Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 110 V 323



110 V 323

52. Extrait de l'arrêt du 22 octobre 1984 dans la cause Jaccard contre
Société vaudoise et romande de secours mutuels et Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel Regeste

    Art. 2 Abs. 1 lit. a, Art. 14bis Abs. 1 und 4 KUVG, Art. 25 Abs. 4
und 5 Vo V. Eine kantonalrechtliche Bestimmung, die jede Erhöhung der in
Art. 25 Abs. 4 Vo V vorgesehenen Franchise von mindestens 50 Franken je
Krankheitsfall für Versicherte in sehr guten finanziellen Verhältnissen
verbietet, ist bundesrechtswidrig.

Sachverhalt

    A.- Les époux Jaccard sont assurés pour les soins médicaux,
pharmaceutiques et hospitaliers auprès de la Société vaudoise et romande
de secours mutuels (SVRSM), et sont couverts, depuis le 1er janvier 1980,
contre la maladie et l'accident par une assurance pour patients privés
avec, notamment, une franchise unique de 500 francs par année civile. Après
l'entrée en vigueur de la loi neuchâteloise sur l'assurance-maladie
obligatoire pour la couverture des frais médicaux et pharmaceutiques
(LAMO, RSN 821.10) ainsi que de son règlement d'exécution (RAMO, RSN
821.101) - qui, en particulier, interdit aux caisses d'augmenter la
franchise minimale de 50 francs qu'elles sont tenues de percevoir, par
cas de maladie, des assurés se trouvant dans une situation très aisée -,
la SVRSM a proposé aux assurés d'adapter leurs contrats d'assurance au
nouveau droit. Devant leur refus, elle a, par décision du 15 juillet 1981,
remplacé dans leurs assurances la franchise annuelle unique de 500 francs
par une franchise de 50 francs par cas de maladie.

    B.- Les époux Jaccard ont recouru contre cet acte administratif auprès
du Tribunal administratif de la République et Canton de Neuchâtel. Par
jugement du 29 avril 1983, la juridiction cantonale a rejeté le recours.

    C.- La Société vaudoise et romande de secours mutuels ainsi que
Margaretha Jaccard interjettent chacune recours de droit administratif. La
caisse, bien que sa décision ait été confirmée par les juges cantonaux,
entend faire constater que le droit public cantonal en la matière n'est pas
conforme au droit fédéral dans la mesure où le règlement d'exécution de la
loi neuchâteloise sur l'assurance-maladie obligatoire exclut l'application
d'une franchise de 500 francs par année civile aux assurés dans une
situation très aisée; elle conclut à l'annulation du jugement attaqué et
de la décision litigieuse. Pour sa part, l'assurée, qui connaît l'avis de
la caisse et le partage, fait valoir que les prescriptions cantonales,
dont la conséquence est d'exclure une franchise de 500 francs pour les
assurés dans une situation très aisée, sont arbitraires et manquent de
base légale; elle conclut au maintien de l'assurance avec une franchise
unique de 500 francs par année civile.

Auszug aus den Erwägungen:

                   Extrait des considérants:

Erwägung 1

    1.- a) (Jonction de cause.)

    b) Le litige porte en l'espèce sur une décision appliquant le règlement
d'exécution de la loi neuchâteloise sur l'assurance-maladie obligatoire
pour la couverture des frais médicaux et pharmaceutiques. Ainsi que le
Tribunal fédéral des assurances a déjà eu l'occasion de le préciser (ATF
102 V 129; RJAM 1981 No 451 p. 138 consid. 2a), les dispositions prises par
les cantons dans le cadre de l'art. 2 al. 1 let. a LAMA - qui les autorise
à introduire l'assurance-maladie obligatoire - sont de pur droit cantonal,
malgré leur approbation par le Conseil fédéral (art. 2 al. 3 LAMA). Le
recours de droit administratif qui contesterait l'application faite de
la loi cantonale dans le cas d'espèce, c'est-à-dire l'interprétation du
droit cantonal en soi, serait donc irrecevable. Cependant, le recours de
droit administratif dirigé contre une décision qui se fonde à tort sur
le droit cantonal au lieu du droit fédéral est recevable (ATF 110 V 56
consid. 1a). Il en va de même lorsque le premier juge a appliqué à tort
le seul droit cantonal au lieu de tenir compte aussi du droit fédéral,
notamment lorsque l'application de règles cantonales est susceptible de
violer des prescriptions du droit fédéral des assurances sociales.

