Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 111 IA 231



111 Ia 231

40. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 18 septembre 1985
dans la cause Rolf Himmelberger contre Conseil d'Etat du canton de Genève
(recours de droit public) Regeste

    Abstrakte Normkontrolle. Persönliche Freiheit. Gesetzliche Grundlage.

    1. Die persönliche Freiheit schützt auch die besonderen
Gefühlsbeziehungen der Angehörigen zu einem Verstorbenen. Diese können
sich somit gegen einen ungerechtfertigten Eingriff am Leichnam zur Wehr
setzen (E. 3) (Präzisierung der Rechtsprechung).

    2. Soweit Art. 8 Abs. 3 des Reglements des Genfer Staatsrats vom 17.
September 1984 betreffend die Feststellung des Todes und die Eingriffe an
Leichen die Autopsie aus anderen als polizeilichen Gründen vorsieht und zu
einer Beschränkung des Rechts der Angehörigen führt, über den Leichnam zu
bestimmen, fehlt ihm die nötige gesetzliche Grundlage; insoweit verletzt
die Bestimmung die persönliche Freiheit (E. 4 und 5a).

    3. Die Beschränkung des Rechts, über den Leichnam einer Person zu
bestimmen, setzt auch dann ein Gesetz im formellen Sinn voraus, wenn die
Person in einem öffentlichen Spital gestorben ist, d. h. wenn zwischen dem
Verstorbenen und dem Staat ein besonderes Rechtsverhältnis bestand (E. 5b).

Sachverhalt

    A.- Le 17 septembre 1984 le Conseil d'Etat du canton de Genève a adopté
un règlement relatif à la constatation des décès et aux interventions
sur les cadavres humains (ci-après: le règlement). Selon l'art. 8,
les autopsies peuvent aussi être pratiquées dans des établissements
publics médicaux; dans ce cas, elles ont lieu avant le départ du corps à
la demande d'un chef de service (al. 1; elles ne peuvent être effectuées
si le défunt ou ses proches s'y sont opposés, ces derniers devant être
dûment informés de leur droit (al. 2); enfin, l'al. 3 de cette disposition
a la teneur suivante:

    "Une autopsie aura cependant lieu en dépit de l'opposition du défunt
   ou de ses proches lorsqu'elle est indispensable pour déterminer
   exactement la nature de la maladie ou la cause du décès; cette nécessité
   doit être justifiée par écrit par un médecin-chef de service."

    Agissant par la voie du recours de droit public, Rolf Himmelberger
demande au Tribunal fédéral d'annuler l'al. 3 de l'art. 8 du règlement. Il
soutient que cette disposition viole la garantie constitutionnelle de la
liberté personnelle et institue une inégalité de traitement prohibée par
l'art. 4 Cst. entre les établissements médicaux publics et privés.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours et a annulé la disposition
attaquée.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 3

    3.- a) La liberté personnelle, droit constitutionnel non écrit,
imprescriptible et inaliénable, donne fondamentalement à l'individu
le droit d'aller et de venir et le droit au respect de son intégrité
corporelle (ATF 109 Ia 279 consid. 4a et les arrêts cités). Elle
le protège, en outre, dans l'exercice de sa faculté d'apprécier une
situation de fait déterminée et d'agir selon cette appréciation. Cette
garantie n'englobe certes pas la protection de toute possibilité de
choix et de détermination de l'homme, si peu importante soit-elle; elle
recouvre cependant toutes les libertés élémentaires dont l'exercice est
indispensable à l'épanouissement de la personne humaine. Elle se conçoit,
dès lors, comme une garantie générale et subsidiaire, à laquelle le
citoyen peut se référer lorsque les droits fondamentaux dont il allègue la
violation ne font pas l'objet de garanties particulières (ATF 101 Ia 346
consid. 7a et arrêts cités; ANDRÉ GRISEL, La liberté personnelle et les
limites du pouvoir judiciaire, dans Revue internationale de droit comparé,
1975, p. 549, 570; HANS DRESSLER, Der Schutz der persönlichen Freiheit
in der Rechtsprechung des schweizerischen Bundesgerichts, in ZB1, 1980,
p. 377-379).

