Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

BGE 110 II 304



110 II 304

61. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 7 juin 1984 dans la
cause X. S.A. contre Commission cantonale de recours en matière foncière
du canton de Vaud (recours de droit administratif) Regeste

    Art. 19 Abs. 1 lit. c EGG.

    Verkauf einer zu einem landwirtschaftlichen Heimwesen gehörenden
Parzelle; Begriff der Existenzfähigkeit.

    Die Existenzfähigkeit eines landwirtschaftlichen Heimwesens im
Sinne von Art. 19 Abs. 1 lit. c EGG ist ein objektiver Begriff. Das
Mindesteinkommen, das ein Heimwesen einbringen muss, um einem Bauern
und seiner Familie als Lebenszentrum und Grundlage für den Betrieb eines
landwirtschaftlichen Gewerbes zu dienen, bestimmt sich nach einem mittleren
Jahresertrag unter Berücksichtigung einer normalen Verschuldung; die (zu
hohen) auf dem Heimwesen lastenden Schulden dürfen bei der Berechnung
des Mindesteinkommens nicht berücksichtigt werden (Bestätigung der
Rechtsprechung).

Sachverhalt

    A.- X. S.A., dont l'administrateur, Y., détient 230 actions et sa femme
les 20 autres, est propriétaire, depuis 1964, d'un domaine agricole d'un
seul tenant, situé à E. Ce domaine avait, à l'époque de son acquisition par
cette société, une contenance de quelque 29 hectares (ha), dont environ
27 ha de prés-champs et 2 ha de forêts. Il comportait deux importants
bâtiments, l'un, de 606 m2, comprenant une partie habitable, un rural, un
hangar et une porcherie, l'autre, de 474 m2, ayant une partie habitable
de quatre logements et un rural avec une écurie; un troisième bâtiment,
plus petit, de 50 m2, renferme un logement au-dessus d'un réservoir et
d'un garage. En janvier 1983, X. S.A., représentée par l'administrateur
Y., a vendu une parcelle de 5200 m2, savoir 4594 m2 en nature de pré-champ
et 606 m2, surface du bâtiment comprenant la porcherie, à dame Z., qui
entraîne des chevaux de course; cette dernière a aménagé onze boxes pour
chevaux dans l'ancienne porcherie et a transformé la partie habitable. Le
domaine est grevé de dettes hypothécaires s'élevant à 950'000 francs en
premier rang et 175'000 francs en second rang.

    Dame Z. souhaite acquérir la parcelle No 320, de 62'810 m2,
voisine de celle dont elle est propriétaire, afin d'y installer une
piste d'entraînement pour chevaux et d'y produire du foin. X. S.A. a
intérêt à cette opération, qui lui permettrait de diminuer les charges
hypothécaires. Les parties ont saisi la Commission foncière, Section
I, du canton de Vaud d'une requête "en vue d'obtenir une décision de
renonciation à former opposition" à cette vente.

    Le 25 mars 1983, ladite commission a rejeté cette requête et a refusé
"l'autorisation sollicitée par X. S.A. de vendre à dame Z. la parcelle
No ... de 62'810 m2 de la Commune d'E. pour le prix approximatif de
160'000 francs".

    B.- Par prononcé du 18 août 1983, la Commission cantonale vaudoise
de recours en matière foncière (ci-après: CCR) a rejeté le recours formé
par X. S.A. contre la décision de la Commission foncière, Section I,
et l'a maintenue.

    C.- X. S.A. a formé un recours de droit administratif au Tribunal
fédéral. Elle demande que la décision déférée soit réformée en ce sens
que l'autorisation qu'elle sollicite de vendre à dame X. la parcelle
... de 62'810 m2 de la commune d'E. pour le prix approximatif de 200'000
francs est accordée.

    Le Département fédéral de justice et police, Office fédéral de la
justice, estime que l'opposition n'est pas fondée et conclut à l'admission
du recours sur la base de l'art. 104 lettre a OJ.

Auszug aus den Erwägungen:

                  Extrait des considérants:

Erwägung 2

    2.- a) Aux termes de l'art. 18 LPR, les cantons sont autorisés à
instituer pour leur territoire une procédure d'opposition aux contrats de
vente portant sur des domaines agricoles ou des biens-fonds agricoles. Le
canton de Vaud a fait usage de cette faculté. L'art. 19 al. 1 lettre c LPR
dispose qu'il peut être fait opposition si la vente a pour effet de rendre
une exploitation agricole non viable, à moins que les biens-fonds ne soient
acquis en vue de bâtir ou d'utiliser le sol à des fins artisanales ou
industrielles et qu'ils ne se prêtent à ces usages, ou que la suppression
de l'exploitation ne soit commandée par d'autres justes motifs.

