Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 111 IA 154



111 Ia 154

28. Arrêt de la IIe Cour civile du 28 mars 1985 dans la cause Gatoil
(Suisse) S.A. contre Jan S.A. et Cour de justice du canton de Genève
(revision) Regeste

    Zusprechung einer Parteientschädigung, obwohl es die betreffende
Partei formell nicht verlangt hat; Revisionsgesuch gestützt auf Art. 136
lit. b OG.

    1. Es ist zulässig, eine Revisionsgesuch einzig gegen die Kosten-
und Entschädigungsregelung zu richten, wenn der angerufene Revisionsgrund
sich direkt auf die Kosten- und Entschädigungsfestsetzung bezieht (E. 2).

    2. Im Beschwerde- und Berufungsverfahren setzt das Bundesgericht
wie bei den direkten Prozessen die Parteientschädigung gemäss Art. 159
OG von Amtes wegen fest. Es kann daher der obsiegenden Partei eine
Parteientschädigung zusprechen, ohne dass diese es formell verlangt hat
(Präzisierung der Rechtsprechung) (E. 4 und 5).

Sachverhalt

    A.- Le 4 avril 1984, la société Gatoil (Suisse) S.A. a formé un
recours de droit public pour arbitraire contre un arrêt rendu le 24
février 1983 par la Première Section de la Cour de justice du canton
de Genève dans la cause qui divise la recourante d'avec la société Jan
S.A. Elle demandait l'annulation de la décision attaquée. L'intimée Jan
S.A. a pris les conclusions suivantes dans sa réponse du 3 juillet 1984:

    "Plaise au Tribunal fédéral:
   ... donner acte (à l'intimée) de ce qu'elle s'en rapporte à
   l'appréciation du Haut Tribunal Fédéral;

    Dire et prononcer que chacune des parties supportera ses propres
   frais d'instance et dépens."

    B.- Par arrêt du 4 octobre 1984, la IIe Cour civile a rejeté le recours
et mis à la charge de la recourante les frais judiciaires, ainsi qu'une
indemnité de 4'000 francs à payer à l'intimée à titre de dépens.

    C.- Gatoil (Suisse) S.A. présente une demande de revision. Elle conclut
à ce que le chiffre 2 lettre d du dispositif de l'arrêt fédéral, en vertu
duquel elle est condamnée à payer à Jan S.A. une indemnité de 4'000 francs
à titre de dépens, soit annulé et à ce qu'il soit prononcé que les dépens
de l'instance ayant abouti à l'arrêt susmentionné sont compensés.

    L'intimée Jan S.A. propose le rejet de la demande de revision.

Auszug aus den Erwägungen:

                     Considérant en droit:

Erwägung 1

    1.- La requérante invoque l'art. 136 lettre b OJ, aux termes duquel la
demande de revision d'un arrêt du Tribunal fédéral est recevable lorsque
le tribunal a accordé à une partie soit plus que ce qu'elle a demandé ou
autre chose sans qu'aucune prescription spéciale de la loi le permette,
soit moins que ce que la partie adverse a reconnu devoir. Elle fait
valoir que, en allouant des dépens à l'intimée, qui n'avait pas pris de
conclusions dans ce sens, le Tribunal fédéral accorde à celle-ci plus
que ce qu'elle a demandé.

Erwägung 2

    2.- Dans un arrêt du 20 février 1962, publié aux ATF 88 II 60 ss,
le Tribunal fédéral a dit qu'une demande de revision dirigée uniquement
contre la liquidation des frais et dépens est irrecevable (consid. 1a,
p. 61). Cette jurisprudence a été dégagée à propos d'une demande de
revision fondée sur l'art. 137 lettre b OJ, selon lequel la revision peut
être requise lorsque le requérant a connaissance subséquemment de faits
nouveaux importants ou trouve des preuves concluantes qu'il n'avait pas
pu invoquer dans la procédure précédente. Elle a été critiquée (BONNARD,
Jdt 1962 I 351/352). Sans entendre la remettre en question de manière
générale (Ire Cour de droit public: arrêt non publié M., du 17 août 1981),
le Tribunal fédéral en a néanmoins atténué la portée: il est possible de
former une demande de revision uniquement contre le dispositif relatif
aux frais et dépens lorsque le motif de revision invoqué se rapporte
directement à la liquidation des frais et dépens (Chambre de droit
administratif: arrêt non publié M., du 13 octobre 1978; Ire Cour de droit
public: arrêt non publié Eidgenössisches Volkswirtschaftsdepartement,
du 28 décembre 1981; IIe Cour de droit public: arrêt non publié S. AG,
du 25 mai 1982). Ce principe a été posé au sujet de demandes de revision
présentées sur la base de l'art. 136 lettre c OJ, le Tribunal fédéral
ayant omis d'allouer des dépens à la partie qui avait obtenu gain de cause,
bien qu'elle eût pris des conclusions dans ce sens. On peut l'étendre au
cas où le requérant, qui a succombé, fait valoir que la partie gagnante
a obtenu des dépens alors qu'elle n'en avait pas demandé.

