2 CIA réserve l'application des règlements d'arbitrage
dans la mesure où ceux-ci ne contreviennent pas à des dispositions
impératives du concordat. Parmi celles-ci, l'art. 1er al. 3 mentionne
les art. 18 à 21.

    Le sens de ces dispositions est clair: en cas de contestation d'une
demande de récusation, l'autorité judiciaire étatique prévue à l'art. 3
du concordat statue sur la récusation. Une disposition d'un règlement
d'arbitrage contrevenant à cette règle impérative est dès lors dénuée
de portée.

    En l'espèce, l'art. 2 ch. 7 du règlement de la Cour d'arbitrage
de la CCI, auquel se réfère la clause arbitrale fondant la compétence
des arbitres, prévoit qu'"en cas de récusation d'un arbitre par une
partie, la Cour statue sans recours, les motifs étant laissés à sa seule
appréciation". Il s'agit donc d'une disposition qui octroie à une autre
autorité que l'autorité judiciaire prévue à l'art. 3 CIA la compétence
pour statuer sur la récusation, et qui confère même à cette autre autorité
une compétence exclusive. Une telle disposition contrevient manifestement
à l'art. 21 CIA; elle est donc inapplicable en vertu de l'art. 1 al. 2 CIA.

    e) Cette interprétation correspond non seulement au texte clair du
concordat, mais aussi au but de la loi. L'institution de l'arbitrage ayant
notamment pour fin de permettre de résoudre les différends dans des délais
raisonnables, il appartient aux arbitres et aux parties de collaborer
à cette fin, en s'abstenant de procédés retardant sans nécessité la
procédure (ATF 109 Ia 83 consid. 2a, 108 Ia 201). Du moment que seul le
prononcé de l'autorité cantonale est décisif en matière de récusation,
la possibilité donnée aux parties d'instaurer une procédure préalable et
privée de récusation, qui devrait être obligatoirement suivie, ne serait
qu'une vaine cause de retard et de renchérissement de la procédure. Il
est donc normal qu'une réglementation dans ce sens soit prohibée.

    f) Cette interprétation est d'ailleurs soutenue par la majorité de
la doctrine, contrairement à ce que pensent les juridictions cantonales.

    JOLIDON (Commentaire du concordat suisse sur l'arbitrage, p. 297)
déclare en se référant au règlement de la Cour d'arbitrage de la CCI que
"les parties ne sont ... pas tenues par les règles du CIA de suivre à
la procédure convenue chargeant une personne ou institution autre que
l'autorité judiciaire prévue à l'art. 3 de se prononcer ou de statuer
(d'abord) sur une demande de récusation". PANCHAUD, dans ses notes
à l'édition quadrilingue du concordat (Payot 1974), est du même avis
lorsqu'il indique, dans la note relative aux art. 20 et 21, qu'"en cas de
contestation, l'autorité judiciaire a, en cette matière, une compétence
exclusive". Cette opinion est aussi celle de BRATSCHI ET BRINER (in RSJ
1976/72 p. 104).

    RÜEDE/HADENFELDT (Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, p. 180)
considèrent également que, dans le domaine de l'application du concordat,
les conventions prévoyant que le tribunal arbitral ou un tiers, par
exemple l'institution sous l'auspice de laquelle se déroule l'arbitrage,
sont compétents pour décider de la récusation, demeurent sans effet. Ils
sont même d'avis que ce principe est d'application générale et vaut aussi
dans les cantons non concordataires. Ces auteurs admettent cependant
qu'une instance privée puisse décider au préalable, sous réserve de
recours aux juridictions étatiques, et que si une partie suit d'abord
cette voie, prévue dans un règlement d'arbitrage, elle n'en est pas
pour autant empêchée de saisir par la suite l'autorité judiciaire
compétente. LANZ exprime une opinion similaire (Das Konkordat über die
Schiedsgerichtsbarkeit, thèse Zurich 1971, p. 30).

