Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 110 II 54



110 II 54

13. Arrêt de la Ire Cour civile du 7 février 1984 dans la cause Tradax
Export S.A. contre Amoco Iran Oil Company (recours en nullité traité
comme recours en réforme) Regeste

    Art. II des New Yorker Übereinkommens über die Anerkennung und
Vollstreckung ausländischer Schiedssprüche vom 10. Juni 1958.

    Gültigkeit einer Schiedsklausel, die darin besteht, dass ein
Konnossement - unterschrieben vom Seefrachtführer und vom Ablader
namens einer Gesellschaft, die im Erdölhandel spezialisiert ist und zur
gleichen Gruppe gehört wie der Befrachter - global auf die Bedingungen des
Frachtvertrages, der eine Schiedsgerichtsklausel enthält, verweist (E. 3).

Sachverhalt

    A.- Le 8 novembre 1978, à New York, fut conclue une charte-partie
("Tanker Voyage Charter Party" sur formule "Asbatankvoy") par laquelle
Amoco Transport Company, ayant son siège aux Bermudes (ci-après: Amoco
Transport) chargeait Tradax Export S.A., société de droit panaméen, dont
le siège social est à Panama City (ci-après: Tradax), de transporter
du pétrole sur le bateau "Carlantic" (en bref) d'Afrique du Nord aux
Etats-Unis. Ce contrat contient dans son texte, sur la même page que
celle où sont apposées les signatures, la clause k suivante:

    "The place of General Average and arbitration proceedings to be

    London/New York (strike out one)."

    Le nom "London" est biffé en l'occurrence. Le contrat se réfère en
outre aux conditions générales figurant au dos du contrat ("Part II");
l'art. 24 de la "Part II", notamment, règle sous le titre "ARBITRATION"
les modalités de l'arbitrage.

    Le 2 décembre 1978, lors du chargement du navire, deux connaissements
furent établis à l'ordre d'Amoco Texas Refining Company, dont le siège
est dans l'Etat du Texas (ci-après: Amoco Texas). Ces connaissements
étaient signés par le capitaine du navire ainsi que par le chargeur, la
Cie des transports par pipelines au Sahara, agissant dans un cas pour la
Cie franco-tunisienne des pétroles et dans l'autre pour Sonatrach pour
compte Total Algérie. La remise du pétrole au port d'arrivée y était
promise "contre paiement du fret selon les clauses et conditions de la
Charte-Partie... y compris la clause de négligence, lesquelles sont sensées
(sic) être incorporées au présent connaissement".

    Lors du déchargement à Houston (Texas, USA), du 29 décembre 1978 au 1er
janvier 1979, il se serait produit une perte de 6192,43 barils de pétrole.

    B.- Le 4 décembre 1980, Amoco Overseas Oil Company (ci-après: Amoco
Overseas), devenu par la suite Amoco Iran Oil Company, ayant son siège
à Chicago (Illinois) (ci-après: Amoco Iran), a assigné Tradax devant
le Tribunal de première instance de Genève - siège de sa succursale
en Suisse - en paiement de 175'000 francs avec intérêt à 5% dès le 1er
janvier 1979. Se prévalant de la clause compromissoire figurant dans la
charte-partie, la défenderesse a opposé un déclinatoire.

    Par jugement du 23 septembre 1982, le Tribunal a rejeté le déclinatoire
et s'est déclaré compétent. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la
Cour de justice du 20 mai 1983.

    C.- Parallèlement à un recours de droit public, la défenderesse
interjette un recours en nullité contre l'arrêt précité. Elle demande
l'annulation de ce dernier avec renvoi de la cause à l'autorité cantonale,
subsidiairement la constatation de l'incompétence des tribunaux genevois
et le renvoi de la demanderesse à mieux agir.

    L'intimée conclut au rejet du recours.

    Le Tribunal fédéral a admis le recours.