    Dans le présent cas, il s'agit de statuer sur le point de savoir
si l'application d'une disposition du règlement d'exécution de la loi
neuchâteloise précitée - qui concerne la question de la perception d'une
franchise des personnes dans une situation très aisée - viole le droit
fédéral, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur les recours.
   c) (Pouvoir d'examen limité, v. ATF 104 V 6 consid. 1.)

Erwägung 2

    2.- a) Selon l'art. 14bis al. 1 LAMA, les caisses-maladie
doivent imposer aux assurés une participation aux frais médicaux et
pharmaceutiques; elles doivent mettre en outre à la charge des assurés
majeurs, dans chaque cas de maladie, un montant déterminé par le Conseil
fédéral (franchise). L'al. 4 de cette disposition charge le Conseil fédéral
d'édicter des prescriptions de détail sur la participation aux frais, la
franchise et la taxe sur feuille de maladie, et l'autorise à dispenser,
entièrement ou en partie, de la participation aux frais et de la franchise
les caisses pour lesquelles ces mesures ne se révèlent pas nécessaires,
ou les assurés pour lesquels elles sont trop rigoureuses.

    Le Conseil fédéral a fait usage de cette délégation de compétence
aux art. 24 à 29 de l'Ordonnance V sur l'assurance-maladie concernant la
reconnaissance des caisses-maladie et des fédérations de réassurance, ainsi
que leur sécurité financière, du 2 février 1965 (Ord. V; RS 832.121). Dans
sa teneur en vigueur depuis le 1er septembre 1975, l'art. 25 al. 4 de cette
ordonnance prévoit que, pour les assurés qui se trouvent dans une situation
très aisée, la franchise s'élève à 50 francs au moins par cas de maladie.

    Le canton de Neuchâtel, se fondant sur l'art. 2 al. 1 let. a LAMA,
selon lequel les cantons peuvent déclarer obligatoire l'assurance en
cas de maladie, en général ou pour certaines catégories de personnes, a,
par la loi du 26 juin 1979 sur l'assurance-maladie obligatoire pour la
couverture des frais médicaux et pharmaceutiques, entrée en vigueur le
1er janvier 1981, institué "l'assurance obligatoire pour la couverture
des frais médicaux et pharmaceutiques, au sens de la loi fédérale sur
l'assurance en cas de maladie et d'accidents, du 13 juin 1911 (LAMA)". Dans
un règlement d'exécution de la loi cantonale, du 9 juillet 1980, également
entré en vigueur le 1er janvier 1981, le Conseil d'Etat neuchâtelois a
arrêté, à l'art. 58, que les caisses sont tenues de percevoir des assurés
se trouvant dans une situation très aisée la franchise minimale prévue à
l'art. 25 al. 4 Ord. V, et qu'aucune augmentation de cette franchise ne
peut être appliquée aux personnes soumises à l'assurance obligatoire.

    b) L'art. 14bis LAMA a été introduit dans la loi par la loi fédérale
du 13 mars 1964 modifiant le titre premier de la LAMA (RO 1964 961). Il
convient de relever à cet égard que le projet présenté par le Conseil
fédéral ne prévoyait que la perception - obligatoire - d'une participation
des assurés aux frais médico-pharmaceutiques, dont le taux ne pouvait,
en moyenne, être inférieur à un dixième ni supérieur à un quart; cette
proposition reprenait dans une large mesure la réglementation (arrêté du
Conseil fédéral du 22 juillet 1936 concernant la participation obligatoire
des assurés aux frais médicaux et pharmaceutiques de l'assurance-maladie;
RO 1936 597) et la pratique antérieures (FF 1961 I 1461 et 1522). Mais les
Chambres fédérales ont ajouté à la participation aux frais une franchise
obligatoire, en valeur absolue, l'objectif premier du législateur étant
d'introduire, à côté de la participation proprement dite, une mesure
indépendante afin de libérer les caisses-maladie des "cas bagatelles"
et d'opérer ainsi un transfert de leurs charges sur les cas les plus
importants (BO 1963 CN 483 et ss; ATF 109 V 143).