    Il faut entendre par domaine agricole l'ensemble des terres et des
bâtiments qui est propre à constituer, pour le paysan (propriétaire
ou fermier) et sa famille, le centre de son existence et la base de
l'exploitation d'une entreprise agricole (ATF 107 II 378 consid. c bb,
94 I 176, 92 I 316, 89 I 57, 231). Il s'agit d'une unité économique
(cf. Message du Conseil fédéral à l'appui du projet de loi sur le maintien
de la propriété foncière rurale du 30 décembre 1947, FF 1948 I, p. 54),
formée d'un groupe de choses au sens juridique du terme, soit d'immeubles;
la vente d'un domaine agricole revêt dès lors juridiquement la forme de
la vente de plusieurs immeubles (ATF 107 II 379).

    Selon la jurisprudence (ATF 92 I 316 et les références), la
procédure d'opposition de l'art. 19 LPR s'applique aussi aux petits
domaines agricoles, qui ne suffisent pas à assurer l'existence d'une
famille paysanne. Le Tribunal fédéral a précisé que la loi tend, par
cette procédure, à maintenir en Suisse le plus grand nombre possible de
domaines propres à servir de base à l'existence d'une famille paysanne
(ATF 97 I 551 consid. 4a et les références).

    L'art. 19 al. 1 lettre c LPR, selon lequel il peut être formé
opposition si la vente a pour effet de rendre une exploitation agricole
non viable, vise, d'une part, l'aliénation partielle (soit d'un ou de
plusieurs biens-fonds ou bâtiments qui sont des éléments constitutifs du
domaine), à la suite de laquelle les immeubles restants ne suffisent pas
pour servir de base à l'existence d'une famille paysanne, et, d'autre part,
l'aliénation totale, lorsque celle-ci a pour conséquence la suppression
d'une exploitation agricole (ATF 97 I 551 consid. 4, 92 I 419 consid. 3).

    Selon la jurisprudence, en cas d'aliénation d'un ou de plusieurs
biens-fonds faisant partie d'un domaine agricole, celui-ci est rendu non
viable au sens de l'art. 19 al. 1 lettre c LPR lorsque, amputé de la ou
des parcelles vendues, il ne peut plus constituer la base de l'existence
d'une famille de paysans (ATF 88 I 327/328 consid. 2), et ce, même si,
avant la vente déjà, le domaine ne suffisait pas à lui seul à entretenir
convenablement une famille paysanne (ATF 89 I 59 consid. 3). Le revenu
minimum nécessaire pour qu'un domaine puisse être considéré comme propre
à être le centre de l'existence d'une famille paysanne et la base d'une
exploitation agricole se détermine en partant d'un rendement annuel
moyen compte tenu d'un endettement normal, et non pas des dettes grevant
effectivement le domaine, si l'endettement est de fait trop élevé (ATF
89 II 20 ss consid. 2; PIDOUX, Droit foncier rural, RDS 1979 II, p. 402).

    b) En l'espèce, le domaine appartenant à X. S.A. constitue un domaine
agricole au sens de l'art. 19 LPR. La CCR constate qu'il comprend 284'714
m2, dont 26 ha de prés-champs et 2 ha de bois, d'un seul tenant, et des
bâtiments importants en parfait état (notamment une écurie double, une
fosse à purin en ordre, des silos récents), qui ont été utilisés jusqu'en
octobre 1982. Elle retient que l'administrateur Y. a exploité ce domaine
personnellement jusqu'en 1979, en faisant de l'engraissement de bétail
et de porcs, qu'actuellement il loue les quatre appartements de l'un des
bâtiments, le rural étant inutilisé, et que deux agriculteurs exploitent
respectivement 14 ha et demi et 5 ha, selon un arrangement provisoire
passé avec lui.