Auszug aus den Erwägungen:

                  pour les motifs suivants:

Erwägung 1

    1.- Invoquant l'art. 68 al. 1 lettre a OJ, la recourante reproche
aux juridictions cantonales d'avoir jugé la cause en application du
droit public cantonal (Concordat intercantonal sur l'arbitrage), au
lieu du droit fédéral, soit de la Convention dite de New York pour la
reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères du 10
juin 1958 (RS 0.277.12), dont l'art. II plus particulièrement détermine
la forme du contrat d'arbitrage.

    a) Le recours en nullité n'est ouvert que si le recours en réforme
n'est pas recevable (art. 68 al. 1 OJ). Contrairement à ce que pense la
recourante, l'application du droit cantonal en lieu et place du droit
fédéral déterminant représente aussi une violation du droit fédéral
au sens des art. 43 ss OJ (ATF 82 II 561/2, 81 II 308/9; BIRCHMEIER,
p. 87 et les arrêts cités; WURZBURGER, dans RDS 1975 II p. 82). Ensuite,
le différend au fond est une cause civile dont la valeur litigieuse
dépasse 8'000 francs. Par ailleurs, la décision attaquée est une décision
préjudicielle relative à la compétence matérielle qui peut être attaquée
séparément (art. 49 OJ). Enfin, la règle invoquée par la recourante est
une règle de droit fédéral relative à la compétence matérielle (cf. ATF 86
I 331). Elle figure en effet dans un traité conclu par la Confédération,
qui est d'application directe (cf. pour les clauses sur le for figurant
dans des traités, ATF 99 II 279, 98 II 90), et détermine si un différend
doit être soumis au juge ordinaire ou à une juridiction arbitrale (ATF 78
II 395). Peu importe à cet égard qu'elle relève du droit de procédure et
non du droit civil (ATF 103 II 76, 101 II 170 et arrêts cités). En effet,
dans la mesure prévue, l'art. II de la Convention de New York oblige les
Etats contractants à reconnaître la validité et les effets d'un contrat
d'arbitrage; en cela, il restreint et délimite la compétence matérielle
du juge ordinaire.

    Le recours en nullité doit donc être traité comme recours en réforme
dont il remplit les conditions (ATF 93 II 356).

    b) Dans le recours en réforme, le Tribunal fédéral est lié par les
faits constatés par la dernière juridiction cantonale, sauf les exceptions
prévues par la loi (art. 63 et art. 64 OJ). En particulier, la production
d'une nouvelle pièce, telle que la propose la recourante, est irrecevable
(art. 55 al. 1 lettre c OJ).

Erwägung 2

    2.- Selon l'art. II de la Convention de New York:

    "1. Chacun des Etats contractants reconnaît la convention écrite par
   laquelle les parties s'obligent à soumettre à un arbitrage tous les
   différends ou certains des différends qui se sont élevés ou pourraient
   s'élever entre elles au sujet d'un rapport de droit déterminé,
   contractuel ou non contractuel, portant sur une question susceptible
   d'être réglée par voie d'arbitrage.

    2. On entend par "convention écrite" une clause compromissoire insérée
   dans un contrat, ou un compromis, signés par les parties ou contenus
   dans un échange de lettres ou de télégrammes.

    3. Le tribunal d'un Etat contractant, saisi d'un litige sur une
   question au sujet de laquelle les parties ont conclu une convention
   au sens du présent article, renverra les parties à l'arbitrage,
   à la demande de l'une d'elles, à moins qu'il ne constate que ladite
   convention est caduque, inopérante ou non susceptible d'être appliquée."

    Cette disposition ne se rapporte pas directement - contrairement aux
autres dispositions de la Convention - à l'exécution et à la reconnaissance
des sentences arbitrales étrangères, mais oblige les Etats contractants à
reconnaître, sous certaines conditions, le contrat d'arbitrage lui-même,
avec pour effet de soustraire au juge ordinaire le différend que ce contrat
a pour objet de résoudre. En effet, dans les relations entre Etats liés par
cette Convention, l'art. II devait remplacer le Protocole de Genève du 24
septembre 1923 relatif aux clauses d'arbitrage (cf., à ce sujet, art. VII
ch. 2 de la Convention de New York, FF 1964 II 625, 629/630; P. SANDERS,
Arbitrage international commercial, vol. II p. 292 ss, spéc. 304; KLEIN,
La Convention de New York..., RSJ 1961, p. 229 ss, spéc. p. 232).