    L'Ord. V du 2 février 1965, fondée notamment sur l'art. 14bis al. 4
LAMA, stipulait, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 1970, que
"les caisses doivent fixer la franchise prévue à l'art. 14bis, 1er alinéa
de la loi à 15 francs par cas de maladie" et que "pour les assurés dans
une situation très aisée, au sens de l'art. 22, 2e alinéa de la loi,
la caisse peut prévoir une franchise de 150 francs au plus" (art. 26;
RO 1965 94). La légalité de cette disposition n'a jamais été mise en doute.

    Cette réglementation a été modifiée par arrêté du Conseil fédéral,
du 21 décembre 1970. L'art. 24 al. 1 Ord. V, entré en vigueur le 1er
janvier 1971, dit que "à titre de participation aux frais, il est
perçu, au sens de l'art. 14bis de la loi, une quote-part en pour-cent
(participation), mais au moins, pour les assurés majeurs, un montant fixe
par cas de maladie (franchise)". D'autre part, l'art. 25 al. 2 et al. 4
Ord. V, dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 1971 au 31 août 1975,
stipulait que la franchise s'élève en principe à 20 francs par cas de
maladie, et à 30 francs au moins, par cas de maladie, pour les assurés
qui se trouvent dans une situation très aisée. A partir du 1er septembre
1975, ces montants ont été augmentés respectivement à 30 francs et à 50
francs. Ainsi il existe, depuis 1971, un montant minimal obligatoire qui
constitue la limite inférieure de la franchise à la charge des assurés
dans une situation très aisée.

    Il importe donc d'examiner si le Conseil fédéral, en abandonnant une
réglementation fixant un montant maximal à la franchise, a voulu écarter
définitivement toute limite maximale de celle-ci, pour les assurés dans
une situation très aisée. Le Conseil fédéral a tenu compte, dans l'Ord. V,
de la nouvelle teneur de l'art. 22 LAMA et du nouvel art. 22bis LAMA -
qui ont introduit dans la loi, avec entrée en vigueur le 1er janvier 1965,
la notion d'assurés dans une situation très aisée - et a distingué, en
matière de franchise, les assurés qui se trouvent dans une situation très
aisée des autres assurés. A partir de 1971, il a imposé aux caisses et aux
assurés dans une situation très aisée une limite inférieure obligatoire
de la franchise, mais n'a pas maintenu la limite d'un montant maximal
qui figurait dans la réglementation antérieure. A ce sujet, le rapport de
gestion du Conseil fédéral de 1970 (p. 69) précise que l'arrêté précité
du 21 décembre 1970 transforme le mode de financement des caisses-maladie
en un système de répartition clair, modifie les règles concernant la
participation des assurés aux frais et élève cette participation.

    Le Conseil fédéral, en instaurant le système du minimum légal pour
la franchise des assurés dans une situation très aisée, a ainsi édicté
une disposition propre à obliger les caisses à assurer l'équilibre des
recettes et des dépenses, comme elles y sont astreintes par l'art. 9
Ord. V. S'il avait voulu maintenir la limite d'un montant maximal pour
la franchise à la charge des assurés dans une situation très aisée, on
peut admettre que cette limite aurait continué de figurer à l'art. 25
al. 4 Ord. V, ce qui n'est précisément pas le cas.

    c) L'art. 58 RAMO empêche les caisses d'augmenter le montant de la
franchise minimale qu'elles sont tenues de percevoir. Cette interdiction
a pour effet de fixer une limite maximale à la franchise due par les
assurés dans une situation très aisée. Il y a lieu de se demander si cette
disposition est compatible avec l'art. 25 al. 4 Ord. V. Les premiers juges
ont déduit de l'art. 25 al. 5 Ord. V - selon lequel "les montants fixés
aux alinéas 1 à 3 ne peuvent être modifiés ni par les statuts, ni par des
conventions ou par des dispositions sur l'assurance-maladie obligatoire"
- que, a contrario, le montant de 50 francs prévu à l'art. 25 al. 4
Ord. V peut être modifié par les statuts, par des conventions ou par
des dispositions sur l'assurance-maladie obligatoire. Il est vrai que
l'alinéa 5 précité ne mentionne que les alinéas 1 à 3 du même article,
ce qui pourrait justifier - en théorie - un raisonnement a contrario
à propos de l'alinéa 4. Toutefois, l'alinéa 5 ne vise que les montants
fixés aux alinéas 1 à 3, dont il interdit la modification. Or, l'art. 58
RAMO ne modifie pas - à proprement parler - le montant fixé à l'alinéa
4 de l'art. 25 Ord. V, mais contient une réglementation qui change la
portée même de cette disposition. Une interprétation a contrario de
l'art. 25 al. 5 Ord. V ne se justifie pas, du moins dans le sens où
les premiers juges l'ont admis. Au vu des dispositions d'exécution de
l'art. 14bis LAMA édictées par le Conseil fédéral, il est manifeste que
celui-ci a réglé de façon exhaustive la question de la franchise pour
les assurés dans une situation très aisée. En introduisant l'art. 25
al. 4 dans l'Ord. V, il a voulu imposer un minimum légal à la franchise
des assurés de cette catégorie, de sorte qu'il a admis l'éventualité de
franchises différentes, sans imposer de limite maximale. Sur ce point,
l'art. 58 RAMO est incompatible avec l'art. 25 al. 4 Ord. V.