    L'autorité cantonale de dernière instance relève que le domaine
est situé à 800 m d'altitude et a donc un rendement inférieur à une
exploitation de plaine, qu'il se trouve dans une zone de non-ensilage
et que le contingent laitier qui pourrait être obtenu serait minime,
et qu'en outre il existe un certain déséquilibre entre l'importance des
bâtiments et la surface des terres. Elle admet néanmoins que, même si la
parcelle No ..., de 62'810 m2, était vendue et que la surface du domaine
était ramenée à 221'904 m2, il serait en principe encore viable, comme
le soutient X. S.A. Cependant, elle estime qu'il ne faut "pas raisonner
dans l'abstrait, mais considérer l'ensemble des circonstances du cas
pour déterminer la viabilité". A cet égard, elle retient que "le domaine
... est si lourdement hypothéqué qu'il est juste viable actuellement et
ne le serait plus si on l'amputait de 6 ha, la vente ne permettant que
de rembourser l'hypothèque en deuxième rang, que c'est un non-sens de
diminuer la surface de ce domaine d'un seul tenant et d'accentuer encore
le déséquilibre entre les bâtiments et les terres en laissant inutilisé le
rural en parfait état". Elle conclut "que la vente de 6 ha ne résoudrait
pas durablement les problèmes financiers de M. Y. qui, inéluctablement,
devrait vendre peu à peu d'autres parcelles, qu'il s'agit donc bien là
d'un démembrement au sens de l'art. 19 al. 1 c LPR".

    La recourante soutient que la CCR a violé la disposition précitée
en jugeant que l'opposition à cette opération se justifiait au motif
que l'exploitation du domaine ne serait plus rentable. C'est également
l'avis de l'Office fédéral de la justice. Selon lui, l'autorité cantonale
a modifié la notion de viabilité "en en complétant la définition par des
facteurs de démembrement qui lui sont étrangers: charge hypothécaire trop
lourde pour que le domaine reste viable, danger de ventes ultérieures
pour remédier aux difficultés de la situation présente". L'Office dit
ne pas pouvoir "suivre une telle interprétation, car elle revient à
étendre les cas d'opposition prévus limitativement par le droit fédéral;
et aucun canton ne saurait aggraver pour son territoire l'atteinte portée
à la garantie de la propriété et au principe de la liberté contractuelle
(ATF 93 I 679 ...)".

    Les critiques formulées par la recourante et l'Office fédéral
de la justice à l'encontre de l'opinion de la CCR sont fondées. La
viabilité d'un domaine agricole, au sens de l'art. 19 al. 1 lettre c
LPR, est une notion objective: comme on l'a vu, est viable le domaine
agricole qui a une surface suffisante et des bâtiments (habitation et
rural) adéquats pour qu'il puisse servir de base à l'existence d'une
famille paysanne, même s'il ne permet pas à lui seul de l'entretenir;
le revenu du domaine nécessaire à cet effet se calcule en tenant compte
d'un endettement normal. L'autorité cantonale de dernière instance admet
que le domaine appartenant à la recourante, même après la vente de la
parcelle No ..., continuerait à être viable, eu égard à la contenance
restante de quelque 22 ha et aux bâtiments. Il s'ensuit que l'opposition
à cette vente ne saurait être fondée au regard de l'art. 19 al. 1 lettre c
LPR. La circonstance que le domaine est grevé de 950'000 francs de dettes
hypothécaires en premier rang et d'une cédule en second rang de 175'000
francs, en sorte que la vente de la parcelle No ... pour quelque 200'000
francs ne suffirait pas à assainir la situation, est sans incidence sur
la viabilité comme telle du domaine. Il n'importe pas non plus que, même
après remboursement du montant de la cédule hypothécaire en deuxième rang
au moyen du produit de la vente, le revenu du domaine ne suffirait pas à
assurer le service de la dette hypothécaire en premier rang. La viabilité
du domaine comme telle n'est pas influencée par le surendettement de
la société propriétaire, ni non plus par la circonstance que celle-ci
pourrait être inéluctablement amenée à vendre d'autres parcelles pour
faire face à sa situation financière obérée. L'autorité cantonale fait
une confusion entre la viabilité objective d'une exploitation agricole
et la possibilité pour son propriétaire de payer les intérêts et les
amortissements sur les dettes hypothécaires exagérées dont elle est grevée.

    c) La CCR estime à tort qu'il n'y a pas, du côté de la venderesse,
de justes motifs permettant de renoncer à une opposition à la vente
projetée, dès lors que "la situation financière de M. Y. ne serait
... pas véritablement améliorée" par cette vente. Là encore, l'autorité
cantonale méconnaît le but, le sens et la portée de l'art. 19 al. 1 lettre
c LPR. Etant donné que la viabilité du domaine n'est pas atteinte, mais
au contraire subsiste après la vente de 62'810 m2 à dame Z., il n'y a
pas lieu d'examiner si des justes motifs, du côté de la venderesse ou
de l'acheteuse, existent ou non, qui seraient de nature à fonder une
renonciation à une opposition.

    d) Il suit de là que la décision attaquée viole l'art. 19 al. 1 lettre
c LPR: elle doit donc être annulée et l'opposition levée.