    b) La liberté personnelle oblige le détenteur de la puissance publique
à un comportement envers le citoyen, qui soit compatible avec le respect
de sa personnalité. Elle protège intégralement la dignité de l'homme
et sa valeur propre. L'application de cette norme de comportement ne
se limite pas à la durée de la vie des individus. Elle s'étend au-delà
du décès. Toute personne a ainsi le droit de déterminer le sort de sa
dépouille après sa mort. Cette prétention comporte notamment une liberté
de choix, dans le cadre tracé par la loi et l'ordre public, quant à la
forme des funérailles et au mode d'inhumation, l'être humain ayant, quel
que soit le rang qu'il a occupé dans la société, le droit consacré par
l'art. 53 al. 2 Cst. à un enterrement et à une sépulture décents (ATF 98
Ia 523 consid. 8c et les arrêts cités). Il en découle naturellement que le
droit constitutionnel s'oppose à toute profanation d'un cadavre humain et,
partant, à toute intervention illicite sur lui. Cette interdiction trouve,
au demeurant, sa protection pénale à l'art. 262 CP.

    Le respect du défunt et l'intangibilité de son corps, ainsi concrétisés
dans le droit positif, ont leur fondement dans les conceptions éthiques
ou religieuses relatives à la signification de la mort. Il appartient
en premier lieu au défunt de décider du sort de sa dépouille dans les
limites de la loi, de l'ordre public et des bonnes moeurs. Il n'est
possible de passer outre à cette volonté, qui est la mise en oeuvre
d'un droit fondamental, que si sa transgression se justifie par un
intérêt prépondérant et pour autant qu'elle respecte le principe de la
proportionnalité. En l'absence d'une décision du défunt, ses parents et ses
proches peuvent avoir, dans les mêmes limites, une certaine prétention à
disposer du sort de son cadavre. Bien que, d'un point de vue privatiste,
ce droit soit comparable au droit de propriété, il n'est pas régi par
les droits réels, mais est une émanation des droits généraux de la
personnalité (art. 28 CC). Il est fondé sur les rapports étroits qu'ont
eus les intéressés avec le défunt et protège les relations sentimentales
qui en résultent. La jurisprudence a précisé que ce pouvoir subsidiaire de
décision doit être exercé, en première ligne, par celui qui était le plus
étroitement lié avec le défunt et qui a été de ce chef le plus sensibilisé
par sa disparition (ATF 101 II 190 ss consid. 5 et les références). On
peut, en conclusion, admettre que la garantie constitutionnelle de la
liberté personnelle protège également le sentiment de piété des parents
et, en conséquence, le droit de ceux-ci de s'opposer à une intervention
injustifiée sur la dépouille d'un défunt.

    c) A l'instar des autres droits individuels, la liberté personnelle
peut être limitée par la nécessité de sauvegarder un intérêt public
prépondérant. De telles restrictions doivent, conformément au principe
de la proportionnalité, ne pas aller au-delà de ce qu'exige l'intérêt
public considéré. Elles doivent en outre reposer sur une base légale
suffisante (THOMAS COTTIER, Die Verfassung und das Erfordernis der
gesetzlichen Grundlage, thèse Berne 1983, p. 53), sous réserve des mesures
exceptionnelles que l'autorité peut prendre en vertu de son pouvoir de
police. Enfin, comme tout autre droit fondamental, la liberté personnelle
ne saurait être complètement supprimée ou vidée de son contenu par les
restrictions légales qui peuvent lui être apportées dans l'intérêt public
(ATF 104 Ia 486/487 et les arrêts cités).

    d) Le contenu de l'art. 8 al. 3 du règlement ne se limite pas aux
deux cas exceptionnels énumérés à l'art. 7 al. 4 lettres a et b du
règlement (autopsie pratiquée sur réquisition d'un officier de police,
d'une autorité judiciaire ou sur ordre des autorités sanitaires dans
l'intérêt de l'hygiène publique); il ne se restreint pas davantage à
l'hypothèse - plutôt théorique - où une autopsie pourrait, en l'absence
d'une législation, être ordonnée au titre de mesure de police sur la
seule base du pouvoir général de police de l'Etat. Selon l'autorité
intimée, ce texte a également été conçu pour éviter que l'opposition des
intéressés n'entrave la recherche scientifique à laquelle sont aussi voués
les établissements hospitaliers universitaires du canton (art. 2 lettre b
LEPM); elle a ainsi expliqué qu'en dépit d'une opposition, une autopsie est
envisageable pour mettre au point un traitement futur, pour faire avancer
de manière décisive des recherches permettant de sauver la vie d'autres
patients ou encore en vue d'obtenir un résultat thérapeutique évident;
à titre d'exemple, elle s'est référée aux conflits d'intérêts inévitables
qui peuvent exister entre le droit des proches d'un défunt à la libre
disposition de son cadavre et le droit d'un malade à la guérison par le
moyen d'une transplantation d'organe (cf. ATF 101 II 197 ss consid. 6;
98 Ia 524 consid. 8c).