Erwägung 3

    3.- Dans sa réponse au recours, l'intimée, après avoir formulé ses
conclusions, sous lettre A, s'exprimait en ces termes ("B. Remarques
préliminaires"):

    "Bien que, de l'avis de l'intimée, l'arrêt rendu par la Première

    Section de la Cour de justice le 24 février 1984 soit critiquable en ce
   sens que la mesure ordonnée se confond avec les effets d'un jugement au
   fond, elle considère néanmoins que cette décision n'est pas arbitraire
   au sens de l'art. 4 CF. Pour cette raison, l'intimée s'en rapporte à
   l'appréciation du Haut Tribunal Fédéral.

    De ce fait, et au cas où, par impossible, le Tribunal de céans
   viendrait à annuler l'arrêt de la Cour de justice du 24 février 1984,
   chacune des parties devra alors supporter ses propres frais d'instance
   et dépens."

    L'intimée fait valoir que, si elle a conclu à la compensation des
dépens, c'était uniquement dans la perspective où le recours serait admis,
puisqu'elle s'en rapportait à justice; en revanche, il est évident,
dit-elle, qu'en cas de rejet du recours les dépens devaient être mis
à la charge de la recourante. Cette interprétation n'est pas exclue,
d'autant que l'intimée précisait que la décision attaquée n'était pas
arbitraire à ses yeux. Mais on peut aussi penser que, si Jan S.A. n'a pas
expressément conclu à l'allocation de dépens, c'est parce qu'elle n'a pas
envisagé l'éventualité où le recours serait rejeté. Quoi qu'il en soit,
elle n'a pas formellement demandé des dépens en cas de rejet du recours.

Erwägung 4

    4.- La question qui se pose est dès lors de savoir si, en procédure
de recours, le Tribunal fédéral ne peut, à moins d'aller au-delà des
conclusions des parties, allouer des dépens que lorsqu'ils ont été
réclamés expressément. La recourante nie que l'attribution de dépens à
la partie qui a obtenu gain de cause puisse se faire d'office; elle se
prévaut de BIRCHMEIER (Organisation der Bundesrechtspflege, p. 528 n. 1
ad art. 159/160 OJ), ainsi que d'un arrêt du 1er juillet 1966, publié
aux ATF 92 II 128 ss (p. 133 consid. 4).

    Ces références ne sont pas décisives. BIRCHMEIER se borne à dire que
des dépens ne sont alloués que s'ils ont été demandés explicitement;
il n'étaie cette affirmation d'aucun argument. Certes, en procédure
de recours, le Tribunal fédéral a statué à de multiples reprises que
l'allocation de dépens ne se fait qu'en cas de conclusions expresses
(cf. BONNARD, op.cit., p. 351, qui parle d'une "jurisprudence
constante"). Mais aucun arrêt publié n'explique, notamment avec des
motifs tirés de l'étude des textes légaux, une jurisprudence fondée
sur l'application stricte de la maxime des débats. L'arrêt ATF 92 II
133 consid. 4 est dénué de pertinence à ce sujet; après avoir dit que,
"vu les art. 156 al. 2 et 159 OJ, le Ministère public genevois ne saurait
obtenir l'allocation de dépens", le Tribunal fédéral constate simplement:
"Il n'en a du reste par réclamé."

    En revanche, dans un arrêt du 28 janvier 1972, publié aux ATF 98 Ib 133
ss, le Tribunal fédéral, statuant sur un recours de droit administratif,
a alloué des dépens au recourant qui obtenait gain de cause, bien
que celui-ci eût omis d'en demander. En matière de recours de droit
administratif, a-t-il dit, le tribunal tranche d'office la question de
l'attribution des dépens (p. 140 consid. 5). Il convient de donner à ce
principe une portée générale.