    Tant les Etats-Unis d'Amérique que la Suisse étant parties à
la Convention de New York, l'art. II de celle-ci régit en l'espèce
le différend entre parties. C'est donc de manière légitime que la
recourante invoque in casu cette disposition en faisant valoir que
l'autorité cantonale ne l'aurait pas prise en considération.

Erwägung 3

    3.- La recourante estime que, par l'effet d'un renvoi à la
charte-partie, les connaissements en cause comportent une clause
compromissoire écrite répondant aux exigences de forme de l'art. II de
la Convention de New York.

    a) Il résulte du texte même de la Convention - et l'opinion dominante
admet - que l'art. II contient des règles d'application uniforme qui, dans
le champ d'application de la Convention, remplacent le droit national (FF
1964 II 631; KLEIN, op.cit., p. 235; SANDERS, op.cit., p. 308; SCHLOSSER,
Das Recht der internationalen privaten Schiedsgerichtsbarkeit, vol. I,
p. 332 ss; FOUCHARD, L'arbitrage commercial international, p. 80 ss (avec
réserves); SCHWAB, Schiedsgerichtsbarkeit, 3e éd., p. 345 ss; BERTHEAU,
Das New Yorker Abkommen vom 10. Juni 1958 über die Anerkennung und
Vollstreckung ausländischer Schiedssprüche, thèse Zurich 1965, p. 30; VAN
DEN BERG, The New York Arbitration Convention of 1958, p. 170 ss). C'est
dès lors exclusivement à la lumière de cette disposition conventionnelle
que doit être résolue la question de la validité de la clause litigieuse.

    b) La forme écrite exigée par l'art. II de la Convention de New York
dans le premier terme de l'alternative de son chiffre 2 implique que le
contrat d'arbitrage soit signé "par les parties", soit par les personnes
obligées par ledit contrat d'arbitrage, autrement dit par toutes celles qui
décident de s'y soumettre, renonçant par là à la garantie du juge naturel.

    En l'espèce, les deux connaissements établis lors du chargement du
navire ont été signés par le capitaine (pour Tradax) et par le chargeur
(Cie des transports par pipelines au Sahara "Trapsa"); ils sont en outre
libellés à l'ordre d'Amoco Texas. S'ils ne comportent pas la signature
de cette dernière en tant que bénéficiaire, il faut admettre - vu la
signification de l'opération - que le chargeur, en se faisant délivrer
un connaissement, agissait pour le compte d'Amoco Texas, laquelle
acquérait de cette manière un droit de propriété sur la marchandise,
affecté de certaines restrictions (pour le respect de la forme écrite
par la signature conjointe du capitaine et du chargeur, cf. SCHLOSSER,
op.cit., I p. 345 No 351). Il n'est pour le surplus pas contesté que
les connaissements en cause remplissent les autres conditions de forme
du contrat écrit. Indépendamment de la question de son efficacité (cf.
ci-dessous), la clause de renvoi litigieuse respecte donc la forme écrite
prévue par la Convention.

    c) Il convient dès lors d'examiner si le texte signé des
connaissements, plus particulièrement la clause générale qu'ils contiennent
renvoyant aux conditions de la charte-partie, emporte l'adhésion des
parties à un contrat d'arbitrage. Il est à cet égard incontesté que la
charte-partie contient elle-même une clause compromissoire valable.

    aa) De manière générale, s'agissant d'un accord se référant à un
contrat séparé où l'on trouve défini - notamment dans des conditions
générales - l'objet du compromis arbitral, la jurisprudence et la doctrine
étrangère paraissent admettre, lorsque la référence à la clause arbitrale
est spécifique, la validité de cette dernière. En revanche, lorsque la
référence à l'autre contrat est globale, les opinions divergent quant à
la validité de la clause d'arbitrage. Si certains tribunaux et auteurs
tiennent en général ce renvoi pour insuffisant, d'autres en admettent
la validité lorsque les parties connaissaient toutes deux les conditions
générales, par exemple pour en avoir reçu un exemplaire ou encore parce
qu'elles sont entre elles en relations d'affaires suivies (cf. sur ces
questions notamment VAN DEN BERG, op.cit., p. 208 ss, spéc. p. 217 ss;
SCHLOSSER, op.cit., I p. 339 ss, No 347 ss; SCHWAB, op.cit., p. 346).