    Ainsi, la norme litigieuse tend à sauvegarder les intérêts généraux de
la santé publique; elle est aussi envisagée comme un moyen de prévention
générale; enfin, elle est un instrument à disposition de la recherche
scientifique. Certes ces objectifs sont sans doute d'intérêt public
et éminemment dignes de considération; il n'en demeure pas moins que
le moyen proposé pour les atteindre représente une mesure de contrainte
entraînant une restriction au droit de disposer d'un cadavre et, partant,
à la liberté personnelle des intéressés. L'art. 8 al. 3 du règlement doit,
dès lors, constituer lui-même ou se fonder sur une base légale suffisante.

Erwägung 5

    5.- a) Le règlement ne comporte pas de préambule indiquant les
dispositions législatives sur lesquelles le Conseil d'Etat genevois
s'est basé pour ordonner la pratique des autopsies. Dans sa réponse au
recours, l'autorité intimée tente, en vain, de se référer aux art. 11
et 17 de la loi fédérale du 18 décembre 1970 sur la lutte contre les
maladies transmissibles de l'homme (RS 818.101). En effet, ces textes
légaux poursuivent des objectifs plus limités que ceux visés par la
norme critiquée; la première de ces dispositions ne pose que le principe
de la compétence des cantons de prendre les mesures propres à lutter
contre les maladies transmissibles; la seconde prescrit simplement
que les personnes placées sous surveillance médicale en vertu de
l'art. 15, peuvent être tenues de se prêter à des examens médicaux et
à des prélèvements pour analyses, si ces mesures sont nécessaires pour
prévenir la propagation d'une maladie transmissible. L'exécutif cantonal
ne peut davantage s'appuyer sur l'ordonnance du Conseil fédéral du 17 juin
1974 sur le transport et la sépulture de cadavres (RS 818.61), dont les
mesures ne concernent que les cadavres présentant un danger de contagion
ainsi que les transports des cadavres en provenance ou à destination de
l'étranger. L'intimé fait aussi appel à l'art. 125 Cst. gen. qui institue
la compétence du Conseil d'Etat d'édicter les règlements de police dans
les limites fixées par la loi ainsi que d'en ordonner et d'en surveiller
l'exécution. Cet argument est dénué de pertinence. Si le Tribunal fédéral
a pu admettre que la notion de police au sens de cette disposition du
droit constitutionnel cantonal était plus large que celle comprise dans la
"clause générale de police", il n'en demeure pas moins que la disposition
critiquée se situe dans un contexte législatif différent du règlement du
29 septembre 1951 sur la délivrance des certificats de bonne vie et moeurs,
dont la constitutionnalité était alors soumise au Tribunal fédéral (ATF 100
Ia 196 consid. 4b). En l'occurrence, on ne saurait soutenir sérieusement
que l'art. 125 Cst. gen. puisse fonder directement la compétence du
Conseil d'Etat de restreindre la liberté personnelle des citoyens en vue
de favoriser, de manière générale, sa politique de la santé publique.

    Il résulte de ce qui précède que la disposition critiquée ne repose
formellement ni sur une règle du droit fédéral ni sur une délégation
législative cantonale.

    b) L'autorité intimée soutient par ailleurs que, même si l'on considère
l'art. 8 al. 3 du règlement comme une norme primaire, il s'agirait
d'une base légale suffisante pour restreindre le droit individuel de
disposer d'un cadavre d'une personne décédée dans un établissement public
médical. Cette personne se trouverait en effet vis-à-vis de l'Etat dans
un rapport de droit spécial impliquant des limitations à la liberté
individuelle nécessitées par le but de la relation d'usage et par le
bon fonctionnement de l'établissement hospitalier. L'art. 5 al. 3 LEPM
plaçant les établissements publics médicaux sous la surveillance et le
contrôle du Conseil d'Etat, celui-ci aurait, en adoptant la réglementation
critiquée, simplement rempli le mandat qui lui est donné par l'art. 116
Cst. gen. d'exécuter des lois et de prendre à cet effet les règlements
et arrêtés nécessaires.