    Aux termes de l'art. 159 OJ, le Tribunal fédéral décide, en statuant
sur la contestation elle-même, si et dans quelle mesure les frais de la
partie qui obtient gain de cause seront supportés par celle qui succombe
(al. 1); en règle générale, cette dernière est tenue de rembourser tous
les frais indispensables occasionnés par le litige (al. 2 première
phrase). Cette disposition légale ne fait pas dépendre explicitement
l'allocation des dépens de la demande de la partie gagnante. Sa rédaction
incite plutôt à penser que la question des dépens est l'accessoire
de l'objet du procès: le tribunal la tranche d'office, car elle est
déduite en justice avec la contestation elle-même, à laquelle elle est
étroitement liée. Il n'est dès lors pas nécessaire que le plaideur qui
obtient gain de cause réclame expressément des dépens pour s'en voir
attribuer. C'est l'interprétation que LEUCH donne de l'art. 58 al. 1 du
code de procédure civile bernois, dont le texte est analogue à celui
de l'art. 159 al. 2 première phrase OJ ("La partie qui succombe sera,
en règle générale, condamnée au remboursement intégral des dépens de son
adversaire"): vu les termes utilisés, dit-il, l'attribution d'office des
dépens paraît préférable à l'attribution seulement sur demande, car la
réclamation des dépens peut très bien être considérée comme allant de
soi (Die Zivilprozessordnung für den Kanton Bern, 3e éd., p. 95/96, n. 1
ad art. 58; cf., dans le sens de l'allocation d'office, pour l'art. 92
du code de procédure civile vaudois, ROGNON, Les conclusions, étude de
droit fédéral et de procédure civile vaudoise, thèse Lausanne 1974,
p. 101/102, et POUDRET, JdT 1976 III 71 ss; pour le § 68 de code de
procédure civile zurichois, STRÄULI/MESSMER, Kommentar zur Zürcherischen
Zivilprozessordnung, 2e éd., p. 150 n. 1 et la jurisprudence citée).

    Au surplus, l'art. 69 al. 1 PCF dispose que, dans les procès directs
au sens des art. 41 et 42 OJ, le Tribunal fédéral statue d'office sur les
frais, en conformité des art. 153, 156 et 159 OJ. Il n'y a aucun motif
que le tribunal s'en tienne à des principes opposés selon qu'il juge en
instance unique ou en procédure de recours. Le renvoi à l'art. 159 OJ
ne peut, au contraire, que confirmer l'interprétation dégagée du texte
même de cette disposition légale. Le législateur de 1947 a explicitement
précisé ce qui n'était qu'impliqué dans la loi fédérale d'organisation
judiciaire de 1943. Si, selon le message du Conseil fédéral, l'art. 69
al. 1 PCF pose en principe que le juge statue d'office sur les frais
du procès, c'est que la réclamation des dépens va de soi (cf. le texte
allemand, qui ne prête à aucune équivoque, BBl 1947 I 1017 in fine:
"Art. 69 Abs. 1, führt den Grundsatz ein, dass der Richter vom Amtes
wegen über die Prozesskosten entscheidet; denn die Kostenforderung der
Partei ist selbstverständlich"): cette considération a une portée générale.

Erwägung 5

    5.- Ainsi, tranchant d'office la question de l'attribution des dépens,
en procédure de recours comme en instance unique, le Tribunal fédéral peut
allouer des dépens au plaideur qui a obtenu gain de cause sans qu'il les
ait explicitement réclamés. Sont réservés, bien entendu, la renonciation
expresse ou les accords entre les parties.

    En l'espèce, si l'intimée n'a pas pris de conclusion tendant à
l'allocation de dépens au cas où le recours serait rejeté, elle n'y a
cependant pas formellement renoncé. Aucun motif ne justifiait que, bien
qu'obtenant gain de cause, il ne lui fût pas alloué de dépens. Dès lors,
le Tribunal fédéral ne pouvait que s'en tenir à la règle générale de
l'art. 159 al. 2 première phrase OJ. Les conditions d'application de
l'art. 136 lettre b OJ ne sont partant pas réalisées: le tribunal n'est
pas allé au-delà des conclusions de l'intimée en lui accordant plus que
ce qu'elle demandait. La demande de revision ne peut donc qu'être rejetée.