    On rencontre des divergences similaires concernant plus spécialement
la validité d'un renvoi aux clauses de la charte-partie contenu dans un
connaissement (cf. VAN DEN BERG, op.cit., p. 220); SCHLOSSER, op.cit.,
I p. 343 ss; REITHMANN, Internationales Vertragsrecht, 3e éd., Nos 469,
470, p. 398/9).

    bb) Le texte de l'art. II de la Convention de New York ne se prononce
pas sur le point de savoir si, pour être efficace, le renvoi à des
conditions stipulées dans un autre document doit contenir une référence
spécifique à la clause compromissoire. Aussi convient-il d'interpréter
cette disposition selon son but et en fonction des intérêts qu'elle entend
manifestement protéger. La Convention a pour but de faciliter la solution
des différends par la voie de l'arbitrage, compte tenu en particulier
des besoins du commerce international; néanmoins, l'exigence de la forme
écrite prévue à l'art. II de la Convention tend à protéger les intéressés
d'engagements inconsidérés impliquant renonciation au for et au juge
ordinaires. Du point de vue des intérêts en présence, la validité d'une
clause compromissoire doit s'apprécier en fonction des circonstances du
cas particulier. Ainsi, on aura égard au fait qu'elle a été conclue entre
commerçants rompus aux affaires ou entre personnes inexpérimentées; de
même, on pourra exiger une attention différente des signataires suivant
que le contrat renvoie aux clauses d'un autre contrat censé connu ou à
des conditions générales dont on ignore si elles sont connues.

    cc) En l'occurrence, aussi bien Amoco Texas qu'Amoco Transport et
Tradax peuvent être considérées comme des sociétés commerciales rompues
aux opérations liées au transport et au commerce d'hydrocarbures. Elles
sont donc censées connaître les formules habituelles de charte-partie,
telle la formule "Asbatankvoy", utilisées pour le transport du pétrole.

    Par ailleurs, si le bénéficiaire du connaissement n'est pas
nécessairement l'affréteur, la charte-partie et le connaissement relatifs
au même transport maritime n'en sont pas moins étroitement liés. En effet,
le propriétaire de la marchandise ne pourra obtenir celle-ci à l'endroit
ou aux conditions prévus que si le contrat de transport est régulièrement
exécuté; il est dès lors compréhensible que les parties entendent définir
les droits du propriétaire (titulaire du connaissement) dans les limites du
contrat de transport. On peut aussi s'attendre qu'elles soumettent au même
juge la connaissance d'un différend relatif à une exécution défectueuse,
que le demandeur se fonde sur le contrat de transport ou le connaissement.

    Enfin, dans le cas particulier, le connaissement se réfère à l'ensemble
des clauses et conditions de la charte-partie, dans lesquelles il faut
inclure la clause arbitrale même si cela n'est pas dit expressément.

    En pareilles circonstances, Tradax était en droit de comprendre que
l'adhésion de son cocontractant, agissant en faveur d'Amoco Texas, au
texte du connaissement, emportait son adhésion à la clause compromissoire
contenue dans la charte-partie conclue avec Amoco Transport. En effet,
elle pouvait partir de l'idée qu'Amoco Texas, rattachée au groupe Amoco,
connaissait ou devait connaître ces modalités du contrat de transport
- y compris la clause compromissoire usuelle - et que, par renvoi à
ces conditions, elle était d'accord, elle aussi, de s'y soumettre. Peu
importe que la date de la charte-partie n'eût pas été mentionnée dans les
connaissements, du moment que la référence à ce document était conforme
à la nature du connaissement.

    dd) Cela étant, il est superflu de rechercher si, indépendamment
de l'appartenance de l'affréteur et du bénéficiaire du connaissement au
même groupe de sociétés, il ne faudrait pas déjà admettre la validité de
la clause compromissoire du seul fait du renvoi global du connaissement
aux conditions de la charte-partie, en raison des liens organiques liant
l'un à l'autre.

    d) Le déclinatoire est donc fondé, sans qu'il soit nécessaire
d'examiner les autres moyens de la recourante, en particulier celui
pris d'un prétendu rapport de représentation entre Amoco Transport et
Amoco Texas.