    La doctrine précitée consacre donc le caractère impératif de l'art. 21
CIA. Elle en atténue cependant la portée en ce sens qu'elle laisse à
la partie instante à la récusation le droit de saisir d'abord l'autorité
privée prévue conventionnellement, avec la faculté de recourir ensuite,
de toute façon, à l'autorité étatique prévue par le concordat. Il ne
s'agit donc nullement d'imposer à la partie requérante l'obligation
de saisir en premier lieu l'autorité prévue par convention préalable ou
règlement arbitral. Ce point de vue doctrinal prévaut d'ailleurs également
dans la jurisprudence et la doctrine antérieures au concordat, ou dans
les cantons non concordataires: la compétence des tribunaux étatiques
est impérative, une renonciation anticipée à cette compétence étant
exclue. Une renonciation conventionnelle serait en revanche possible,
soit par compromis exprès, soit par le fait que le requérant saisit
l'autorité conventionnelle, le recours à l'autorité étatique étant
toujours réservé; mais il ne peut y avoir d'obligation de saisir l'autorité
conventionnelle (cf. arrêt zurichois, in BlZR 1979 (78) No 17; GRESSLY,
Die Stellung des Schiedsrichters, thèse Berne 1959, p. 90 s.; CONTINI,
Contribution à l'étude de l'arbitrage en procédure civile vaudoise,
thèse Lausanne 1951, p. 285 s.; GULDENER, Die Gerichtsbarkeit der
Wirtschaftsverbände, in RDS 1952 (NF 71), p. 262a; cf. aussi WENGER,
Die Rechtsmittel gegen schiedsrichterliche Entscheidungen, in Die
Internationale Schiedsgerichtsbarkeit in der Schweiz, p. 56 s.).

    Seuls WENGER ET POUDRET soutiennent l'opinion selon laquelle la partie
à un arbitrage soumis à un règlement, comme celui de la CCI, doit suivre
les dispositions de ce règlement en matière de procédure de récusation,
quitte à saisir ensuite la juridiction étatique.

    L'opinion de WENGER (exprimée in l'Arbitrage international privé
et la Suisse, Colloque d'avril 1976, Mémoires publiés par la Faculté de
droit de Genève, No 53 p. 26) procède de la tendance à accorder, dans le
droit suisse de l'arbitrage international, une plus grande importance à
la volonté des parties, et à ne considérer comme véritablement impératives
dans ce domaine que les dispositions qui sont d'ordre public. Le Tribunal
fédéral a déjà eu l'occasion de dire que cette position est contraire au
texte clair de l'art. 1 al. 3 CIA, qu'elle n'est pas acceptable de lege
lata et que le fait qu'une disposition concordataire n'est pas d'ordre
public ne permet pas à un tribunal suisse de s'en écarter (ATF 110 Ia 132).

    Quant à l'opinion de POUDRET (L'application du concordat de 1969 à
l'arbitrage international, in Les étrangers en Suisse, Recueil de travaux
publiés par la Faculté de droit de Lausanne, 1982, p. 269), qu'il a reprise
et développée dans une consultation produite en l'espèce par l'intimée,
elle se réfère à Gentinetta et repose sur la prémisse selon laquelle seule
la décision sur récusation que prendra l'institution arbitrale prévue par
le règlement d'arbitrage constitue la "contestation" visée par l'art. 21
CIA, l'autorité judiciaire prévue par le concordat ne pouvant être saisie
qu'après cette "contestation". Ce point de vue ne saurait être partagé,
car la contestation d'une demande de récusation ne peut avoir que le sens
d'un refus de celle-ci par les arbitres visés ou par une partie; l'art. 21
CIA vise en effet le cas où la demande de récusation est contestée,
c'est-à-dire niée ou refusée, et non pas le cas où elle donne lieu à une
"contestation" devant un organisme tiers.

    On doit donc admettre qu'en vertu de la disposition impérative de
l'art. 21 CIA, l'autorité étatique prévue par l'art. 3 CIA est compétente
pour statuer en cas de contestation d'une demande de récusation. Cette
compétence exclut l'application obligatoire pour les parties de tout
règlement prévoyant la compétence d'une autre autorité. Quant à savoir
si une partie peut saisir l'autorité conventionnelle ou réglementaire,
sous réserve de son droit de recours à l'autorité étatique, la question
n'a pas à être tranchée ici.

    Les juridictions cantonales ne pouvaient donc pas imposer aux parties
l'obligation de suivre préalablement la procédure prévue à l'art. 2 ch. 7
du règlement de la Cour d'arbitrage de la CCI. La demande de récusation
étant contestée, de manière expresse par l'intimée et tacite par les
arbitres, les conditions d'application de l'art. 21 al. 1 CIA étaient
remplies et l'autorité judiciaire devait statuer sur la récusation.