    aa) Aux termes de l'art. 5 al. 1 LEPM, les établissements publics
médicaux sont des établissements de droit public dotés de la personnalité
juridique; de ce fait, le patient qui entre dans un tel établissement pour
se faire soigner est lié à l'Etat par un rapport de droit public. S'il
y décède, la licéité des interventions qui pourraient y être pratiquées
sur son cadavre ne doit donc pas être appréciée selon les règles du droit
privé qui ont leur base dans la protection de la personnalité instituée
à l'art. 28 CC. La possibilité pour le personnel médical de pratiquer
de telles interventions n'en est pas moins limitée tant par le droit
constitutionnel fédéral - en particulier par la garantie de la liberté
personnelle (ATF 98 Ia 521 consid. 8a - ou cantonal, que par le droit
public fédéral ou cantonal de niveau législatif ou réglementaire. Aussi,
le Tribunal fédéral a-t-il abandonné sa jurisprudence ancienne selon
laquelle les actes limitant la liberté et les droits des personnes liées
à l'Etat par un rapport de droit spécial n'étaient pas soumis à l'exigence
d'une base légale (ATF 106 Ia 282 consid. 3d et les références).

    Si l'autorité administrative compétente peut réglementer les relations
ordinaires de l'établissement public avec ses usagers ou prescrire les
mesures nécessaires à la bonne marche de l'établissement ou au but qu'il
poursuit, les règles ainsi adoptées ne doivent toutefois pas se heurter
à des dispositions prises par le législateur lui-même. La fixation des
droits et des obligations les plus importants des personnes en cause reste
soumise à l'exigence d'une base légale claire (ATF 103 Ia 295 consid. 4a
et les arrêts cités). Une telle exigence n'est pas nécessaire pour imposer
des charges et des restrictions qui découlent directement de l'existence
du statut particulier (ATF 106 Ia 281; ANDRÉ GRISEL, Traité de droit
administratif, p. 318). Ces restrictions doivent néanmoins respecter les
principes de l'égalité de traitement et de la proportionnalité (ATF 98
Ia 366).

    bb) Le patient soigné dans un établissement hospitalier public se
trouve, avec l'Etat, dans un rapport de subordination pour tout ce qui
concerne, notamment, la discipline interne ou le tarif des prestations;
le droit au libre choix d'un médecin traitant étranger à l'établissement
n'est également pas reconnu; de même le patient doit se soumettre aux
conditions de nourriture et de logement et ne peut poser des exigences
particulières qui seraient en contradiction avec les disponibilités prévues
par l'établissement. De telles restrictions découlent non seulement des
nécessités du fonctionnement d'un hôpital public, mais aussi du principe
de l'égalité de traitement que l'Etat doit respecter dans l'administration
de promotion (Leistungsverwaltung).

    En revanche, à l'égard des actes médicaux proprement dits, il n'existe
aucune raison pour que la liberté personnelle d'un patient admis dans
un établissement hospitalier public soit restreinte dans une mesure
plus étendue que ne l'est celle du patient soigné dans un établissement
hospitalier privé. En leur qualité d'organes d'un établissement public, les
médecins ne disposent pas, sur ce point précis, de pouvoirs de décision
plus étendus que ceux dont jouissent leurs collègues exerçant leur
activité sur la base d'un contrat de droit privé (cf. ATF 108 II 62/63;
HANS JECHT, Die öffentliche Anstalt, Wandlung und gegenwärtige Struktur,
Berlin 1963, p. 113 à 117, JEAN DUBOIS DE GODUSSON, L'usager du service
public administratif, Paris 1979, p. 58 ss, notamment p. 59 n. 9). La
liberté de décision du patient ne saurait dans ce domaine être différente
selon qu'il séjourne dans un établissement hospitalier public ou privé.

    c) Ce qui est vrai pour les actes médicaux proprement dits, doit
également l'être pour l'autopsie de la dépouille d'une personne décédée
en milieu hospitalier, la liberté personnelle du patient s'étendant aussi
au droit de disposer de son cadavre et d'en préserver l'intangibilité. Une
réglementation administrative de cet acte ne peut donc être adoptée sur la
seule base du rapport de droit spécial existant entre un établissement
public hospitalier et ses usagers. Peu importe que la conception
contraire semble avoir prévalu dans les règlements antérieurs édictés en
la matière par l'autorité intimée. L'examen de ceux-ci démontre tout au
plus combien le concept de la liberté personnelle a évolué en parallèle
avec le développement des moyens dont disposent aujourd'hui la science
et la technique.