    d) La légalité de l'art. 25 al. 4 Ord. V n'a pas, jusqu'à présent,
été mise en doute. La Cour de céans ne s'est jamais prononcée sur la
validité de cette disposition.

    Le Tribunal fédéral des assurances examine en principe librement la
légalité des dispositions d'application prises par le Conseil fédéral. En
particulier, il exerce son contrôle sur les ordonnances (dépendantes)
qui reposent sur une délégation législative. Lorsque celle-ci est
relativement imprécise et que, par la force des choses, elle donne au
Conseil fédéral un large pouvoir d'appréciation, le tribunal doit se borner
à examiner si les dispositions incriminées sortent manifestement du cadre
de la délégation de compétence donnée par le législateur à l'autorité
exécutive ou si, pour d'autres motifs, elles sont contraires à la loi
ou à la Constitution. Dans l'examen auquel il procède à cette occasion,
le juge ne doit toutefois pas substituer sa propre appréciation à celle
de l'autorité dont émane la réglementation en cause. Il doit au contraire
se borner à vérifier si la disposition litigieuse est propre à réaliser
objectivement le but visé par la loi, sans se soucier, en particulier,
de savoir si elle constitue le moyen le mieux approprié pour atteindre ce
but (ATF 109 V 141 consid. 2b, et la jurisprudence citée dans cet arrêt).

    La délégation contenue à l'art. 14bis LAMA donne à l'autorité exécutive
un large pouvoir d'appréciation. En l'espèce, rien ne permet d'affirmer
que le Conseil fédéral, en édictant une réglementation particulière pour
les assurés dans une situation très aisée, en matière de franchise, qui
impose une limite minimale à la franchise de cette catégorie d'assurés,
ne s'est pas conformé au but visé par la loi. Ainsi qu'on l'a vu, les
Chambres fédérales ont introduit l'art. 14bis LAMA notamment afin de
libérer les caisses-maladie des "cas bagatelles". Selon cette disposition,
un montant déterminé doit être mis à la charge des assurés majeurs. Il
suffit à cet égard de constater que l'art. 25 al. 4 Ord. V tend bien à
exercer une action modératrice sur les coûts de l'assurance-maladie et
vise une catégorie d'assurés particulière parmi les assurés majeurs.

    Les premiers juges invoquent la protection des personnes dont
la situation financière n'est pas très aisée, qui auraient tendance,
selon eux, à choisir de hautes franchises pour bénéficier de faibles
cotisations. Certes, l'art. 25 al. 4 Ord. V, en fixant le montant minimal
de la franchise due par les assurés dans une situation très aisée, mais en
n'imposant aucune limite supérieure, laisse aux caisses la possibilité
de proposer des franchises qui, selon les cas, pourraient rendre la
protection d'assurance illusoire, malgré le fait que l'assurance a été
déclarée obligatoire. Toutefois, il s'agit, en l'espèce, d'assurés qui,
par définition, se trouvent dans une situation très aisée, et dont les
limites de revenu et de fortune sont fixées par les cantons. De ce fait,
la situation des assurés appartenant à cette catégorie est vérifiable selon
les critères adoptés par les cantons, et l'on peut attendre de ces assurés
qu'ils conviennent avec les caisses d'une couverture d'assurance adaptée
aux circonstances. Pour ce motif, un besoin de protection particulier ne
se justifie pas.

    Au vu de ce qui précède, il apparaît que le Conseil fédéral n'a pas
outrepassé les compétences qui lui ont été attribuées à l'art. 14bis LAMA
en édictant l'art. 25 al. 4 Ord. V.